LES PERTES DES SOURCES CREDIT
Les personnes physiques ou morales tout au long de leur existence traversent des difficultés dont la résolution peut s’ avérer longue et complexe. Les différentes difficultés traversées par les entreprises ont des impacts, des conséquences sur toute la société. L’ insolvabilité est une de ces situations très délicates à laquelle peut être confrontée une entreprise. Dans de nombreux écrits, on utilise le terme « bankruptcy» pour désigner la situation de faillite ou d’ insolvabilité. L’ insolvabilité peut se définir comme étant la situation où une personne ne peut pas payer ses créances au fur et à mesure qu’elles arrivent à échéance. La cause immédiate de l’insolvabilité est l’endettement. Lorsque la situation d’ insolvabilité survient, les conséquences se ressentent sur toute la société. En effet, on constate la fermeture des entreprises, le transfert d’ entreprises, des pertes d’emplois, des impôts et taxes impayés, des demandes de subventions, des clients qui ne pourront pas satisfaire certains de leurs besoins, des pertes d’opportunité, etc. Tel qu’indiqué à l’Annexe l , l’ insolvabilité peut être vue comme un processus. Lorsqu’ une entreprise devient insolvable, deux éventualités sont envisageables : l’ entreprise peut avoir recours aux procédures collectives d’ insolvabilité ou renégocier de manière informelle ses créances. Ces deux éventualités ont des coûts (coûts de renégociation et coûts de faillite). Aussi en cas d’échec de la procédure informelle, l’entreprise passera par une procédure collective. La finalité de la procédure est la liquidation ou la continuation de l’ entreprise. Par abus de langage, on emploie souvent l’expression faillite pour parler de la situation d’insolvabilité. La faillite est la dernière issue. Lorsque l’entreprise est insolvable, elle peut aller en faillite ou faire une proposition à ses créanciers. La faillite consiste en une liquidation et à la fin des activités de l’entreprise sous sa direction actuelle. La proposition est une entente de règlement de dette entre le débiteur et ses créanciers. Les propositions doivent normalement aider à résoudre les difficultés financières d’une entreprise et offrir aux créanciers plus qu’ils ne pourraient espérer recevoir en cas de faillite. Lors de la liquidation (faillite) ou de la continuation (proposition), les créanciers touchent des dividendes. Ces dividendes peuvent être en numéraire ou sous fonne de titre. Souvent ces dividendes sont nuls. Comme nous le rappellent Kirat et Papillon (20l3), l’ analyse économique des entreprises en difficulté pose une série de questions sur les effets des législations nationales, sur les conditions de financement de l’entreprise, le partage entre financement externe et interne.
Le fmancement des entreprises est un aspect important pour la bonne marche de l’ économie. Dès son démarrage et tout au long de sa vie, l’entreprise a besoin de financement pour opérer et mettre en place ses actifs. Avec la décision d’investissement et la politique de dividende, la décision de financement est l’ une des décisions les plus importantes à laquelle tout gestionnaire d’entreprise est confronté vu qu’ elle détennine les flux monétaires anticipés de l’ entreprise, leur chronologie et le degré de risque (Morissette et O’Shaughnessy, 1998). On distingue les sources de financement internes et les sources de fmancement externes. Différentes théories économiques ont été développées pour expliquer le mode de fmancement choisi par l’entreprise. Pour Modigliani et Miller (1958), la source de financement n’ influence pas la valeur de l’ entreprise (neutralité) si l’on considère qu’ il n’y a pas d’ extemalités. Lorsque l’on introduit certaines extemalités comme la fiscalité, le choix du mode de financement influence le coût du capital. Dans la théorie de l’ordre de financement hiérarchique développée par Myers et Majful (1984), le fmancement se fait selon un ordre hiérarchique. L’entreprise commence par se financer par ses propres ressources avant de faire appel à l’endettement. Dans la théorie du compromis développé par Myers (1984), il existe un taux optimal d’ endettement qui maximise la valeur des entreprises. Le financement apparait comme une certaine combinaison entre sources internes et sources externes.
