Les pérégrinations du sujet de l’écriture dans l’archéologie intérieure

Les pérégrinations du sujet de l’écriture dans l’archéologie intérieure

Le corps-livre… … univers de promesses

On pouvait dire au matin que le temps de l’écriture s’était donné et que l’espace du quotidien s’ouvrait pour le laisser passer. [La Lettre infinie, « L’histoire des chats », Les mots sont indubitablement porteurs de vérités essentielles – dans tous les sens du terme – et éternelles. Outre le fait qu’il soit sanctionné par l’acte de lecture – qui ne tient pas nécessairement compte du temps de la production et de la réception -, ce caractère d’éternité pourrait bien reposer sur le fait qu’il soit tributaire de la convergence de trois temps : qualitatif – le temps de la durée intérieure -, existentiel – le temps à tonalité affective – et opératoire – le temps objectif et mesurable de l’action sur les choses, en l’occurrence la reconstitution dans l’écriture – et, bien sûr, dans la lecture – d’expériences, d’images ou d’événements préservés de l’oubli par le corps-monument, puis par le
monument-livre ou le corps-livre. Ces trois temps sont condensés dans celui particulier et propice aux combinaisons multiples des différentes mises en fiction, soit le temps de la narration.

La convergence temporelle : la narration

L’écoute flottante et la mémoire, l’écriture et la lecture sont obligatoirement mises à contribution, puisque ce sont elles qui redonnent vie, chacune à leur façon, aux voix plurielles d’un passé en apparence révolu. Or, cela n’est pas sans rappeler les réflexions de la narratrice de Lueur, roman archéologique : [L]a période d’avant sans réminiscence s’agonisait d’elle-même, la mémoire, la mienne d’ici, suffirait à lui donner encore d’infinis [sic] perspectives, l’impulsion d’une histoire vraie, prenant place parmi tant d’autres, aimées, racontées mille et une fois, cajolées une à une, semblables mais toujours inédites, et je m’émeus de toutes ces images chevauchant dans les rondeurs du temps, tendres enluminures sidérantes, haletantes vers ce texte à s’écrire d’elles, mais ne l’illustrant plus, se tenant toutes seules remplies de leurs sens. La fresque s’offrant, le tableau divin finalement ramené à sa lettre, de douces mains aimantes s’étant rejointes, non plus servantes du tout-puissant, non plus scriptrices des lois, ni fidèles porteuses des holocaustes, des bras légers jambes nageuses, les douces douces [sic] mains enlacées frayantes des voies nouvelles ne laissant plus le jouir à désirer Voilà que le caractère sacré de la mosaïque, la fresque s’offrant, le tableau divin est, une fois de plus entériné. Il le fut, de toute évidence, bien avant le temps d’écriture et de parution des œuvres qui le constituent, dont Mémoires d’enfance.
Mais comment se manifestent donc ces voix plurielles ? Elles s’éprouvent d’abord dans l’invisible et l’intangible, puis elles prennent corps dans les différentes formes de la parole – orale et écrite -, dans l’architecture des mots seuls22* modulés par la voix des différentes narratrices. Généreuse, l’une de celles des Cathédrales sauvages en rend compte, révélant ainsi l’une des voies détournées qu’emprunte le désir pour se représenter : Ils ne parlaient pas avec des mots de tous les jours, mais exigeaient néanmoins la transcription de leurs propos. Imprécations, supplications, exhortations, ils exigeaient. Les revenants possèdent une suprême autorité du fait que les contraintes temporelles et spatiales, mais aussi les trivialités liées à la simple survie ne les touchent plus. Une autorité infaillible, car plus personne ne peut les contredire229.
Exprimés sur le ton de la certitude, ces propos ne laissent place à aucun doute quant à leur authenticité : des voix, celles de revenants, se manifestent dans le silence et exhortent à l’obéissance. [L]a transcription de leurs propos s’avère ensuite la preuve de cette obéissance. Difficile alors de ne pas associer ces revenants aux personnages dont la narratrice des Mémoires d’enfance savai[t] par cœur 230 toutes les histoires et dont certains sont les héros des récits de la première œuvre publiée par Madeleine Gagnon, le recueil de nouvelles Les Morts-vivants. La construction antithétique du titre est en quelque sorte un hommage aux revenants : elle les honore, tout en suggérant qu’ils sont doués de vie ou encore animés d’une forme de vie éternelle grâce à la narration, laquelle est ensuite Mémoires d’enfance, « L’Histoire sainte », p. 67. Les Cathédrales sauvages, Deuxième partie, « L’après-livre » : « Qui ? », p. 130. Mémoires d’enfance, « L’Histoire sainte », p.64.
