Les prédicats nominaux du Malgache

L’étude des prédicats nominaux est devenue, depuis quelques temps, un sujet d’actualité qui suscite l’intérêt des linguistes presque dans le monde entier. On s’accorde à dire que le premier linguiste européen à avoir signalé, nommé et situé les actualisateurs des prédicats nominaux au sein d’une grammaire dans un cadre méthodologique moderne était Otto Jespersen . Son œuvre est composée d’enseignements et d’articles s’étendant sur une vingtaine d’années. Jespersen y baptise light verb ce que l’école du Lexique-grammaire de Maurice Gross puis celle de Gaston Gross décriront sous le nom de verbe support. On peut dire que ce concept a fait rebondir l’histoire de l’étude des langues. Grâce à la méthodologie propre au Lexiquegrammaire, cette étude pourra bénéficier d’une technologie nouvelle et il sera possible d’avoir une description très minutieuse tendant à une couverture quasi exhaustive des données disponibles en français. Au fil du temps, des grammairiens et des linguistes de domaines différents se sont penchés sur ce sujet et se sont inspirés de ce travail pour tenter d’y apporter des éléments nouveaux. Aujourd’hui, si le phénomène est en soi relativement bien établi la grande majorité des linguistes admet l’existence de prédicats nominaux et accepte le fait qu’ils sont actualisés par des composants qu’on connaît actuellement sous le nom de verbes supports. Ces verbes supports ont été systématiquement étudiés dans un grand nombre de pays dans le monde. Quelques linguistes malgaches se penchent actuellement sur ce sujet, mais il reste encore de nombreuses zones d’ombres à éclaircir. Nous espérons ainsi que grâce à notre travail, nous allons apporter de nouveaux résultats, qui contribueront à l’élaboration d’un dictionnaire électronique bilingue malgache-français ou français-malgache. Nous sommes consciente du fait que les approches peuvent diverger et que notre démarche théorique recouvre probablement d’une manière différente les propriétés auxquelles l’initiateur de ce projet l’avait associée. Par contre, l’idée reste la même et le but de notre recherche consiste à éclaircir certains problèmes liés à la spécificité de la langue malgache. Madagascar étant un pays francophone, nous allons nous référer à la langue française pour fonder notre étude sur les prédicats nominaux du malgache tout en restant fidèle au principe que lui avait assigné son précurseur. Dans notre travail, nous allons mettre l’accent sur les verbes supports et en suivant le modèle instauré par les linguistes français, nous partons de l’idée qu’en malgache comme dans toutes les langues du monde, une phrase simple repose sur une structure prédicat arguments. Nous espérons, par le biais de cette étude, montrer l’importance des prédicats nominaux au sein de la langue malgache. Nous pensons qu’une description qui tient compte de toutes les dimensions linguistiques qui conditionnent les unités lexicales de la langue malgache serait la plus appropriée pour rendre compte des distinctions à effectuer entre les deux langues. Naturellement, cette approche ne peut que reposer sur le principe stipulant que la phrase est l’unité minimale d’analyse.

Les premiers travaux sur le traitement automatique du français ont été menés dans le cadre du L.A.D.L. (Laboratoire d’Automatique Documentaire et Linguistique), dirigé par Maurice Gross. L’étude des verbes supports s’est répandue à travers le monde et les linguistes apportent des faits nouveaux en fonction de la langue qu’ils étudient. Cela ne signifie pas pour autant que nous allons faire l’histoire des prédicats nominaux. Nous renvoyons pour cela aux références qui figurent dans notre bibliographie. Nous voudrions tout simplement souligner l’importance des travaux existants et qu’en dépit des distinctions que nous souhaitons établir entre la langue française et la langue malgache, il sera impossible de parler des prédicats nominaux du malgache sans parler des verbes supports. Nous notons au préalable qu’il existe une communauté entre ces deux langues qui tient au fait que les prédicats nominaux sont actualisés par des verbes supports. Certes, ces verbes supports ont des caractéristiques distinctives dans chaque langue, mais ils partagent des propriétés similaires. A la suite de Gaston Gross nous partons de l’idée que ces verbes sont dépourvus de sens et qu’ils se combinent avec un nom pour former un tout doté d’une portée sémantique.

