Les différents types de stress liés au sel
La présence dans le sol de fortes teneurs en sel a le même effet que la sécheresse, en réduisant la quantité d’eau assimilable par les racines des plantes. Cet effet résulte de la différence de concentrations en sel entre les végétaux et le sol (le gradient osmotique créé entre le sol et la plante empêche l’absorption de l’eau par les racines et, s’il est suffisamment élevé, provoque le dessèchement de la plante). Selon le degré de salinité, cet effet réduit la capacité de croissance des cultures et diminue les rendements annuels. Le stress salin semble être ressenti de trois façon différentes par les végétaux (Levigneron et al., 1995) :
Stress hydrique
Une forte concentration saline dans le sol est tout d’abord perçue par la plante comme une forte diminution de la disponibilité en eau. Cela nécessite un ajustement osmotique adapté, afin que le potentiel hydrique cellulaire demeure inférieur à celui du milieu extracellulaire, de manière à poursuivre l’absorption d’eau et maintenir la turgescence.
Stress ionique
En dépit d’un ajustement osmotique correct, la toxicité ionique survient lorsque l’accumulation de sodium et de chlorure dans les tissus perturbe l’activité métabolique.
Stress nutritionnel
Une forte concentration saline dans le milieu provoque une altération de la nutrition minérale. Au niveau des transporteurs membranaires, le sodium entre en compétition avec le potassium et le calcium, et le chlorure avec le nitrate, le phosphate et le sulfate.
Effet du stress salin sur les plantes
La germination des graines est le premier stade physiologique affecté par la salinité. À titre d’exemple, le taux de germination du cotonnier chute de 70 % en présence de 12 grammes par litre de chlorure de sodium (NaCl) et la germination des tubercules de pommes de terre peut être retardée de 3 à 7 jours selon le degré de salinité du sol. La croissance et la fructification sont également affectées, aussi bien au niveau quantitatif que qualitatif. Il est possible de mettre en évidence l’influence du sel sur des activités métaboliques aussi nombreuses et importantes que l’absorption d’eau et de nutriments, l’ajustement osmotique, la synthèse de protéines et d’acides nucléiques, l’accumulation de solutés organiques (proline, sucres solubles), ainsi que sur la balance hormonale, les taux de respiration, la photosynthèse et les interactions avec la microflore du sol. La salinité affecte la photosynthèse et l’assimilation de carbone par la réduction de l’indice foliaire et la fermeture des stomates. Les ions chlorure et sodium entrent par les racines et sont conduits par le xylème vers les tiges et les feuilles. Là, ils sont soit stockés (plante de type includer), soit au contraire très peu retenus et revéhiculés par la sève phloemique jusqu’aux racines (plante de type excluder) (figure 1). Dans le premier type, includer, le sel montant est piégé et accumulé dans les cellules des parties aériennes, plus particulièrement dans leur vacuole. Dans le second type, excluder, ce sont les cellules racinaires qui assurent la protection des parties aériennes, en limitant la quantité de sodium transporté par le xylème et/ou en l’excrétant dans le milieu extérieur. La saturation en sel de l’espace intercellulaire des parties aériennes entraîne des nécroses et apoptoses. Dès lors, une des stratégies d’adaptation de la plante consiste à synthétiser des osmoprotecteurs, principalement des acides aminés tels que la proline et des sucres dont les teneurs augmentent rapidement en cas de stress salin (Levigneron et al., 1995).
Seuils de salinisation
La quantité de sels dans le sol que les plantes peuvent supporter sans grand dommage pour leur croissance varie avec les familles, les genres et les espèces, mais aussi les variétés considérées. C’est pourquoi il n’est pas possible de définir dans l’absolu, le seuil de salinité à partir duquel les cultures subissent un stress salin. Néanmoins, une gamme de salinité a été établie à partir des concentrations en sel de l’eau du sol .
La symbiose mycorhizienne
Définition
Le terme « mycorhize » (du grec mukes : champignon et rhiza : racines) fut créé, à l’origine, par le phytopathologiste allemand Frank en 1885. Historiquement, l’association symbiotique plante-champignon mycorhizien est le résultat d’une longue évolution datant de l’apparition des plantes terrestres. Les mycorhizes sont des associations durables entre les racines de végétaux et le mycélium filamenteux de champignons telluriques. Il s’agit d’une union mutualiste basée sur des échanges bénéfiques entre les deux partenaires. Ce qui se traduit souvent chez les plantes mycorhizées par une meilleure compétitivité et une meilleure capacité à tolérer les stress environnementaux que les plantes non mycorhizées. Ainsi, la symbiose mycorhizienne semble très ancienne et l’origine mycotrophique des premières plantes vasculaires remonterait à une époque située entre 353 et 462 millions d’années (Simon et al., 1993).
