Les petits ARN non codants du spermatozoïde bovin

Importance de la maitrise de la fonction sexuelle du taureau

    La diffusion du progrès génétique s’appuie principalement sur la « voie mâle », via l’insémination. D’où l’importance non seulement de garantir le meilleur niveau génétique via une sélection rigoureuse, mais également d’assurer une production optimale de la semence et de garantir une bonne fertilité du taureau ou de ses éjaculats. Ces deux derniers points nécessitent une bonne connaissance de l’appareil reproducteur, de la spermatogenèse et de la physiologie du spermatozoïde, afin d’élaborer des conditions optimales d’élevage des animaux ainsi que des protocoles optimisés de collecte et de conditionnement de la semence, tout en ayant identifié les paramètres pertinents permettant de juger de la qualité de la production. Le spermatozoïde est le résultat d’un long processus de différenciation aboutissant à une cellule hautement spécialisée, compartimentée et très particulière au regard des autres types cellulaires de l’organisme. Et pour cause, c’est la seule cellule qui a pour destinée de vivre hors de son organisme. Cellule haploïde, elle concourt par l’apport de son patrimoine génétique à travers la fécondation d’un ovocyte à la génération d’un nouvel individu. C’est le trait d’union entre les générations. Mais avant de parler de son rôle, reprenons son histoire : le long parcours de la différenciation gamétique.

De la vie périnatale à péri-pubertaire

   Chez le bovin, du 80e jour de vie embryonnaire jusqu’à la 4e semaine de vie postnatale, le diamètre des microtubules n’excède pas 50µm10 . La lignée germinale, positionnée au centre, reste quiescente durant toute cette période. Mais sous l’impulsion de la GnRH (Gonadotropin Releasing Hormone) produite par l’hypothalamus, l’hypophyse sécrète deux autres gonadotropes, la LH (Luteinizing Hormone) et la FSH (Follicule Stimulating Hormone). Ces hormones ont un rôle primordial dans le développement de la gonade : la LH stimule la production de testostérone par les cellules de Leydig, qui contribue à la stimulation de la spermatogenèse. La FSH, par son action sur les cellules de Sertoli, agit aussi sur la spermatogenèse. Le facteur de croissance fœtal, IGF1, favorise l’action de la LH en augmentant le nombre de récepteurs membranaires LH au niveau des cellules de Leydig. Tous ces éléments sont donc les clefs régulant la croissance du testicule, influençant le développement des tubes séminifères De la 5e à la 12e semaine postnatale, le diamètre des microtubules augmente légèrement, atteignant chez le taureau Holstein 60 à 80µm10. L’augmentation s’accentue ensuite jusqu’à la semaine 32, où les microtubules présentent un diamètre d’environ 208µm13. Dès le début de l’augmentation du diamètre des microtubules, les cellules germinales migrent d’un positionnement central vers un positionnement basal. En parallèle, le nombre de cellules de Sertoli augmente tout au long de ces 32 premières semaines de vie. Leur nombre (par testicule) a été quantifié partant de quelques millions dans les semaines juste après la naissance à quelques milliards à 32 semaines de vie postnatale. Leur multiplication chez le taureau s’arrête après le 6e mois de vie postnatale. Positionnées autour de la lame basale, polarisées et présentant d’étroites jonctions entre elles, elles forment une véritable barrière testiculaire. Le nombre de cellules germinales et leur différenciation sont étroitement liés au nombre de cellules de Sertoli13,14. En effet, les cellules de Sertoli assurent de nombreuses fonctions indispensables, telles qu’un maintien de la compartimentation du testicule, un soutien nutritionnel nécessaire à la prolifération et à la différenciation des cellules germinales, une participation à l’orientation de leur transfert vers la lumière des tubes séminifères et un rôle de « nettoyage » par phagocytose des cellules dégénérées et des corps résiduels. L’augmentation du diamètre et de la longueur des microtubules est corrélée à l’augmentation du volume des testicules. De la 12e semaine postnatale à la 32e semaine, la circonférence scrotale des testicules double pour atteindre en moyenne 27cm chez les taureaux Holstein. Cette augmentation est elle-même corrélée à la prise de poids du taureau (en moyenne pour la race Holstein, de 79kg à 12 semaines et jusqu’à 275kg à 32 semaines). Sous l’influence des signaux hormonaux et de l’action des cellules de Sertoli, la première phase de la spermatogenèse, appelée spermatocytogenèse, reprend (figure 6). Cette phase correspond à la différenciation des spermatogonies en spermatocytes puis en spermatides rondes. Longue de 44 jours chez le bovin, elle se décompose en deux phases : mitotique et méiotique. La phase mitotique permet le renouvèlement des spermatogonies, constituant la réserve de cellules souches pour la vie reproductive de l’individu. Une partie des spermatogonies entame une différenciation vers les différents types de spermatogonies (A1, A2, A3, B1 et B2) puis finalement les spermatocytes de Type I. À ce stade les cellules sont prêtes à entamer la phase méiotique. Cette étape cruciale voit la réduction de la moitié du patrimoine génétique : les spermatocytes de type I, cellules diploïdes, évoluent en spermatides rondes, cellules haploïdes. Chez le taureau, l’apparition de spermatogonies de type A a lieu à partir de la 16e semaine postnatale. Quatre semaines supplémentaires sont nécessaires pour l’apparition des spermatogonies de type B. Les spermatocytes de type I, aux stades leptotène, zygotène et pachytène apparaissent à partir de la 24e semaine. Les premières spermatides en cours d’élongation ou allongées apparaissent dès 28 semaines postnatale. La dernière grande phase de la spermatogenèse, la spermiogenèse est de 17 jours chez le bovin. Elle se compose de nombreuses étapes conduisant à des modifications de structures formant in fine les spermatozoïdes16,17. Ce n’est qu’au bout de 32 semaines postnatales chez le bovin, que les premiers spermatozoïdes apparaissent dans la lumière des tubes séminifères. Ces étapes, décrites dès 1952 par Leblond et Clermont18 chez le rat, sont au nombre de 14 chez le bovin. Les 3 premières étapes voient principalement la formation de la « granule acrosomique ». Cet élément continue de se développer pour former l’acrosome durant les étapes suivantes. Les étapes 4 à 12 présentent les plus fortes modifications :
– l’acrosome poursuit son extension,
– le noyau se condense fortement dû à un remplacement massif d’une grande majorité des histones par des protamines20 permettant un fort enroulement de l’ADN et la formation de toroïdes (structure spécifique du spermatozoïde),
– l’axonème se développe et la cellule « s’allonge ».
Les dernières étapes correspondent à la formation de la pièce intermédiaire et du flagelle, à la condensation terminale du noyau et à la concentration du reste du cytoplasme dans la « gouttelette cytoplasmique » (qui sera expulsée au cours du transit dans l’épididyme).

