LES PRÉFÉRENCES ALIMENTAIRES DU CERF DE VIRGINIE SELON LE CONTENU BIOCHIMIQUE DES PLANTES ET LA SAISON

LES PRÉFÉRENCES ALIMENTAIRES DU CERF DE VIRGINIE SELON LE CONTENU BIOCHIMIQUE DES PLANTES ET LA SAISON

Besoins nutritionnels

Les besoins nutritionnels spécifiques des cerfs varient au cours d’ une année (Brown et Doucet 1991). Ces variations restent toutefois encore mal connues. On sait que la demande printanière et estivale en azote (azote*6,25 = protéines brutes (Robbins 1993)) est élevée pour la période de lactation chez les femelles (Provenza 1995) et pour la croissance en général, surtout chez les jeunes qui ont un besoin relatif (i.e. par unité de masse corporelle) plus élevé que les adultes (Provenza 1995). La croissance des bois chez les mâles, bien qu’elle nécessite beaucoup de phosphore et de calcium, requiert aussi des protéines (Asleson et al. 1997). Le taux d’ingestion en protéines décline en hiver par rapport à l’ été (Parker et al. 1999). D’ une part, la disponibilité des protéines est très réduite dans la nourriture disponible durant cette période (Hanley 1982). D’autre part, chez les cerfs nordiques, la croissance somatique cesse pendant l’hiver (Suttie et Webster 1995), diminuant ainsi les besoins protéiques (Asleson et al. 1996). En hiver, c’ est plutôt la demande énergétique qui prime, comme l’ ont suggéré les travaux de Berteaux et al. (1998) et ceux de Parker et al. (1999). Ces derniers ont observé que les cerfs de Virginie sélectionnaient spécifiquement la nourriture la plus concentrée en énergie digestible pendant l’hiver. Ammann et al. (1973) quant à eux ont démontré la capacité des cerfs de Virginie à réguler leur prise d’énergie à un niveau constant à partir d’une diète de digestibilité variable, tandis que Tixier et al. (1997) ont démontré une relation positive entre les préférences alimentaires du chevreuil (Capreolus capreolus) et le contenu en sucres solubles (énergie digestible) pendant l’hiver, le printemps et l’été.

Chiba et al. (1991) ont trouvé que le serow japonais (Capricornus cris pus) choisi les plantes dont le contenu en sucres est élevé. Pour les autres nutriments, peu de choses sont connues. Hanley (1997) mentionne que les déficiences minérales sont la plupart du temps locales. En général, les écologistes de la nutrition s’entendent pour dire que l’énergie et les protéines sont les nutriments les plus sujets à être limitants (Robbins 1993, Hanley 1997, Spalinger 2000). Au niveau cellulaire, la demande nutritionnelle des cerfs est essentiellement la même que pour l ‘ humain ou d’autres carnivores ou omnivores (Robbins 1993). Toutefois, les cerfs sont des ruminants avec un estomac composé typique (rumen, réticulum, omasum et abomasum) (Verme et Ullrey 1984). Par conséquent, leur demande nutritionnelle n’est pas seulement comblée par les nutriments de leur nourriture, mais aussi par les nutriments synthétisés par les microorganismes symbiotiques contenus dans leur rumen et leur réticulum (Verme et Ullrey 1984). Cette association leur permet notamment de synthétiser des acides aminés essentiels (Robbins 1993) et des vitamines à partir d’autres composantes de leur alimentation (Spalinger 2000). En plus, leur flore microbienne est efficace à digérer des constituants végétaux (e.g. cellulose) qui ne seraient normalement pas digérés par un mammifère non-ruminant (Verme et Ullrey 1984, Spalinger 2000).

