Les personnes âgées et le vieillissement
Notre société considère que l’on entre dans le groupe des personnes âgées lorsque l’on souffle nos 65 bougies. Cet anniversaire marque donc l’entrée dans la vieillesse et la raison en est historique. En effet, nous devons cette catégorisation à Otto von Bismarck, chancelier allemand, qui, en 1889, a instauré un régime de pension vieillesse destiné aux personnes de 65 ans et plus (Voyer, 2013). Par ailleurs, en Suisse, l’âge de la retraite est fixé à 65 ans pour les hommes et à 64 ans pour les femmes (Loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS)).
Dans le domaine de la santé, on fait généralement la distinction entre les « jeunes-vieux » (65 à 80 ans) et les « vieux-vieux » (80ans et plus) (Neugarten, 1974), car les besoins ne sont généralement pas les mêmes. Dans le premier groupe, nous pouvons constater une augmentation de la prévalence des maladies chroniques ainsi qu’une accumulation des morbidités pour lesquelles la mise en place de mesures de prévention primaire ou secondaire est pertinente. Quant au second groupe, on remarque la présence de comorbidités, une complexification du tableau clinique ainsi que des besoins en soins, une perte de santé fonctionnelle et des risques avérés d’accidents de santé (chutes, hospitalisations, décès). Les mesures de prévention secondaires et tertiaires sont alors les plus fréquentes (Höpflinger, Bayer-Oglesby, & Zumbrunn Kohler, 2011).
Le vieillissement entraîne donc de nombreux changements physiologiques qui touchent le corps humain dans son ensemble. Ainsi, on constate, par exemple, une diminution des capacités inspiratoire et expiratoire maximales, des irrégularités passagères du rythme cardiaque, une diminution des visions centrales et périphériques, une diminution de l’acuité auditive, une diminution de la masse et de la force musculaire ou encore différents troubles cognitifs (Voyer, 2013). La difficulté pour les soignants est de reconnaître rapidement les nouveaux problèmes de santé en faisant la distinction entre ce qui relève des signes du vieillissement normal et ce qui constitue un phénomène pathologique (Voyer, 2013). Tous ces changements ne s’opèrent pas du jour au lendemain. Il s’agit d’un processus évolutif et la vitesse à laquelle il se produit varie d’une personne à l’autre en fonction de nos informations génétiques, de notre environnement (physique, social et politique) et de notre mode vie (Voyer, 2013). Il est important de souligner que le vieillissement engendre, outre les modifications physiologiques, de nombreux changements d’ordre psychosocial qui sont autant de défis à relever au quotidien pour les personnes âgées. En effet, les pertes de revenus et les déménagements potentiels, le déclin des capacités personnelles et l’apparition de dépendance(s) fonctionnelle(s) ainsi que les maladies et les décès dans l’entourage proche sont des facteurs augmentant le risque de perte d’autonomie et l’isolement (Voyer, 2013).
De nombreuses théories tentent d’expliquer le vieillissement (Voyer, 2013). On peut les diviser en deux catégories. Les théories biologiques étudient le vieillissement sous un angle physiologique (théorie de l’usure, théorie immunologique, théorie génétique, etc..). Tandis que les théories psychosociales s’intéressent au rapport entre le bien-être de la personne âgée et le vieillissement normal (théorie du désengagement, théorie de l’activité, etc…). De ces théories, nous pouvons retenir que « la complexité du vieillissement laisse croire que plusieurs mécanismes entrent en jeu » (Voyer, 2013, p. 5) et qu’il est important de tenir compte du vécu de la personne, de son présent et du futur dont elle rêve, car chacun possède une conception unique d’un vieillissement réussi (Voyer, 2013). Le défi pour les soignants est donc de préserver l’autonomie, l’indépendance ainsi que les capacités physiques et mentales des personnes âgées le plus longtemps possible tout en leur permettant de conserver une bonne qualité de vie (Voyer, 2013).