Lors des procédures d’insolvabilité, les différentes sources de financement ont pour but de recouvrer le maximum de leurs investissements. Les sources de fmancement externes, les créanciers qui ne se sentent pas responsables de cette situation utilisent différents moyens afm de recouvrer leurs montants investis. On considère comme sources de fmancement externes tous les détenteurs de contrats de dette avec les entreprises, ainsi que les actionnaires minoritaires. On peut citer les banques, les détenteurs d’obligations, les fournisseurs, les salariés, les gouvernements (impôts et taxe).
En effet au sein de l’ entreprise, nous avons l’exemple des salariés qui involontairement deviennent des créanciers car ils offrent leur service à l’entreprise. Les gouvernements par exemple pour les taxes colletées par l’ entreprise mais non versées à l’État, sont des créanciers par dépit. Ces derniers ainsi que les salariés n’ont pas choisi d’ être une source de fmancement.
Vu la multiplicité des sources de financement externes, des conflits peuvent survenir entre les différents créanciers lorsque l’ entreprise est en période d’ insolvabilité. Aussi les dirigeants et les propriétaires de l’ entreprise, en raison de certaines informations privilégiées dont ils disposent peuvent en tirer profit et léser les autres parties prenantes, les créanciers.
Au Canada, de 1981 à 2013, le déficit prévisible moyen par année lors des procédures d’insolvabilité se chiffre à plus de 3 milliards de dollars. Ce déficit est obtenu par la différence entre la valeur du passif de l’entreprise et la valeur de l’actif au début de la procédure. Ces déficits sous-estiment vraisemblablement les pertes des créanciers et sources de financement externes, car la valeur de l’ actif aura tendance à se déprécier se déprécie au cours de la procédure. La figure 1 présente l’ évolution du déficit. Ce déficit augmente depuis 1981 avec un pic autour des années 2010.
L’INSOLVABILITÉ AUX PERTES DES SOURCES DE FINANCEMENT EXTERNE
Depuis une dizaine d’ années, l’association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la restructuration tient un colloque annuel sur l’insolvabilité et les restructurations commerciales afin de permettre à plusieurs experts de présenter leurs points de vue sur les ‘grandes questions qui se posent aujourd’hui dans les dossiers d’insolvabilité et de restructurations d’entreprises. Dans différents pays, des groupes de recherche, des associations de professionnels, des chercheurs (American bankruptcy institue, insolvency pratitioners association, etc.) traitent des différents aspects de l’ insolvabilité et essaient de faire des recommandations aux législateurs. Les questions d’insolvabilité peuvent s’avérer souvent complexes et font appel à différents domaines d’études (droit, finance, économie, etc.). Comme nous le rappellent Kirat et Papillon (2013), l’analyse économique des entreprises en difficulté pose une série de questions sur les effets des législations nationales, sur les conditions de financement de l’ entreprise, ainsi que le partage entre financement externe et interne. Traiter d’insolvabilité et mesurer ses conséquences (exemple des pertes des créanciers ou des taux de recouvrement) nécessitent une approche multidisciplinaire. La compréhension des législations, du rôle des différents acteurs concernés par une procédure d’ insolvabilité et de la gestion des entreprises doit être abordée afin d’ avoir une bonne approche de l’ insolvabilité. Dans la littérature financière, plusieurs auteurs se sont penchés sur les questions d’insolvabilité. D’abord considérées suivant une approche financière, les recherches sur l’insolvabilité se sont ensuite intéressées aux autres aspects économiques et sociaux.
L’insolvabilité à travers le monde, ses déterminants.
