Les carburants fossiles (pétrole, charbon et gaz naturel) qui répondent en majeure partie à la demande d’énergie primaire dans le monde sont de plus en plus épuisés. La conjoncture économique actuelle prend en considération cette crise qui requiert des solutions rapides et efficaces. En outre, les produits de combustion de ces carburants causent un changement global du climat en induisant des phénomènes nocifs tels que l’échauffement global, l’élévation des vagues, l’épuisement de la couche d’ozone, les pluies acides, la pollution, etc. Ce changement climatique pose le plus grand danger pour l’environnement et par la suite pour l’existence de la vie sur la Terre à plus ou moins long terme.
Il est fortement annoncé que l’hydrogène deviendra, dans les prochaines décennies le moyen de stockage et de transport de l’énergie pour la plupart des véhicules et des dispositifs portatifs [1]. Ce raisonnement est principalement basé sur deux critères : (i) l’épuisement des ressources pétrolières, et (ii) la commodité relative de la production de l’hydrogène par rapport aux autres sources d’énergie (hydroélectrique, solaire, éolienne, géothermique, nucléaire et thermonucléaire), avec l’eau comme seule matière première requise.
En face des avantages de l’hydrogène comme source d’énergie, de nombreux incovénients s’opposent, dus principalement à son stockage. L’hydrogène comprimé à l’état gazeux occupe un volume énorme comparé à celui de l’essence produisant la même quantité d’énergie. L’hydrogène à l’état liquide est dix fois plus dense que dans son état gazeux, mais sa production et son entretien sont onéreux. La conversion chimique réversible de l’hydrogène moléculaire dans un métal présente une méthode alternative, attractive et sure : le stockage de l’hydrogène à l’état solide. Près de cinquante métaux du tableau périodique présentent une capacité d’absorber l’hydrogène atomique en grande quantité jouant ainsi le rôle d’éponges à hydrogène. Les choix possibles des matériaux de stockage sont donc très grands. Certaines classes d’intermétalliques possèdent dans leurs structures des sites interstitiels permettant l’insertion d’atomes de petite taille (ex. H, N, C). Les composés d’insertion ainsi obtenus ont un intérêt à la fois fondamental et appliqué. Quand l’hydrogène est l’atome inséré, nous parlons des hydrures. Ce mode de stockage a suscité un grand intérêt au sein des communautés scientifique et industrielle pendant les quatre dernières décennies. Il est important de signaler que des facteurs comme la taille et la forme de la cavité, la nature chimique des atomes environnants et les séparations interatomiques H-H et H-métal influencent le taux de l’insertion de l’hydrogène dans ces composés.
Sur le plan fondamental l’interaction de l’hydrogène avec les atomes de la structure hôte conduit à différents phénomènes comme la mise en ordre structurale, les effets chimiques, magnétovolumiques, etc.. Le cadre idéal pour leur examen est celui de la théorie quantique de la fonctionnelle de la densité (DFT) [2, 3] compte tenu de sa fiabilité dans le calcul des quantités énergétiques et des propriétés qui en dérivent. Plusieurs méthodes ont été construites au sein de la DFT et produisent des résultats précis pour la résolution des structures électroniques des matériaux [4]. Ces méthodes sont adaptées aux différents types de problèmes rencontrés et ont été installées, développées et éprouvées dans des travaux de thèses antérieurs au sein de l’ICMCB (Laboratoire de Chimie du Solide avant 1995) depuis une vingtaine d’années.
Familles d’intermétalliques et leurs hydrures
Libowitz et al. découvrirent le premier hydrure d’intermétallique en 1958 [15]. A l’époque, les hydrures métalliques étaient développés pour servir comme ralentisseurs de petits réacteurs nucléaires. L’intérêt de cette trouvaille n’est apparu que dans les années 1970 avec la découverte fortuite de l’hydrure LaNi5H6,7 par les chercheurs de Philips [16], alors qu’ils tentaient de modifier les propriétés magnétiques de composés de Haucke en y insérant de l’hydrogène. Ce sont principalement ces mêmes chercheurs qui ont proposé toute la potentialité technologique de ces matériaux : stockage de l’hydrogène, machines thermiques, applications électrochimiques. Aujourd’hui, la recherche dans le domaine des hydrures d’intermétalliques est très active. Les principales motivations sont d’élargir d’une part les gammes de température et de pression d’utilisation des composés disponibles et d’autre part les champs d’applications associés. Les études s’orientent en priorité vers une augmentation des capacités massiques de stockage, une meilleure réversibilité et tenue en cyclage avec le temps et enfin, une amélioration des cinétiques de réaction. La compréhension des différents mécanismes associés aux transformations de phases est en revanche beaucoup moins avancée.
