Différents domaines scientifiques pour analyser la technique
La sociologie des usages
Il serait intéressant d’analyser la technique du point de vue de la sociologie des usages.
Nous savons que cette branche de la sociologie s’intéresse aux écarts entre l’usage prévu pour un objet, et son usage réel par les individus. Il serait donc judicieux de savoir si les technologies inventées, afin d’améliorer la vie de personnes handicapés, ou la création de prothèse à des fins sportives, ont été détournées de leur usage prévu ou le contraire.
Il existe plusieurs écoles dans la façon de penser les objets. Certains partent de l’objet pour en tirer des enjeux, d’autres envisagent des théories pour aller jusqu’aux objets. Nous allons tenter de nous servir de ces deux façons de penser pour traiter notre sujet. Nous savons également qu’il faut se distancier de l’innovation technologique, et que la question des usages se situe auniveau de la réception. Tous les objets sont soumis à des études de marché, et sont censés répondre à un besoin. Cependant, nous ne pouvons pas prédire l’usage qu’en feront les individus.
Tout d’abord, il est important de prendre en compte le processus d’appropriation d’une innovation ou d’un objet technologique. De fait, lorsqu’une innovation arrive sur le marché, il y a plusieurs façons de percevoir la réception. Soit l’objet est intégré, contourné, ou rejeté. Nous avons pu constater grâce, à la lecture d’un ouvrage de marketing, que la société joue un rôle primordial dans la conception d’une « innovation » . De fait, il s’agit de prendre en compte « les connaissances et les compétences de l’utilisateur d’un côté, la conception du produit ou du service innovant de l’autre et enfin leur constante interrelation » . En d’autres termes, il s’agit de prendre en compte les habitudes des individus dans une société donnée et de voir quels sont les besoins. Cependant, attention à ne pas penser l’innovation comme un total changement.
En effet, Michel de Certeau nous rappelle qu’il ne faut pas considérer « le changement technique comme autonome et sans lien avec l’évolution de la société » . De fait, les« innovations » peuvent être considérées comme un « renouveau » plutôt que comme une invention. Les créateurs se basent sur ce qui est préexistant et le transforment selon les nouveaux besoins étudiés.
Il y a également une idée intéressante de la notion d’usage. Même si ce n’est qu’un « renouvellement » d’objet déjà existant, nous avons pu constater que « le dispositif émergent semble pouvoir modifier les pratiques des utilisateurs » . Autrement dit, même s’il est calqué sur des pratiques déjà connues, un objet peut en faire naître de nouvelles, et changer les habitudes de l’utilisateur. Comme nous l’avons dit précédemment, la société joue un rôle clé dans la notion d’usage. C’est évidemment elle qui impose des pratiques, et les individus s’adaptent aux nouveaux enjeux. Les usages sont donc compris en « termes d’impact » mais également comme une « négociation entre la conception et les usages existants » (Mallin, P).
Nous pouvons donc comprendre que les industries créatrices se basent sur les pratiques des utilisateurs, et tentent de créer de nouveaux objets pour faire évoluer les pratiques déjà existantes.
Pour finir cette introduction sur la notion d’usage, nous devons parler de « l’émotion », qui a un rôle clé dans la société et la pratique des individus. En effet, comme l’explique Freud, la dynamique des désirs qui pousse un individu à acheter tel ou tel objet, car il en a « envie », ou qu’il en a « besoin ». L’émotion qu’un objet peut procurer, est en quelque sorte, la clé de son appropriation par le grand public.
A présent, nous allons tenter de voir quelles sont les autres aspects fondamentaux de la bonne appropriation d’une « innovation » technique.
Dans le cas d’un objet multimédia par exemple, selon le sociologue Philippe Mallin un objet doit avoir quatre qualités : avoir du sens, avoir une utilité, être facile d’utilisation et avoir une valeur économique réelle. A présent, voyons si nous pouvons appliquer cette définition aux prothèses handisports. Nous pouvons constater qu’elle a un sens pour l’individu, puisqu’elles sont le prolongement de son corps. Ensuite, elles ont une réelle utilité, sans elles, pas de déplacement. En ce qui concerne la facilité d’utilisation, nous pensons qu’après une période d’apprentissage, l’usage en est aisé. Pour finir, la valeur économique nous semble réelle, puisqu’indispensable au mode de vie de l’individu. Nous pouvons donc affirmer que les prothèses handisports sont des objets facilement adaptables dans le cas de personnes handicapées.