Les législations et les institutions ont un rôle central dans le développement économique des différents États. «Doing Business 7 », dans son classement sur le climat des affaires considère la résolution des questions d’insolvabilité comme un des déterminants d’un bon ou mauvais climat d’ affaires. Sur la base de différentes études, «Doing Business» considère que les bonnes procédures d’insolvabilité doivent tenir compte des droits des créanciers, de la protection des investisseurs et des autres parties prenantes. Les législations deviennent alors importantes surtout lorsque les entreprises traversent des zones de turbulence et que chaque acteur ou partie prenante de l’entreprise essaie de maximiser ses revenus ou minimiser ses pertes. Le classement de «Doing Business» sert généralement de première référence pour les différents investisseurs étrangers. Dans son classement 2014, le Canada occupe la dix-neuvième place concernant le climat des affaires. «Doing Business» classe le Canada au quatrième rang concernant la protection des investisseurs et au neuvième rang concernant en ce qui a trait au traitement de l’insolvabilité. «Doing Business» utilise différents indices lors de son classement du climat des affaires dans le monde.
Plusieurs études ont porté sur l’insolvabilité à travers le monde. Claessens et Klapper (2005) dans un article intitulé « Bankruptcy around the world: Explanations of its relative use» dressent un portrait des taux d’insolvabilité à travers différents pays du monde. Dans cette étude couvrant 35 pays du monde, les auteurs mesurent les taux d’insolvabilité. Les taux d’insolvabilité sont respectivement de 0,12 % en Argentine 2,62 % en France, 1,03 % en Allemagne, 3,65 ra aux États-Unis, etc. Dans cette étude le taux d’insolvabilité moyen au Canada de 1990 à 1998 était de 2,96 %.
En Belgique, les créanciers sont généralement les seuls à récupérer leurs créances en cas de procédures de faillite. Les créanciers ordinaires préfèrent alors les procédures concordataires. En Autriche, chaque créancier reçoit un dividende égal. De manièregénérale, seul un petit groupe (frais de procédures de faillite, les honoraires … ) reçoit le paiement de ses créances avant les autres. Aux États-Unis, le sort des employés dépend des termes de la cession tandis qu’en Autriche, il y a un transfert automatique du droit des employés au nouveau propriétaire. Concernant le sort du failli, en Belgique, s’ il est excusable (sans casier judiciaire et agit en bon père de famille), il peut redémarrer une autre activité. Les différentes législations inciteront les différentes parties prenantes de l’ entreprise à avoir recours à des procédures d’ insolvabilité lorsqu’elles traverseront des difficultés financières ou à utiliser des mécanismes informels. La Porta et al (2008) considèrent que les législations des pays du «Common Law» protègent mieux les droits des créanciers que les pays de nature civiliste. La concentration de l’ actionnariat est négativement corrélée avec la protection des investisseurs.
Aussi pour Claessens et Klapper (2005), dans les pays ayant plus de législations protégeant les créanciers et dont les créanciers ont la capacité à exercer leurs droits, lorsqu’il n’y a pas de suspension automatique de saisie des actifs, le recours à des procédures d’insolvabilité est élevée. L’ efficacité du système judiciaire est positivement reliée au recours à des procédures d’insolvabilité. Dans un système judiciaire encourageant des comportements risqués, la probabilité d’insolvabilité sera plus élevée. Des législations stipulant de manière claire le sort des administrateurs et des dirigeants lorsqu’une situation d’insolvabilité survient influencent le recours à des procédures. Cependant un certain équilibre doit être observé afin d’éviter de décourager l’ entrepreneuriat. En outre des législations stipulant que les actionnaires ne recevront rien en cas de procédures d’insolvabilité n’incitent pas les dirigeants à avoir recours aux procédures d’ insolvabilité. Berkovitch et Israel (1999) dans leur étude intitulée «Optimal bankruptcy law across different economics systems» démontrent que le choix d’une législation optimale en matière d’insolvabilité est fonction du système économique en vigueur. lis ont subdivisé les systèmes économiques en trois groupes. Les systèmes basés sur les marchés de capitaux comme les États-Unis, les systèmes basés sur les banques comme l’Allemagne et les systèmes des pays en développement ou sous développés. La forte mondialisation de l’économie et l’interdépendance dans les relations commerciales nécessitent un certain cadre harmonisé pour résoudre les situations d’ insolvabilité au niveau international. Dans cette optique, la Commission des Nations Unies pour le Droit commercial international (CNUDCI) a mis en place une loi type. La CNUDCI encourage les différents pays à adopter cette loi. Le Canada a participé activement aux travaux d’ élaboration de la loi type. Le Canada jouit d’ une bonne cote en matière de législation d’ insolvabilité et est souvent cité en exemple par les experts internationaux.
