Tรฉlรฉcharger le fichier pdf d’un mรฉmoire de fin d’รฉtudes
Les institutions comme mode dโorganisation efficient des interactions รฉconomiques
Les dรฉveloppements initiaux de la nouvelle รฉconomie institutionnelle (NEI) dans les annรฉes 1970 sont trรจs รฉloignรฉs de lโapproche institutionnaliste des รฉconomistes allemands et amรฉricains de la fin XIXรจme/dรฉbut XXรจme siรจcle. Bien quโOliver Williamson reprenne explicitement le concept de transaction de Commons (Williamson 1985), la perspective analytique adoptรฉe est en tout point diffรฉrent de celle de ยซ lโancien institutionnalisme ยป. En reprenant lโidรฉe fondatrice de Coase1, Williamson dรฉveloppe la thรฉorie des coรปts de transaction.
Afin dโexpliquer lโexistence des multiples arrangements institutionnels adoptรฉs par les agents รฉconomiques, la thรฉorie des coรปts de transaction part de lโopposition entre marchรฉ et hiรฉrarchie. La hiรฉrarchie est un arrangement institutionnel qui permet lโรฉconomie des coรปts de transaction en liant deux ou plusieurs individus par un rapport dโautoritรฉ. Williamson considรจre que les individus sont dotรฉs dโune rationalitรฉ limitรฉe qui rend impossible la mise en place de contrats parfaits prรฉvoyant toutes les contingences. Par ailleurs, il est supposรฉ que les individus sont opportunistes ; autrement dit, les agents tentent dโoptimiser leurs gains, quitte ร renier un engagement pris dans le passรฉ. Le niveau des coรปts de transaction est alors fonction de trois facteurs : lโincertitude qui entoure la transaction, la frรฉquence de ces transactions et la spรฉcificitรฉ des actifs รฉchangรฉs. Les coรปts de transaction sont dโautant plus รฉlevรฉs que lโincertitude, la frรฉquence et la spรฉcificitรฉ des actifs sont importantes. Passรฉ un certain niveau de coรปts de transaction, il devient plus intรฉressant dโadopter un arrangement hiรฉrarchique plutรดt que marchand2. Toutefois, la thรฉorie des coรปts de transaction va rapidement dรฉpasser lโopposition marchรฉ/hiรฉrarchie pour sโintรฉresser aux ยซ formes hybrides ยป, cโest-ร -dire aux arrangements institutionnels combinant des รฉlรฉments de marchรฉ et de hiรฉrarchie (Mรฉnard 2004)3 : partenariats, alliances, franchises, joint-venture, etc. En dรฉpit de son souci dโรฉtudier le rรดle des institutions et de son hypothรจse de rationalitรฉ limitรฉe, en rupture avec les hypothรจses traditionnelles en รฉconomie, la thรฉorie des coรปts de transaction reste plus proche de la thรฉorie รฉconomique standard que de lโinstitutionnalisme originel. Le fait que la thรฉorie des coรปts de transaction explique lโexistence des divers arrangements institutionnels par leur efficience en est lโillustration la plus notable. Dans lโanalyse dรฉveloppรฉe par Williamson, les institutions sont efficientes en toute circonstance dans le sens oรน elles permettent invariablement dโatteindre un arbitrage optimal entre les coรปts de transaction et les coรปts dโorganisation induits par toute structure hiรฉrarchique.
Les institutions comme solution efficiente ร un problรจme de coordination
Les travaux de lโรฉconomiste amรฉricain Douglass North, tout du moins ceux allant des annรฉes 1960 aux annรฉes 1980, sont une autre illustration de cette conception des institutions comme solution efficiente ร un problรจme de coordination. Ces travaux, contrairement ร ceux de Williamson, ne portent pas sur lโentreprise et la dualitรฉ marchรฉ/entreprise, mais sur le processus de dรฉveloppement รฉconomique. Il considรจre que la fonction premiรจre des institutions est de rรฉduire lโincertitude. Les institutions sont ainsi des constructions humaines รฉlaborรฉes afin de limiter lโincertitude qui caractรฉrise lโenvironnement dans lequel prend place lโaction humaine. Lโhypothรจse de lโefficience des institutions est fondรฉe chez North sur un รฉvolutionnaire : la concurrence รฉconomique induit un processus ร lโissue duquel ne peuvent survivre que les formes organisationnelles et institutionnelles efficientes. Cโest par exemple ainsi quโil explique le dรฉclin des formes associatives et coopรฉratives dโorganisations รฉconomiques ou encore le dรฉclin de lโesclavage au profit du salariat. Ce faisant, lโauteur rรฉactualise et adapte ร lโanalyse institutionnelle le mรชme argument que celui mobilisรฉ par Armen Alchian et Milton Friedman dans les annรฉes 1950 pour justifier lโhypothรจse de maximisation du profit par les firmes.
