Les plasmas hors équilibre à la pression atmosphérique (PHEPA) pour les applications biomédicales
Les PHEPA sont utilisés dans diverses applications comme par exemple la modification de l’état de surfaces, la production de lumière, la décontamination biologique et chimique de solides ou de fluides, le nettoyage et le traitement des matériaux, … ([El-1], [La-4], [Lu-5], [Ka-2], [Ko-1], [Ma-1], [Mi-1], [Mo-1] , [Br-5]). Grâce à leur faible température (généralement inférieure à 40◦C), ces plasmas peuvent être appliqués directement sur des surfaces sensibles à la température sans les endommager d’où leur intérêt dans le domaine biomédical (comme la cicatrisation des tissus, la coagulation sanguine, les traitements antibactériens et anti-tumoraux, …). Un autre intérêt de leur utilisation vient du fait qu’il n’est pas nécessaire de mettre en œuvre un système de pompage de gaz.
Les PHEPA sont générés par des décharges qui nécessitent l’application d’une différence de potentiel de grande amplitude entre deux électrodes afin de générer un champ électrique suffisamment intense pour ioniser le gaz. Dans ces conditions et sans précautions particulières, la décharge conduit naturellement à la formation d’un arc électrique. Pour obtenir les conditions du hors équilibre, plusieurs solutions sont possibles. On peut par exemple appliquer des impulsions très courtes de haute tension pour amorcer les décharges et les avorter avant qu’elles ne forment un court circuit avec les électrodes. On peut également prévoir un très fort rayon de courbure sur une électrode pour localiser et contraindre la zone active des décharges par effet de renforcements des lignes de champ (principe des décharges couronnes [Au-1]). Il est également possible de déposer un isolant sur une ou deux électrodes pour favoriser le dépôt de charges et induire une barrière diélectrique empêchant le passage à l’arc électrique (principe des décharges à barrières diélectriques ou DBD [Ku-1]). Les PHEPA peuvent se développer un volume (cas des décharges couronnes et DBD) mais également en surface (cas des DBD).
Pour les applications biomédicales, les dispositifs plasmas peuvent être classés en deux grandes catégories : Ceux permettant un contact direct de la surface à traiter avec le plasma et ceux induisant un traitement indirect, la surface étant en contact avec un flux de gaz activé en amont par un PHEPA.
Dans le cas d’une application direct du plasma, les tissus ou organismes constituent (en tout ou en partie) une des électrodes du dispositif et sont donc directement soumis à la décharge électrique [De-1] [Ca-1] [Tu-1]. Un courant peut ainsi traverser les tissus vivants sous forme d’un petit courant de conduction, d’un courant de déplacement ou des deux. Le courant de conduction doit être limité afin d’éviter tout échauffement ou stimulation électrique des muscles. Le traitement direct soumet la surface des tissus aux flux de toutes les espèces (radicaux, espèces excitées et chargées) du plasma sans distinction, aux rayonnements UltraViolet (UV) et au champ électrique. Ce type de traitement utilise généralement des décharges à barrière diélectriques à électrodes flottantes (FE-DBD).
Dans le traitement plasma indirect, la décharge électrique se produit entre deux électrodes externes puis les espèces actives de longue durée de vie sont dirigées vers la surface de traitement par un flux gazeux (qui peut être auto-généré). On parle alors de jet de plasma hors équilibre à la pression atmosphérique (JPHEPA). Ce type de traitement utilise principalement les propriétés actives des atomes et des molécules neutres générés dans le plasma et implique un flux de charge électrique très faible à la surface. La figure II.2 montre deux dispositifs indirects. L’un consiste à faire circuler un flux d’hélium dans un tube de verre recouvert par deux électrodes annulaires. L’image montre la sortie du tube où le flux d’hélium, préalablement activé dans le tube, s’étend dans l’air libre et atteint la surface à traiter (ici le doigt). Il existe une diversité de dispositifs de ce type avec différents design d’électrodes et d’alimentation (pulsée, AC, RF, …) [Lu-4]. Ces dispositifs génèrent des décharges à barrière diélectrique et des ondes d’ionisation qui quittent l’espace inter-électrode et se propage dans le mélange hélium-air en dehors du tube. L’autre dispositif est composé d’une pointe de très faible rayon de courbure portée à une haute tension continue et entourée par une électrode reliée à la masse. Ici, les décharges apparaissent dans l’air et le flux de gaz est auto-généré permettant de transférer les espèces excités et radicalaires vers la surface à traiter [Ma-3]. Ce dispositif génère des décharges de type couronne et une succession de streamers.
Traitement par plasma froid à pression atmosphérique des microorganismes
Les dispositifs classiques utilisés pour la décontamination biologique et la stérilisation des instruments médicaux emploient des réactifs chimiques toxiques nécessitant des précautions d’utilisation importantes ou des dispositifs impliquant des températures élevées. Ces dispositifs ne peuvent donc pas être utilisés sur la peau ou sur des instruments médicaux thermosensibles. Par contre, les plasmas froids à la pression atmosphérique sont caractérisés par la génération d’espèces actives qui peuvent inactiver des micro-organismes sans effets thermiques. Cela permet l’application des plasmas directement sur les tissus vivants, les biomatériaux et les instruments médicaux thermosensibles.
Dans l’article [La-3], M. Laroussi et al. ont pu montrer que l’exposition à un jet de plasma des cellules d’E. Coli à l’état planctonique (cellules intestinales chez les mammifères) les a endommagées .
