Les personnes significatives à l’adolescence et distinctions selon le genre

Les relations avec les autres adultes de confiance

Depuis l’apparition du terme adolescence au XVe siècle, les connaissances concernant l’adolescence n’ont cessé d’évoluer conduisant à une transformation de la conception de cette période de l’existence humaine (Cloutier & Drapeau, 2008; Muss, 1996; Schlegel, 2010) par une inclusion des variations culturelles dans la détermination et la définition de ce qu’est l’adolescence. Au sein de nombreuses cultures et ethnies, l’adolescence représente une période de changements graduels vers la maturité caractérisée par de nombreux changements physiques, émotionnels, cognitifs et sociaux pour lesquels les adolescents doivent développer différents mécanismes adaptatifs (Claes, 1995; Cloutier & Drapeau, 2008; Karunan, 2005). Tous ces changements ont un impact sur les diverses composantes incluses dans la sphère sociale de l’adolescent. D’ailleurs, la composante sociale fait l’objet de modifications, en ce sens où les attentes et les comportements sociaux de l’adolescent, ainsi que les relations qu’il entretient avec sa famille, ses pairs et ses proches se modifient (Claes, 2003).

Ainsi, l’adolescence représente une période cruciale dans le développement des relations interpersonnelles, ce qui conférerait aux individus faisant partie du réseau social des adolescents un rôle pouvant être qualifié de majeur dans le contexte de ce développement (Claes, 2003). Ces individus représentent les personnes significatives du réseau social et peuvent être regroupés en trois catégories : 1) les parents ou ceux qui en tiennent lieu, 2) les amis de même genre et de genre opposé, et enfin, 3) les adultes de confiance de même genre et de genre opposé autres que les parents (Blyth, Hill & Thiel, 1982; Claes, 2003). Selon Claes (2003), la perception qu’ont les adolescents de l’importance des personnes significatives de leur réseau social joue un rôle non négligeable dans leur adaptation à leur milieu social. La majorité des études, concernant l’importance des personnes significatives auprès des adolescents, ont été effectuées auprès d’adolescents nord-américains et d’adolescents d’origine québécoise ou dits « de souche » qui représentent les adolescents québécois qui ne sont pas d’immigration récente (Claes, 1998; Kendall, 1997). L’importance relative accordée aux personnes significatives du réseau social, chez les adolescents issus de l’immigration et d’origine ethnoculturelle autre que québécoise, mais vivant au Québec a donc été peu étudiée. D’ailleurs, la population des jeunes québécois issus de l’immigration ne fait qu’augmenter, alors que le nombre de recherches les concernant demeure limité. Cependant, certaines différences entre ces groupes d’adolescents ont pu être relevées lors de la consultation de la documentation scientifique. Tout d’abord, la famille occupe la place centrale dans le réseau social des adolescents de plusieurs cultures d’origines non occidentales (Chen, French & Schneider, 2006). Ainsi, le père et la mère tiennent un rôle primordial dans le développement social de ces adolescents (Vatz Laaroussi & Messe Bessong, 2008). Quant aux amis de même genre et de genre opposé, dans les cultures non occidentales, ils occupent, eux aussi, une place importante (Claes, 1998). En ce qui concerne les adultes de confiance autres que les parents, plusieurs chercheurs soutiennent qu’ils jouent un rôle vital dans le développement des adolescents en général (Blechman, 1992; Dondero, 1997; Hamilton & Darling, 1996; Mech, Pryde, & Rycraft, 1995; Rhodes, Contreras & Mangelsdorf, 1994; Rhodes, Ebert & Fischer, 1992). Selon Rishel, Sales et Koeske (2005), la relation entre les adolescents immigrants et les adultes de confiance autre que les parents peut constituer un facteur de protection dans la vie du jeune.