Sans doute, existe-t-il des descriptions sans référence quelconque à un cadre théorique ou méthodologique précis, qui ne distinguent pas les constructions à support des constructions figées ou des constructions à incorporation syntaxique. Ceux qui s’inspirent des travaux d’Émile Benveniste sur la nominalisation, par exemple, voient dans le verbe support une forme de verbe auxiliaire. Nous partageons l’idée d’Arm Ibrahim qui stipule que, par delà la terminologie et les étiquettes, la question de la prédication nominale remet en question aussi bien la classification des verbes que celle des autres parties du discours ainsi que des fonctions grammaticales. Peut-on, par exemple, à propos d’un prédicat nominal, le considérer comme un objet direct du verbe support qui l’actualise ? En général, ce qui caractérise les verbes supports c’est qu’ils ne sont pas sélectionnés lexicalement par leur propre signifié. C’est au moment de la sélection lexicale qu’un prédicat nominal s’associe avec un certain type de verbes pour lui permettre de s’actualiser dans le temps. Quel sera, en malgache, l’impact de la relation verbo-nominale et de la pertinence d’une hiérarchie entre ces deux catégories que ce soit au niveau de la forme ou du sens ? Peut-on parler d’un verbe vide de sens ou peut-il avoir un signifié lexical comme dans certains cas du français ? Ainsi, pour mieux analyser les prédicats nominaux du malgache, nous allons passer par l’analyse des propriétés syntaxiques des verbes supports afin qu’on puisse vérifier s’ils manifestent un comportement particulier par rapports à ceux du français.

Plusieurs approches ont exploré les constructions à verbe support mais nous avons choisi entre autres l’approche française du lexique-grammaire illustrée par Maurice Gross, Robert Vivès, Giry-Schneider, Anne Daladier, Gaston Gross. Maurice Gross est l’initiateur de plusieurs projets de recherches. Il a également mis au point un ensemble de propriétés syntaxiques transformationnelles liées à un phénomène dit de double analyse de l’énoncé où apparaît un verbe support. Mais il s’agit d’un domaine qui n’est pas lié à notre étude donc nous n’en parlerons pas. Ce qui nous intéresse, en premier lieu, ce sont les relations entre les verbes supports et les noms qu’ils actualisent. Ces verbes supports seront affinés et complétés par Jacqueline GirySchneider en 1978. Une première liste des verbes supports français sera établie la même année par Anne Daladier. Ces recherches sont menées dans un cadre méthodologique et théorique qui s’inspire des travaux de Zellig Harris, mais le cadre barrisien est déjà débordé par les approches que l’on constate dans les premiers travaux du Lexiquegrammaire sur les verbes supports. Le premier souci de ces travaux est de parvenir à une couverture aussi large et systématique que possible des données. Même si Otto Jespersen a eu l’intuition de l’existence des light verbs dans les années 20, c’est Zellig Harris qui a mis au point ce fait en le perpétuant dans le temps grâce à d’autres linguistes qui ont pris la relève. Le lexique-grammaire se propose de répertorier, pour chaque verbe, les constructions qui définissent son fonctionnement dans une phrase simple. On doit noter aussi les traits principaux de son sujet et de ses compléments essentiels au sein de ces constructions. Il faut regrouper aussi dans la même classe les verbes ayant un certain nombre de traits communs. Certains linguistes ont relié les phrases élémentaires ainsi définies à des phrases complexes. Outre Anne Daladier et Jacqueline Giry-Schneider, il y a Jacques Labelle , Gaston Gross , et Robert Vivès qui se sont distingués par leurs recherches sur les prédicats nominaux. Un grand nombre de ces articles sont publiés dans le numéro spécial de Linguisticae Investigationes créé avec la collaboration de Gaston Gross (2008). La plupart des livres sont, par contre, publiés par Droz à Genève.