Les différents rôles de l’épididyme

   Différents rôles sont attribués à l’épididyme. Il intervient tout d’abord dans le transport des spermatozoïdes. Le gamète mâle, au sortir du testicule, n’a pas encore acquis sa capacité de mouvement. Il dépend donc de mécanismes extérieurs pour se mouvoir. Des contractions de la paroi des tubules épididymaires et l’action des cellules ciliées permettent aux spermatozoïdes de transiter de la tête vers la queue de l’épididyme. Cet organe sert également de réservoir spermatique. L’épididyme, et plus particulièrement la région caudale de l’organe est en mesure de conserver les spermatozoïdes pendant plusieurs jours. Le temps de stockage est variable d’une espèce à l’autre. Chez l’homme ou le taureau, deux tiers des gamètes extratesticulaires peuvent être conservés entre 2 et 5 jours dans la queue de l’épididyme, alors que chez le verrat la totalité des spermatozoïdes peut être conservée 3 semaines. Un stockage de plusieurs jours des spermatozoïdes permet de mettre en place un système de « contrôle qualité » des gamètes. Les spermatozoïdes trop vieux ou morphologiquement anormaux sont éliminés par l’épididyme. Ils seraient recouverts d’ubiquitine, un peptide de 8.5 KDa, les désignant comme une cible pour les protéines du protéasome26,27 . Ces spermatozoïdes sont ensuite phagocytés par les cellules épithéliales épididymaires, puis dégradés par les macrophages environnants. Sutovsky et son équipe confirment le rôle de l’ubiquitine27,28 et montrent une corrélation entre taux de spermatozoïdes anormaux et pourcentage de spermatozoïdes recouverts d’ubiquitine. Des travaux non publiés par ALLICE dans les années 2000 confirment ces résultats (figure 8). À noter que ces observations ont été faites sur de la semence éjaculée, laissant supposer que dans un contexte d’anomalies morphologiques chroniques, le système de « contrôle qualité » n’est pas suffisamment efficace pour éliminer tous les spermatozoïdes anormaux.

