Les phénomènes itératifs et le calcul aspectuel

linguistique descriptive

La fréquence et son expression

Les travaux de Lim (2002) constituent une étude linguistique de la notion de fréquence en français. Elle présente les différents mécanismes mis en place lors de ce qu’elle appelle une « lecture répétitive » d’un procès. Elle caractérise l’aspect itératif par les deux propriétés suivantes : d’abord, la répétition est une notion aspectuelle qui peut se surajouter à la ponctualité et à la durativité ; ensuite, elle s’exprime le plus souvent à l’aide de moyens qualifiés par l’auteur d’extrinsèques, c’est-à-dire non portés par la sémantique du verbe. Elle se fixe comme objectif le recensement des moyens lexicaux qui permettent de traduire l’aspect itératif ainsi que l’aspect semelfactif dans une phrase. Elle se focalise sur la phrase simple en la représentant sous la forme d’un schéma d’arguments, suivant le modèle prédicat(arg1, arg2, arg3), le prédicat étant un verbe, un substantif ou un adjectif.
Pour cela, elle décrit les différents marqueurs explicites tels que les affixes (le préfixe re- et des suffixes comme -iller, -oter, . . . ), les adjectifs comme fréquemment, rarement,. . . , les adverbes de fréquence (souvent, parfois,. . . ) ou de durée (tout au long du séminaire, pendant des années,. . . ) ainsi que des adverbes de progression (au fur et à mesure, au fil des jours). Ell décrit en outre la nature compositionnelle des itérations au travers de l’interaction entre les éléments de la phrase qui peuvent entraîner un changement dans sa lecture, par exemple dans le cas où le genre singulier du complément est changé en pluriel.

Les phrases à subordonnées temporelles

Les travaux de Condamines (1990, 1992) portent sur la répétition dans la phrase à subordonnée temporelle. L’auteur présente dans un premier temps les caractéristiques des répétitions au sein d’une phrase simple pour les confronter à celles de la phrase complexe.
Dans la phrase simple, la production de la répétition est classée en trois catégories : les phrases habituelles, où la phrase peut être paraphrasée en ajoutant un adverbe d’habitude (tel que généralement ou habituellement), les phrases itératives, et les fréquentatives.
Les phrases simples et complexes ont un élément commun qui joue un rôle dans l’interprétation itérative de la phrase. Cet élément, appelé rupteur, se décline de trois manières.

modèles référentiels

DRT : Discourse Representation Theory

La Discourse Representation Theory, élaborée par Kamp et Reyle (1993), est une théorie de représentation du discours ayant pour objectif d’interpréter sémantiquement le discours, c’est-à-dire des suites cohérentes de phrases. Pour cela, elle propose un niveau intermédiaire entre la syntaxe et son interprétation, représenté sous une forme logique par les structures de représentation discursive, ou DRS (Discourse Representation Structure), qui sont les « unités de base » de la théorie. L’une des motivations de la DRT est de surmonter certaines difficultés de la logique classique concernant l’interaction entre quan-25 tification et anaphores. Une DRS est une description partielle de ce que devrait être le monde pour que le discours soit vrai. Il en est attribué une à chacun des énoncés et représente la contribution sémantique qu’ils apportent au discours.
Les DRS sont construites à partir d’un algorithme descendant que nous présentons plus loin. Une DRS se compose de deux parties, la première contenant les référents de discours qui représentent les entités présentes dans les énoncés du textes, et la seconde contenant les conditions sur les référents. Prenons l’exemple suivant que nous allons décrire :

