Les politiques d’égalité professionnelle dans les grandes entreprises et la persistance d’inégalités

Les politiques d’égalité professionnelle dans les grandes entreprises et la persistance d’inégalités 

Les politiques mises en œuvre par les entreprises 

Le passage d’une logique de moyens (lois Roudy et Génisson par exemple) à une logique de résultat (loi du 27 janvier 2011 par exemple) peut nécessiter de la part des entreprises d’aller au-delà du socle minimal légal en mettant en place des actions en faveur de l’égalité professionnelle, que ce soit dans une réelle démarche volontariste, ou dans une démarche d’affichage. Aux États-Unis, les pouvoirs publics se sont montrés proactifs en matière d’égalité professionnelle et de diversité, une proactivité qui trouve son origine dans le mouvement des Civil Rights notamment. De nombreux travaux académiques menés aux États-Unis considèrent alors que les programmes d’égalité professionnelle et plus généralement de diversité mis en place par les entreprises trouvent majoritairement leur origine dans les obligations légales (Dobbin et Kalev, 2013), même si un discours économique autour de la performance peut être invoqué par les professionnels de la diversité pour justifier leurs actions en faveur de cette thématique (Dobbin et Sutton, 1998). En France, il semble que la situation soit différente : comme le soulignent Ardura et Silvera (2001), les obligations légales ne garantissent pas toujours une action vraiment engagée de la part des entreprises, et se conformer à ses simples obligations légales (négocier un accord d’entreprise notamment) ne garantit pas de la part des grandes entreprises de mettre en œuvre une politique d’égalité professionnelle volontariste.

Pourtant, au-delà de la mise en conformité avec le strict minimum légal, et au-delà d’une attitude défensive consistant pour les entreprises à simplement se prémunir contre le risque juridique, il semble qu’il y ait en France une forme de proactivité de certaines grandes entreprises qui vont plus loin que la loi. On retrouve ici un phénomène observé sur d’autres politiques RH, comme la GPEC (Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) par exemple. Ainsi, Duclos (2008) montre que la règle de droit est insuffisante à donner une définition précise de la GPEC, et que, dès lors, ce sont des « bonnes pratiques » qui s’imposent dans ce domaine, et qui viennent à leur tour remodeler le droit. Le même phénomène peut être observé sur l’égalité professionnelle, thématique sur laquelle des pratiques d’entreprise peuvent devenir des « bonnes pratiques », susceptibles de se transformer en obligations légales.

Les accords d’entreprise : une forte hétérogénéité 

L’étude des accords d’entreprise sur l’égalité professionnelle peut être riche d’enseignements pour identifier les dispositifs de gestion mis en place par les entreprises sur le sujet. Différents travaux académiques se sont penchés sur la question, et ont mis en lumière une hétérogénéité des accords, tant sur l’approche et le degré d’engagement, que sur le contenu.

Des approches et des degrés d’engagement hétérogènes
On a vu que l’égalité professionnelle est transverse à de nombreuses thématiques (égalité salariale, égalité d’évolution dans la carrière, égalité de types de contrat…). Pour autant, les entreprises n’adoptent pas toutes une approche structurelle de l’égalité professionnelle, englobant ces thématiques (Rabier, 2009) : une étude menée par l’APEC (2012) sur les comportements des entreprises en matière d’égalité professionnelle montre que certaines entreprises priorisent en effet des pans spécifiques, notamment les conditions de travail et le recrutement, les questions de classification étant par exemple moins souvent abordées.

Différentes études menées sur les accords Égalité professionnelle montrent de plus une hétérogénéité des degrés d’engagement des grandes entreprises. Ainsi, Laufer et Silvera (2006) identifient trois niveaux d’engagement : appliquer un principe d’égalité, appliquer un principe de proportionnalité, organiser des actions correctives et définir des objectifs chiffrés. L’étude de Laufer et Silvera (2004) sur les accords d’entreprise souligne en outre différents types de motivations pour les accords : respecter le principe légal d’égalité des droits, d’égalité de traitement et de non discrimination ; volonté de la part des partenaires sociaux d’intégrer l’égalité professionnelle dans les thèmes majeurs du dialogue social, l’égalité professionnelle étant alors présentée comme un consensus entre Direction et OS (Organisations syndicales) ; volonté d’inclure l’égalité professionnelle dans la RSE (Responsabilité sociale et sociétale de l’entreprise) ; volonté de souligner la contribution de l’égalité professionnelle à la performance de l’entreprise ; enfin, préoccupation pour l’image de l’entreprise. L’étude de Rabier (2009) montre que ces degrés d’engagement et types de motivation variés conditionnent le contenu des accords. Ce contenu se décline sur trois dimensions : déclarations, indicateurs et mesures. Les déclarations énoncent les grands principes et les engagements génériques de l’entreprise en matière d’égalité professionnelle ; les indicateurs sont des données chiffrées qui permettent le diagnostic ; enfin, les mesures sont les dispositifs prévus par les accords pour mettre en œuvre l’égalité professionnelle.