Lโรฉmergence et lโรฉvolution des institutions
Les nรฉo-institutionnalistes sont en dรฉsaccord sur lโรฉmergence des institutions. Ils se sont longtemps demandรฉ si ce sont les institutions qui sont apparues en premier ou bien les individus. Certains รฉconomistes comme Menger, Andrew ou encore Schotter, pensent que les institutions รฉmergent spontanรฉment ร partir des relations entre les individus. Ce qui veut dire que les institutions sont le rรฉsultat des interactions humaines. Ils prennent comme point de dรฉpart lโexistence dโun ensemble dโindividus qui par leurs choix rationnels font รฉvoluer les institutions. Selon eux les individus influencent les institutions car ils sont impliquรฉs dans lโรฉvolution et le changement de ces derniรจres.
Dโautres รฉconomistes comme Alexander Field pensent que les individus ne peuvent pas interagir sans la prรฉsence de rรจgles et normes prรฉalables qui influencent leur comportement et guident ainsi leurs choix et motivations. Selon Field, les รฉconomistes qui supposent que les institutions รฉmergentes en premier, nรฉgligent le fait que les institutions prรฉsentes sont le rรฉsultat de lโรฉvolution des institutions passรฉes. Pour appuyer son hypothรจse, Field se sert de la thรฉorie des jeux dans lโexplication des origines des institutions. Aussi, les individus ne peuvent communiquer sans la parole. Les institutions ne sont pas apparues soudainement, mais elles ont รฉvoluรฉ ร travers le temps avec la progression du commerce mondial. Lโรฉchange personnel caractรฉrise les sociรฉtรฉs primitives dans lesquelles les individus vivaient essentiellement de lโagriculture. Il yโavait aussi des petits commerces dans les villages oรน lโรฉchange se rรฉduisait ร un petit groupe de personnes qui se connaissaient mutuellement. Ces gens รฉtaient donc liรฉs par une relation de confiance qui a permis la crรฉation dโun rรฉseau social facilitant les รฉchanges. Dans cet environnement de confiance, les comportements dโopportunistes รฉtaient rares. Par consรฉquent, les coรปts de transaction รฉtaient trรจs faibles et les contraintes informelles comme ยซ la confiance ยป suffisaient pour rรฉguler les transactions รฉconomiques. En revanche, les coรปts de production รฉtaient รฉlevรฉs en lโabsence de spรฉcialisation et dโune technologie moderne. Par contre lโรฉchange impersonnel caractรฉrise les sociรฉtรฉs modernes oรน les marchรฉs sont larges et que le commerce sโรฉtend au-delร des frontiรจres grรขce au dรฉveloppement des moyens de transport (essentiellement les marins). Par consรฉquent, les รฉchanges deviennent complexes et coรปteux. Le secteur de transaction sโรฉlargit, et donne apparition ร deux types de coรปts ; les problรจmes dโagence dus ร lโimperfection de lโinformation lors des รฉchanges. Et les problรจmes de nรฉgociation et du respect des contrats entre les personnes. Lโaugmentation de la taille des marchรฉs et lโamplification des รฉchanges a entrainรฉ la spรฉcialisation des producteurs et la division du travail. Ainsi lโactivitรฉ รฉconomique sโest รฉtendue ร la manufacture, la construction des usines, et les services. On assiste ร un phรฉnomรจne dโurbanisation de la sociรฉtรฉ. Dans cette sociรฉtรฉ moderne, les acteurs รฉconomiques adoptent des comportements opportunistes pour arriver ร leur fin. Par consรฉquent, lโรฉlaboration de structures institutionnelles efficaces (rรจgles formelles, contrats formels,โฆ), dโun systรจme politique et judiciaire efficients sont indispensables pour la rรฉduction des coรปts de transaction.