En plus des facteurs législatifs et des performances des systèmes judiciaires, des variables économiques influencent les recours à des procédures d’ insolvabilité. Pour Papillon(2011) le taux d’ insolvabilité est une combinaison de plusieurs facteurs. Ce taux peut être influencé par le nombre d’ entreprises dans l’économie, les législations et autres facteurs extérieurs aux pratiques de gestion de l’ entreprise. En somme, une comparaison du taux d’insolvabilité à travers les différents pays du monde nécessite la compréhension des législations dans ces pays, la taille de l’économie, l’efficience des systèmes judiciaires et divers autres facteurs. «Doing Business» utilise différents indices lors de son classement du climat des affaires dans le monde. Des indices comme le taux d’ insolvabilité / Produit national brut peuvent être plus pertinents pour mesurer les taux d’ insolvabilité à travers le monde. Claessens et Klapper (2005) ont mesuré l’insolvabilité en fonction du produit intérieur brut. Cet indice est de 33,5 en France sur la période 1990 1999. Il est 183,2 sur la période 1992- 1996 en Hongrie.
Comme l’ indique l’ annexe 1 représentant le processus de l’ insolvabilité, la situation d’ insolvabilité engendre des coûts. Qu’ importe la méthode de règlement d’ insolvabilité choisie, certains coûts y sont associés. En cas de procédure informelle, des coûts de renégociation informelle y sont associés. En cas d’échec de la renégociation informelle, l’ entreprise fera appel à une procédure collective d’insolvabilité. Les procédures d’insolvabilités entrainent des coûts de faillite. Ces coûts sont supportés par les parties prenantes et ont un impact sur les dividendes de liquidation ou de restructuration, visant à offrir un remboursement partiel aux créanciers.
Les pertes des sources de financement externes lors des procédures d’insolvabilité.
Lorsque l’ entreprise se trouve dans une situation d’ insolvabilité, les différentes parties prenantes malgré leur optimisme ne s » attendent pas à recouvrer toutes leurs sommes investies. Si les titres de l’entreprise sont cotés sur un marché, les actionnaires observent la chute de leur valeur. Les créanciers remarquent une baisse de la valeur des actifs de l’ entreprise. Concernant les actions de l’entreprise, pour Clark et Weinstein (1983), l’ annonce d’une procédure d’ insolvabilité commerciale est un signal, elle annonce un changement dans la valeur future des cours des actions. Les actions des entreprises deviennent alors plus risquées. Dans le secteur bancaire, des modèles de prévisions existent pour mesurer les pertes possibles que va assumer le secteur bancaire en cas de défaut de l’emprunteur. Le secteur bancaire est particulier, car des législations et des ratios cibles de mesure édictés par les accords de BaIe obligent les banques à garder une partie de leurs encours afin de faire face aux pertes en cas des risques de défaut. Malgré la grande quantité d’information dont disposent les banques concernant l’ emprunteur, ce qui peut leur permettre de déterminer les risques de crédit, d’ autres créanciers ne disposent pas de moyens pour déterminer le risque de défaut et les pertes qu’ ils peuvent encourir lorsque l’ entreprise est en difficulté. Aussi certains de ces créanciers n’ ont pas un portefeuille d’activités si diversifié si bien qu’ ils se retrouvent à perdre, proportionnellement à leurs revenus des sommes importantes, par exemple un fournisseur ayant un seul client qui devient insolvable.
Différentes études ont permis d’avoir un aperçu du taux de recouvrement des créanciers. Le taux de recouvrement des créanciers est un des indicateurs utilisés par «Doing Business» dans son classement sur le règlement de l’ insolvabilité. Suivant Djankov et al (2008), Doing Business mesure le taux de recouvrement des créances lors des procédures d’insolvabilité. « Le taux de recouvrement est exprimé en cents recouvrés pars dollar de créances dans le cadre d’une procédure de redressement, de liquidation judiciaire ou d’exécution de la dette (saisie) >> (Doing Business).