Pensons à présent le problème sous un angle différent. Peut-on dire que les prothèses d’Oscar Pistorius ont été détournées de leur usage ? Car s’il y a eu polémique, c’est que les autres athlètes ne possédaient pas de prothèses avec les mêmes caractéristiques techniques.
L’évolution technologique a permis de mettre en place de nouveaux matériaux plus légers, plus flexibles. Ils sembleraient donc que ce ne soit pas un détournement, mais un contournement d’usage. De fait, ce n’est pas un changement radical d’usage car une prothèse reste une prothèse, mais il y a eu perfectionnement, à l’instar de ce qu’il peut être fait dans l’automobile ou l’informatique. Grâce à la science, ces prothèses ont été améliorées comme on améliore une machine.
Bernard Miège dans son ouvrage intitulé la société conquise par la communication III. Les TIC entre innovation technique et ancrage sociale, nous met en garde contre le déterminisme technique. Il explique que « la prégnance des discours fondés sur le déterminisme techniquedans le développement de l’information communication ; le débat social est ainsi perpétuellement encombré par des propositions se présentant comme certitudes et bénéficiant de la position d’autorité reconnue à leurs auteurs ou autoconférés » . Comme nous l’avons déjà évoqué, on ne peut jamais savoir si une « innovation » va être acceptée dans la société, il n’y a pas de certitude. Un objet n’est pas nécessairement créé afin de répondre à un besoin, il y a donc des chances pour qu’il ne soit pas absorbé par la société. Il y a un certain nombre d’incertitude lors de la mise sur le marché d’un objet technologique, il ne faut pas uniquement prendre en compte les données technologiques, comme nous l’avons déjà dit, la société a un rôle clé dans l’acceptation d’un nouvel objet. Le « technodéterminisme » « ne contribue pas à donner une représentation claire de la contribution de la technique au développement de l’information communication ».
Afin de comprendre clairement le positionnement du laboratoire le GRESEC sur la notion des usages et de la technique, il convient de citer un rapport de 2002, s’intéressant aux nouveaux objets de communication. L’hypothèse de départ :
Les sciences de l’information et de la communication
Pour revenir sur la notion de biomécanique, voici une définition simple trouvée dans le dictionnaire en ligne Larousse : « application des lois de la mécanique aux problèmes de biologie, de physiologie et de médecine ». Nous avons donc ici affaire à un terme mettant en lien mécanique et biologie. Il nous semble donc judicieux de faire appel à un domaine qui lie également ces deux mondes.
La cybernétique
Nous pouvons, afin de renforcer nos bases théoriques, nous appuyer sur la cybernétique de Norbert Wiener. L’étymologie de ce mot peut nous permettre de mieux comprendre son utilisation. De fait, le terme cybernétique vient du grec et se traduit par gouvernement, gouverné. Il faudrait considérer le corps comme une machine, qui serait gouvernée par un système afin d’assurer son fonctionnement. Le système en question peut être envisagé comme étant le cerveau, ou le système biologique du corps humain. Il y aurait un système de gouvernance et de rétroaction afin de gérer la circulation des informations. Nous allons tenter de mettre en lien cette notion de la cybernétique avec le corps humain.
Pour cela, nous nous aiderons d’un article publié dans la revue Hermès et écrit par Bernard Claverie : De la cybernétique aux NBIC : l’information et les machines vers le dépassement humain.Il établit un constat intéressant, dont nous avons tenté d’amorcer les prémices précédemment. Nous avons dit que les nouvelles technologies et les évolutions médicales ambitionnaient de rendre la vie des individus meilleure, en remplaçant des organes défectueux, ou en évoluant du point de vue des produits médicamenteux. Dans cet article, nous pouvons lire la chose suivante : « Il ambitionne aujourd’hui la réparation des erreurs de l’information biologique […] pour en éliminer les scories ou les programmes des maladies, voire ceux responsables de la mort programmée. L’enjeu sera bientôt de permettre à l’homme une vie saine et quasi éternelle, quitte pour certains à mettre en œuvre un dépassement transhumaniste par une nouvelle espèce qui survivra à l’homosapien ».