SDRT : Segmented Discourse Representation Theory

La SDRT, présentée dans (Asher, 1993; Asher et Lascarides, 2005), est une théorie représentationnelle dynamique du discours qui prend en compte la segmentation et l’organisation structurelle du discours. Elle étend la DRT en s’inspirant des différentes approches de l’analyse du discours, pour expliciter dans un cadre vériconditionnel les interactions entre le contenu sémantique des segments et la structure globale, pragmatique, du discours : on peutlégitimement décrire la SDRT comme une théorie de l’interface sémantiquepragmatique. Comme la DRT, la SDRT est une théorie opératoire, en ce sens qu’elle vise à décrire une méthode déterministe de construction des structures de représentation du discours segmentées, ou SDRS (Segmented Discourse Representation Structure). Comme les DRS, les SDRS représentent le contenu propositionnel du discours, ainsi que sa macro-structure. La notion de structure retenue est fondée sur les propositions et les relations de discours du point de vue de leur de nature sémantique (élaboration, narration, . . .). La figure 5 représente la structure du discours de l’exemple 15, qui reprend le contenu des DRS, à laquelle est ajoutée la relation de discours entre les deux « boîtes ».
À notre connaissance, les phénomènes itératifs sont traités de la même façon qu’au sein de la DRT.

modèles discursifs

Cette dernière section traite de travaux dont le paradigme diffère des modèles précédents. En effet, nous nous intéressons ici aux modèles qui analysent la temporalité au niveau discursif. À notre connaissance, aucun travail ne traite des phénomènes itératifs dans leur dimension textuelle. Nous présentons toutefois trois modélisations traitant la temporalité au sens large : les cadres de discours de Charolles (1997), les cadres temporels de Terran (2002) et la dynamique énonciative de Battistelli et Chagnoux (2008).

Les cadres du discours

Le modèle des cadres de discours de Michel Charolles propose de s’intéresser non plus aux types de relations binaires entre des segments, mais à la relation englobante. Cette relation englobante rassemble des propositions dans des unités désignées sous le terme de cadres de discours. Ces cadres sont initiés par une expression détachée dite introducteur, contraignant l’interprétation de l’ensemble des propositions du cadre selon les critères donnés par l’expression qui l’introduit. L’exemple 24 présente un cadre spatial où la proposition de l’exemple vérifie le critère de contrainte spatial initié par l’expression Dans le calvados. Nous revenons plus précisément sur ces travaux au chapitre 7 dans la perspective de modéliser les phénomènes itératifs en termes de cadres.

Les cadres temporels

La notion de cadres temporels a fait l’objet de travaux spécifiques, notamment dans le cadre de la thèse de Terran (2002). L’auteur y caractérise les introducteurs de cadres temporels par la possibilité qu’ils ont d’étendre une référence temporelle à une portion de texte de taille variable. On y retrouve les principes des travaux de Charolles où les cadres peuvent entretenir des relations d’inclusion : on a un nouveau cadre temporel, compatible avec le cadre précédemment ouvert. Ces cadres s’organisent alors selon une structure arborescente. On y retrouve également le rôle prédominant de la position de l’introducteur dans l’installation et la portée d’un cadre ; sont considérés comme des introducteurs de cadres temporels les compléments antéposés et détachés.
Elle distingue également des indices de reconduction qui sont des éléments qui permettent d’intégrer une portion de texte dans un cadre. Elle montre que le temps verbal est une marque de stabilité qui permet d’indiquer la rémanence de la portée alors que le type des procès n’intervient pas de façon déterminante dans cette rémanence. Elle précise que : bien qu’il soit possible d’identifier des marques de clôture, la fermeture d’un cadre n’est un processus ni tout à fait définitif, ni irréversible : la mémoire conserve une trace de sa lecture, ce qui permet à d’autres constituants de le réactiver au besoin dans la suite du texte.