Franck et Torous (1994) définissent le recouvrement comme étant la valeur faciale de la créance qui est remboursée. Les pertes deviennent alors la différence entre la valeur de la créance et la somme récupérée par les créanciers, etc.). Le taux des pertes des créanciers correspond à 1 moins le taux de recouvrement des créances. L’annexe 3 nous présente les taux de recouvrement des créances lors des procédures d’ insolvabilité. Comme indiqué dans le rapport de Doing Business, «le classement relatif à la facilité de régler l’insolvabilité est basé sur le taux de recouvrement des créances» D’ après les données de l’annexe 3, le taux de recouvrement au Japon est de 92,8 %. Aux États-Unis, le taux de recouvrement est 81 ,5 %. En Norvège ce taux est 91 ,3 % Les sommes recouvrées sont influencées par de multiples facteurs (ordre de priorité, financement intérimaire durant la procédure, choix de la procédure, durée de la procédure, structure du capital. Comme nous le rappelle Jarow (2001), le taux de recouvrement est lié à l’ état de l’économie. Ainsi lorsque l’ économie est en récession, les pertes sont élevées. Lorsque la probabilité de défaut est élevée, le taux de recouvrement est faible, ce qui prouve que les pertes seront encore plus élevées (Altman, Resti, Sironi ; 2003). De manière générale, le Z score développé par Altman est l’une des mesures les plus utilisées pour déterminer la probabilité de défaut.
La connaissance des pertes dans différents secteurs d’activités, différentes provinces, différentes catégories de créanciers peut servir de socle de négociation pouvant influencer différents aspects de l’ économie (taux de rendement des prêts espérés, rationnement du crédit, facilité à faire des affaires, etc.). Le taux des pertes financières (1- le taux de recouvrement des créances) lors des différentes procédures d’insolvabilité est l’un des déterminants qui guident les créanciers lors des négociations des accords de prêts aux entreprises. Un taux de recouvrement faible signifie des pertes financières très élevées pour les créanciers. Des pertes financières élevées dans un secteur pousseront les créanciers à exiger un taux de rendement élevé (plus le risque est élevé, plus le rendement est élevé) lors de la négociation des prêts.
Les pertes, le choix de la procédure d’ insolvabilité et le résultat de la procédure
Dans certains pays il existe des législations distinctes pour les procédures de liquidations ou les procédures de réorganisation. Les États-Unis en sont un exemple. Plusieurs études comparatives furent menées sur ce marché. Les études ont mesuré les taux de recouvrement sous le chapitre Il (réorganisation) et le taux de recouvrement sous le chapitre 7 (liquidations). Lors de certaines liquidations, les actifs sont vendus au rabais, en dessous de leurs valeurs. Le produit de ces ventes s’ avère alors insuffisant pour rembourser les différents créanciers. Aussi la variation à la baisse des actions à la fin des procédures de réorganisation entraine des pertes pour les créanciers. En effet lorsque les créanciers prennent possession de l’équité des entreprises débitrices, ils se retrouvent avec des actions ayant perdu une bonne partie de leur valeur. Les taux de recouvrement sont plus faibles sous le chapitre 7 que sous le chapitre Il. Gaber (1983) et Malecot (1983) en menant une étude auprès des syndics trouve des taux de recouvrement moyens de 36 %, ce qui signifie des pertes de 64 % pour les créanciers. Altman et Eberhart (1984) en s’intéressant aux entreprises ayant émergé des procédures d’insolvabilité sous le chapitre Il trouvent des taux de recouvrement des créances de 52,57 %. Abel et Boros-Kazai (1992) conclurent que les réorganisations réduisent les pertes par rapport aux liquidations. Sur le marché canadien, le taux de recouvrement moyen des créanciers est de 4,93 % en faillite ordinaire. Ce taux de recouvrement est plus élevé lorsqu’il y a une proposition que lorsqu’il y a une faillite .