Méthodologie 

Délimitation du corpus

Notre étude sur les prédicats nominaux fait partie d’un projet plus vaste concernant les indications de temps et les aspects liés aux groupes nominaux et donc aux substantifs. Nous nous intéressons en premier lieu à tout ce qui différencie la langue malgache du français, mais aussi à tous les domaines où les deux langues sont similaires. Nous avons pris comme corpus cinq années de journaux malgaches Basy Vava, un corpus qui s’étale de 2000 à 2005, mais qui se révèle très limité donc insuffisant pour une analyse qui vise un maximum d’exhaustivité. N’ayant trouvé aucune autre source de plus grand ampleur, nous avons dû faire appel à notre connaissance de la langue malgache pour forger des exemples et les mettre au bénéfice de notre travail. Nous n’avons pas non plus hésité à emprunter aux textes d’autres linguistes ou à utiliser des exemples repérés dans divers corpus si cela se révèle indispensable pour le bénéfice de notre étude. Notre étude est également basée sur une connaissance intuitive de la langue, scrupuleusement vérifiée auprès de locuteurs natifs. De nombreux travaux existent déjà sur le français, ce qui nous a incités à faire un travail comparatif avec le malgache. Notre raison est simple : avec les travaux existants, nous bénéficions d’une méthodologie qui a connu un grand succès dans le monde de la linguistique. Nous allons appliquer ces méthodes sur le malgache et comparer le résultat obtenu pour pouvoir cibler ses particularités. Nous mettrons en relief les contrastes qui existent entre ces deux langues et nous soulignerons leur point de convergence. Nous parviendrons ainsi à une meilleure analyse descriptive des prédicats nominaux, plus facile à vérifier pour le compte du malgache.

