Les pratiques langagières des étudiants, et l’analyse du corpus
Le paysage linguistique algérien est compliqué et ambigu. Un terrain de recherche varié pour être exploré et étudié vue sa diversité linguistique. Par ailleurs, il se caractérise par la présence de plusieurs langues en contact, à savoir l’arabe dialectal, le berbère, dans ses diverses variétés, et les langues dites étrangères (français / anglais). Cet environnement linguistique est défini de manières différentes par différents linguistes. A titre d’exemple, TALEB IBRAHIMI kh., (1995 : 24-45) distingue trois sphères : « la sphère berbérophone, la sphère arabophone, la sphère des langues étrangères » Ainsi nous allons nous intéresser à ces langues en contact dans le milieu éducatif et plus précisément dans l’enseignement supérieur. Dans ce travail, qui relève de la sociolinguistique nous allons traiter un sujet d’une grande importance qui concerne les pratiques langagières des étudiants de première et troisième année, du département d’anglais de l’Université de Bejaia Abderrahmane Mira où l’arabe, le berbère, le français et, notamment l’anglais coexistent. Ce contact de langue dans le milieu universitaire donne lieu à des rapports conflictuels d’un côté et harmonieux d’un autre côté. Ils sont qualifiés par certains de conflictuels (Fouad Laroussi, Benrabah Mohamed), et par d’autres de pacifiques (Khaoula Taleb Ibrahimi, Yasmina Cherrad, Abderrezak Dourari, Dalila Morsly) (cité par CHACHOU I., 2008) Cette situation de plurilingue engendre la présence de plusieurs phénomènes linguistiques observables dans les pratiques langagières des locuteurs tell que l’alternance codique, l’emprunt, le calque, l’interférence…Ce conflit résulte souvent de la présence d’une langue valorisée par rapport à une autre langue dévalorisée qui s’influence mutuellement.
Nombreux sont les étudiants de l’université de Bejaia, issus des quatre coins du pays, qui ont une certaine connaissance des langues. Même si cette maîtrise est limitée, ils arrivent à communiquer tout en alternant entre les différents codes notamment entre l’arabe, le berbère, le français et même l’anglais, ce que nous appelons de l’alternance codique ou code swiching. Ainsi, selon GARDNER CHLOROS P.(1983 : 21) «Il y a code switching parce que la majorité des populations emploie plus qu’une seule langue et que chacune de ces langues a ses structures propres ,de plus chacune peut comporter des dialectes régionaux ou sociaux, des variétés et des registres distincts dans un discours ou une conversation». En effet, alternance codique est toute communication qui se caractérise par la juxtaposition de deux codes linguistiques différents à l’intérieur d’un même échange.
Le contact de langues dans une évidence plurilingue
Dans le présent travail, nous nous intéressons au contact des langues et alternance codique dans les pratiques langagières des étudiants de l’université de Bejaia du département d’anglais. À ce propos, TALEB Al-IBRAHIMI K., (1995 : 120) explique que «L’étude des pratiques langagières permet de rassembler une somme d’informations et de renseignements sur la réalité sociolinguistique d’une société donnée, en ce sens elles font partie d’un ensemble plus important qui englobe toutes les pratiques humaines ». Par ailleurs, il nous a semblé indispensable d’évoquer la situation sociolinguistique algérienne ainsi que les langues en présence dans le territoire de notre pays et leurs statuts. Parallèlement dans cette partie, nous évoquons la politique linguistique algérienne adopté par le pouvoir au profit des langues en présence.
Bref aperçu sur la situation sociolinguistique de l’Algérie
L’Algérie, un pays du Maghreb, qui depuis toujours était la source de coexistence de plusieurs langues, ou variétés linguistiques en contact à l’instar du berbère, l’arabe algérien, l’arabe classique, le français et l’anglais qui commence à prendre de l’ampleur. ASSELAH RAHAL S., (2001) commente cette évidence : « si la situation linguistique en Algérie est toujours problématique .Elle peut être qualifiée néanmoins de véritable laboratoire dans l’étude du plurilinguisme puisqu’elle se caractérise par la coexistence de plusieurs langues qui sont l’arabe moderne ou standard. L’arabe algérien. Le tamazight. Et le français ». Ainsi, la présence de ces langues en usage fait de l’Algérie un pays plurilingue.