Les pertes et les catégories des créanciers
Le taux de recouvrement varie grandement en fonction des catégories des créanciers. Ainsi, les créanciers super privilégiés ont des taux de recouvrement de 68,28 % tandis que les créanciers chirographaires perdent la majorité de leurs créances vu qu’ ils ne recouvrent que 1,28 % de sa valeur (Le Roux-Cocheril, 1978). Sur le marché américain, White (1994) obtient des taux de recouvrement des créances chirographaires de 3 %. Une étude menée par Kaiser et Kaiser (1995) en Allemagne obtient des taux de recouvrement de 4,7 %. Davydenko et Franks (2008) dans leurs études sur le marché européen (France, Allemagne, Royaume-Uni) trouvent que le taux de recouvrement moyen des banques est respectivement de 56 %, 67 % et 92 % en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. Ces taux de recouvrement sont dus aux différentes législations en vigueur dans ces pays. Aussi logiquement, les taux de recouvrement des créances juniors sont faibles par rapport aux créances séniors (Frank et Sussman, 2005). Une étude réalisée par Moody’s sur la période 1970-2003 en fonction des différentes catégories des créanciers trouve des taux de recouvrement suivants: «Senior secured : 54,26 %; Senior unsecured: 38,71; Senior subordinated: 28,51; subordinated: 34,65 %; Junior subordinated: 14,39 %. Le taux de recouvrement est plus élevé pour les créanciers possédant le plus de garanties.
Les pertes et le non-respect de l’ordre de priorité
« Les droits et les rangs des priorités des créanciers établis avant l ‘insolvabilité en vertu du droit commercial doivent être respecté en cas d’insolvabilité afin de préserver les attentes légitimes des créanciers et d ‘encourager une plus grande prévisibilité dans les relations commerciales., Banque Mondiale » .. Weiss (1990) nous rappelle que souvent, des actionnaires sont remboursés avant que tous les créanciers ne recouvrent la totalité leurs créances d’où des pertes très élevées chez des créanciers. Cela signifie alors une violation des règles de priorité. En effet en droit, les actionnaires viennent après les créanciers. Les priorités sont définies par les lois d’insolvabilité. Selon Longhofer (1997), la violation des règles de priorité a comme conséquence la difficulté à accéder au crédit ou la fixation de taux d’intérêt élevés demandés par les prêteurs. La règle de priorité signée lors des contrats de prêts stipule l’ordre de remboursement de chaque créancier au cas où des difficultés surviennent. Ces contrats permettent d’avoir une certaine certitude dans la résolution des conflits futurs. Lorsque cet ordre n’est plus respecté, les créanciers peuvent perdre la majorité de leurs sommes vu que certaines entités passeront avant eux. Selon Franks et Torous (1989), Lopucki et Whitford (1990), des actionnaires de certaines sociétés publiques qui sont allées sous le chapitre Il ont reçu environ 75 % de leurs sommes alors que les créanciers n’avaient pas encore été payés en totalité. Ce non-respect de la priorité se vérifie souvent dans les PME où le propriétaire dirigeant profite de son savoir-faire et de ses compétences particulières pour renégocier certains bénéfices lors des procédures d’insolvabilité. Dans une économie où les règles de priorité ne sont pas respectées lors des procédures d’insolvabilité, les investisseurs demanderont un taux d’intérêt plus élevé pour combler le risque probable de non-respect de l’ordre de priorité.
