Depuis le 1er septembre 2017, je suis professeur des écoles stagiaire en classe de PS et de MS à Oisseau le Petit dans le Nord de la Sarthe. Quinze élèves constituent la classe de PS et neuf élèves la classe de MS. Après une reconversion professionnelle débutée l’année passée, je découvre les joies et les difficultés d’enseigner à des élèves si jeunes, ou devrais-je dire à des enfants car s’ils sont élèves en venant quotidiennement à l’école, ils ne le sont pas d’un point de vue de la clarté cognitive. Il me paraissait évident qu’un enfant savait pour quoi il venait à l’école car ses parents lui avaient expliqué, quand bien-même c’était le cas, encore fallait-il qu’il l’ait compris. Dès les premiers jours de classe, j’ai pu m’apercevoir que ce n’était pas le cas. Des enfants étaient en souffrance de rester tout une journée avec des adultes qu’ils ne connaissaient pas. Parmi eux, certains s’exprimaient en pleurant, d’autres dissipaient cette peine en jouant dans les espaces jeux ou en s’exerçant dans les ateliers. Dans ce nouveau contexte, la prise de parole d’un enfant devant un grand groupe n’est pas tâche aisée. Lors des regroupements, je n’entendais jamais certains enfants. Dès lors, je me posais plusieurs questions. Pour quelles raisons ne voulaient-ils pas entrer en communication ? Quels leviers allais-je pouvoir activer pour qu’ils s’expriment ? Comment les faire entrer dans les apprentissages et les faire devenir élèves s’ils ne parlent pas ? Dans le même temps, je suis confronté à ce problème avec mon fils. Âgé de trois ans, il vit sa première rentrée. Son enseignante me fait un retour des plus étonnants pour moi. D’un tempérament à s’exprimer aisément à la maison, il s’exprime très peu en classe. Ce retour fait résonance en moi quant à mon groupe classe. Je comprends qu’un élève peut perdre ses moyens et ne pas oser entrer en communication avec ses pairs ou avec un adulte, qui plus est inconnus en début d’année scolaire.
Les IO pour l’école maternelle
Aujourd’hui, si les jeux et le langage ont une place prépondérante à l’école maternelle, c’est parce que cette école maternelle repose sur des fondements qui tiennent compte de principes éducatifs et pédagogiques essentielles pour la réussite d’un enfant âgé de trois à six ans.
Le développement de l’enfant
Les textes officiels accordent une grande place à l’enfant, à son développement : «Tous les enfants sont capables d’apprendre et de progresser (…) ». Il est une personne reconnue par l’enseignant en tant que « personne en devenir et interlocuteur à part entière, quel que soit son âge ». Nous pouvons conclure de cette dernière affirmation que l’enfant est un être qui est capable d’échanger oralement avec le PE, de répondre à ses sollicitations. Il est aussi un être qui s’est déjà construit dans son milieu familial et /ou dans des structures de petite enfance : « Il possède déjà des savoir-faire, des connaissances et des représentations du monde ».
Les progrès de la socialisation, du langage (…) et des capacités cognitives liés à la maturation ainsi qu’aux stimulations des situations scolaires sont considérables et se réalisent à des rythmes très variables.
Tout au long du cycle de l’école maternelle, le PE se doit d’être sensible au développement de chaque enfant. L’enfant est un individu qui nécessite « une observation attentive et une interprétation de ce que chaque enfant dit ou fait ».
Jouer pour apprendre
Dans les textes officiels, différentes activités sont évoquées pour apprendre : apprendre en réfléchissant et en résolvant des problèmes, apprendre en s’exerçant, apprendre en se remémorant et en mémorisant. Néanmoins, le premier mode d’apprentissage inscrit est le jeu.
Le jeu, une activité englobante
Le jeu favorise la richesse des expériences vécues par les enfants (…) et alimente tous les domaines d’apprentissages. Il permet aux enfants d’exercer leur autonomie, d’agir sur le réel, de construire des fictions et de développer leur imaginaire, d’exercer des conduites motrices, d’expérimenter des règles et des rôles sociaux variés .
Le jeu n’est pas considéré uniquement comme une activité ludique qui permet à l’enfant de se détendre et de s’amuser. Il est un support pédagogique transversal à toutes les disciplines enseignées pour faire rentrer les enfants dans les apprentissages. Lors de la rencontre « Petite Enfance » à l’Ecole des Loisirs, Viviane Bouysse, Inspectrice Générale de l’Education Nationale, en intitulant sa conférence « A l’école maternelle, jouer c’est apprendre », a affirmé qu’un enfant qui jouait pouvait être en situation d’apprentissage. Durant cette conférence, elle revient sur les rapports entre le jeu et les apprentissages. Selon elle, dans les derniers programmes officiels, une place est redonnée au jeu. Le jeu serait la «forme englobante des quatre activités, il est l’activité qui comprendrait les autres». Dans le jeu, il serait possible de résoudre des problèmes, de répéter ou de s’exercer, de se remémorer des parties précédentes et des stratégies gagnantes afin de permettre la mémorisation. Pour V.Bouysse, le rôle du PE est de conduire l’élève à « une prise de conscience de savoir ce qu’il sait ». Ainsi, l’élève est encouragé à éliminer, à sélectionner, parmi les réussites ou les échecs des expériences précédentes de jeux, les stratégies qui le conduiront à réussir une activité. Viviane Bouysse parle de « stratégie optimale ».