Inscription temporelle de l’ itération

Laurent Gosselin part du constat que « l’itération résulte d’un marquage tantôt lexical, tantôt grammatical, ou peut même n’être pas explicitement marquée » expliquant l’incapacité pour les approches classiques de classer l’itération dans la catégorie de l’aspect lexical ou dans celle de l’aspect grammatical. Il propose donc de requalifier l’opposition classique entre aspect lexical et grammatical au profit d’une distinction purement sémantique, qui oppose l’aspect conceptuel à la visée aspectuelle.
L’aspect conceptuel correspond à l’appréhension du procès comme entité sémantique, éventuellement complexe, structurée. Le procès est le résultat d’un processus de subsomption d’une portion découpée dans le flux des changements et des situations intermédiaires. Ces considérations conduisent Laurent Gosselin à poser, au niveau de l’aspect conceptuel, l’existence d’une catégorie de « Procès au sens large », englobant à la fois les procès au sens strict, les séries itératives comme macro-procès, et les phases dès lors qu’elles sont catégorisées comme sous-procès au moyen de coverbes. La visée aspectuelle opère la monstration du procès par l’intermédiaire d’une « fenêtre de monstration » ou « intervalle de visibilité » qui en donne à voir tout ou partie est comme opération de monstration d’un procès préalablement construit.
Dans le modèle SdT, l’itération est donc conçue comme une série itérative.
Cette série correspond à une agglomération de procès identiques, c’est-à-dire une série d’occurrences d’un élément itéré. Ce nouveau concept permet de rendre compte du fait que l’itération peut faire simultanément l’objet de deux visées aspectuelles. L’énoncé de l’exemple 28 permet d’illustrer ce dernier propos. Intuitivement, nous constatons que la série itérative est montrée comme inaccomplie (elle a encore lieu au moment où le locuteur parle) tandis que les procès itérés sont perçues dans leur globalité (valeur aoristique).

Calculer la relation circonstancielle

Le calcul de la relation circonstancielle, dans les configurations (i) et (iii) où le CC iter intervient, se fonde sur le mécanisme de présupposition stratificationnelle de Nolke (1994). Il repose sur le fait que, dans un énoncé, certains éléments informationnels sont supposés connus et établis dans la situation de communication (substrat de l’énoncé) ; d’autres éléments constituent en revanche un apport d’information nouvelle (foyer de l’énoncé) . L’exemple 33 présente deux énoncés impliquant cette stratification de l’information.

Discussion

Dans la suite de nos travaux, nous nous inscrivons complètement dans cette modélisation. Nous reprenons à notre compte la terminologie et les concepts exposés ici. Nous proposons notamment une modélisation textuelle des phénomènes itératifs permettant le passage à la représentation cognitive, avec l’objectif de réaliser un traitement automatique amenant à la construction de ces représentations.
Nous souhaitons toutefois discuter le rapprochement effectué avec la SdT qui nous semble limiter la puissance de représentation de mopi. En effet, la SdT telle que nous l’avons exposé dans ce manuscrit est fondée sur la notion de procès porté par un verbe. Or, comme nous l’avons esquissé dans l’introduction de ce mémoire, l’itération n’est pas portée uniquement par le verbe mais peut l’être également par un substantif1.
À notre connaissance, actuellement, la SdT ne permet pas de représenter la temporalité associée aux itérations fondées sur un substantif événementiel, en particulier dans le cadre d’une phrase averbale 2 . Là où il nous semble que mopi permet d’analyser et de représenter de tel phénomènes, comme nous allons le démontrer ci-après. Précisons d’ores et déjà notre propos : nous ne
1. Nous démontrons également ce point dans le cadre de notre analyse des phénomènes itératifs sur corpus, dont nous présentons les résultats dans le chapitre suivant (cf. chapitre 6).
2. Rappelons que les substantifs recouvrent différentes sous-catégories :
– les substantifs objets qui regroupent des objets comptables tel que des chemises, des morceaux et des objets massifs comme le sucre et l’eau ;
– les substantifs événementiels classés en trois classes (état, action et événement) ;
– les substantifs qui font référence à des individus tels que la femme, les députés. soutenons nullement l’incapacité de la SdT à représenter la temporalité des structures itératives liées à un substantif événementiel. Nous indiquons toutefois que l’intégration de ce type de structures itératives au sein de la SdT n’est pas triviale, et pose de nombreuses questions, comme nous l’exposerons dans les perspectives de ce manuscrit.