Lโapplication des institutions
Lโexistence des institutions nโest pas suffisante, leur application est nรฉcessaire pour le bon fonctionnement des transactions. Cette application est souvent imparfaite du fait des coรปts importants quโelle engendre et la poursuite des intรฉrรชts personnels par les agents รฉconomiques. Les transactions qui se dรฉroulent entre des parties qui vivent dans des petites communautรฉs (les sociรฉtรฉs primitives) sont caractรฉrisรฉes par une auto-exรฉcution des institutions. Le caractรจre rรฉpรฉtitif des transactions, avec les mรชmes personnes crรฉent un rรฉseau de confiance qui incite les parties de la transaction ร respecter les termes de lโรฉchange. Dans ces conditions, la ยซ coopรฉration ยป est avantageuse pour les acteurs ร lโรฉchange. Elle est le meilleur moyen pour la maximation de la richesse pour chaque acteur.
En revanche, ces conditions sont absentes du monde actuel. La complexitรฉ des รฉchanges dans le temps et lโespace et la multiplicitรฉ des partenaires rรฉduisent la quantitรฉ dโinformations disponibles sur le marchรฉ. Lโinformation est imparfaite du fait de lโexistence dโune asymรฉtrie dโinformation entre les personnes ร lโรฉchange. Dans ces circonstances, la coopรฉration devient presque impossible car le gain tirรฉ de la coopรฉration est infรฉrieur ร celui de la dรฉfection. En effet, un acteur qui effectue une transaction avec un tiers, ne peut pas sโassurer de la bonne foi de celui-ci. Il nโa pas en sa procession toutes les informations qui se rapportent ร ce dernier. Il choisit donc la dรฉviation pour garantir son gain (surtout si la transaction sโeffectue une seule fois). Dans ce cas, la prรฉsence dโune tierce personne est indispensable pour lโexรฉcution des termes de lโรฉchange comme par exemple la signature dโun accord en prรฉsence dโun avocat qui sโassure du respect de lโengagement des personnes contractantes.
Visions des historiens sur lโindustrialisation
Des historiens anglais ont montrรฉ que la rรฉvolution industrielle avait รฉtรฉ un phรฉnomรจne beaucoup plus progressif, commencรฉ bien avant la fin du XVIIIe siรจcle et toujours en cours : ยซ Une rรฉvolution qui a continuรฉ 150 ans aprรจs, et qui a รฉtรฉ en gestation pendant au moins 150 ans avant, semble bien devoir mรฉriter un nouveau label ยป (Heaton). Certains auteurs rรฉcents comme Cameron (1982, 1993) considรจrent aussi que l’expression est usurpรฉe, que la rรฉvolution industrielle est un mythe, ou en tout un cas une appellation mal choisie, un misnomer.
Les auteurs d’avant-guerre ont รฉgalement contestรฉ la vision catastrophiste de ses effets sociaux et commencรฉ ร รฉvaluer la hausse des niveaux de vie qu’elle a entraรฎnรฉ. C’est le cas de T.S. Ashton qui souligne quelques annรฉes plus tard combien ยซ il serait รฉtrange en vรฉritรฉ que la rรฉvolution industrielle ait simplement rendu les riches plus riches et les pauvres plus pauvres, car les biens auxquels elle donna naissance n’รฉtaient pas en rรจgle gรฉnรฉrale des biens de luxe, mais des biens courants et des biens de production ยป. Son livre, un autre classique de l’histoire รฉconomique (La rรฉvolution industrielle 1760-1830, 1948), รฉlargit le concept depuis les aspects agricoles, dรฉmographiques, techniques et financiers, vers les aspects intellectuels, religieux, les mentalitรฉs. Une analyse de la rรฉvolution industrielle en termes de facteurs dรฉterminants a รฉtรฉ menรฉe depuis la guerre : les divers prรฉrequis de Rostow (1960), la rรฉvolution agricole pour Bairoch (1963), les innovations pour Landes (1969), les รฉchanges internationaux pour Hobsbawm (1968), la poussรฉe dรฉmographique et le commerce extรฉrieur pour Deane (1965) ou Mathias (1969).
Toutes ces interprรฉtations monocausales ont รฉtรฉ contestรฉes par la suite et l’idรฉe de facteurs clรฉs, de conditions suffisantes et uniques qui auraient entraรฎnรฉ la rรฉvolution industrielle, est dรฉsormais abandonnรฉe. Tout au plus est-il question de facteurs nรฉcessaires comme la modernisation agricole, ou d’autres qui ont jouรฉ un rรดle positif comme les transports, le commerce extรฉrieur, la rรฉvolution financiรจre… La complexitรฉ du phรฉnomรจne interdit de retenir une explication unique. Un ensemble de variables interdรฉpendantes a entraรฎnรฉ ยซ le passage d’un systรจme de fonctionnement ร un autre, un basculement …qui peut s’expliquer par la mise en รฉtat d’instabilitรฉ du premier systรจme ยป (Verley, 1985).