Les principales familles d’intermétalliques hydrurés sont du type ATn. L’élément A est généralement une terre rare ou un élément de transition et T est un élément de transition. Une revue globale des caractéristiques cristallographiques de ces composés est fournie dans la référence [17]. Il est généralement possible de synthétiser des hydrures stables à partir d’un élement A seul contrairement à T. Afin d’identifier les matériaux potentiels pour le stockage de l’hydrogène, différentes classes d’hydrures ont été étudiées intensivement :
● La famille AT : ces intermétalliques forment généralement des hydrures stables à température ambiante. L’hydruration du système ZrNi, par exemple, conduit à la formation de deux phases : un monohydrure et un trihydrure. Dans ce dernier, il y a 1,5 atomes H pour chaque atome métallique par unité formulaire (u.f.). Des calculs théoriques au sein de la DFT ont récemment démontré la possibilité de passage par un dihydrure intermédiaire métastable lors de la désorption [14].
●La famille AT2 ∶ ces intermétalliques, couramment appelés phases de Laves, cristallisent dans trois structures possibles : cubique à faces centrées (C15) et hexagonale (C14) qui sont majoritaires et dihexagonale (C36) qui est minoritaire. Ces alliages présentent des caractéristiques cinétiques d’absorption et de désorption relativement favorables mais également une capacité d’insertion très élevée. Toutes ces propriétés peuvent s’expliquer en partie grâce à l’existence de nombreux interstices au sein de la maille. De plus, un autre aspect non négligeable est l’existence d’une énergie de liaison hydrogène-métal faible qui permet d’observer l’absorption et la désorption de H à température voisine de l’ambiante et à pression atmosphérique. La formation de cette liaison faible d’origine covalente ou ionique permet de rendre le phénomène de stockage réversible.
● La famille AT5 ∶ ces intermétalliques, dits phases de Haucke, sont les plus étudiés. LaNi5 représente le composé archétype pouvant accomoder jusqu’à 6 atomes d’H par u.f. dans sa maille, i.e. un H par atome métallique [22]. Bien que les capacités massiques de stockage ne dépassent pas 1,8 %, leur intérêt par rapport aux phases AB2, par exemple, réside dans leur plus grande résistance à la corrosion en milieu alcalin, en particulier avec la substitution par du cobalt sur le site du nickel.
● Alliages BCC : ces intermétalliques présentent de nouveaux systèmes ternaires polyphasés désignés sous le nom de solutions solides cubiques centrées dérivées de phases de Laves. Ils furent découverts en 1995 par Akiba et Iba [18]. De nombreux progrès restent encore à faire s’agissant de leur développement. Néanmoins, les capacités massiques de stockage obtenues de l’ordre de 3 % fournissent des signes prometteurs.