DOURARI A., (2011 : 05) critique cette situation en affirmant qu’ « en Algérie il existe un véritable malaise linguistique et identitaire » cette réalité est délicate elle ne peut être expliquée que par les nombreuses invasions et civilisations qui ont marqué le territoire algérien car l’Algérie s’est frottée à divers changements et bouleversements, divers peuples avec différentes langues se sont introduites notamment, romaine, berbère, turque…et française. La sphère linguistique algérienne se trouve associée à plusieurs parlers notamment le français qui s’est implanté depuis la période coloniale en 1830.
En effet, 1830 est une date marquante qui nous rappelle la conquête d’Alger par le bataillon français. Leur occupation de l’Algérie n’a épargné aucun périmètre que se soit culturel, économique, social…etc, toute une société est anéantie et bouleversée ce qui a entrainé le recule de cette dernière. Cette déclaration de TOCQUEVILLE A., (1847 : 16) en est la preuve « c’est par notre conquête que nous avons rendu la société musulmane plus ignorante et plus barbare qu’elle ne l’était avant de nous connaitre »
Une politique de francisation s’est mise en place par le colonisateur afin d’éliminer les langues locales. Il a imposé la langue française comme langue officielle en Algérie, elle est enseignée et apprise à l’école et utilisée dans l’administration algérienne. Leur but était de supprimer toute trace de la langue des indigènes, afin d’abolir l’identité et la culture algérienne, ce qui a engendré le recule de cette dernière et pousser les Algériens à réagir face à la question d’identité et d’altérité.
La politique linguistique algérienne
CALVET L J., (1996 : 111) définit la politique linguistique et la planification comme « un ensemble des choix conscients concernant les rapports entre langue et vie sociale », Par ailleurs le gouvernement maghrébin a pris en charge leur patrie, dans le but de fonder une nation unie. Il a entamé une politique d’arabisation qui consiste à arabiser les différentes couches de la société algérienne juste après l’indépendance. Il est clair que cette tache s’avère difficile, car renouer avec leurs langues et habitudes perdues pendant la période coloniale n’est pas chose facile parce qu’ils ont manipulé une langue autre que la leur pendant plus d’un siècle et demi. En dépit de la pression menée par le colonisateur, l’Algérie, a pu annoncer sa rupture avec l’Etat colonial, et choisit de s’attribuer une identité arabo-musulmane, qui se repose sur la langue arabe, langue du coron et de l’islam.
L’Algérie adopte une politique d’arabisation pour éradiquer toute trace du colon. Elle opte pour l’arabisation et l’islamisation de la société malgré les empreintes laissées par les Français, AREZKI A., (2007 : 21-31) écrit à ce propos « de ce point de vue la première étape d’arabisation a consolidée la position du français et étendue son usage dans la société algérienne ». En effet la langue française a pris position dans le territoire algérien par sa présence dans le secteur éducatif et l’enseignement supérieur.
Les langues en Algérie
Comme nous l’avons cité précédemment, l’Algérie se caractérise par une complexité qu’on ne peut attester, une réalité plurielle qui s’affirme dans le Maghreb par l’existence de nombreuses langues ou variétés linguistiques. Ces langues en présence dans le territoire algérien se distinguent du point de vue de leurs degrés d’utilisation, de leurs histoires, de leurs statuts et de leurs structures. L’Algérie comme d’autres pays dans le monde, offre une vision linguistique riche ce qui ne laisse pas les locuteurs indifférents face aux questions des langues d’une part véhiculaire et d’autre part vernaculaire, d’une part nationale et d’autre part étrangère.