Tout d’abord, nous pouvons constater un vocabulaire commun à l’univers de l’informatique et de la médecine. Tout comme les ordinateurs, le fonctionnement du corps est perturbé par des virus responsables des problèmes techniques. La médecine est envisagée comme le réparateur de l’ordinateur, nettoyant la machine de tous les logiciels responsables du mauvais fonctionnement. De même qu’il est question d’obsolescence programmée, l’être humain est voué à mourir. Pour l’instant, aucun remède n’a été découvert pour aller à l’encontre de la nature humaine. Nous ne sommes pas loin de « l’utopie » technocratique d’Habermas. L’auteur émet l’hypothèse qu’une espèce supérieure à l’homo sapiens viendrait à voir le jour. Tout comme nous avons une espérance de vie plus longue que nos ancêtres, nos descendants seraient amenés à vivre plus longtemps.
Le NBIC
Il existe un rapport nommé le NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique (ou technologie de l’information) et cognatique (ou sciences cognitives appliquées).
L’existence d’un tel rapport est due à la « commande conjointe de la National Science Foundation et du department of commerce » en 2003. Le sous-titre nous informe sur les intentions de ce rapport « technologies convergentes pour améliorer les performances humaines ». La phrase « améliorer les performances humaines » permet de situer ce document dans notre sujet. De fait, comme nous l’avons traité tout au long de ce mémoire, la recherche de performance et les techniques afin de performer sont au centre de notre problématique. Il serait beaucoup trop ambitieux, dans le cadre de ce mémoire, d’analyser les quatre cent pages de ce rapport. Cependant, il est important de connaître son existence, ainsi que ces principales intentions. Il est question d’amélioration médicale, à l’aide de nouvelles technologies, afin de contrôler le système nerveux et moléculaire de l’être humain. Il y a six thèmes majeurs dans ce rapport : la convergence de toutes les technologies, afin d’améliorer les performances humaines, la compréhension de l’esprit humain, améliorer la santé et les capacités humaines, unifier sciences et éducation, la sécurité nationale et améliorer la communication entre les différentsgroupes et sociétés.
Synthèse
Comme il l’a été suggéré précédemment, la recherche de la performance est au centre du problème du dopage et des dérives dans le milieu sportif. De fait, dans la société actuelle, il devient primordial d’être le meilleur. Que ce soit en entreprise ou dans la vie, la concurrence est rude, et la recherche de la performance devient une quête du graal. Le monde du travail devient de plus en plus compétitif, et il faut se battre pour garder son travail. Le terme « compétitif » permet de faire un lien direct avec le monde du sport. De fait, travail et sport évoluent en parallèle dans nos sociétés capitalistes. Il ne nous a pas échappé que le sport ou l’activité physique, prend une place de plus en plus importante dans le mode de vie des personnes. Il devient une ligne directrice, et le meilleur allié du travailleur acharné. Il apparaît comme un exutoire à la pression du monde de l’entreprise. Il est vrai que la pratique d’une activité sportive peut permettre une meilleure concentration, ainsi que des habitudes de vie plus saines. Le gouvernement, par le biais des médias, ne cesse de répéter qu’il faut « bouger plus ».
La médiatisation d’une idée est le meilleur moyen pour faire passer un message, la société d’aujourd’hui met donc tout en œuvre pour que le sport prenne une place plus importante,d’autant qu’il s’agit d’un enjeu de santé publique.
La performance comme Utopie
Pour en revenir à la notion de performance, c’est donc une ligne de conduite pour beaucoup d’individus. Qui plus est, dans le domaine du sport de haut niveau où la performance est synonyme de réussite, donc de rémunération supplémentaire et de reconnaissance par ses pairs. Dans son article dépassement de soi Isabelle Queval traite de cette notion de performance.
Le titre de son article est également intéressant à analyser. Le « dépassement de soi » nous permet de comprendre comment les sportifs de haut niveau peuvent en arriver au dopage. Le dépassement de soi peut impliquer un dépassement des limites naturelles du sportif. Il ne peut aller au-delà, et cherche donc un moyen de se surpasser, au sens technique du terme, aller au delà des limites. Cette pratique du dépassement de soi n’est pas sans risque, car elle est en dehors du naturel. En d’autres termes, c’est aller contre la nature que de vouloir aller au-dessus de ses limites. Nous pouvons tempérer ce propos en faisant mention du dépassement de soi par la seule volonté de l’esprit, mais il s’agit là d’un autre sujet. Le corps humain est comme une machine qui possède un point de rupture. Il n’est donc pas étonnant que de nombreux sportifs aillent jusqu’à la blessure.