On distingue plusieurs types d’associations mycorhiziennes basées sur le partenaire fongique impliqué dans la symbiose. Les mycorhizes partagent des caractéristiques communes, telles que le développement d’un mycélium dans le sol, et une colonisation inter- et/ou intracellulaire des tissus de la racine. Les symbiotes végétaux sont si nombreux et si diversifiés qu’une classification selon leur genre serait trop complexe (Smith et Read 1997). Il existe trois grands groupes de mycorhizes : les ectomycorhizes, les endomycorhizes (constituées par les endomycorhizes à vésicules et arbuscules et les endomycorhizes à pelotons d’hyphes cloisonnées) et les ectendomycorhizes. Les endomycorhizes à arbuscules constituent les symbioses végétales les plus communes.
La symbiose endomycorhizienne
Rarement visibles à l’œil nu, les endomycorhizes forment des spores souterraines dont la germination produit une hyphe mycélienne capable d’infecter les racines des végétaux. Ces MA sont des symbiotes obligatoires incapables d’accomplir leur cycle biologique en l’absence d’une plante hôte.
Le terme mycorhizes à vésicules et arbuscules (MVA) désignait à l’origine les associations symbiotiques formées par tous les champignons appartenant aux Glomales. Cependant, du fait qu’un important sous ordre n’a pas la capacité de former des vésicules dans les racines, le terme mycorhize à arbuscules (MA) est actuellement l’acronyme le plus adéquat. Le phénomène de mycorhization est quasi général et les champignons MA se retrouvent chez la plupart des familles végétales dans des situations écologiques allant de conditions tropicales humides à des conditions désertiques y compris les sols salés. Dans les sols sahéliens, les mycorhizes constituent l’association symbiotique la plus fonctionnelle (Ducousso, 1991 ; Diop et al., 1994). Les champignons mycorhiziens arbusculaires appartenant à l’ordre des Glomales y sont les plus répandus et s’associent à plus de 80% des plantes terrestres (Heijden et al., 1998). Ces champignons forment des associations symbiotiques avec les racines des végétaux et contribuent à améliorer l’utilisation de l’eau et des nutriments, spécialement ceux qui ont une faible mobilité dans le sol tels que le phosphore, le zinc et le cuivre, et augmentent la tolérance des plantes aux divers facteurs biotiques et abiotiques (Smith et Read, 1997). Cette symbiose est caractérisée par des mouvements bi-directionnels d’éléments nutritifs au cours desquels les flux de carbone sont apportés aux champignons et les éléments nutritifs inorganiques sont apportés à la plante. Ainsi, Les champignons hétérotrophes aident les plantes à améliorer leur nutrition hydrominérale et bénéficient en retour des métabolites photosynthétisés par ces dernières et nécessaires à la réalisation de leur cycle biologique. Bien que leur sporulation et la colonisation des plantes soit inhibée par la salinité dans certaines zones (Junniper et Abott, 1993 ; Mankarios et abdel Fattah, 1994), les champignons endomycorhiziens peuvent promouvoir la croissance des plantes (Hirrel et Gerdemann, 1980 ; Copeman et al., 1996) à travers l’amélioration de la nutrition des plantes et la production d’osmorégulateurs (Ojala et al., 1983 ; Duke et al., 1986 ; Ruiz-Lozano et Azcon, 2000). Une meilleure connaissance des relations spécifiques entre plantes et champignons est nécessaire pour une utilisation adéquate de ces microorganismes telluriques. L’exploitation du potentiel microbiologique des sols et en particulier celui des champignons mycorhiziens arbusculaires pourrait permettre de favoriser une meilleure adaptation des plantes aux milieux salins.
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Table des matières
Introduction
1 Synthèse Bibliographique
1.1 La salinisation
1.1.1 Définition et origines
1.1.2 Cas des sols fertiles
1.1.3 Localisations
1.1.4 La salinisation des terres au Sénégal
1.2 Les plantes face au stress salin
1.2.1 Les différents types de stress liés au sel
1.2.1.1 Stress hydrique
1.2.1.2 Stress ionique
1.2.1.3 Stress nutritionnel
1.2.2 Effet du stress salin sur les plantes
1.2.3 Seuils de salinisation
1.3 La symbiose mycorhizienne
1.3.1 Définition
1.3.2 La symbiose endomycorhizienne
1.3.3 Classification des champignons MA
1.3.3.1 Différentes structures des champignons endomycorhiziens
1.3.3.1.1 Mode d’infection
1.3.4 Bénéfices de la symbiose
1.4 Interactions plantes/champignons mycorhiziens en milieu salin
1.4.1 Facteurs influençant l’efficacité de la symbiose en sol salin