Le concept de fragilité ou syndrome de fragilité, qui a fait son apparition dans le vocabulaire gériatrique il y a quelques années, est un syndrome médical qui résulte des changements physiologiques liés à l’âge (Trivalle, 2000). A ce jour, selon l’article de Rodríguez-Mañas et al. (2013), il est impossible de trouver une définition consensuelle au concept de fragilité puisqu’il y a une hétérogénéité de facteurs qui entrent en compte. Toutefois, « les experts ont clairement convenu que la fragilité est un syndrome multidimensionnel caractérisé par une diminution des réserves et une diminution de la résistance aux facteurs de stress » (Rodríguez-Mañas et al., 2013, traduction libre, p.65). Ils ont également établi une différence nette entre l’incapacité, la vulnérabilité et la fragilité. Parmi les définitions proposées, ce travail a choisi de s’intéresser à la définition proposée par C. Trivalle qui définit la fragilité comme un état de santé en équilibre précaire, dynamique et évolutif lié à l’âge et à de multiples facteurs pathologiques et/ou socioéconomiques. Il expose le sujet à des pertes fonctionnelles diminuant l’autonomie et l’indépendance et augmentant les risques d’hospitalisation, d’institutionnalisation, voire même de décès (Trivalle, 2000). Les facteurs de fragilisation étant donc nombreux et variés, ce travail se focalise sur les douleurs chroniques.
Douleurs chroniques
La taxonomie de NANDA International des diagnostics infirmiers définit la douleur en s’appuyant sur la définition qu’en donne l’Association internationale pour l’étude de la douleur (International Association for the Study of Pain (IASP)). Ainsi la douleur est « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite dans des termes évoquant une telle lésion » (International Association for the Study of Pain (IASP), 1979). Les douleurs sont dites nociceptives, viscérales, neuropathiques ou mixtes selon le mécanisme physiopathologique qui les provoquent. La douleur peut donc avoir plusieurs étiologies mais aussi une durée variable. De fait, l’on distingue les douleurs dites aiguës des douleurs chroniques (Voyer, 2013).
La douleur chronique s’exprime à travers différents signes et symptômes parmi lesquels on retrouve : l’expression verbale ou comportements observés, l’autoprotection, la défense, l’irritabilité, le repli sur soi, la dépression, la fatigue et une difficulté à poursuivre les activités antérieures (NANDA International, 2016). Toujours selon l’IASP, une douleur devient chronique lorsqu’elle persiste « au-delà du temps habituel de guérison » (Merskey, Bogduk, & International Association for the Study of Pain, 1994, p. xi). La taxonomie NANDA International précise quant à elle que « le début est brusque ou lent ; l’intensité varie de sévère à légère, elle est constante ou récurrente, l’arrêt est imprévisible ; la durée est supérieure à six mois » (NANDA International, 2016, p.448). D’après Piguet et Allaz (2009), d’autres auteurs proposent d’envisager le passage de la douleur aiguë à la douleur chronique « comme une transition dynamique et réversible, liée à la présence, à l’activation et/ou à l’association de facteurs de risque complexes » (Piguet & Allaz, 2009, p.1347). Les répercussions cliniquement significatives et probables de la douleur deviendraient donc le facteur déterminant cette chronicité. Dans le but de mieux comprendre, étudier et traiter le phénomène complexe de la douleur chronique, l’IASP propose une classification des douleurs chroniques selon cinq critères : la région, le système, la régularité temporelle, la durée depuis l’apparition et l’étiologie (Merskey et al., 1994).
Selon l’étude sur la prévalence des douleurs chroniques en Europe menée par Breivik et collègues en 2006, 12 à 30% des personnes interrogées dans seize pays européens déclarent souffrir de douleurs chroniques. En Suisse, 51% des personnes âgées affirment souffrir d’inconfort lié à des douleurs d’intensité moyenne à sévère (Luthy, Cedraschi, Allaz, Herrmann, & Ludwig, 2015). De plus, 29, 2 % d’entre elles indiquent souffrir de douleurs dans le bas du dos (Cedraschi, Luthy, Allaz, Herrmann, & Ludwig, 2016). De plus, d’après Notari et Jordan (2012), 55,8% des personnes âgées vivant à domicile déclarent souffrir de douleurs dorsales et 53,6% de douleurs articulaires. Enfin, « chez le sujet de plus de 70 ans, les douleurs chroniques les plus fréquentes sont les douleurs d’origine ostéo-articulaire, neuropathique et cancéreuse » (Perrot, 2006, p. 163).