Le nombre croissant d’adolescents issus de l’immigration demeurant au Canada et au Québec ne fait qu’augmenter. En effet, un enfant sur cinq vivant au Canada est né à l’étranger (Beiser, Amstrong, Ogilvie, Oxman-Martinez & Anneke-Rummens, 2005). Également, selon l’Institut de la statistique du Québec (2012), 27,9 % des enfants nés au Québec en 2011 ont des parents issus de l’immigration récente ou encore au moins un des parents est né à l’étranger. Ces constatations justifient qu’un effort de recherche soit déployé afin de mieux connaître cette population incluant les mécanismes de leur adaptation et de leur intégration dans la société d’accueil ainsi que l’importance relative qu’ils accordent aux différentes personnes significatives de leur réseau social puisque celles-ci jouent un rôle non négligeable dans leur adaptation (Beiser & al., 2005). D’ailleurs, différents auteurs (Beiser & al., 2005; Van Ngo & Schleifer, 2005) recommandent que davantage d’études canadiennes soient faites concernant les jeunes issus de l’immigration puisqu’il est nécessaire de mieux cerner leur réalité et leurs différents besoins sociaux, psychologiques, scolaires et financiers afin de mettre en place des ressources plus adaptées. C’est pourquoi il est important d’évaluer et de comparer la perception de l’importance relative des différentes personnes significatives du réseau social des adolescents québécois issus de l’immigration et celle des adolescents québécois non issus de l’immigration récente en fonction du genre et de la durée de vie dans le milieu culturel d’accueil. Ceci afin de mieux considérer les caractéristiques du réseau social des adolescents issus de l’immigration dans le but d’explorer si ces caractéristiques peuvent s’avérer importantes dans le processus de leur intégration dans la société d’accueil.

L’adolescence 

La majorité des chercheurs occidentaux, qui tentent de mieux comprendre cette période du développement humain, considèrent l’adolescence comme une transition entre l’enfance et l’âge adulte (Arsenault, 1995; Berk, 1999; Claes 2003; Cloutier & Drapeau, 2008; Karunan, 2005; Rice, 1998). Cette période du développement humain est habituellement circonscrite à la période dont le point de départ peut être considéré entre 12-13 ans et se termine vers 18-19 ans (Cloutier & Drapeau, 2008; Rice, 1998). Celle-ci débute avec les changements pubertaires et une émancipation de l’adolescent par rapport à sa famille qui se termine avec l’âge adulte, celui-ci caractérisé par l’atteinte de la maturité sociale. Cette maturité se définit par l’indépendance économique, la fondation de sa propre famille, l’acceptation des responsabilités propres à l’âge adulte et le respect des normes sociales (Claes 2003; Cloutier & Drapeau, 2008). L’adolescence serait caractérisée par deux tâches, la tâche de réaliser la mutation pubertaire et la tâche de réaliser l’émancipation vers le rôle d’adulte (Société canadienne de pédiatrie, 2003).

Différences culturelles à l’adolescence 

La conception de ce qu’est l’adolescence diffère selon certaines perspectives culturelles. Il existe notamment des différences notables entre les cultures occidentales et les cultures dites non occidentales. En fait, les cultures occidentales, dans lesquelles le Québec s’inscrit, prônent l’individualisme comparativement aux cultures non occidentales qui favorisent, en premier lieu, le bien-être de la collectivité avant le bienêtre individuel (Dorner, Orellana & Jimenez, 2008). Conhen-Émerique (1990) décrit la société occidentale comme étant individualiste-égalitaire, ce qui signifie qu’elle est empreinte de recherche d’autonomie personnelle, d’indépendance et d’égalité entre les hommes et les femmes. Selon cet auteur, la société occidentale adopte une conception libérale de l’éducation, elle accorde une place limitée à la religion (société laïque), prône l’importance de la liberté et l’individu y prévaut par rapport au groupe.

Plus particulièrement, selon Trommsdorff (1995), l’adolescence au Québec est caractérisée par l’indépendance, l’autonomie et l’affirmation de soi comparativement à une culture non occidentale, par exemple la culture japonaise, où il est davantage attendu des adolescents qu’ils respectent l’autorité parentale, les obligations familiales ainsi que les dogmes religieux (Costigan, Koryzma, Hua & Chance, 2010). Claes, Poirier et Arseneault (1998) affirment que la plupart des adolescents Québécois, nés et scolarisés au Québec, adhèrent aux valeurs libérales et individualistes nord-américaines.

Par ailleurs, divers auteurs sont d’avis (Claes, 2003; Karuman, 2005; Rice, 1998; Schlegel, 2010) que pour la majorité des adolescents de diverses origines culturelles, cette période est constituée de changements qui s’effectuent dans diverses sphères de leur vie, incluant la sphère sociale. Néanmoins, les changements sociaux et comportementaux liés à l’adolescence varient d’une culture à l’autre (Trommsdorff, 1995). L’adolescence représente un moment crucial dans le développement humain, puisque l’adolescent y construit son propre univers social (Claes, 2003). D’ailleurs, en Occident, durant l’adolescence, il est attendu du jeune qu’il développe certaines compétences sociales culturellement prescrites, par exemple le sens des responsabilités et la participation autonome aux rôles collectifs (p.ex. : travail et engagements personnels) (Trommsdorff, 1995). Malheureusement, peu d’information est disponible concernant le développement des compétences sociales, au sein du milieu d’accueil québécois, chez les adolescents issus de l’immigration malgré l’importance des rapports sociaux dans le développement des adolescents.