L’épididyme, un lieu d’échange avec le spermatozoïde

   Tous les changements majeurs que subit le spermatozoïde durant son transit épididymaire proviennent d’interactions entre les composants du fluide épididymaire et le gamète luimême. L’épididyme étant un organe régionalisé, la composition du fluide présente des spécificités au niveau de la tête, du corps ou de la queue. Le contenu protéique du fluide épididymaire varie en quantité entre la tête et la queue de l’organe, de 2 à 4 mg/ml à 50 à 60 mg/ml, respectivement. Chez le taureau et le verrat, une dizaine de protéines représentent plus de 80% de l’expression totale des protéines de l’épididyme, dont la lipocaline, la clusterine, la transferrine, la glutathion peroxydase 5,l’albumine ou encore la prostaglandine D2 synthase. Leur concentration varie suivant leur localisation. En effet, la glutathion peroxydase 5, l’albumine, la prostaglandine D2 synthase ou la transferrine sont plus exprimées dans la tête de l’épididyme, alors que la clusterine, la lipocaline 5 ou la beta-N-acetyl-hexosaminidase le sont principalement dans la partie caudale. Toutes ces protéines proviennent de l’activité exocrine des cellules épithéliales épididymaires. Les changements séquentiels de composition protéique du fluide épididymaire sont à l’origine des modifications protéiques de la membrane cytoplasmique du spermatozoïde. Certaines protéines de surface du spermatozoïde « testiculaire » sont clivées lors de leur passage dans l’épididyme, modifiant leur conformation externe (fertiline ou angiotensin-converting enzyme) . D’autres sont au contraire ajoutées à la membrane du gamète. Il s’agit entre autres de certaines Heat-shock protéine (Hsp70 ou 90), de la tubuline ou encore l’enolase 1 (ENO1). Des hypothèses ont été proposées concernant leur rôle dans le contrôle de la migration de la gouttelette cytoplasmique (due à la présence d’actine, detubuline ou des Hsp) ou dans la participation à la défense antioxydante du gamète (ENO1,CCT2, PRDX5, HIP1…)21 et l’invalidation chez la souris des gènes codants pour ces protéines de la lumière de l’épididyme, induit une baisse de fertilité, voire une stérilité (SED1, ESR1, C-ROS, DICER1, APOER2…figure 10).

De la production à la mesure de la fertilité : comment sont utilisés les taureaux et leurs gamètes en France ?

   L’amélioration de la génétique bovine française repose sur des schémas de sélection mis en place par les entreprises de sélection. Ces schémas comportent plusieurs étapes, qui ont évolué au gré des améliorations techniques et méthodologiques : la procréation d’un grand nombre de mâles candidats à partir des taureaux élites (les « pères à taureaux ») et des meilleures femelles (les « mères à taureaux »), la sélection des meilleurs candidats selon divers critères (morphologie, production, reproduction, santé…), le recrutement des candidats et leur élevage en station jusqu’à leur puberté, le contrôle de la fonction sexuelle afin de déceler et d’éliminer les taureaux présentant des problèmes inhérents à la production ou à la qualité de la semence, l’entrée en centre de production et l’entrainement à la collecte de semence, la collecte et le conditionnement de la semence pour une diffusion large par insémination et enfin la mesure des performances des descendants pour alimenter en données les modèles d’évaluation génétique.