Les formes de jeu
Le jeu revêt diverses formes : jeux symboliques, jeux d’exploration, jeux de construction et de manipulation, jeux collectifs et jeux de société, jeux fabriqués et inventés, etc.
Le jeu est un univers à part entière qu’il est aisé d’identifier dans une classe. V.Bouysse précise que le jeu s’inscrit aisément dans la classe car il occupe, à la fois, un espace à travers les coins aménagés (coin cuisine, construction…) et un temps (jeux libres des temps d’accueil).
Le jeu s’identifie par sa diversité qui favorise la richesse des situations d’apprentissage dans lesquelles l’enfant s’immerge pleinement. Viviane Bouysse distingue cinq types de jeux. Le jeu de construction, au moyen de matériaux tels que des cubes, des kapplas ou d’autres, se rapprocherait d’une activité scientifique et technologique car l’enfant expérimente des notions comme l’équilibre et les objets. Après l’expérimentation du jeu de construction en maternelle, elle souligne que viendra le temps de la théorisation et du raisonnement à l’école élémentaire. Ces jeux demandent de l’inventivité et peuvent à l’occasion nécessiter une lecture d’une représentation (modèle à reproduire). A ce propos, les IO indiquent :
Les montages et démontages dans le cadre des jeux de construction de la réalisation de maquettes, la fabrication d’objets contribuent à une première découverte du monde technique.
Le jeu à règles permet à l’enseignant de tirer parti de ces activités collectives dont il fait respecter les règles du jeu. Pour V.Bouysse, le PE a une intention pédagogique « déguisée » que l’élève ne perçoit pas : « Lorsque l’enfant joue au loto, il joue au loto (…), lorsque l’enfant joue au jeu de l’oie, il joue au jeu de l’oie. » Le matériel éducatif dans ces jeux devient un vecteur d’apprentissage pour l’enseignant, voir un outil de référence pour apprendre. V.Bouysse prend l’exemple du dé et des ses constellations qui facilitent la construction du nombre. En outre, le jeu à règles incite les enfants à construire des règles, à mieux vivre ensemble en les respectant et à devenir élève au sein d’un groupe.
Les jeux symboliques sont marqués dans l’espace de la classe afin que l’enfant s’engage physiquement pour jouer directement ou indirectement un rôle. J’y reviendrai plus longuement (voir 3.3 Le jeu symbolique).
Je vais revenir sur d’autres activités qu’on ne classe pas toujours avec les jeux. Pourtant, de mon point de vue, elles sont très importantes. Ce sont les jeux que l’on pratique dans les activités physiques, les jeux traditionnels, les jeux dansés, les jeux chantés(…) et les jeux de langage, les plaisirs de bouche, les plaisirs du corps(…).
Ci-dessus, V.Bouysse insiste sur l’importance de ce type de jeux qui s’ancre dans les activités de motricités ou dans l’univers sonore que prônent les IO de 2015. Les jeux traditionnels feraient appel à notre mémoire culturel. Ils seraient un « support de conversations » avec les parents et avec les grands parents car ils ont été pratiqués par plusieurs générations. Quant aux jeux avec le langage, comme les comptines, les enfants découvriraient la fonction poétique du langage. Les enfants, même s’ils ne s’expriment pas durant ces temps de regroupement prendraient plaisir à être avec les autres et à réagir physiquement aux rimes entendues.
|
Table des matières
1. INTRODUCTION
2. LES IO POUR L’ECOLE MATERNELLE
2.1 LE DEVELOPPEMENT DE L’ENFANT
2.2 JOUER POUR APPRENDRE
2.2.1 Le jeu, une activité englobante
2.2.2 Les formes de jeu
2.3 LA PLACE DU LANGAGE
3. LE REGARD SCIENTIFIQUE
3.1 LES PETITS PARLEURS
3.2 LE LANGAGE EN MATERNELLE
3.3 LE JEU SYMBOLIQUE
4. LA DEMARCHE PEDAGOGIQUE
4.1 DEPLOIEMENT DE LA DEMARCHE
4.1.1 S’imprégner du contexte local
4.1.2 Une démarche globale
4.1.3 Les différentes phases mises en place
4.1.4 Les modalités des enregistrements
4.2 RESULTATS ET ANALYSES
4.2.1 La démarche au service du diagnostic des petits parleurs
4.2.2 Un manque de progressivité pour évaluer les bienfaits chez les petits parleurs
5. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE 1 : LISTE DES SIGLES
ANNEXE 2 : TRANSCRIPTION DU JEU SYMBOLIQUE
ANNEXE 3 : TRANSCRIPTION DE L’ENTRETIEN SUR L’ORALBUM
ANNEXE 4 : GRILLE DE BOISSEAU
RESUME