actualisée – réactualisée – par l’acte de lecture. Qui plus est, la particularité de la parole de ces revenants, c’est qu’elle a les caractères de la parole divine, soit une autorité infaillible et une vie éternelle. En outre, ce que suggèrent les assertions de la narratrice, c’est qu’il s’agit bien d’une parole qui relève de l’écoute flottante puisqu’elle n’est pas régie par un code usuel : elle est soumise aux lois des signifiants intérieurs – libres de toutes contraintes spatiotemporelles – que l’écriture poétique a le pouvoir de rendre tangibles dans la transcription ; de là sans doute leurs [i]mprécations, supplications, exhortations, bref, leurs exigences. Tout bien considéré, il n’est pas étonnant que cette parole se fasse pressante, insistante et sollicite chacune des narratrices qui la rapportent et l’actualisent dans ce qu’elles ont de plus intime : leur foi dans l’écriture dont le plus grand témoignage est le livre, relié. Or, les questions qui assaillent l’une d’elles indiquent, entre autres, que cet acte de foi est constamment à refaire : Pour l’écriture, y aurait-il d’autres frontières que celles du livre ? Edmond Jabès écrit : « Le Livre est le territoire de l’écriture. » Avant cette entrée dans les contrées des pages délimitées par l’espace de Pobjet-livre, relié, l’écriture serait-elle ce désert infini ou cette mer sans bornes d’où l’on ne pourrait jamais sortir et reprendre pied, ou souffle, et où d’ailleurs l’on ne pourrait jamais aborder sur quelques plages, ou marges qui seraient la marque des confins, l’espace extérieur qui, seul, peut nous donner l’assurance de celui du dedans : intériorité des sables, des eaux, des mots ? Le livre seul nous offre-t-il à la fois la révélation et le confinement de l’écriture ?231 À première vue, ce questionnement qui s’amorce sur l’assertion d’un grand écrivain rend compte de la fragilité de la foi, mais il y a plus. Il est essentiel. En effet, remettre en question les assises mêmes de l’écriture – le temps et l’espace -, c’est aussi, et 231 Toute écriture est amour, Autographie 2, « Y a-t-il des écritures sans lieu, sans territoire ? », p. 85.
paradoxalement, donner l’assurance de lui être fidèle, amoureusement fidèle, pour en éprouver, en mettre à l’épreuve les limites mêmes. C’est aussi revenir, d’une autre façon, de manière allusive et dans un autre contexte d’énonciation, à l’affirmation selon laquelle Vinconscient tissé (matériellement) d’hiéroglyphes […] est lui-même écriture132 et avouer son impuissance à en circonscrire les mystérieuses, mouvantes et évanescentes limites. C’est également, et toujours dans le paradoxe, signifier son intention de ne pas les circonscrire, afin de laisser toute latitude aux possibles qui caractérisent ce qui précède la naissance et advient dans 1’infinitude consacrée par le besoin de répétition. En fait, s’il permet la commémoration du procès signifiant du Je, le livre rappelle également qu’il ne peut en livrer tous les dessous et les secrets parce qu’ils demeurent prisonniers de l’indicible auquel est constamment confronté le langage. Même le grand Livre universel, la Bible, ce long roman parsemé d’aventures fabuleuses232\ dans sa tentative d’explication des origines, ne peut en proposer un éclaircissement autrement qu’en fabulant sur un possible commencement et une éventuelle – et horrible – fin. Ce que l’on peut donc retenir de cette profonde remise en question, c’est qu’opposer l’incertitude d’un début à celle d’une fin permet à tout le moins de continuer à espérer et, ainsi, de ne pas avoir l’impression d’errer dans la solitude des signes De plus, rêver que la réciprocité [de ces] signes serait possible dans un livre où le commencement et la fin n’auraient aucune importance – s’il existait un territoire de l’écriture sans confins, sans autres finalités que ces inscriptions laissées là dans les hasards et les accidents du temps et de l’espace ? -, n’est-ce pas suggérer que ce territoire pourrait être celui de l’inconscient qui est lui-même Ibid., « Pourquoi, comment, pour qui écrire », p. 127. Mémoires d’enfance, « L’Histoire sainte », p. 57. écriture , comme on l’a mentionné plus tôt en citant une narratrice ? N’est-ce pas aussi, et surtout, reconnaître l’importance du regard de l’autre dont les inscriptions propres sont nécessaires pour la lecture de ce qui s’est écrit, s’écrira et, dès lors, se réécrira ? Faut-il donc s’étonner du fait que le sommet de la falaise du livre soit de plus en plus élevé, qu’il s’éloigne au rythme même des mots qui le façonnent et donnent de surcroît l’illusion de pouvoir l’atteindre ? Car, l’atteindre enfin correspondrait sans doute à l’acmé, voire à l’apothéose de l’Œuvre. Celle-ci se révélerait alors symbole235 de l’ultime perfection et promesse d’une reconnaissance éternelle et absolue – par un lecteur idéal qui actualiserait les particularités de la demande dont serait porteuse cette œuvre extraordinaire.
– et, par voie de conséquence, le symbole de la fin d’une quête, et donc de la fin de toutes les œuvres. Mais, le livre n’en est fort heureusement pas encore là. Il est le support des nombreuses traces mnésiques d’une représentation refoulée, il demeure le lieu privilégié par le Je qui s’avère le représentant de cette représentation. D’œuvre en œuvre, la chaîne signifiante constituée par les différentes mises en fiction qu’il engendre – et qui l’engendrent – ne cessent toutefois de se raffiner, donnant ainsi l’illusion que la fin de la quête est imminente.