1.4.2 Augmentation de la tolérance au sel
1.4.3 Amélioration de la croissance, de la nutrition et de différents paramètres physiologiques
1.4.3.1 Amélioration de la croissance
1.4.3.2 Teneurs en phosphore, en sodium, en chlore et autres ions
1.4.3.3 Concentrations en chlorophylle, efficacité de la photosynthèse et échanges gazeux
1.4.3.4 Fuite des électrolytes au niveau des racines
1.5 Acacia seyal Delile
1.5.1 Taxonomie et nomenclature
1.5.2 Description botanique
1.5.3 Distribution et habitat
1.5.4 Utilisation
1.5.5 Description des fruits et des graines, Cycles de floraison et fructification
1.5.6 Récolte et Conservation
1.5.7 Dormance et pré traitement
1.5.8 Semis et germination
2 Matériel et Méthodes
2.1 Zone d’étude
2.2 Études de diversité des champignons MA associés à A. seyal
2.2.1 Obtention de propagules mycorhiziennes
2.2.1.1 Échantillonnage
2.2.1.2 Étude du potentiel mycorhizogène des sols étudiés
2.2.1.2.1 Préparation de sols
2.2.1.2.2 Mise en Culture
2.2.2 Observations histologiques
2.2.2.1 Estimation du nombre le plus probable de propagules
2.2.3 Caractérisation morphologique
2.2.3.1 Piégeage en serre
2.2.3.2 Cultures monosporales
2.2.3.3 Extraction des spores
2.2.3.4 Coloration des racines
2.2.3.5 Identification des spores
2.2.4 Caractérisation génétique
2.2.4.1 Extraction d’ADN du sol
2.2.4.2 Extraction d’ADN des racines
2.2.4.3 Extraction d’ADN des spores
2.2.4.4 Amplification de l’ADN
2.2.4.5 Clonage et purification des produits PCR
2.2.4.6 Analyse des séquences
2.3 Études des effets la mycorhization de A. seyal en conditions de stress salin
2.3.1 Germination des graines de A. seyal et semis
2.3.2 Inoculum fongique et substrat de culture
2.3.3 Dose d’inoculum
2.3.4 Influence du NaCl sur la croissance, la nutrition et la mycorhization de Acacia seyal sur sol non stérile
2.3.4.1 Dispositif expérimental
2.3.4.2 Traitements
2.3.4.3 Paramètres mesurés
2.3.5 Influence de Glomus aggregatum sur Acacia seyal soumis à un stress salin progressif
2.3.5.1 Dispositif expérimental
2.3.5.2 Traitements
2.3.5.3 Paramètres mesurés
2.3.6 Effet de la diversité mycorhizienne de 3 sols du Sénégal sur le prélèvement en phosphore d’Acacia seyal
2.3.6.1 Dispositif expérimental
2.3.6.2 Traitements
2.3.6.3 Paramètres mesurés
2.3.6.4 Analyses minérales
2.3.6.5 Dosage par colorimétrie au vert malachite des orthophosphates en solution ..
2.3.6.5.1 Principe
2.3.6.5.2 Lecture au spectrophotomètre
2.3.6.5.3 Calcul de la concentration des ions phosphate en solution
2.3.6.6 Le phosphore total prélevé par la plante
2.3.7 Étude de l’efficience de différentes espèces de champignons MA sur A. seyal en condition de stress salin
2.3.7.1 Dispositif expérimental
2.3.7.2 Traitements
2.3.7.3 Paramètres mesurés
2.3.8 Analyses statistiques
3 Résultats
3.1 Présence des Glomales associés à Acacia seyal en zone salée
3.2 Potentiel mycorhizogène (MPN) des sols
3.3 Résultats des piégeages
3.4 Caractérisation morpho-anatomique
3.4.1 Espèces de champignons MA isolées du site de Ndiafate
3.4.2 Espèces de champignons MA isolées du site de Ngane
3.4.3 Espèces de champignons MA isolées du site de Bambey
3.5 Diversité moléculaire dans les 3 sols étudiés
3.5.1 Analyse de l’arbre phylogénétique
3.5.1.1 Séquences des sols
3.5.1.1.1 Groupe G. mosseae
3.5.1.1.2 Groupe G. intraradices
3.5.1.1.3 Groupe non défini
3.5.1.2 Séquences des racines et des spores
3.5.1.3 Analyse de raréfaction
3.6 Études des effets la mycorhization de A. seyal en conditions de stress salin
3.6.1 Influence du NaCl sur la croissance, la nutrition et la mycorhization de A. seyal sur sol non stérile
3.6.1.1 Développement des plants de A. seyal
3.6.1.2 Nutrition minérale
3.6.1.3 Impact de la salinité sur la mycorhization de A. seyal
3.6.2 Effet de Glomus aggregatum sur la croissance de A. seyal en présence de stress salin progressif
3.6.2.1 Croissance des plants
3.6.2.2 Quantification des biomasses aériennes et racinaires
3.6.2.3 Nutrition minérale
3.6.2.4 Influence sur la mycorhization
3.6.3 Interaction sel et diversité fongique sur le développement et le prélèvement de P
3.6.3.1 Impact sur le développement
3.6.3.2 Impact sur le prélèvement de phosphore
3.6.3.3 Impact sur la mycorhization
3.6.4 Etude de l’efficience de différentes espèces de champignons endomycorhiziens sur A. seyal en condition de stress salin
3.6.4.1 Croissance en Hauteur des plantes
3.6.4.2 Poids secs
3.6.4.3 Taux de mortalité
3.6.4.4 Analyses minérales
3.6.4.5 Mycorhization
4. Discussion
Conclusion et Perspectives
Références bibliographiques
Annexes