Les pratiques de conciliation travail-famille
INTRODUCTION
L’arrivée d’un enfant au sein d’un couple crée des moments magiques, inoubliables. Le père et la mère sont confrontés à plusieurs sentiments à la fois, passant de la joie à l’accomplissement de soi, au dépassement et à la fatigue. Il est difficile de gérer tous ces sentiments qui sont si intenses. Lorsque nous en discutons entre jeunes parents, nous arrivons souvent à une même conclusion: «Être parents n’est pas toujours évident!» Certaines journées, nous sommes comblés de bonheur par notre nouveau rôle en tant que parents. D’autres journées, nous avons le sentiment que nous ne verrons plus jamais la lumière au bout du tunnel.La situation a grandement changé avec les années. Le nombre de familles dont l’un des membres reste à la maison pour prendre soin des enfants a diminué au cours des dernières décennies. En 1976, près de 3 millions de mères canadiennes restaient à la maison pour prendre soin de leurs enfants. En 1997, ce chiffre a diminué à 1,1 million (Higgins et Duxbury, 2002). Le marché du travail et la demande en main-d’œuvre se sont transformés. Le père occupe de plus en plus une place plus importante dans 1’éducation et la garde des enfants et la mère est présente sur le marché du travail. Les femmes n’occupent pas seulement des métiers conventionnels, mais des postes de cadres et de professionnels.Plusieurs familles vivent une situation où les deux parents travaillent entre 35 et 45 heures par semaine. Comment, au fil du temps, les familles se sont-elles adaptées à cette nouvelle situation? En effet, les gouvernements ont d’abord contribué à cette adaptation en implantant différents programmes visant l’intégration des femmes au marché du travail, le soutien financier aux familles et le rapprochement entre les parents et 1’enfant. Puis les entreprises ont développé progressivement des pratiques de gestion qui permettent aux parents de répondre aux besoins de leurs jeunes enfants et ainsi passer plus de temps avec leur famille. Les institutions de garde offrent des heures d’ouverture plus flexibles permettant ainsi aux parents de travailler sur une plus longue période.La conciliation travail-famille touche aussi plusieurs personnes et elle ne concerne pas seulement le gestionnaire et son employé. Les parents établissent naturellement un réseau de contacts dans leur entourage et lorsqu’ils ont besoin d’aide pour s’occuper de leur enfant, ils vont chercher du soutien de la part d’une personne de cet entourage immédiat tels les grands-parents, la gardienne du quartier, les voisins, les frères et sœurs, etc. Les membres de ce réseau, comme les grands-parents, jouent un rôle important surtout s’ils sont à la retraite; ils deviennent une ressource de dépannage lors d’imprévus, car ils sont souvent plus disponibles et flexibles que les parents eux-mêmes. Cette demande de dépannage risque d’affecter un jour ou l’autre un membre de ce réseau.
La situation au Québec
Selon l’INSPQ (2005), la difficulté de concilier le travail et la famille pourrait entraîner des dépenses allant jusqu’à 100 millions de dollars par année en soins de santé. La problématique de la conciliation travail-famille est donc bel et bien présente au Québec et nous en présenterons un survol historique dans les prochains paragraphes.Dans les années 60, les mères de famille ont commencé à entrer sur le marché du travail, et ce, en grand nombre (Tremblay, 2005). Malgré cette entrée massive sur le marché du travail, aucune politique gouvernementale n’existait en matière de congé de maternité ou de service de garde.L’intérêt du gouvernement du Québec pour les politiques familiales a pu être observé à partir des années 1970 par des législations et des mesures comme les congés de maternité et les garderies subventionnées (Tremblay, 2005). Plusieurs facteurs sociodémographiques ont contribué à cet intérêt, à savoir, la chute de la fécondité,l’augmentation du nombre des familles monoparentales, l’augmentation du nombre de divorces et l’augmentation du nombre de femmes sur le marché du travail (Tremblay, 2005). Dès 1979, les employés ont intégré dans certaines conventions collectives des clauses concernant des congés de maternité et parentaux et en 1986, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) 3 revendiquait une politique familiale concernant les congés, les horaires et les services de garde. Déjà, certaines mesures faisaient l’objet de négociation entre les employés et les employeurs. En 1991, le Service de la condition féminine de la FTQ a initié des recherches portant sur ce sujet, en collaboration avec d’autres partenaires publics et privés. Depuis ce temps, plusieurs acteurs sociaux tels que les syndicats, le gouvernement, des chercheurs et chercheuses de plusieurs universités ont fait avancer les connaissances sur ce phénomène.