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Table des matières

Remerciements
Liste des abréviations
Liste des illustrations
1) Tables et figures du manuscrit
2) Tables et figures du premier article
3) Tables et figures du second article
Prologue
Introduction : contexte socio-économique et scientifique
Chapitre I : Le contexte de l’IA en France
1) Importance de la maitrise de la fonction sexuelle du taureau
1.1) La success-story du spermatozoïde : de sa conception à la fécondation
1.1.1) La spermatogenèse
a) Durant la vie fœtale
b) De la vie périnatale à péri-pubertaire
1.1.2) La maturation épididymaire
a) Les différents rôles de l’épididyme
b) L’épididyme, un lieu d’échange avec le spermatozoïde
1.1.3) Le plasma séminal
1.1.4) Dans les voies femelles et les premières étapes de la fécondation
1.2) De la production à la mesure de la fertilité : comment sont utilisés les taureaux et leurs gamètes en France ?
1.2.1) Du testage sur descendance à la sélection génomique
1.2.2) La production de semence en centre de collecte
1.2.3) Les indicateurs de la fertilité mâle
2) La prédiction de la fertilité mâle
2.1) Les paramètres historiques
2.2) Les paramètres « cellulaires » via l’essor de nouvelles technologies
2.3) Les nouveaux paramètres moléculaires
Chapitre II Épigénétique et fertilité mâle
1) Des modifications post-traductionnelles des histones…aux protamines
1.1) Rôles et fonctionnement biologique des histones
1.2) Des histones aux protamines dans le spermatozoïde
1.3) Impact sur la fertilité
2) La méthylation de l’ADN
2.1) Rôle et fonctionnement biologique de la méthylation de l’ADN
2.2) Impact sur la fertilité
3) Les petits ARN non codants
3.1) Les microARN (miRNA)
3.1.1) Biogenèse et régulation de l’expression des miRNA
3.1.2) Mécanismes d’action et rôle des miRNA
3.2) Les piRNA
3.2.1) Biogenèse des piRNA
3.2.2) Rôles et mécanismes d’action
3.3) Des ARN de transfert aux tRFs
3.3.1) Biogenèse des tRFs
3.3.2) Rôles et mécanismes d’action
3.4) Des ARN ribosomiques aux rsRNA
3.1.1) Biogenèse des rsRNA
3.1.2) Rôles et mécanismes d’action
3.5) Les autres familles de petits ARN non codants
4) Les petits ARN non codants au cours de la spermatogenèse
4.1) Rôle des miRNA
4.2) Rôle des piRNA
5) Les petits ARN non codants et maturation de la semence
5.1) Le contenu en sncRNA varie au cours de la maturation
5.2) Origine des sncRNA du spermatozoïde épididymaire
5.3) Rôles potentiels des sncRNA dans la maturation de la semence
6) Les sncRNA du spermatozoïde support de la transmission entre générations
6.1) Rôles potentiels des sncRNA dans le développement embryonnaire
6.2) Rôles potentiels des sncRNA dans la transmission intergénérationnelle
Chapitre III : Objectifs de la thèse
1) Objectif 1 : catalogue exhaustif du contenu en sncRNA du spermatozoïde bovin
2) Objectif 2 : L’origine des sncRNA
3) Objectif 3 : biomarqueurs de la fertilité mâle
Résultats
Chapitre I : le catalogue en sncRNA du spermatozoïde bovin éjaculé 
1) Éléments de contexte
2) Résumé de l’étude
3) Article publié dans Epigenetics & Chromatin en 2020
Chapitre II : L’origine des sncRNA du spermatozoïde bovin éjaculé 
1) Éléments de contexte
2) Résumé de l’étude
3) Article en cours de soumission dans Epigenetics & Chromatin (janvier 2021)
Chapitre III : Les sncRNA comme biomarqueur de la fertilité mâle ?
1) Éléments de contexte
2) Plan expérimental
2.1) Constitution de la bio-banque d’éjaculats
2.2) Analyse des paramètres fonctionnels de la semence
2.3) Extraction d’ARN total et séquençage des sncRNA
2.4) Les différentes approches statistiques
3) Résultats
3.1) Fertilité et paramètres spermatiques des éjaculats utilisés
3.2) Données obtenues par séquençage
3.3) sncRNA biomarqueurs de fertilité mâle
3.4) Prédiction de fertilité en race Montbéliarde
3.5) Relation entre sncRNA et la qualité de la semence
4) Discussion
4.1) La construction du dispositif expérimental
4.2) Les sncRNA biomarqueurs de qualité de semence
4.3) La prédiction de la fertilité mâle par l’expression des sncRNA spermatique ?
Discussion globale et perspectives
1) Les sncRNA sont-ils de bons biomarqueurs de la fertilité mâle ?
2) Perspectives
2.1) Impact sur le développement embryonnaire
2.2) La prédiction de fertilité : Quel outil terrain ?
2.3) Exploitation des vésicules extracellulaires ?
2.4) Le spermatozoïde peut-il être une sentinelle ?
Références bibliographiques
Annexes
1) Figures supplémentaires du premier article
Communications
1) Publications hors « article(s) de thèse »
2) Présentations orales lors de congres internationaux

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