Le littoral nord du Sรฉnรฉgal est composรฉ de nombreux รฉcosystรจmes dont le plus important correspond ร la zone des Niayes (dรฉpressions interdunaires ร nappe phrรฉatique affleurante ou sub-affleurante). Il constitue aujourdโhui la principale zone de culture des produits maraรฎchers du pays. Les Niayes produisent en effet prรจs de 95% des rรฉcoltes de lรฉgumes du pays (CSE & CERPOD, 1996).
Cependant, ces รฉcosystรจmes ont connu au cours des derniรจres dรฉcennies de profondes modifications que lui ont imposรฉ des contraintes dโordre climatologique et anthropique. Parmi ces contraintes, on peut citer notamment celles associรฉes aux alizรฉs et ร la sรฉcheresse (ensevelissement des cuvettes et des bas-fonds maraรฎchers). Sous l’action agressive du vent, les dunes progressent vers le continent, alimentent en sables fins les lacs et autres dรฉpressions littoraux et envahissent les routes d’accรจs ร la mer. Il en rรฉsulte dโimportantes modifications de la morphologie gรฉnรฉrale du milieu, et principalement sur les formations vรฉgรฉtales en place. Celles-ci font lโobjet dโune exploitation intense et anarchique et dโun surpรขturage auquel sโajoute la sur-utilisation des terres, autant de facteurs ร lโorigine de la dรฉgradation du couvert vรฉgรฉtal, de la mobilisation des dunes intรฉrieures jadis fixes et de lโensevelissement des cuvettes des Niayes. En dรฉfinitive, de rรฉelles menaces pรจsent sur les terres ร vocation agricole et pastorale situรฉes plus ร lโintรฉrieur et mettent รฉgalement en pรฉril les ressources environnementales et vitales des populations locales.
Les autoritรฉs publiques comme les acteurs locaux conscients de ces menaces, placent depuis longtemps ces contraintes au cลur de leurs prรฉoccupations. Dรจs 1925, cette frange cรดtiรจre commence ร faire lโobjet dโactions de protection par reboisement. Aujourdโhui, elle abrite des amรฉnagements de grande envergure tels que lโimplantation du rideau de filao sur 182 km de terrains reboisรฉs avec une largeur moyenne de prรจs de 200 m (CSE, 2002). Ces amรฉnagements servent de brise-vents et permettent รฉgalement de fixer les dunes. Un autre important projet de rรฉamรฉnagement de ces peuplements forestiers vieillissants est entrepris en vue de leur pรฉrennisation et au regard du dรฉficit de rรฉgรฉnรฉration naturelle de cette espรจce (Tamba, 2000). Ainsi, notre รฉtude est une contribution ร lโapprofondissement des connaissances relatives ร la rรฉgรฉnรฉration in vitro de gรฉnotypes รฉlites de Casuarina equisetifolia adaptรฉs aux biotopes sahรฉliens et ร leur caractรฉrisation molรฉculaire.
Les plantes actinorhiziennesย
Les plantes actinorhiziennes sont ainsi appelรฉes parce qu’elles portent sur leurs systรจmes racinaires des structures particuliรจres appelรฉes actinorhizes ou nodules. Ce sont essentiellement des plantes ligneuses exceptรฉes les deux espรจces du genre Datisca : D. cannabina et D. glomerata, monoรฏques ou dioรฏques. Les feuilles sont trรจs rรฉduites et sont en forme d’รฉcailles triangulaires. Les rameaux sont articulรฉs, fins comme ceux des prรชles et ressemble vaguement ร des aiguilles de conifรจres. Les feuilles et les rameaux articulรฉs sont des organes photosynthรฉtiques (Dommergues et al., 1999). Ces plantes fixatrices dโazote se rencontrent pratiquement sous tous les climats, du climat arctique au climat subtropical. Toutefois, elles sont plus frรฉquentes dans les zones tempรฉrรฉes froides (Moiroud, 1996). La diversitรฉ des plantes actinorhiziennes varie dโun continent ร lโautre. Ainsi, sur le continent amรฉricain, 19 genres ont รฉtรฉ rรฉpertoriรฉs alors que le continent africain comporterait seulement un ร deux genres. Il en est de mรชme du continent europรฉen sur lequel 10 espรจces auraient รฉtรฉ dรฉnombrรฉes (Wheeler & Miller, 1990) et rรฉparties en six genres (Tableau 1). Elles regroupent environ 260 ร 280 espรจces de plantes rรฉparties dans 24 genres et 8 familles dont la famille des Casuarinaceae (Baker & Mullin, 1992). Les familles sont rรฉparties en 8 ordres et 4 sous-classes ; Hamamelideae, Rosideae, Magnolideae, Dilleneideae (Baker & Schwintzer, 1990) .