Selon Rabier, le contenu déclaratif diffère peu d’un accord à l’autre puisqu’il s’agit le plus souvent de rappels de la loi et de déclarations d’intention sur l’importance de l’égalité professionnelle. En matière d’indicateurs chiffrés, Rabier montre que la plupart des accords se contentent de mentionner le RSC, qui est déjà assez contraignant, avec une liste de 24 indicateurs devant être déclinés par sexe mais aussi parfois par catégorie professionnelle (article D2323-12). Cependant, certaines entreprises vont au-delà, en intégrant des indicateurs supplémentaires.

Des mesures et dispositifs de gestion oscillant entre l’égalité de traitement et l’égalité des chances 

C’est finalement plus grâce aux mesures contenues dans les accords que les grandes entreprises peuvent se distinguer les unes des autres. Les différentes composantes de l’égalité professionnelle peuvent donner lieu à des mesures portant sur différents domaines RH : rémunération, recrutement, promotion, mobilité, formation, congés de maternité et de parentalité, temps partiel, aménagement des horaires. Les mesures relèvent essentiellement de deux des logiques identifiées supra : égalité de traitement (engagements de proportionnalité par exemple) ou égalité des chances (mise en place explicite d’actions positives). En matière de rémunération, comme le souligne toujours l’étude réalisée par Rabier (2009), la reconnaissance de l’existence d’inégalités salariales reste rare, et le diagnostic sur l’égalité salariale n’est pas toujours réalisé, et, quand il l’est, il se fonde sur un outillage statistique très basique (Laufer et Silvera, 2004). Cependant, plusieurs entreprises mettent en place des budgets de rattrapage salarial ou renvoient vers la négociation annuelle. Laufer et Silvera (2006) montrent que certaines entreprises prennent aussi l’engagement de ne pas recréer de nouvelles égalités salariales, en prêtant attention aux niveaux moyens d’augmentation et aux promotions. Laufer (2008) montre que les mesures relatives au recrutement peuvent aller d’un simple rappel de l’interdiction de discriminer et d’une attention spécifique portée à la rédaction des offres d’emploi (obligation légale d’après l’article L1142-1) à des mesures plus proactives : engagements chiffrés sur le taux de féminisation des recrutements, ou encore engagement de donner la priorité aux femmes en cas de compétences équivalentes. Laufer et Silvera (2006) identifient également des mesures consistant à définir des engagements de féminisation des recrutements à hauteur des taux de féminisation des filières de formation, ou à hauteur des taux de féminisation des candidatures reçues. Lemière (2005) relève des pratiques de partenariats avec des écoles pour créer des viviers de recrutement plus féminisés.

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Table des matières

Introduction générale
Partie 1 : Les politiques d’égalité professionnelle dans les grandes entreprises: revue de littérature et cadre théorique et méthodologique
Chapitre 1 : Synthèse de la littérature sur l’égalité professionnelle dans les grandes entreprises
I. L’égalité professionnelle : une notion polysémique
II. Les politiques d’égalité professionnelle dans les grandes entreprises et la persistance d’inégalités
III. Les manques de la littérature
Conclusion et synthèse du chapitre 1
Chapitre 2 : Cadre conceptuel et méthodologie du travail de recherche
I. Problématique et questions de recherche
II. Une articulation heuristique de cadres théoriques
III. Le design de recherche : l’intérêt d’une double méthodologie qualitative et quantitative pour appréhender l’appropriation et mesurer les effets des politiques d’égalité professionnelle
Conclusion et synthèse du chapitre 2
Conclusion et synthèse de la Partie 1
Partie 2 : Un processus itératif de mise en œuvre, effets et construction d’une politique d’égalité professionnelle : l’étude de cas d’Orange
Chapitre 3 : Une entreprise considérée comme une « entreprise modèle » en matière d’égalité professionnelle : Orange
I. Orange : un groupe international marqué par des évolutions récentes
II. L’égalité professionnelle chez Orange : une entreprise reconnue pour ses engagements et une politique volontariste, malgré des difficultés persistantes
Conclusion et synthèse du chapitre 3
Chapitre 4 : L’appropriation et les effets de la politique d’égalité professionnelle chez Orange
I. Les entités étudiées : populations et enjeux en matière d’égalité professionnelle
II. Les grands processus RH et l’appropriation des mesures d’égalité professionnelle
III. Analyse – Les conditions de l’appropriation et des effets des mesures d’égalité professionnelle
Conclusion et synthèse du chapitre 4
Chapitre 5 : La construction et l’évolution de la politique d’égalité professionnelle d’Orange : une politique bicéphale, entre l’accord et les mesures non négociées
I. Le cadre et le contexte de la négociation
II. La négociation sur l’égalité professionnelle et ses spécificités
III. La politique non négociée et son articulation avec la politique négociée
Conclusion et synthèse du chapitre 5
Conclusion de la Partie 2
Discussion
conclusion générale
Bibliographie
Textes de loi et littérature juridico-législative
Annexes

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