Les principaux acteurs
Lorsque l’on parle de dépasser le naturel, les principaux acteurs se trouvent être les industries pharmaceutiques et médicales. Ces dernières trouvent un moyen attractif de faire du profit en mettant en place de nouveaux produits afin d’améliorer les performances. Elles peuvent également trouver de nouveaux matériaux afin d’améliorer les instruments et les outils.
La médecine du sport est l’une des principales forces en présence dans les dérives sportives.C’est un marché lucratif qui permet de tester de nouveaux produits afin de renouveler sans cesse ceux vendus sur le marché. La notion de progrès est partout, que ce soit au niveau des techniques, des matériaux, des technologies.
Cependant, il y a un élément qui ne progresse pas au sens littéral du terme, le corps. Le corps est le seul élément naturel dans l’équation. Si l’homme est différent de la machine, c’est qu’il ne peut être modifié au sens propre. La médecine va permettre de soigner des maladies, de détecter des anomalies, de vivre plus longtemps, mais ne permet pas l’éternité ou de nouvelles capacités, comme elle pourrait le faire avec un robot. Habermas, dans son ouvrage l’avenir de la nature humaine s’inquiète de « la disparition de la frontière entre la nature, que nous sommes, et l’appareil organique que nous nous donnons ».
Cette notion de frontière nous paraît intéressante à analyser dans le sens où il y a une nette séparation entre la nature et les artifices que nous utilisons afin de « mieux vivre ». Cela ne s’applique pas uniquement au sport. De fait, avec l’avènement des nouvelles technologies, notre société se voit noyée sous un flot d’informations, et de données qui souvent nous dépassent. Le fait d’être « connecté » en permanence, de tout savoir en quelques secondes, de pouvoir joindre n’importe qui, n’importe où, n’importe quand, donne une sensation de liberté qui n’est qu’illusoire. Nous vivons dans un monde technologique, où en dépit de notre position centrale (pas de technologie sans homme), l’homme en tant qu’être organique, faisant partie intégrante de la nature, a perdu de son importance.
les principales notions en tension
La normalité comme pathologie
Pour commencer, il nous semble judicieux de définir la notion de norme. En nous attachant à une œuvre de Foucault, Il faut défendre la société, nous sommes en mesure d’expliciter ce passage : « la norme, c’est ce qui peut aussi bien s’appliquer à un corps que l’on veut discipliner, qu’à une population que l’on veut régulariser […] ». Ce que l’on peut comprendre ici, c’est que des normes ont été intégrées à la société afin que, en théorie, tous les individus soient égaux, ou du moins, respectent les mêmes règles de vie. Lorsque l’on a la volonté de « discipliner » ou de « régulariser », nous pouvons supposer que la volonté implicite est de faire entrer dans la « norme » toute personne qui se différencie du reste du groupe. En procédant ainsi, il est possible d’avoir une population uniforme intégrée dans un apparent système d’égalité.
Si, de prime abord, la volonté d’avoir des individus égaux est louable, nous nous rendons rapidement compte qu’il y a un important souci d’altération de la liberté derrière ce fondement.
La base de tout régime despotique est de vouloir faire adhérer aux mêmes idées toute une population. Or, c’est en contradiction avec les droits de l’homme. Ce que nous essayons de montrer, c’est que l’égalité ne doit pas occulter la liberté, et inversement. C’est en partie l’une des polémiques centrales de l’affaire Pistorius, car il est question de la liberté de participer à une compétition valide tout en remettant en cause l’égalité des chances. Les normes sont donc un cadre donné au sein d’une société, dans une situation précise. Certaines normes ne peuvent pas s’appliquer en dehors de leur contexte.
Revenons à la notion de contrôle, déjà évoquée précédemment, pour extrapoler vers la notion de pouvoir. Les normes permettent à ceux qui en détiennent les codes, de contrôler toute une population. Le fait de « normer » une société, permet aux dirigeants de détenir le pouvoir.