Les plantes actinorhiziennes de la famille des Casuarinaceae ont de nombreuses propriรฉtรฉs (NRC, 1984 ; Diem & Dommergues, 1990). Grรขce ร leur aptitude ร รฉtablir une symbiose fixatrice d’azote avec un actinomycรจte du sol (Frankia) et ร rรฉaliser une symbiose mycorhizienne, elles peuvent se dรฉvelopper sur des sols pauvres voir ingrats comme les moraines abandonnรฉes par le retrait des glaciers et les dรฉpรดts volcaniques (Daniรจre et al., 1986). En effet, elles enrichissent rapidement le sol oรน elles poussent par apport dโune litiรจre riche en azote et en composรฉs azotรฉs hydrosolubles (Domenach et al., 1994). Cette litiรจre est ร l’origine des processus biopรฉdologiques dont lโaboutissement est lโinstallation de sols fertiles. Cโest la raison pour laquelle les plantes actinorhiziennes sont souvent ร l’origine de sรฉries dynamiques progressives de vรฉgรฉtations dont la finalitรฉ est lโinstallation en peu dโannรฉes d’un climax forestier (Moiroud, 1996) .
La famille des Casuarinaceae
Les Casuarinaceae forment un grand groupe de plantes pรฉrennes et ligneuses ayant l’aspect de conifรจres. La plupart sont des arbres pouvant atteindre plus de 35 m de haut. On compte 90 espรจces natives d’Australie, de Malaisie et de Polynรฉsie (Diem & Dommergues, 1990). En revanche, Maggia (1991) distingue 96 espรจces. Johnson (1988) a distinguรฉ 4 genres dans cette famille : Allocasuarina, Casuarina, Gymnostoma et Ceuthostoma. La phylogรฉnie des Casuarinaceae est mal connue mais Gymnostoma serait moins รฉvoluรฉ que Ceuthostoma et Casuarina alors que Allocasuarina serait plus รฉvoluรฉ (Maggia & Bousquet, 1994).
Le genre Casuarina
Le nom Casuarina a รฉtรฉ proposรฉ par Rumphius dans les annรฉes 1650. Il fait allusion aux rameaux trรจs fins et retombants qui ressemblent au plumage du casoar ยซย Casuariusย ยป (NRC, 1984). Le genre Casuarina comprend 17 espรจces dont l’aire gรฉographique couvre le sud-est de l’Asie, la Malaisie, la Mรฉlanรฉsie, la Polynรฉsie, la Nouvelle-Calรฉdonie et l’Australie. En gรฉnรฉral, les Casuarina se dรฉveloppent sur des sols un peu moins pauvres que les Allocasuarina. Ils se distinguent de ces derniers par les caractรจres suivants : les verticilles comportent 5 ร 20 dents ; par exemple 7 pour C. equisetifolia (Wilson & Johnson, 1989) ; les bractรฉoles des cรดnes sont beaucoup moins ligneuses et plus fines, elles dรฉpassent largement le corps des cรดnes et ne comportent pas de protubรฉrance dorsale. Ils ont de trรจs petits chromosomes, n = 9 (Dommergues et al., 1999).
Casuarina equisetifolia (L.) Forst. ou Casuarina litorea (Planche 1).