La situation en Europe
L’ouvrage de Tremblay (2008) donne un aperçu des pratiques existantes dans différents pays de l’Europe ainsi qu’aux États-Unis. Plus particulièrement, l’auteure s’est intéressée à la conciliation travail-famille en Suède, en France, en Allemagne, en Autriche, en Italie, au Luxembourg, aux Pays-Bas et aux États-Unis. Elle y mentionne qu’il existe trois types de modèle d’adaptation des relations entre la vie professionnelle et la vie familiale: (1) la conciliation entre l’emploi et la famille; (2) l’alternance entre l’emploi et la famille; (3) le non-interventionniste.Le premier modèle est celui de la conciliation entre l’emploi et la famille qui permet de jumeler les obligations du travail et celles de la famille, sans avoir à sacrifier 1’un ou l’autre. La Suède et la France sont des pays qui adhèrent à ce premier modèle. La Suède est un pays très innovateur et pionnier dans la conciliation travail-famille et 1’État y joue un rôle important. Il a établi plusieurs législations en faveur de la conciliation travail-famille, entre autres, dès les années 1978, il a adopté un congé parental payé, qui s’ajoute au congé de naissance; un congé parental réservé aux pères; un congé parental payable dans les 60 jours pour prendre soin d’un enfant; deux jours annuels de congé payé pour assurer le suivi scolaire de l’enfant; un congé pour urgence familiale et le droit pour les parents de réduire leurs heures de travail.Nous pouvons comparer ces différentes mesures à celles adoptées au Québec selon les dispositions de la Loi sur les normes du travail et du RQAP. Par contre, il faut souligner que la Suède a adopté ces mesures de conciliation bien avant le Québec. De plus, la dernière mesure concernant le droit pour les parents de réduire leurs heures de travail est très novatrice en soi. Cette loi permet aux parents de réduire leurs heures de travail normales (jusqu’à 25 %). Elle est applicable jusqu’à ce que les enfants aient atteint l’âge de 8 ans. Cette réduction des heures au travail permet aux parents d’accorder du temps à leur famille et à leur vie sociale tout en répondant partiellement aux exigences de leur travail.D’autres mesures ont été développées telles une allocation mensuelle pour chaque enfant jusqu’à l’âge de 16 ans, des mesures fiscales encourageant la conciliation travailfamille et 5 semaines de vacances payées annuellement. En 2009, la Loi sur les normes du travail du Québec prévoit deux semaines de vacances payées annuellement après une année de service continue comparativement à la Suède où les cinq semaines de vacances payées annuellement aux jeunes parents sont en vigueur depuis 1978.
Les exigences du travail au Canada
Higgins et Duxbury (2002) ont observé dans leur enquête que les exigences reliées au travail se sont alourdies. Plusieurs raisons pourraient expliquer cet alourdissement des exigences, dont celle de l’anorexie organisationnelle, où le nombre d’employés n’est pas suffisant pour assurer l’efficience et l’efficacité des activités de l’organisation. Les employés travaillent de plus en plus et le nombre d’heures supplémentaires n’est pas à la baisse (Higgins et Duxbury, 2002). En 1991, une personne sur dix travaillait au moins 50 heures par semaine comparativement à 2001 où ce nombre est passé à une personne sur quatre (Higgins et Duxbury, 2002). La concurrence mondiale a un effet important sur les heures supplémentaires, car certaines entreprises doivent travailler en fonction des différentes heures d’ouverture des autres pays ce qui complexifie les communications. La qualité du produit ou des services doit également être à la hauteur du marché et les travailleurs doivent redoubler d’effort et travailler de longues heures. Les données consultées dans l’étude de Higgins et Duxbury (2002) révèlent que les grandes organisations entretiennent toujours le « mythe du cloisonnement du travail et de la vie personnelle». Dans les faits, si leur travail l’exige, les employeurs s’attendent à ce que leurs employés délaissent leur vie de famille pour travailler les soirs de semaine et la fin de semaine et bien des employés se sentent incapables de refuser des heures supplémentaires.Les hommes et les femmes sont autant confrontés aux nouvelles ex1gences du marché du travail, mms chacun d’eux le vit d’une manière différente. Les hommes travaillent de longues heures et ils sont davantage disponibles afin de valoriser et de démontrer leurs engagements envers 1‘organisation dans le but de monter dans la hiérarchie (Genin, 2009). Contrairement aux hommes, les femmes sembleraient préférer travailler à la maison pour concilier le temps professionnel et le temps personnel afin de limiter leur temps de présence au bureau (Genin, 2009). Deschamps (1996) et St-Onge et al. (2002) expliquent que les problèmes engendrés par ces exigences peuvent avoir un impact sur le climat familial, car cela diminue le temps consacré à la famille et peut engendrer une dégradation des relations de couple à moyen terme.