Finalement, les adolescents québécois issus de l’immigration et ceux non issus de l’immigration qui partagent dès lors le même espace territorial voient leur développement et l’organisation de leurs relations sociales s’influencer mutuellement. À ce propos, les attentes développementales québécoises sont transmises aux adolescents québécois issus et non issus de l’immigration, et ce, par le biais du processus de la socialisation déterminée par la société d’accueil (Cloutier & Drapeau, 2008)

La socialisation 

Définition de la socialisation 

Durant l’adolescence, le réseau social des jeunes se modifie (Claes, 2003). En fait, tel que mentionné précédemment, les adolescents s’engagent dans la construction de leur propre univers social, par le biais des mécanismes de la socialisation, qui peut se définir comme un ensemble d’apprentissages, sous la forme d’expériences, dont le point terminal serait l’acquisition (incluant l’acceptation personnelle) des valeurs normatives, au sein de la société (ou de la microsociété marginale ou non) dans laquelle la personne évolue (Arsenault, 1995; Claes, 2003). Plusieurs définitions de la socialisation existent dans le domaine de la psychologie, mais selon Claes (2003), la majorité d’entre elles fait référence à l’insertion de l’individu dans les diverses sphères (p.ex. : réseau familial, réseau des pairs, familles élargies, autres adultes) qui composent son environnement social. La socialisation est un processus dynamique présent tout au long de la vie de l’individu afin de lui permettre de s’adapter aux modifications des exigences sociales de son milieu (Claes, 2003). En fait, selon Arsenault (1995), l’être humain ne peut se développer en l’absence du groupe social et de la culture dont il fait partie.

Ce processus est présent tout au long de l’existence humaine, mais il prend davantage d’importance au cours de l’enfance et de l’adolescence, puisqu’à la faveur de son développement, l’entourage du jeune sera profondément modifié étant donné qu’il passe d’un mode de vie sociale hiérarchisée centré sur la dynamique parents-enfants à un mode plus égalitaire centré sur la dynamique entre les pairs au sein des sociétés occidentales (Claes, 2003). Selon Simard (1994), le processus de socialisation permet aux jeunes d’entrer progressivement en relation avec leur milieu social et de créer leur propre réseau.

La perspective écologique du développement de Bronfenbrenner 

Jusqu’à ce jour l’approche écologique du développement mis au point par Bronfenbrenner (1979), représente les travaux les plus importants effectués sur le lien entre la psychologie du développement et l’environnement social (Arsenault, 1995). L’approche écologique décrit l’environnement en termes de structures qui s’insèrent les unes dans les autres, ayant pour élément central, la personne quel que soit son origine culturelle (Bronfenbrenner, 1979). Toujours selon ce dernier, le développement de l’individu dépend du contexte global et des différents systèmes au sein desquels il prend part : la famille, l’école (ou ce qui en tient lieu), l’entourage et l’ensemble de la communauté. Bronfenbrenner (1979), considère qu’il existe quatre niveaux structuraux de l’environnement : le microsystème, le mésosystème, l’exosystème et le macrosystème. Ceux-ci seraient en interaction hiérarchique les uns avec les autres (Bronfenbrenner, 1979).

Le microsystème est la première structure rencontrée par un individu. Celui-ci constitue un ensemble de relations, de rôles et d’actions qui se déroulent dans un lieu connu par la personne ayant des caractéristiques physiques et matérielles particulières. La mère, le père et les enfants formant une famille sont un exemple de microsystème. En second lieu, le mésosystème représente la rencontre et Interrelation entre les multiples microsystèmes. Ainsi, le mésosystème comprend les interactions entre divers lieux de participation (la famille et l’école, le groupe de pairs et la famille). En troisième lieu, Pexosystème comprend les environnements et les contextes qui affectent et influencent la vie de l’adolescent de manière indirecte (le MELS, le conseil municipal, la direction de l’école, etc.). Au sein de ce système, des décisions sont prises par différentes institutions qui peuvent avoir un impact sur la vie du jeune. En dernier lieu, le macrosystème est, quant à lui, le contexte culturel propre à la société dans laquelle vit l’adolescent. Celui-ci encadre et influence tous les autres systèmes. Il agit grâce à divers médias tels la télévision, la radio, les journaux, etc. (Arsenault, 1995; Berk, 1999; Bronfenbrenner, 1979; Claes, 2003; Cloutier & Drapeau, 2008).