Intérêt fondamental des hydrures
Un intérêt fondamental réside dans l’étude des hydrures dans la mesure où l’hydrogène modifie les propriétés physiques de la matrice hôte dans laquelle il s’insère [33]. Par exemple, l’insertion de H induit la supraconductivité dans les matrices des alliages du palladium avec les métaux nobles [34]. Par opposition, l’hydrogène détruit la supraconductivité de certains intermétalliques comme le cas des phases de Laves de composition Zr1−xHfxV2 [35]. Par ailleurs, l’hydrogène modifie les propriétés magnétiques des sous-réseaux métalliques de la matrice hôte. Ceci est observé en particulier dans les systèmes RExTy à base d’éléments de terres rares (RE) à électrons 4f et d’éléments de transition T de la série 3d (T = Mn, Fe, Co, Ni) à électrons localisés. L’insertion de l’hydrogène a d’une part un effet de pression négative sur la maille favorisant la localisation des moments magnétiques des éléments de transition et conduit d’autre part à des effets chimiques importants. Par exemple dans l’hydrure du système AMn2, il apparaît nettement que le couplage antiferromagnétigne des atomes Mn-Mn dépend fortement de l’environnement atomique des sites d’insertion ainsi que du taux d’hydrogène inséré [36]. Les premières études théoriques ont commencé dans les années 50, par les travaux de Friedel sur l’écrantage de l’hydrogène et les enthalpies de dissolution de l’hydrogène dans les métaux nobles [37]. D’autres travaux ont suivi, jusqu’à la fin des années 1970, étudiant l’insertion de l’hydrogène dans les métaux simples dans le cadre du modèle du jellium [38, 39]. Ces différents travaux ont montré que la théorie de la réponse linéaire n’est pas suffisante pour traiter la perturbation forte introduite par le potentiel coulombien du proton, i.e. celui de l’atome d’hydrogène. Les premiers calculs ab initio de structure électronique des hydrures d’intermétalliques ont été effectués au début des années 1980 [40]. Ces études sont basées sur deux modèles distincts : (i) le modèle protonique où l’hydrogène cède son électron et participe au remplissage de la bande de conduction, le niveau de Fermi devient décalé vers les plus hautes énergies, et (ii) le modèle anionique où le remplissage des bandes associées aux états s de l’hydrogène et situées à basse énergie, conduit à un dépeuplement de la bande de conduction du métal, le niveau de Fermi est déplacé vers les plus basses énergies. A partir des résultats obtenus, il est possible de conclure que les deux modèles sont rudimentaires pour décrire ces systèmes.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Objectifs de la thèse
1.2 Structuration de la thèse
2 Composés intermétalliques et hydrures
2.1 Familles d’intermétalliques et leurs hydrures
2.2 Optimisation des propriétés de stockage
2.3 Intérêt fondamental des hydrures
2.4 Application et potentialité des hydrures
2.4.1 Machines thermodynamiques à hydrures
2.4.2 Stockage de l’hydrogène et ses isotopes
2.4.3 Applications en électrochimie
2.4.4 Autres applications
3 Aperçu sur le cadre théorique
3.1 L’approche de Hartree
3.2 Approximation de Hartree-Fock
3.2.1 Le principe d’exclusion de Pauli et l’échange
3.2.2 Problème de la corrélation, trou de Coulomb
3.3 Les débuts de la DFT
3.4 Théorie de la fonctionnelle de la densité
3.4.1 Note sur les équations de Kohn-Sham
3.4.2 Formulation de l’échange-corrélation
3.5 Les fonctionnelles de la DFT
3.5.1 L’approche locale de la densité
3.5.2 L’introduction du spin dans l’approche locale de la densité
3.5.3 Implications de la LSDA
3.5.4 Schémas de paramétrisation de la LSDA
3.5.5 Améliorations sur l’approximation locale
3.6 Méthodes de calculs
4 Les Phases Binaires de Laves et leurs Hydrures : AT2 − Hx
4.1 Généralités sur les phases de Laves
4.2 Caractéristiques cristallographiques
4.3 Applications
4.4 Intérêt de l’étude de la phase C14 : ScFe2
4.5 Résultats de l’optimisation géométrique
4.5.1 Structure cristallographique : équilibre et stabilité
4.5.2 Equilibre et stabilité
4.5.3 Analyse topologique de la localisation électronique : fonction ELF
4.6 Résultats des calculs tous-électrons
4.6.1 Calculs non-magnétiques en dégénérescence du spin
4.6.2 Calculs tenant compte de la polarisation du spin
4.6.3 Effets de l’expansion anisotrope due à l’hydrogène dans ScFe2
4.7 Conclusion
5 Les Phases Binaires de Haucke et leurs Hydrures : AT5 − Hx 57
5.1 Caractéristiques cristallographiques de l’intermétallique pur et ses phases hydrurées
5.2 Les calculs utilisant des pseudo-potentiels
5.2.1 Résultats de l’optimisation géométrique
5.2.2 Quantités à l’équilibre : énergie, volume et module de compressibilité
5.2.3 Analyse topologique de la localisation électronique : fonction ELF
5.3 Résultats des calculs tous-électrons
5.3.1 Calculs non-magnétiques en dégénérescence du spin
5.3.2 Calculs tenant compte de la polarisation du spin
5.4 Conclusion
6 Conclusion
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