Aujourd’hui, on se rend compte que les douleurs chroniques sont « un élément de morbidité fondamental » (Perrot, 2006, p.164) qui, trop souvent banalisé, considéré comme inéluctable, mal identifié, est fréquemment mal contrôlé chez la personne âgée. De plus, une mauvaise prise en soins de la douleur peut avoir de lourdes conséquences comme une dépression, une diminution de la qualité de vie ou encore une admission en institution (Perrot, 2006). Ainsi, « la douleur chronique chez le sujet âgé […] nécessite une approche globale adaptée aux capacités fonctionnelles et au contexte psychologique et social »(Perrot, 2006, p.166). Cette approche nécessite un accueil empathique de la plainte douloureuse, d’en tolérer l’aspect répétitif ainsi que l’attitude agressive dont peut parfois faire preuve la personne qui l’émet. Il s’agit ici de légitimer et valider la douleur ressentie en reconnaissant la personne qui souffre en tant que malade, ce qui lui redonnera une certaine estime de soi (Allaz, Cedraschi, Rentsch, & Canuto, 2011). En outre, une plainte douloureuse peut être la manifestation d’une souffrance plus globale ou la traduction d’une demande d’attention. C’est pourquoi, il convient de débuter la prise en soins de la douleur chronique par une évaluation approfondie des signes et symptômes qui, parfois rendue plus complexe par des altérations des fonctions cognitives, nécessite une participation active de l’équipe soignante, de l’entourage et de la famille du patient (hétéro-évaluation multidisciplinaire) (Perrot, 2006). Pour une prise en soins de qualité, la douleur doit être évaluée régulièrement avec des outils adaptés en favorisant, lorsque cela est possible, l’auto-évaluation et en privilégiant l’utilisation du même outil lors des réévaluations. Cependant, il faut veiller à ce que les modalités d’évaluation soient comprises par le patient, à respecter sa cotation, à chercher à comprendre ce que représente son niveau de douleur et à déterminer ses attentes. Enfin, il convient de transmettre/documenter les observations relevées pour assurer le meilleur suivi possible de l’évolution de la douleur, adapter les traitements et la couverture antalgique et maximiser la prise en soins de l’équipe soignante (Voyer, 2013). Toute la gamme pharmaceutique et les différents paliers des traitements antalgiques ne seront pas développés ici, mais il convient de préciser que le traitement médicamenteux doit être progressif et initié avec des doses minimales tout en correspondant aux heures de manifestations de la douleur (activités, soins, etc.) (Perrot 2006). De plus, il est nécessaire de souligner que l’approche médicamenteuse se doit d’être associée à des traitements non-pharmaceutiques tels que, par exemple, les massages, la physiothérapie, les orthèses ou encore l’ergothérapie (Perrot, 2006). En Suisse, 30% des personnes interrogées souffrant de douleurs chroniques ont déjà essayé les massages pour tenter de soulager la douleur (Breivik et al, 2003). C’est pourquoi ce travail se penche sur l’efficacité des massages en tant que traitement complémentaire pour soulager les douleurs chroniques.
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Table des matières
1. INTRODUCTION
1.1 Contexte sociodémographique
1.2 Les personnes âgées et le vieillissement
1.3 Douleurs chroniques
1.4 Les massages thérapeutiques
1.5 Les soins à domicile
1.6 Ancrage disciplinaire
2. Problématique
3. Méthode
3.1 Sources d’information et stratégie de recherche documentaire
3.2 Diagramme de flux
4. Résultats
5. Discussion
5.1 Apports
5.2 Limites
5.3 Recommandation pour la pratique
6. Conclusion
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