Les adolescents québécois issus de l’immigration ainsi que les adolescents québécois non issus de l’immigration voient leur développement et leur socialisation influencés par ces différentes structures de l’environnement social. Cependant, les adolescents issus de l’immigration sont influencés par ces structures sociales à la fois par les valeurs de la culture d’accueil et par celles de leur culture d’origine (Yeh, Kim, Pituc, & Atkins, 2008). Par contre, l’impact de cette double influence culturelle par rapport à l’importance relative qu’accordent des jeunes d’origine ethnoculturelle aux personnes significatives de leur réseau social est mal connu.

Conclusion

L’adolescence est considérée par plusieurs cultures comme une période de transformations graduelles vers la maturité caractérisée par de nombreux changements physiques, émotionnels, cognitifs et sociaux qui nécessitent le développement de différents mécanismes adaptatifs (Claes, 1995; Cloutier & Drapeau, 2008; Karunan, 2005). L’ensemble de ces changements vient modifier le réseau social de l’adolescent ainsi que les relations qu’il entretient avec les personnes significatives qui le constitue, en plus des effets de l’immigration.

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Table des matières

Introduction 
Contexte théorique 
L’adolescence
Différences culturelles à l’adolescence
La socialisation
Définition de la socialisation
La perspective écologique du développement de Bronfenbrenner
Réseau social et personnes significatives à l’adolescence
Le réseau social
Les personnes significatives à l’adolescence et distinctions selon le genre
Les relations avec les parents
Conflits parents-enfants
Les relations spécifiques avec la mère et le père à l’adolescence
Les relations avec la mère
Les relations avec le père
Les relations avec les pairs
Les relations avec les autres adultes de confiance
L’immigration
L’acculturation
Les variables influençant le processus d’acculturation
Les différentes générations
Questions de recherche
Méthode 
Les participants
Les instruments de mesure
Questionnaire sociodémographique
Le questionnaire de Perception de 1 ‘ Environnement des Personnes
Déroulement
Méthode de regroupement des adolescents en fonction de la question
de recherche
Analyses
Résultats 
Première section : Description sociodémographique de l’échantillon
Seconde section : Rappel des groupes soumis à l’analyse
Troisième section : Analyse des résultats en fonction des questions de recherche
Présentation des résultats des analyses de variance pour les questions de recherche
Considérations préalables aux analyses de variance
Résultats pour la première question de recherche
Première question de recherche : Résultats de l’analyse pour le père
Première question de recherche : Résultats de l’analyse pour la mère
Première question de recherche : Résultats de l’analyse pour l’ami de même genre
Première question de recherche : Résultats de l’analyse pour l’ami de genre opposé
Première question de recherche : Résultats de l’analyse pour l’adulte de confiance de même genre
Première question de recherche : Résultats de l’analyse pour l’adulte de confiance de genre opposé
Première question de recherche : Résultats pour l’ensemble des personnes significatives obtenus avec le PEP
Synthèse des résultats pour la première question de recherche
Résultats pour la seconde question de recherche
Seconde question de recherche : Résultats de l’analyse pour le père
Seconde question de recherche : Résultats de l’analyse pour la mère
Seconde question de recherche : Résultats de l’analyse pour l’ami de même genre
Seconde question de recherche : Résultats de l’analyse pour l’ami de genre opposé
Seconde question de recherche : Résultats de l’analyse pour l’adulte de confiance de même genre
Seconde question de recherche : Résultats de l’analyse pour l’adulte de confiance de genre opposé
Seconde question de recherche : Résultats pour l’ensemble des personnes significatives obtenues avec le PEP
Synthèse des résultats pour la seconde question de recherche
Discussion 
Rappel de l’objectif de la recherche
Discussion concernant les questions de recherche proposées
Première question de recherche
Première question de recherche : L’importance accordée au père et à la mère
Première question de recherche : L’importance accordée aux pairs
Première question de recherche : L’importance accordée aux adultes de confiance autres que les parents
Synthèse
Seconde question de recherche
Seconde question de recherche : L’importance accordée au père et à la mère
Seconde question de recherche : L’importance accordée aux pairs
Seconde question de recherche : L’importance accordée aux adultes de confiance autres que les parents
Synthèse
CONCLUSION

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