La conciliation travail-famille
En fait, les familles ont de la difficulté à accorder autant de temps aux responsabilités familiales qu’à la vie professionnelle et le temps réservé aux périodes de travail occupe une place importante dans une journée. Le Tableau 2, illustre une journée type d’un travailleur professionnel ayant deux enfants à charge et demeurant près de son travail. Il faut noter que ces données ne seraient pas représentatives d’une personne travaillant dans une grande ville comme Montréal ou Québec, car le temps de transport pour se rendre au travail est nettement plus grand que celui d’une ville comme RouynNoranda ou Val-d’Or. Pour élaborer ce tableau, nous avons consulté au hasard des jeunes parents de la région et nous avons tenté une synthèse des discussions. Le Tableau 2 présente un aperçu de la situation de 6 parents âgés entre 25 et 35 ans, vivant à RouynNoranda, et ayant des enfants en bas âge, en regard de la réalité du marché du travail.
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Table des matières
Résumé
Remerciements
Table des matières
Liste des tableaux
Liste des figures
Liste des appendices
Liste des sigles
Introduction
CHAPITRE I Portrait sociopolitique
1.1 La situation au Québec
1.1.1 Intervention de l’État
1.1.1.1 La loi sur les normes du travail
1.1.1.2 Régime québécois d’assurance parentale (RQAP)
1.1.1.3 Garderie subventionnée
1.1.1.4 Mesures financières
1.1.2 Contexte social
1.1.2.1 Famille monoparentale
1.1.2.2 Parents sur le marché du travail
1.1.2. 3 Le vieillissement de la population
1.2 La situation en Europe
1.3 Synthèse
CHAPITRE II Le marché du travail et la conciliation travail-famille
2.1 Le contexte du marché du travail.
2.1.1 Les exigences du travail au Canada
2.1.2 Organisation du temps de travail .
2.2 La conciliation travail-famille
2. 2.1 Définition du concept « conciliation travail-famille »
2.2.2 Types de conflit
2.2.3 Variables influençant le conflit travail-famille
2.2.3.1 Sexe.
2.2.3.2 Âge
2.2.3.3 Statut familial.
2.2.3.4 Nombre et l’âge des enfants
2.2.3.5 Catégorie d’emploi
2.2.3.6 Nombre d’heures par semaine et horaire de travail
2.2.3. 7 Déplacement et formation
2.2.3.8 L’appui organisationnel
2.2.3.9 Les pratiques de conciliation travail-famille
2.4La problématique de recherche
2.4.1Effets sur l’organisation
2.4.2Effets sur l’individu
2.4.3 La conciliation travail-famille dans les PME
2.4.3.1 Les PME dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue
2.4.4 L’existence de pratiques et leur application
2. 5 Synthèse
CHAPITRE III Revue de la littérature: concepts et modèles
3.1Cadre théorique
3.1.1St-Onge et al. (2002)
3.1.2Torres (1994 et 2008)
3.1.3Guérin et al. (1994)
3.1.4Deneault (1996)
3.1.5Higgins et Duxbury (2002)
3.1.6Chenevier (1996)
3.2Choix des variables étudiées
3.3Hypothèses de recherche
CHAPITRE IV Méthodologie
4.1L’instrument de mesure
4.2L’échantillon
4.2.1PME de l’Abitibi-Témiscamingue
4.2.2Secteur d’activité
4.2.3Le choix des entreprises
4.2.4Les participants
4.3Le taux de réponse
4.4Les modifications apportées aux questionnaires
4.5Les analyses statistiques
CHAPITRE V Présentation des résultats
5.1Profil des répondants
5.1.1Contexte familial.
5.1.2Contexte de travail
5.2Conflit travail-famille
5.3Pratiques de conciliation travail-famille
5.4Attentes des employés
CHAPITRE VI Discussion
6.1 Les caractéristiques de l’emploi
6.2 Les caractéristiques de l’employé
6.3 Les caractéristiques de la famille
6. 4 Synthèse
6. 5 Pistes de recherche
Conclusion
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