Le statut des langues en Algérie
Le berbère
Selon CHAKER S., (1998 : 16) « le fond de la population du Maghreb est d’origine berbère : l’immense majorité des arabophones actuels ne sont que des « berbères arabisés ». Ainsi le parler berbérophone est présent depuis la période ancestrale dans toute l’Afrique du nord voir à l’Egypte au Maroc au Sahara et même aux iles canari. GRANGUILLAUM G., (2004 : 15-40), commente cette réalité en affirmant qu’« il s’agit de parlers antérieurs aux langues arabes dans lesquels s’exprimant la quasi-totalité des populations au Maghreb avant l’arrivée des Arabes et l’introduction de leurs parlers » La langue berbère est composée de plusieurs variétés telles que le kabyle, le Chaouia, le mozabite et le targui…, le kabyle, est la variété la plus répandue, et est parlée dans la région de la Kabylie dans l’est algérien à savoir Tizi Ouzou et Bejaia. La population kabylo-phone représente environ 2/3 de l’ensemble de la population berbérophone d’Algérie, ils sont environ 5,5 de locuteurs en Kabylie et l’algérois et probablement plus de 7 millions dans le monde d’après CHAKER S. (1998) .
L’arabe dialectal
Appelé aussi l’arabe populaire ou l’arabe algérien, est une langue qui ne possède pas un système d’écriture convenable, qui a pris racine de l’arabe classique. Il existe un certain nombre de dialectes arabes dans tous les pays du Maghreb, et chaque pays possède un dialecte spécifique à lui, exemple de la Tunisie, du Maroc, de l’Arabie saoudite … etc sont au même titre que l’Algérie. Par conséquent la seule nuance qui existe est que cette langue est déférente d’un pays à un autre.
L’arabe classique
L’arabe classique, appelé aussi moderne ou plus encore littéraire, est la langue sacrée du coran et de la religion. Il s’agit de la première langue cible d’un apprenant. En effet, cette langue est apprise sur les bancs de l’école dès l’âge de 5 ans, elle est la langue de l’administration, utilisée que dans les situations formelles. Cette première langue d’apprentissage est dictée par le président de l’époque Ben Bella, en 1963 juste après l’indépendance, où il imposa l’introduction de l’arabe dans toutes les écoles primaires. Ainsi le 05 juillet il déclare « l’arabisation est nécessaire car il n’y a pas de scolarisation sans arabisation » (1963). Par conséquent se fut l’arabisation totale de la première année primaire.
Définition de quelques concepts clés
L’Algérie, est connue pour sa diversité culturelle et linguistique, dans laquelle la présence de plusieurs langues en contacts cohabite, en l’occurrence le berbère, l’arabe classique, l’arabe standard, et le français. Ce phénomène de contact de langue a touché différents secteurs à savoir l’administration, les médias, et l’enseignement supérieur. Par ailleurs, l’université de Bejaia en fait parti, car on assiste à la confrontation de deux, trois, jusqu’à quatre langues dans certains cas, dont on peut citer une classe d’anglais où la présence du berbère et de l’arabe algérien, sont langues maternelles des étudiants du département d’anglais, et où l’anglais et leur langue d’apprentissage, dans ce cas, on heurte à un triangle linguistique. Ainsi un contact de langue se manifeste dans leurs pratiques langagières et ce par le mélange des différents codes en présence lors de leurs communications. Pour assurer l’intercompréhension, les étudiants se trouvent dans le besoin de passer d’une langue à une autre, et créent une forme de langue composite marquée par un va-et-vient entre les différentes langues, ce qu’on appelle de l’alternance codique.
Le contact de langue
Le contact de langue se trouve définit de divers façons, par différents auteurs. Parmi eux : WEINREICH U. qui fut la première à utiliser le terme du contact de langue en 1953. Selon elle : « le contact des langues inclut toute situation dans laquelle une présence simultanée de deux langues affecte le comportement langagier d’un individu. » (WEINREICH, 1953 cité par MOREAU M L., 1997 .94) en effet, le contact de langue est toute situation dans laquelle un locuteur fait recours à deux ou plusieurs langues, elle est dite en contact « si elles sont alternativement utilisées par les mêmes personnes » (cité par J. VIRASOLVIT, 2005 : 55) .