Composition des végétaux

Les particularités physiques des plantes influencent surtout leur taux de consommation par les cerfs. Les épines, les spicules, la pubescence, l’organisation tridimensionnelle des plantes et la « dilution » de matière vivante à travers la matière sénescente sont des facteurs qui limitent la consommation par les herbivores (Spalinger 2000). La composition chimique des plantes, reconnue comme principal facteur déterminant le choix alimentaire, influence grandement leur digestibilité, donc la quantité de nutriments que les cerfs peuvent en retirer (Verme et Ullrey 1984). Les tissus végétaux sont composés d’une multitude de composantes chimiques possédant chacune leur propre taux de digestion. On sépare généralement les composantes cellulaires en deux groupes quant à leur digestibilité: le contenu cellulaire et les parois cellulaires. Les proportions du contenu cellulaire et des parois cellulaires influencent directement la digestibilité (Verme et Ullrey 1984). Le contenu cellulaire, facile à digérer, comprend toutes les composantes de la cellule vivante. Il inclut de l’ amidon, des sucres, des protéines, des lipides et des acides nucléiques. Les parois cellulaires, dont la digestion est plus difficile, sont composées principalement de glucides complexes comme la cellulose et l’hemicellulose, et d’ autres composés organiques et inorganiques dont les plus importants sont la lignine, la pectine, les protéines des parois cellulaires, la cutine, la subérine et la silice (Robbins 1993, Spalinger 2000). Ces composés peuvent réduire « physiquement » la digestion. La lignine résiste à l’hydrolyse enzymatique acide chez des êtres vivants de plusieurs mveaux taxinomiques (e.g. les bactéries, les protozoaires et les vertébrés) (Robbins 1993).

Elle est donc hautement indigeste. La digestibilité de la pectine varie selon la durée de la fermentation gastrointestinale, tandis que la cutine et la subérine, bien que légèrement digestibles, peuvent entraver la digestion d’autres polysaccharides disponibles dans la paroi cellulaire. Finalement, malgré son absence dans certains groupes de plantes (dicotylédones), la silice réduit la digestibilité de la paroi cellulaire, augmente l’abrasion des dents et encourage la formation de calculs urinaires (Robbins 1993). La réduction de la digestion par les composés de la paroi cellulaire est fonction de leur quantité, ce qui leur mérite à juste titre le nom de composés de défense quantitatifs (Spalinger 2000). Danell et al. (1994) ont obtenu une forte relation négative entre les préférences alimentaires des caribous (Rangifer tarandus) et la teneur en fibres résistantes au détergent acide (ADF) (cellulose, lignine, cutine, subérine), relation obtenue également pour le chevreuil en Europe par Tixier et al. (1997) en été et en hiver, pour le cerf rouge en Nouvelle-Zélande par Forsyth et al. (2005) au cours de l’été, et pour le serow japonais par Deguchi et al. (2001) durant l’automne. Ces composés structuraux jouent donc un rôle important dans la nutrition des cerfs.

Composés secondaires Les plantes possèdent également tout un arsenal de composés dits secondaires de faible poids moléculaire qui peuvent interférer avec la croissance, le fonctionnement nerveux et tissulaire, la reproduction et la digestion des organismes qui les ingèrent. Freeland et Jansen (1974) ont démontré que la présence de composés secondaires dans la nourriture peut nuire à l’animal qui la consomme. Bryant et Kuropat (1980) mentionnent que les herbivores subarctiques tels que la gélinotte huppée (Bonasa umbellus), les lièvres (Lepus americanus et L. timidus), l’orignal (Alees alces) et le castor (Castor canadensis) ne sélectionneraient pas leur nourriture hivernale en fonction de l’énergie brute ou de nutriments d’ importance, mais plutôt pour éviter la consommation de différents composés secondaires. Les trois groupes de composés secondaires les plus courants sont les phénols solubles, les terpènes et les alcaloïdes (Robbins 1993). On les nomme aussi composés de défense qualitatifs, puisque leurs effets ne dépendent pas tant de leur quantité, mais surtout de leur présence ou absence ainsi que de leur degré d’ efficacité (Spalinger 2000).