Les interprรฉtations institutionnalistes de Douglas North
Le courant nรฉoinstitutionnaliste a vu ses travaux rรฉcompensรฉs ร travers le prix Nobel de sciences รฉconomiques attribuรฉ en 1993 ร son chef de file, Douglas North. Celui-ci a contribuรฉ au renouvellement de l’histoire รฉconomique depuis la guerre avec Robert Fogel, colaurรฉat du prix la mรชme annรฉe. La New Economic History se partage en deux tendances, l’une รฉconomรฉtrique reprรฉsentรฉe par Fogel, l’autre institutionnaliste reprรฉsentรฉe par North.
Interprรฉtation en termes de coรปts de transactions
Les coรปts de transaction ont รฉtรฉ nรฉgligรฉs par les รฉconomistes, jusqu’ร ce que Ronald Coaseย observe en 1937 que les marchรฉs parfaits de la thรฉorie nรฉoclassique supposent des coรปts de transaction nuls, ce qui est peu conforme ร la rรฉalitรฉ. ร cรดtรฉ des coรปts de production qui ont fait l’objet de l’analyse microรฉconomique, il y a donc aussi les coรปts de transaction qu’il importe d’intรฉgrer dans l’analyse. Ces coรปts sont liรฉs ร la gestion et la coordination du systรจme รฉconomique pris en totalitรฉ. Ainsi dans une sociรฉtรฉ dรฉveloppรฉe, la plupart des gens qui travaillent dans les services, bancaires, financiers, administratifs, juridiques, etc., ne sont pas engagรฉs directement dans des activitรฉs de production, mais dans des activitรฉs visant ร rรฉduire les coรปts de transaction, qui reprรฉsentent environ la moitiรฉ du PNB (d’aprรจs les estimations de North pour l’รฉconomie amรฉricaine). Il s’agit donc de tous les coรปts qui n’entrent pas directement dans le processus physique de production : ยซ des coรปts institutionnels d’information, de nรฉgociation, de rรฉdaction et d’exรฉcution des contrats, de dรฉlimitation et respect des droits de propriรฉtรฉ, de contrรดle des rรฉsultats, et de modification des arrangements institutionnels. ยป Trois catรฉgories apparaissent dans cette dรฉfinition du New Palgrave Dictionary of Economics (1990) : des coรปts d’obtention de l’information, avant de pouvoir procรฉder ร la transaction, des coรปts de nรฉgociation, impliquรฉs par la dรฉtermination des conditions du contrat de l’รฉchange ainsi que des coรปts d’application (enforcement), c’est-ร -dire tout l’aspect juridique qui dรฉcoule de la mise en oeuvre des contrats conformรฉment aux accords initiaux.
|
Table des matiรจres
PARTIE I : ANALYSE THEORIQUE SUR LES ANTECEDENTS HISTORICISTES ET INSTITUTIONNALISTES DE LโECONOMIE INDUSTRIELLE
CHAPITRE I : LES THEORIES INSTITUTIONNALISTES
Section 1 : Lโรฉmergence de lโinstitutionnalisme
Section 2 : La nouvelle รฉconomie institutionnelle et lโinstitutionnalisme contemporain
Section 3 : Approche thรฉorique des institutions
CHAPITRE II : ANALYSE HISTORIQUE ET INSTITUTIONNALISTE DE LโECONOMIE INDUSTRIELLE
Section 1 : Les analyses historiques de lโindustrialisation
Section 2 : Les interprรฉtations institutionnalistes de Douglas North
Section 3 : Analyse de lโindustrialisation selon LIST
PARTIE II : ANALYSE DE LโINDUSTRIALISATION A MADAGASCAR
CHAPITRE I : LES TENTATIVES DโINDUSTRIALISATION
Section 1 : Les deux tentatives dโindustrialisation au XIXรจme siรจcle
Section 2 : Lโรฉvolution de lโindustrialisation coloniale au XXรจme siรจcle
CHAPITRE II : LES POLITIQUES POUR UNE VERITABLE REVOLUTION INDUSTRIELLE
Section 1 : Lโรฉvolution industrielle pendant la Iรจre Rรฉpublique
Section 2 : Les politiques industrielles durant la pรฉriode transitoire de 1972 ร 1975
Section 3 : Les politiques remarquables durant la IIรจme Rรฉpublique
CONCLUSION GENERALE
Tรฉlรฉcharger le rapport complet