De manière générale, les législations en matière d’ insolvabilité stipulent l’ordre de priorité des créanciers. Au Canada, la LFI et la LACC stipulent l’ordre de priorité des créanciers. Aussi les contrats négociés entre les entreprises et les créanciers comportent les différentes clauses relatives à l’ordre des différents créanciers (en fonction des garanties). Cependant cet ordre n’est pas toujours respecté. L’affaire Maisons Marcoux Inc. est intéressante, car elle constitue un exemple de l’ordre des priorités sous la LACC. En effet dans cette affaire, on discutait de la question de savoir si la cour pouvait créer une super priorité qui place un créancier au-dessus de l’ordre prévu par le Code civil du Québec. Ainsi en fonction de la logique de restructuration, l’ordre de priorité peut être bouleversé. Ce bouleversement aura un impact sur les pertes des créanciers présents avant le début de la procédure. Lors de la procédure sous la LACC, il faut toujours prendre en compte tout au long de la procédure que l’objectif de la LACC est de faciliter les restructurations Ouge Forsyth, dans l’ arrêt Norcen Energy Ressources Ltd vs Oakwood Petroleum Ltd. Le numéro 16 de la revue «Regard sur les PME » de juin 2012 nous montre que cette violation de l’ordre est souvent un incitatif utile: «Dans une perspective d’efficacité ex post, les déviations des règles de priorités peuvent être envisagées si elles permettent des décisions de continuation dès lors que cette option est celle qui maximise la valeur ».
D’autres facteurs de variation des pertes des sources de financement externes.
Plusieurs autres facteurs ont un impact sur les pertes des sources de financement externe, des créanciers. Selon le secteur d’ activité, les pertes des créanciers peuvent varier. Altman et Kishore (1996) en étudiant 14 secteurs d’ activité montrent que le taux de pertes est en moyenne de 74 % dans le secteur de l’hébergement, des hôpitaux tandis que ce taux de perte est 30 % dans les secteurs utilitaires. Aussi dans certains secteurs comme les services, la communication, les transports, la construction ou les institutions financières, le taux de perte s’ élève respectivement à 46 %,37 %, 38 ~, 39 % et 36 %. Le délai de déclenchement de la procédure aura un impact sur le taux de recouvrement des créanciers. En effets si la procédure est déclenchée de manière prématurée, l’ entreprise peut voir sa réputation détériorée et entrainer des pertes. Si la procédure est déclenchée trop tard, les actifs de l’entreprise auront perdu de leurs valeurs et les possibilités d’ entente peuvent se VOIr réduites. Ce qui accentuera les pertes des créanciers.
CONCLUSION GÉNÉRALE
L’insolvabilité a des causes diverses et a des conséquences sur toutes les parties prenantes de l’ entreprise. Elle expose ses sources de crédit et de financement externe à des pertes parfois importantes. Les pertes des créanciers ont des impacts sur les taux d’ intérêt futurs fixés par les prêteurs, sur le rationnement du crédit, en somme sur la bonne marche de l’ économie. Différentes études, mettant souvent l’ emphase sur le secteur bancaire, traitant du risque de crédit ont mesuré le risque de défaut et le taux de recouvrement lors des situations de défaut. Dans le domaine bancaire, il existe des modèles de mesure des pertes de la banque en cas de défaut du client. Cependant, le domaine bancaire est un peu particulier, car le banquier dispose d’une grande quantité et qualité d’information sur la personne qui lui demande un prêt tandis que les investisseurs ne possèdent pas forcément autant d’informations.