Les tannins font partie du groupe des composés phénoliques solubles, mais sont considérés comme une défense quantitative. Ils agissent en se liant aux protéines et en les rendant indigestes (Spalinger 2000). On les retrouve dans 17 % des plantes annuelles non ligneuses, 14 % des herbacées vivaces, 79 % des vivaces ligneuses décidues et 87 % des vivaces ligneuses à feuilles persistantes (Robbins 1993). Hanley et al. (1992) ont démontré une réduction de la digestibilité causée par les tannins chez les ruminants. L’exclusion de certaines plantes ligneuses par quelques ruminants sauvages serait liée à une forte teneur en tannin d’ après Owen-Smith et Cooper (1987). Clausen et al. (1990) arrivent à des conclusions similaires pour les chèvres (Capra hircus). De nombreux autres composés phénoliques sont présents dans les plantes. Leur détoxification et leur excrétion sont coûteuses en énergie (Spalinger 2000), leur analyse est complexe et spécifique à chacun. Dans le cadre de notre étude, les tannins sont les composés qui nous ont intéressés particulièrement, d’abord parce qu ‘ ils sont les plus susceptibles de se retrouver dans les plantes utilisées, mais aussi puisque leur quantification est importante dans le calcul de la digestibilité de la matière sèche (dry-matter digestibility (DMD)) élaboré par Robbins et al. (1987a). En somme, les composées secondaires représentent un coût pour les herbivores (McArthur et al. 1993). Lorsque l’azote et les micronutriments sont en quantité suffisante, les herbivores généralistes comme les cerfs devraient tenter de maximiser le gain d’ énergie tout en minimisant l’ingestion de composés secondaires (Bryant et al. 1992).

Variations annuelles du contenu des plantes Les plantes n’ont pas une composition statique au cours d’une année. Les réserves en nutriments sont fortement cycliques dans les environnements tempérés et arctiques (Owen- Smith 1988). Au printemps, les plantes atteignent leur pic de croissance et de qualité nutritionnelle en peu de temps (Rue III 1978). Les protéines sont abondantes dans les plantes lors de leur croissance ou régénération après coupe, au moment où les procédés anaboliques sont en cours, mais elles se raréfient ensuite avec la maturité croissante des plantes lorsque l’accent est mis sur les composantes des parois cellulaires pour le support structural (Rue III 1978, Robbins 1993, Lesage et al. 2000). Ces changements impliquent une augmentation de la teneur en fibres, ce qui diminue la digestibilité de la plante (Verme et Ullrey 1984, Albon et Langvatn 1992, Kolhmann et Risenhoover 1994). À titre d’exemple, dans une plante, le contenu en cellulose peut varier de 2 à 40 % et le contenu en protéine de 5 à 25 % au cours d’une même saison (Maizeret et al. 1991, Robbins 1993).

En région tempérée, la biomasse totale est la plus élevée en août, mais la qualité nutritionnelle, à quelques exceptions près (Tremblay 1981), a déjà commencé à diminuer à ce moment et continuera à décroître davantage jusqu’à la prochaine saison de croissance (Owen-Smith 1988). Au moment où les cerfs doivent engraisser en prévision de la saison hivernale, notamment en consommant des glucides simples ou des gras végétaux, les plantes ont une qualité nutritionnelle réduite. La sélection alimentaire devient alors un pré-requis pour la survie puisque les nutriments disponibles varient d’une espèce végétale à une autre et d’ une partie de plante à une autre, les plus jeunes plantes étant plus nutritives CHanley 1982).

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Table des matières

AVANT -PROPOS ET REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
CHAPITRE 1 – Introduction générale
1.1 Mise en contexte
1.2- Synthèse des connaissances
1.2.1 Besoins nutritionnels
1.2.2 Composition des végétaux
1.2.3 Variations annuelles du contenu des plantes
1.3- Objectifs
CHAPITRE 2 – MANUSCRIT: Are feeding preferences of white-tailed deer related to plant constituents?
ABSTRACT
INTRODUCTION
METHODS
STUDY SITE
ANIMALS
ESTIMATING PREFERENCES
FORAGE ANAL YSES
STA TISTICAL ANALYSES
RESULTS
PLANT SPECIES PREFERENCES
LINKING PLANT PREFERENCES TO CHEMICAL CONTENT
DISCUSSION
ACKNOWLEDGEMENTS
CONCLUSION GÉNÉRALE
3.1 Préférences générales
3.2 Synthèse
3.3 Avenues de recherche
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE
ANNEXE 1 – Tests de préférence hivernaux

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