Nous savons que des études ont été effectuées au niveau de l’allemand, l’anglais, l’italien, etc. qui confirment que les prédicats nominaux sont actualisés par les verbes supports. Gaston Gross (2004, 2009, 2012) a effectué un travail assez approfondi du français et il explique que la fonction prédicative n’est pas le fait des seuls verbes. Ce qui signifie qu’elle peut être prise en charge par des substantifs, dits prédicatifs. Dès lors, nous souhaitons vérifier que, pour le malgache, les noms ont aussi les mêmes propriétés que les verbes ; c’est-à-dire qu’ils peuvent générer un schéma d’arguments et être soumis à la temporalité et à d’autres variations appartenant au verbe. Ce sera un travail comparatif avec le français. De nombreux points communs semblent rapprocher ces deux langues. Probablement parce que l’histoire de la langue malgache a connu une période où elle a subit d’énorme influence française mais aussi et surtout parce que deux langues quoique différentes obéissent parfois à des lois communes : les règles grammaticales. Pour avoir la possibilité de comparer ces deux langues, nous avons dû passer en revue la structure syntaxique de la langue malgache en parcourant l’essentiel de ses spécificités. Une petite étude diachronique nous a permis d’éclaircir certaines zones d’ombres et de situer la langue malgache dans la famille des langues austronésiennes même si de nombreux doutes subsistent encore sur certains points.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE 1 PRÉSENTATION GÉNÉRALE
1.1. METHODOLOGIE
1.1.1. DELIMITATION DU CORPUS
1.1.2. OBJECTIFS DE LA RECHERCHE
1.1.3. PROBLEMATIQUE
1.2. ORIGINE DE LA LANGUE MALGACHE
1.2.1. STRUCTURE DU MALGACHE
1.2.2. STRUCTURE DES MOTS
1.2.3. STRUCTURE DES PHRASES MALGACHES
1.2.4. LES AUXILIAIRES D’ASPECT
1.2.5. VOIX EN MALGACHE
1.2.1.1. Voix active
1.2.1.2. Voix passive
1.2.1.3. Voix instrumentale
1.2.1.4. Voix applicative
1.2.1.5. Voix circonstancielle
CHAPITRE 2 RAPPEL DES RECHERCHES EXISTANTES
2.1. RECHERCHES SUR LA PREDICATION
2.1.1. LES TRAVAUX DE HARRIS
2.1.2. LES TRAVAUX DE MAURICE GROSS
2.1.3. LES TRAVAUX DE GASTON GROSS
2.1.4. LES TRAVAUX D’AMR IBRAHIM
2.1.5. LES TRAVAUX DE RABENILAINA ROGER BRUNO
2.1.6. LES TRAVAUX DE JEANNOT FILS RANAIVOSON
2.2. DESCRIPTION DE LA DETERMINATION
2.2.1. DETERMINANTS DEFINIS
2.2.2. DETERMINANTS INDEFINIS
2.2.3. DETERMINANTS PARTITIFS : DU, DE L’, DE LA, DES
2.2.4. DETERMINANTS POSSESSIFS
2.2.5. DETERMINANTS DEMONSTRATIFS
2.2.6. LES ADJECTIFS INDEFINIS
2.2.7. DETERMINANTS GENERIQUES
2.2.8. LE DETERMINANT ZERO
2.2.9. DETERMINANTS NEGATIFS : NUL, AUCUN, PAS UN/TSY, TSY MISY
2.2.10. DETERMINANTS INTERROGATIFS : INONA/QUEL, QUELLE
2.2.11. DETERMINANTS EXCLAMATIFS : NY/QUEL, QUELLE
2.2.12. COMBINAISON AVEC D’AUTRES DETERMINANTS
2.2.13. ACCORD EN GENRE DES DETERMINANTS
2.2.14. DETERMINATIONS QUANTIFIEURS : NUMERAUX ORDINAUX ET CARDINAUX
CHAPITRE 3 CLASSES DES PRÉDICATS D’ACTIONS
3. PREDICATS D’ACTION
3.1.CLASSE DES PREDICATS DE <TOROHEVITRA/CONSEIL>
3.1.1. Schéma d’arguments
3.1.1.1. Schéma d’arguments 1
3.1.1.2. Verbe support standard
3.1.1.3. Variantes du verbe support
3.1.1.4. Constructions passives
3.1.1.5. Déterminants du prédicat <conseil>
3.1.1.6. Verbes supports aspectuels
3.1.1.7. Verbe associé
3.1.1.8. Opérateurs appropriés
3.1.2. SCHEMA D’ARGUMENTS 2
3.1.2.1. Schéma d’arguments
3.1.2.2. Verbe support standard schéma2
3.1.2.3. Variantes du verbe support
3.1.2.4. Constructions passives
3.1.2.5. Déterminants du schéma 2
a) Les adjectifs indéfinis
3.1.2.6. Verbes supports aspectuels
a) Inchoativité
b) Itérativité
c) Itérativité-intensive
3.1.2.7. Verbe associé
3.1.2.8. Verbes supports réciproques
3.2. CLASSE DES PREDICATS DE <HEVITRA/AVIS>
3.2.1. SCHEMA D’ARGUMENTS
3.2.1.1. Verbe support standard
3.2.1.2. Variantes du verbe support
3.2.1.3. Constructions passives
3.2.1.4. Déterminants du prédicat <hevitra/avis>
a) Le possessif
b) Les indéfinis un-modif
c) La négation
3.2.1.5. Verbes supports aspectuels
a) Itérativité
b) Inchoativité
3.2.1.4. Verbe associé
3.2.1.7. Opérateurs appropriés
3.3. CLASSE DES PREDICATS DE <KAPOKA/COUPS>
3.3.1. Schéma d’arguments
3.3.2. Verbe support
3.3.3. Variantes du verbe support
3.3.4. Constructions passives
3.3.5. Déterminants des prédicats de <kapoka/coup>
3.3.6. Verbes supports aspectuels
CONCLUSION GÉNÉRALE

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *