Les politiques d’égalité professionnelle dans les grandes entreprises

Les politiques d’égalité professionnelle dans les grandes entreprises

L’objectif de cette première partie est de situer ce travail de recherche dans le champ académique, conceptuel et méthodologique. Pour cela, il convient tout d’abord de se pencher sur les travaux relatifs à l’égalité professionnelle, et plus précisément relatifs à certaines notions et certains concepts qu’il convient de définir en amont de la partie empirique de ce travail de recherche (chapitre 1). Ainsi, une revue de littérature permettra dans un premier temps de définir plus précisément les contours de la notion d’égalité professionnelle. Il s’agit de comprendre à quel point la notion d’égalité professionnelle est mouvante, d’abord parce que plusieurs logiques d’égalité professionnelle coexistent, ensuite parce que l’égalité professionnelle peut correspondre à plusieurs dimensions : mixité, accès aux postes à responsabilités, égalité salariale, par exemple. Ensuite, on se penchera sur les politiques d’égalité professionnelle étudiées dans les travaux académiques. Cela nous incitera alors à nous poser la question de la persistance des inégalités. La littérature très fournie sur l’égalité professionnelle permet d’éclairer ces différents points mais comporte aussi des manques, qui seront finalement évoqués ici.

Synthèse de la littérature sur l’égalité professionnelle dans les grandes entreprises 

La littérature académique sur le champ de l’égalité professionnelle est particulièrement abondante. On s’intéresse ici plus particulièrement aux thématiques qui paraissent centrales pour notre recherche. Ce travail de recherche s’intéresse aux politiques d’égalité professionnelle, à leur construction, à leur mise en œuvre et à leurs effets. Comme on l’a vu brièvement dans l’introduction, le cadre législatif sur l’égalité professionnelle est fourni, mais la notion d’égalité professionnelle y reste polysémique, et les acteurs de l’entreprise doivent fournir un travail de définition de ce qu’est l’égalité professionnelle. Ainsi, comme le montre Hoeber (2007), les acteurs d’une organisation peuvent avoir une certaine conception (« meaning ») de l’égalité professionnelle (par exemple, « women having the same opportunities as men », ou « equal allocation of resources »), qui peut influer sur leurs pratiques (« practices ») en la matière. De plus, comme le montrent Hang-Yue, Foley et Loi (2006) à partir d’une étude sur les professions juridiques à Hong-Kong, cette conception est liée notamment à un système de valeurs qui peut influer sur la perception de l’existence de discriminations et d’inégalités professionnelles. De ce fait, il paraît nécessaire de s’intéresser à cette notion d’égalité professionnelle, et aux différentes dimensions qu’elle peut recouvrir, par le biais d’une revue des travaux académiques sur ce sujet (I).

Pour autant, la prise de conscience de la nécessité de lutter en faveur de l’égalité professionnelle n’est pas neuve, comme en témoigne l’ancienneté des lois sur cette thématique. Il paraît alors nécessaire de comprendre la persistance d’inégalités professionnelles encore importantes. Pour cela, se pencher sur les travaux académiques s’intéressant au rôle des grandes entreprises dans la lutte contre l’inégalité professionnelle mais aussi dans la reproduction d’inégalités paraît essentiel (II). Cela permet aussi de positionner l’approche de notre travail de recherche par rapport à d’autres approches académiques existantes. Enfin, s’intéresser aux manques de la littérature permet d’inscrire ce travail de recherche dans un enrichissement de la littérature existante sur le champ étudié (III).

L’égalité professionnelle : une notion polysémique 

Deux dimensions de l’égalité professionnelle peuvent particulièrement être sujettes à un travail de définition. La première définition concerne ce que l’on peut appeler les logiques d’égalité professionnelle. On s’appuiera notamment sur les travaux de Laufer (2008) identifiant plusieurs logiques d’égalité professionnelle et de prise en compte de cette thématique par les entreprises (I.1). La seconde définition concerne ce que l’on appellera les contours de l’égalité professionnelle, que l’on peut cerner par les domaines couverts par les politiques d’égalité professionnelle (I.2).

De l’égalité des droits à l’égalité des chances : quelles logiques d’égalité professionnelle ? 

Au cours du vingtième siècle, la conception de l’égalité professionnelle véhiculée par les obligations légales et par les acteurs professionnels et académiques a connu des évolutions importantes, dont Laufer (2008) rend compte en identifiant trois étapes, tout en mettant au jour quatre logiques sous-jacentes à l’égalité professionnelle.