Les rameaux ressemblent ร des prรชles (Equisetum). C’est un arbre de 7 ร 35 m de haut, qui vu de loin, a lโallure d’un pin avec des rameaux pendants et des cรดnes d’assez petite taille. Il est monoรฏque ou dioรฏque (Wilson & Johnson, 1989). Son aire d’origine est marquรฉe par des pluies allant de 700 ร 2000 mm.an-1 avec une saison sรจche de 6 ร 8 mois. C’est une espรจce de climat chaud et humide avec une extension possible ร des rรฉgions ร faibles prรฉcipitations annuelles (200 ร 300 mm) ou au contraire plus arrosรฉes (jusqu’ร 500 mm) (Dommergues et al., 1999).
Utilisation des Casuarinaceae
Les Casuarinaceae, particuliรจrement Casuarina glauca et C. equisetifolia sont utilisรฉes comme brise-vent car elles protรจgent le sol contre lโรฉrosion รฉolienne (Subbarao & Rodriguez-Barrueco, 1995). Grรขce ร leur capacitรฉ ร fixer l’azote atmosphรฉrique, les plantes actinorhiziennes enrichissent rapidement les sols marginaux oรน elles se dรฉveloppent (1567 kg d’azote.ha-1 pour une plantation de C. equisetifolia รขgรฉe d’environ 17 ร 34 ans) (Mailly & Margolis, 1992). De ce fait, elles sont utilisรฉes comme composantes dans les systรจmes agroforestiers telles que les cultures de couloirs, les cultures associรฉes, les jachรจres amรฉliorรฉes et les clรดtures vivantes (Budowski & Russo, 1993). Les plantes actinorhiziennes peuvent รชtre utilisรฉes pour la phytorรฉmรฉdiation c’est-ร dire la dรฉpollution des sites contaminรฉs par les dรฉchets organiques et inorganiques comme les mรฉtaux lourds (Cunningham & Ow, 1996). Ce sont essentiellement des arbres ligneux et donc producteurs de bois d’ลuvre et de chauffe (Moiroud, 1996).
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Table des matiรจres
Introduction
Revue bibliographique
1. Les plantes actinorhiziennes
1.1. La famille des Casuarinaceae
1.1.1. Le genre Casuarina
1.2. Utilisation des Casuarinaceae
2. La micropropagation in vitro
2.1. Gรฉnรฉralitรฉs
2.2. Techniques de micropropagation in vitro des espรจces ligneuses forestiรจres
2.3. Techniques de micropropagation in vitro mises au point pour les Casuarinaceae
3. Caractรฉrisation gรฉnรฉtique
3.1. Gรฉnรฉralitรฉs
3.2. Caractรฉrisation molรฉculaire des espรจces ligneuses forestiรจres
3.2.1. Les techniques basรฉes sur lโamplification de lโADN
3.2.2. Les techniques basรฉes sur la digestion et lโamplification de lโADN
Matรฉriels et mรฉthodes
I. Sรฉlection et collecte des รฉchantillons de Casuarina equisetifolia
II. Micropropagation
1. Mobilisation du matรฉriel vรฉgรฉtal en serre
2. Culture in vitro de Casuarina equisetifolia
2.1. Multiplication
2.1.1. Dรฉsinfection des explants
2.1.2. Milieux de culture
2.2. Enracinement
2.3. Acclimatation
2.4. Analyse statistique des rรฉsultats
III. Caractรฉrisation molรฉculaire 25
1. Extraction dโADN
2. Quantification de lโADN
3. Amplification enzymatique de lโADN
4. Electrophorรจse
5. Construction du dendrogramme
Rรฉsultats
I. Micropropagation
1. Culture in vitro de Casuarina equisetifolia
1.1. Dรฉsinfestation des explants
1.2. Multiplication vรฉgรฉtative des inflorescences femelles Immatures
1.3. Multiplication vรฉgรฉtative des nลuds axillaires
2. Enracinement
3. Acclimatation
II. Caractรฉrisation molรฉculaire
1. Analyse de profils RAPD
2. Analyse du degrรฉ de similaritรฉ entre les รฉchantillons de C. equisetifolia
Discussion
I. Micropropagation
1. Culture in vitro de Casuarina equisetifolia
2. Enracinement
3. Acclimatation
II. Caractรฉrisation molรฉculaire
Conclusion et Perspectives
Rรฉfรฉrences bibliographiques
Annexes