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Table des matières
CHAPITRE 1 INTRODUCTION ET PROBLÉMATIQUE DE RECHERCHE
CHAPITRE 2 DE L’INSOLVABILITÉ AUX PERTES DES SOURCES DE FINANCEMENT EXTERNE
2.1 L’ insolvabilité à travers le monde, ses déterminants
2.2 Les pertes des sources de financement externes lors des procédures d’insolvabilité
2.2.1 Les pertes, le choix de la procédure d’ insolvabilité et le résultat de la procédure
2.2.2 Les pertes et les catégories des créanciers
2.2.3 Les pertes et le non-respect de l’ ordre de priorité
2.2.4 D’ autres facteurs de variation des pertes des sources de financement externes
2.3 Les coûts de la faillite
2.3.1 Les coûts directs de la faillite
2.3.2 Les couts indirects de la faillite
2.4 Questions de recherche
CHAPITRE 3 MÉTHODE DE RECHERCHE
3.1 Méthode de recherche
3.2 Instrument de mesure des pertes des sources de crédit et de financement externe lors des procédures d’insolvabilité au Canada
3.3 Bases de données
3.3.1 Le registre de la LACC
3.3.1.1 Description du registre de la LACC
3.3.1.2 Les limites du registre de la LACC
3.3.2 La base de données de la LFl
CHAPITRE 4 LA LACC ET LES PERTES DES SOURCES DE CRÉDIT ET DE FINANCEMENT EXTERNE, ÉTUDES DE CAS
4.1 La loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies(LACC)
4.2 Études de cas
4.2.1 Mirazed Groupe
4.2.1.1 Présentation du Groupe Mirazed
4.2.1.1.1 Structure corporative du Groupe Mirazed
4.2.1.1 .2 Analyse de la situation financière et commerciale du Groupe Mirazed
4.2.1.2 La procédure sous la LACC
4.2.1.2.1 Objectif du recours à la procédure sous la LACC
4.3 .1.2.2 Les causes d’insolvabilité du Groupe Mirazed
4.2.1.2.3 Le financement intérimaire
4.2.1.3 Le plan d’arrangement et l’ assemblée des créanciers
4.2.1.4 Les pertes des sources de crédit et de financement externe
4.2.2 Résidences du Collège Crp Inc. (Crp)
4.2.2.1 Présentation des résidences du collège CRP Inc. (CRP)
4.2.2.1.1 Structure corporative et historique
4.2.2.1 .2 Situation financière de CRP
4.2.2.2 La procédure sous la LACC
4.2.2.2.1 Objectif du recours à la procédure sous la LACC
4.2.2.2.2 Les causes d’insolvabilité de CRP
4.2.2.2.3 Les créanciers de CRP
4.3.2.3 Le plan d’arrangement
4.2.2.4 Les pertes des sources de crédit et de financement externe
4.2.3 Conjuchem Biotechnologies Inc. (ConjuChem)
4.2.3.1 Présentation de Con juChe m
4.2.3.1.1 Structure corporative et historique
4.2.3 .1.2 Analyse de la situation financière de ConjuChem
4.2.3.2 La procédure sous la LACC
4.2.3.2.1 Objectif du recours à la procédure sous la LACC
4.2.3.2.2 Le déroulement de la procédure sous la LACC
4.2.3.2.3 Le plan d’ arrangement
4.2.3.3 La faillite de ConjuChem
4.2.3.3.1 Le dividende de liquidation
4.2.3.3.2 Les pertes des sources de crédit et de financement externe
Conclusion du chapitre 4
CHAPITRE 5 LES PERTES DES SOURCES CREDIT ET DE FINANCEMENT EXTERNE LORS DES PROCÉDURES D’INSOLVABILITÉ SOUS LA LFI
5.1 La loi sur la faillite et l’insolvabilité
5.2 Analyse descriptive du taux des pertes des sources de crédit et de financement externe
5.2.1 Le taux de perte et le type d’ entreprise
5.2.2 Le taux de perte et le secteur géographique
5.2.3 Le taux de perte et le résultat de la procédure
5.2.4 Le taux de perte et la durée de la procédure
5.3.5 Le taux de perte, l’année d’ ouverture de la procédure et l’ année de fermeture de la
procédure
5.3.6 Le taux de perte et le secteur d’ activité
5.4 Analyse multi variée du taux de perte des sources de crédit et de financement externes des
entreprises insolvables dans une procédure de redressement LFI..
5.4.1 Modèle de régression linéaire
5.4.2 Définition des variables utilisées dans l’ analyse de régression
5.4.3 Résultats de l’analyse de régression
5.5 Les déterminants du taux de perte des sources de financement sous la LFI selon le secteur d’ activité
Le secteur d’activité, différenciant plusieurs variables, il devient souhaitable de faire des de faire des analyses au niveau des différents secteurs d’activité
5.5.1 La régression selon le secteur d’activité
5.5.2 Résultats de la régression selon le secteur d’ activité et discussion
Conclusion du chapitre 5
CONCLUSION GÉNÉRALE
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