Les substantifs événementiels

Un substantif dénote un événement si il est compatible avec un verbe aspectuel (Gross et Kiefer, 1995). Il existe deux types de substantifs événementiels : des substantifs qui sont issus des verbes (déverbaux) et des substantifs événementiels simples (non dérivés de verbe) . Nous avons des formes telles que tremblement/trembler, déraillement/dérailler, occupation/occuper pour le premier type, et des formes comme orage, tempête, accident, cérémonie, match pour le second. Un des verbes possédant un spectre large est avoir lieu.

en résumé

Le modèle mopi est une approche de haut niveau schématisant le processus d’interprétation des phénomènes itératifs amenant à la représentation cognitive de ces phénomènes. Notons que le modèle sert à représenter l’interprétation d’un énoncé itératif qu’il faut au préalable analyser. Le modèle possède toutefois certaines limites, puisqu’il ne rend pas compte notamment de certains itérateurs comme les verbes intrinsèquement itératifs tel que sautiller ou hachurer dont l’action peut être vue comme atomique.
Dans la suite de notre étude, nous inscrivons dans le cadre de ce modèle.
Nos travaux consistent pour une part à construire une représentation textuelle des phénomènes itératifs, étape préalable à une analyse de ces phénomènes dans les principes de ce modèle. Nous souhaitons d’ores et déjà apporter une précision sur la terminologie que nous allons employer par la suite. Nous dénommons par la suite les itérateurs et les sélecteurs par le terme de « déclencheurs » (de phénomènes itératifs) lorsque nous voulons y faire référence, indépendamment du type de phénomènes initiés. Nous appelons également les itérations et les sélections sous le terme de « structures itératives ».

Les schémas discursifs

Les schémas discursifs constituent le troisième type d’éléments de discours. Ils correspondent à des patterns discursifs de plus haut niveau, caractérisés par une certaine unité fonctionnelle ou sémantique dépendante d’unités et d’un faisceau de relations entre ces unités. La figure 41 illustre cette structure de haut niveau représentant, en rouge, une itération. Ce schéma contient donc les quatre unités, l’« itérateur » et les trois « procès » ainsi que les relations temporelles les liant.

représentation textuelle des structures itératives

Nous abordons dans cette section la formalisation des structures itératives autour des trois catégories élémentaires du modèle U-R-S que sont unités, relations et schémas . Nous nous fondons sur les propriétés énoncées au chapitre précédent (c’est-à-dire la propriété de discontinuité et le phénomène d’imbrication), et les différentes organisations textuelles présentées. L’objectif est d’établir un modèle d’annotation des structures itératives permettant de prendre en compte de leurs différentes organisations textuelles possibles. Nous avons conçu ce modèle d’annotation à la fois pour une annotation manuelle dans la perspective par exemple d’une campagne d’annotation plus large que celle déjà effectuée, mais également pour notre phase d’annotation automatique.
Nous illustrons les choix de représentations des structures itératives et des ces constituants (les procès, les compléments circonstanciels et les déclencheurs) à l’aide de l’exemple 68.

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Table des matières
Introduction 
i la question de la temporalité et des itérations 
1 les phénomènes itératifs dans la littérature
2 des modèles de la temporalité
ii de la sdt aux représentations discursives 
3l’ itération dans le modèle sdt
4 une formalisation algébrique
5l’ itération selon une approche objet
iii les phénomènes itératifs en corpus 
6 observation des phénomènes itératifs
7 représentation des structures itératives
8 analyseur des structures itératives
iv les phénomènes itératifs et le calcul aspectuel
9 le calcul aspectuo – temporel
10 le système caste
11 un formalisme xml pour les structures itératives
Conclusion 
Annexes
a lexique des typologies de procès
b règles de calcul aspectuo – temporel
c extrait de la fille aux yeux d’or
d syntaxe et sémantique xml
Références Bibliographiques 
Bibliographie 
Table des matières 
Table des figures 
Liste des tableaux 
Liste des règles 

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