Foucault explique dans le résumé d’un de ses cours « le panoptisme, la discipline et la normalisation caractérisent schématiquement cette nouvelle prise de pouvoir sur les corps […] le sujet psychologique naît au point de rencontre du pouvoir et du corps » . C’est là que l’on peut constater l’importance des règles et de la législation, comme la clé du pouvoir. C’est en imposant des normes, que l’on peut diriger. Pour faire un parallèle avec notre affaire, nous avons déjà montré que l’IAAF a réécrit les règles concernant le dopage, et qu’il a été demandé des expertises et contre-expertises. La loi a donc un véritable rôle de médiateur. La question de l’éthique est tout autant mise en cause que celle de l’égalité. Dans la thèse de Muriel Combes, nous pouvons lire, la confirmation de ce que nous venons de dire, à savoir de quelle manière la justice est souvent appelée dans ce type d’affaire : « les bouleversements techno-scientifiques dans le chant du vivant suscitent cependant, depuis quelques décennies, une intensification de l’activité juridique, qui prend d’ailleurs moins la forme de législation que celles de directives, règlements, décisions de justice qui font jurisprudences, ou encore d’ « avis » ; l’apparition de comité d’éthique, souvent davantage peuplé de professionnels de techno-sciences que des techniciens du droit […]témoigne d’ailleurs de ce fonctionnent du droit au service de la norme ». Cela démontre clairement que la justice, souvent instituée par des non professionnels du droit, paraît être la solution a bien des problèmes, et qu’elle apparaît comme étant l’unique recours légitime.
Historique
Reprenons quelques points historiques. Aux XVII et XVIII siècles, les hommes condamnaient des individus comme les hermaphrodites. La méconnaissance médicale de cephénomène ne permettant pas de comprendre, les citoyens voyaient en cette justice le remède à leurs peurs. Selon Foucault, il existait une anomalie nommée « le monstre humain ». Il en définit le terme ainsi « ce qu’il est, dans son existence même et dans sa forme, non seulement violation des lois de la société, mais violation des lois de la nature » . Là encore, le terme de nature réapparait. Le monstre « contredirait les lois ». Si l’on fait un parallèle, c’est en raison de l’unicité du cas d’Oscar Pistorius que l’IAAF a demandé des expertises. Le fait que les prothèses de l’athlète soient ancrées dans sa « nature », lui permettrait d’être plus grand, donc avantagé. Les accusations résultent donc de causes jugées contre nature. Toujours selon Foucault, le monstre « interroge et le système médical, et le système judiciaire » . C’est également le cas dans notre étude. De fait, l’autorisation de participer aux jeux olympiques avec les valides dépend d’une étude médicale permettant de savoir si sa différence l’avantage. La médecine ayant grandement évolué depuis l’époque du monstre humain, c’est à la biotechnologie de donner son verdict. Cependant, les critères permettant de savoir si l’athlète est avantagé par son handicap, mettent en avant un certain questionnement. Comment un handicap peut-il être avantageux ? Biologiquement, Oscar Pistorius est égal à ses adversaires. Mais ses détracteurs déplorent un suréquipement (reviendrait-on à notre notion de sur-adaptation ?). C’est l’hybridation des deux formes qui dérange. Nous pourrions volontairement nous montrer provoquant en parlant de l’athlète comme d’un individu « mi-homme-mi-machine ». Cela rappelle également la notion de convergence dont nous avons traité plus haut. Il s’agirait ici de la convergence de l’humain et de la machine, qui mettrait en exergue des liens et des problématiques nouvelles. Peter Sloterdijk écrivait « tout ce qui survient sur le front technique a désormais des conséquences sur la compréhension de l’être humain par soi-même » . Si l’on se pose la question de l’équité dans une compétition valides/invalides, la première chose qui nous vient à l’esprit, est l’avantage pour les athlètes valides. Mais dans le cas présent, il apparaît que c’est l’inverse.
Une notion culturelle
Cette inversion des mentalités pose de nouvelles questions sur le statut de la biotechnologie dans le domaine du sport. Si ces nouvelles technologies donnent des avantages sportifs en termes de performance, à des individus par ailleurs désavantagés dans la vie, la notion de « normalité » se transforme. Revenons d’ailleurs sur cette notion. Norme, normal, normalité. Il est intéressant de constater que ces termes n’ont pas la même définition selon la culture de l’individu interrogé. De grands débats sociétaux se sont d’ailleurs engagés sur cette notion de normalité. En sortant du domaine des sciences de l’information et de la communication pure, nous pouvons évoquer le débat sur le mariage homosexuel. Sans entrer dans un domaine aussi polémique, nous pouvons évoquer les concepts de « communautés interprétatives » de Stanley Fish, ou le « partage du sensible » de Jacques Rancière. Que ce soit en littérature, en sociologie ou en sciences de l’information et de la communication, la question de la culture et de son influence sur notre interprétation des faits reste centrale. Selon la culture de chacun, la réponse sera différente.