La première moitié du vingtième siècle : une logique de traitement différencié des femmes et des hommes 

Dès la fin du dix-neuvième siècle, les femmes font l’objet d’une législation spécifique, notamment en matière de conditions de travail : la durée limitée du travail, l’interdiction du travail de nuit et du travail souterrain, par exemple dans les mines ou les carrières (1892) et l’instauration d’un congé de maternité (1909), sont ainsi des mesures prises, en faveur des femmes certes et dans une logique protectrice, mais qui ont pour effet de segmenter les populations féminine et masculine. Ainsi, la loi du 2 novembre 1892 porte sur « le travail des enfants, des filles et des femmes dans les établissements industriels » : la population féminine est ainsi associée à la population enfantine, en opposition à la population masculine. Comme le soulignent Laufer, Zylberberg-Hocquard, Lanquetin, Bué, Roux-Rossi, Boutroue et Ximenes (2001), les débats autour de cette loi de 1892 soulignent d’ailleurs la difficulté de la ranger, soit du côté des avancées sociales, soit du côté d’une privation de liberté. Cette loi provoque aussi des discussions sur la nécessité et la légitimité du travail des femmes. Plus précisément, alors même que les femmes travaillaient depuis longtemps dans le domaine de l’agriculture, c’est l’émergence de la nouvelle figure de l’ouvrière qui fait éclore un intérêt scientifique et politique sur le sujet de la participation des femmes au marché du travail et sur les conditions de cette participation (Lanquetin, 2003). La loi Engerand du 27 novembre 1909 sur l’instauration du congé de maternité s’inscrit aussi dans une logique de protection de la femme, mais surtout de sa « fonction maternelle », véhiculant ainsi l’image d’une « femme faible, fragile et toujours potentiellement enceinte » (Laufer, 2008, p. 27).

Laufer (ibid.) souligne que c’est également au début du vingtième siècle, avec la logique taylorienne de rationalisation du travail, que la segmentation entre « métiers féminins » et « métiers masculins » voit le jour. À une époque où le monde du travail est dominé par les tâches physiques et par la présence de machines, les hommes ont l’apanage des tâches impliquant une force physique ou des compétences techniques telles que la connaissance du fonctionnement des machines, alors que les femmes remplissent les tâches simples, ne nécessitant pas de force physique et ne faisant pas l’objet d’une reconnaissance de compétences. La littérature académique s’est ainsi penchée sur la question de la reconnaissance du travail des femmes, mettant au jour la construction sexuée des qualifications et de la valorisation du travail, qui se caractérise par une sous-valorisation et une naturalisation des compétences et qualifications nécessaires pour exercer des emplois à prédominance féminine (Alonzo, 1995 ; Gardey, 1995 ; Maruani, 2005). La ségrégation entre les métiers féminins et masculins est en outre intimement liée à l’histoire de l’industrialisation : Scotto, Sappe et Boyer (2008) rappellent ainsi que les métiers échappant à cette catégorisation de métiers masculins ou féminins sont le plus souvent des métiers récents, comme le marketing. À l’inverse, les métiers ayant une longue histoire apparaissent enfermés dans la persistance d’une image traditionnelle, devenue parfois erronée, des métiers : on peut citer le cas du secteur du Bâtiment, où la perception de métiers nécessitant une force physique importante exclut les femmes, alors même que les progrès techniques ont permis un allègement considérable des efforts physiques (Gallioz, 2006). Gardey (1995) étudie quant à elle  la façon dont s’est construite la profession de sténodactylographe, et surtout comment elle est devenue une profession essentiellement féminine, emblématique d’un « processus d’identification de certains métiers au ‘deuxième sexe’ » (p. 60).

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Table des matières

Introduction générale
Partie 1 : Les politiques d’égalité professionnelle dans les grandes entreprises: revue de littérature et cadre théorique et méthodologique
Chapitre 1 : Synthèse de la littérature sur l’égalité professionnelle dans les grandes entreprises
I. L’égalité professionnelle : une notion polysémique
II. Les politiques d’égalité professionnelle dans les grandes entreprises et la persistance d’inégalités
III. Les manques de la littérature
Conclusion et synthèse du chapitre 1
Chapitre 2 : Cadre conceptuel et méthodologie du travail de recherche
I. Problématique et questions de recherche
II. Une articulation heuristique de cadres théoriques
III. Le design de recherche : l’intérêt d’une double méthodologie qualitative et quantitative pour appréhender l’appropriation et mesurer les effets des politiques d’égalité professionnelle
Conclusion et synthèse du chapitre 2
Conclusion et synthèse de la Partie 1
Partie 2 : Un processus itératif de mise en œuvre, effets et construction d’une politique d’égalité professionnelle : l’étude de cas d’Orange
Chapitre 3 : Une entreprise considérée comme une « entreprise modèle » en matière d’égalité professionnelle : Orange
I. Orange : un groupe international marqué par des évolutions récentes
II. L’égalité professionnelle chez Orange : une entreprise reconnue pour ses engagements et une politique volontariste, malgré des difficultés persistantes
Conclusion et synthèse du chapitre 3
Chapitre 4 : L’appropriation et les effets de la politique d’égalité professionnelle chez Orange
I. Les entités étudiées : populations et enjeux en matière d’égalité professionnelle
II. Les grands processus RH et l’appropriation des mesures d’égalité professionnelle
III. Analyse – Les conditions de l’appropriation et des effets des mesures d’égalité professionnelle
Conclusion et synthèse du chapitre 4
Chapitre 5 : La construction et l’évolution de la politique d’égalité professionnelle d’Orange : une politique bicéphale, entre l’accord et les mesures non négociées
I. Le cadre et le contexte de la négociation
II. La négociation sur l’égalité professionnelle et ses spécificités
III. La politique non négociée et son articulation avec la politique négociée
Conclusion et synthèse du chapitre 5
Conclusion de la Partie 2
Discussion
conclusion générale
Bibliographie
Textes de loi et littérature juridico-législative
Annexes

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