La diglossie/bilinguisme
L’université de Bejaia, se caractérise par une situation linguistique très riche où le français est conçu comme première langue étrangère, et l’anglais comme deuxième langue étrangère, sans oublier les deux premières langues des locuteurs algériens qui sont le berbère et l’arabe dialectal. La présence effective de ces langues dans l’environnement linguistique des sujets parlants justifie l’interpénétration des langues en présence dans les dialogues et les comportements langagiers des étudiants de première et troisième année du département d’anglais. Ils se distinguent par l’usage de deux, trois codes linguistiques différents. En effet, le contact de langue met l’accent sur les différents statuts de langues en présence, ce qui entraine la diglossie et le bilinguisme. Ainsi, on va tenter de donner diverses définitions afin de mieux comprendre ces deux phénomènes.
La diglossie
Le premier fit évoquer ce terme est PSYCHARI J., pour dénommer la situation sociolinguistique de la Grèce, pour mettre en évidence la différence entre le grec écrit et le grec parlé. Par la suite, ce terme est apparu dans la linguistique nordaméricaine à l’aide des travaux de FERGUSON(1959), pour décrire le contexte de la Grèce, ainsi selon lui les langues ne sont pas égales et note que la diglossie, se manifeste quand il ya deux langues l’une est prestigieuse et l’autre pas. FERGUISON, insiste sur le fait qu’une langue possède de nombreuses variétés qui sont employées dans des situations bien distinctes, ainsi une variété « haute » pratiquée dans des situations formelles, tandis qu’une variété « basse » est pratiquée dans des situations informelles appliquées dans les échanges quotidiens stigmatisé en général.
Conclusion générale
À travers cette étude, nous avons tenté de comprendre les pratiques langagières des étudiants inscrits en premier et troisième année anglais. L’une des questions majeures était d’appréhender les pratiques linguistiques de notre publique d’enquête. Nous nous sommes intéressées en particulier à l’usage de l’alternance codique dans la vie quotidienne des étudiants du département anglais.
|
Table des matières
Introduction générale
1. Présentation du sujet
2. Choix et motivations du sujet
3. Problématique
4. Hypothèses
5. Objectifs
6. Méthode d’approche
7. Plant suivis
Chapitre I. Le contact de langues dans une évidence plurilingue
1. Bref aperçu sur la situation sociolinguistique de l’Algérie
2. La politique linguistique algérienne
3. Les langues en Algérie
4. Le statut des langues en Algérie
4.1. Le berbère
4.2. L’arabe dialectal
4.3. L’arabe classique
4.4. Le français
4.4. L’anglais
5. Le conflit Français/ Anglais
Conclusion
Chapitre II. Définition de quelques concepts clés
1. Contact de langue
2. La diglossie et le bilinguisme
2.1. La diglossie
2.2. Le bilinguisme
3. L’interférence et l’emprunt
3.1. L’interférence
3.2. L’emprunt
4. L’alternance codique
4.1. Les types d’alternance codique
5. Les attitudes et les représentations linguistiques
5.1. Attitude et représentation linguistique
Conclusion
Chapitre. III Les pratiques langagières des étudiants, et l’analyse du corpus
1. L’enquête sociolinguistique et la collecte d’information
1.1. La présentation de l’endroit et du publique d’enquête
1.1.1. L’endroit de l’enquête
1.1.2. Le publique d’enquête
1.1.3. Le déroulement de l’enquête
1.1.4. Les écueils rencontrés lors de l’enquête
1.1.5. La présentation du corpus
1.1.6. Les informateurs de l’enquête
2. L’analyse du questionnaire
2.1. Le sexe des étudiants
2.2 La langue maternelle des informateurs
2.3. Le niveau d’étude des informateurs
2.4. Le choix de la filière d’étude
2.5. Les langues utilisées en dehors de l’université
2.6. Les langues utilisées à l’université
2.7. Les langues utilisées avec les enseignants
2.8. Les difficultés rencontrées lors de la communication en anglais
2.9. Les langues utilisées à la maison
2.10. L’usage de l’anglais à la maison
2.11. L’usage de l’alternance codique à la maison
2.12. Les langues avec lesquelles les étudiants font leurs lectures
2.13. La classification des langues selon l’ordre de préférence
2.14. La langue étrangère préférée par les étudiants
2.15. Question relatives aux statuts des langues
2.16. Le rôle de l’anglais dans la vie des étudiants
Conclusion
Conclusion générale
Télécharger le rapport complet