En revenant dans le domaine qui est le nôtre, la notion de cadre de Goffman nous paraît tout à fait appropriée pour comprendre cette notion de norme. La société est normée par des règles que l’on s’impose, et qui nous semblent justes. Mais selon le pays, ou le niveau d’éducation, ces normes sont différentes. Qui est-ce qui définit la réalité ? Pourquoi avons-nous des représentations sociales différentes selon nos origines ? Vaste débat qui n’a pas vraiment lieu d’être dans notre sujet, mais auquel il est important de penser afin de comprendre les problématiques qui nous intéressent.
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Table des matières
Remerciements
Introduction
Partie 1 : Les polémiques et les principaux acteurs de la biotechnologie : le cas Pistorius
Chapitre 1 : L’affaire Pistorius
I : Historique
1 : une demande sans précédents
2 : les antécédents
II : Analyse de corpus de presse
1 : Les polémiques physiques
1-1 L’originalité du handicap
1-2 L’avantage mécanique
2 : Les polémiques dans différents domaines
2-1 : L’omniprésence de la science
2-2 : La puissance des médias
2-3 : Le sport spectacle
Chapitre 2 : Les retombées médiatiques : les enjeux communicationnels en présence
I : Analyse d’une publicité Nike
1 : Constats
2 : Les analyses des chercheurs
II : Les conséquences de la surmédiatisation
1 : Abolition de la frontière privé/public
2 : Le handisport : Grand oublié des médias
3 : Des préjugés existants
III : La diffusion des savoirs scientifiques et techniques
1 : La vulgarisation scientifique
1-1 Les techniques
1-2 Le rôle du médiateur
2 La publicisation
2-1 Les objectifs
2-2 L’enjeu sociétal
3 La presse et le discours médiatique
3-1 Les contrats de communication
3-2 Les techniques de captation
Partie 2 : Des technologies omniprésentes dans le sport et la société
Chapitre 1 : La notion ambigüe du dopage et les procédés utilisés
I : Explication de la notion
1 : Définition
2 : Mécanique et artefacts
II : La notion de corps augmenté
1 : L’augmentation médicale
2 : L’augmentation technologique
3 : Pluralité des points de vue
III : Les dérives de la quête de puissance
1 : Dopages médicamenteux
1-1 La volonté de contrôle
2 : L’avantage matériel
2-1 : l’importance des lois
3 : La tricherie « pure »
4 : Les anomalies génétiques
IV : la reconnaissance
Chapitre 2 : La technique : entre théorie et pratique
I : Définition
II : Différentes thèses sur la notion de technique
1 : La technique contre la nature
2 : La technique au service du sport
III : Différents domaines scientifiques pour analyser la technique
1 : La sociologie des usages
2 : Les sciences de l’information et de la communication
2-1 : La cybernétique
2-2 : Le NBIC
Chapitre 3 : Synthèse
I : La performance comme utopie
1 : Les principaux acteurs
2 : synthèse
Partie 3 : Les polémiques de la biotechnologie dans le domaine du sport comme miroir de la société
Chapitre 1 : Les principales notions en tension
I : La normalité comme pathologie
1 : Le « monstre » de Foucault
1-1 Historique
1-2 Une notion culturelle
2 : Frontière entre éthique et morale
II : Entre fiction et réalité
1 Le mythe de « l’homme machine »
2 La notion d’identité
2-1 : un corps différent
2-2 : Médiation entre l’individu et son appareillage
2-3 : Une évolution possible ?
Chapitre 2 : Un monde en reconstruction
I Le Cybathlon
1 : Constats
2 : Description
3 : Polémiques et objectifs
II : Les interrogations posées par l’utilisation des nouvelles technologies
1 : L’égalité
2 : L’imaginaire technique et social
Conclusion
Bibliographie
Sommaire annexes