Traitement par plasma froid à pression atmosphérique des plaies et des ulcères
Dans ce domaine, la raison principale qui retarde ou interdit la cicatrisation des plaies et des ulcères est l’infection provoquée par les micro-organismes normalement traités par des antiseptiques locaux, par des antibiotiques ou par un nettoyage chirurgical. Ces traitements n’arrivent pas toujours à donner des résultats satisfaisants. Le traitement par plasmas froids à pression atmosphérique peut accélérer la guérison des plaies et des ulcères. Quelques effets de traitement par plasmas froids à pression atmosphérique sont présentés ci-dessous :
● La décontamination des plaies :
Grâce à la capacité de certains dispositifs à base de plasmas froids, des microorganismes néfastes pour le corps peuvent être tués sans affecter les cellules saines.
● L’inactivation et destruction des biofilms bactériens :
Le biofilm est un groupe de micro-organismes comme les bactéries dans laquelle les cellules se collent les unes aux autres sur une surface. Dans l’article de M. Vleugels et al. [Vl-1], il a été montré qu’un plasma froid d’hélium et de dioxygène peut inactiver des biofilm de bactéries « pantoea agglomerans » que l’on trouve chez les animaux et l’homme dans les plaies, le sang et les urines (c’est une bactérie que l’on peut également trouver à la surface des plantes, des graines, dans le sol et dans l’eau).
● La réduction des odeurs des plaies :
La mauvaise odeur des plaies est causée par les bactéries qui résident dans les tissus nécrosés. Il s’agit habituellement de microbes multiples contenant à la fois des bactéries anaérobies et aérobies. Ce sont en grande partie les bactéries anaérobies qui émettent la putrescine et la cadavérine causant les odeurs nauséabondes. Certaines bactéries aérobies, comme la Proteus et la Klebsiella peuvent aussi produire des odeurs désagréables. Les traitements par plasmas froids diminuent l’émission de ces odeurs en tuant les bactéries qui les produisent. [Be-1] .
La coagulation du sang par plasma froid à pression atmosphérique
La capacité de l’organisme à faire coaguler le sang est essentiel à l’être humain. Le processus de coagulation entraîne la fermeture des blessures afin d’empêcher la perte d’une quantité de sang trop importante. Les travaux expérimentaux de Fridman et al. [Fr-2] montrent que le traitement par plasma froid à pression atmosphérique accélère la coagulation du sang. issue de l’article, présente deux gouttes de sang prises d’un donneur en bonne santé et placées sur un substrat en acier. La goutte à droite se coagule naturellement pendant 15 min, alors que la goutte à gauche, traitée par un plasma froid à pression atmosphérique pendant 15 s, coagule en moins d’une minute sans aucun dommage tissulaire.
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Table des matières
Chapitre I : Introduction générale
Chapitre II : Généralités et état de l’art
II.1 Introduction
II.2 Généralités sur les plasmas
II.3 Les plasmas hors équilibre à la pression atmosphérique (PHEPA) pour les applications biomédicales
II.3.1 Traitement par plasma froid à pression atmosphérique des micro-organismes
II.3.2 Traitement par plasma froid à pression atmosphérique des plaies et des ulcères
II.3.3 La coagulation du sang par plasma froid à pression atmosphérique
II.3.4 Un exemple de traitement par plasma froid à pression atmosphérique d’un cancer : le cancer mélanome de la peau
II.3.5 Activation d’un milieu par plasma pour le traitement du cancer
II.4 Caractéristiques physiques et propriétés des JPHEPA utilisant l’hélium comme gaz vecteur
II.4.1 Les ondes d’ionisation
II.4.2 Aspect annulaire des ondes d’ionisation
II.4.3. Vitesse des ondes d’ionisation
II.4.4. Influences des paramètres expérimentaux sur les caractéristiques du jet de plasma
II.5 Conclusion
Chapitre III : Cinétique chimique 0D
III.1 Introduction
III.2 Conditions de simulations et présentation des hypothèses de calcul
III.2.1 Conditions de simulation
III.2.2 Prise en compte de l’activation du mélange par les ondes d’ionisation
III.3 Modélisation 0D de la cinétique chimique
III.3.1 Mise en équation
III.3.2 Détermination des coefficients de réaction
III.3.3 Descriptif du modèle
III.4 Résultats
III.4.1 Analyse des résultats en z = 0 cm
III.4.2 Analyse des résultats en z = 2 cm
III.4.3 Evolution de la concentration des électrons le long de l’axe de propagation du jet
III.5 Conclusion
Chapitre IV : Simulation des jets de plasmas froids dans l’hélium sous COMSOL
IV.1. Introduction
IV.2. Présentation du modèle
IV.2.1. Le modèle de l’écoulement du mélange gazeux
IV.2.2. Le modèle de la décharge
IV.3. Validation du modèle
IV.3.1. Description des conditions expérimentales [Al-2]
IV.3.2. Description du modèle numérique [Ja-3]
IV.3.3. Présentation des résultats issus de la littérature
IV.4 Modélisation de la propagation du jet à l’extérieur du tube
IV.4.1 Conditions de simulation
IV.4.2 Premiers résultats
IV.5 Simulation d’un dispositif expérimental de l’équipe
IV.5.1 Géométrie du dispositif et conditions de simulation
IV.5.2 Résultats
IV.6 Conclusion
Conclusion générale
Annexe