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Table des matières

RÉSUMÉ
REMERCIEMENTS
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION 
Les pérégrinations du sujet de l’écriture dans l’archéologie intérieure
DE MULTIPLES QUESTIONS
POUR UNE LECTURE DU PROCÈS SIGNIFIANT
POSER LES YEUX DANS LA TRACE DE L’INVISIBLE
TRACER CE QUI NE CESSE PAS DE NE PAS S’ÉCRIRE
FAIRE RESSORTIR LE TRACÉ DE L’INÉDIT
DÉMYSTIFIER LES MODES DE REPRÉSENTANCE
CONJUGUER LE LEURRE
PARCOURIR ET APPROFONDIR LES ASSISES FONDATRICES DU SUJET
FAIRE BRUIRE LE SILENCE
TROUVER LE MOTIF CENTRAL
PREMIÈRE PARTIE Sur fond de paradoxe squisse du sujet
CHAPITRE 1Les noces de papier allégorie de l’étrange inédit
ï-i. LES ORIGINES FACTUELLES ET DISCURSIVES
1-2. LA CONTRIBUTION DU LECTEUR
1-3. LA CONTRIBUTION DE LA FICTION
1-4. LA FICTION, UNE PORTÉE DE VOIX
CHAPITRE II L’illusion voile de la réalité invisible
Ii-l. LA CONTRIBUTION DE L’INCONSCIENT
II-2. LA CONTRIBUTION DE L’AUTRE
II-3. LA FICTION, ESPACE DE LA DEMANDE
CHAPITRE III Histoires histoires……les voies du sujet
ni-i. LES MOTS COMME DES MIROIRS
III-2. LES MOTS COMME DES RÉVERBÈRES
III-3. LA FICTION, MÉTISSAGE D’HISTOIRES
CHAPITRE IV Le corps-livre ……univers de promesses
IV-1. LA CON VERGENCE TEMPORELLE: LA NARRATION
IV-2. LA CONVERGENCE SPATIALE: LE VERBE
IV-3. LA FICTION, VOIE DU RAVISSEMENT
CHAPITRE V L’objet transitionnel……univers de représentation
v-i. LES DEUX VISAGES DE LA MÈRE : LA LECTURE ET L’ÉCRITURE
v-2. LES DEUX VISAGES DU PÈRE : LA PAROLE ET LE SILENCE
V-3. LA FICTION, VOIE D’INTIMES RETROUVAILLES
DEUXIÈME PARTIE . Sur fond d’équivoque ……naissance du sujet
CHAPITRE 1 Les noces de papier ……allégorie de l’étrange inédit
M. LE SILENCE MIS EN ABÎME
1-2. L’HISTOIRE ANCRÉE DANS L’HISTOIRE DU JE
1-3. L’HISTOIRE DU J£ ENCRÉE DANS L’HISTOIRE
CHAPITRE II Les souvenirs……points d’ancrage d’une trame mouvante
n-l. LA RÉPÉTITION, UN ACTE DE CONJURATION
II-2. LA RÉALITÉ SIGNIFIANTE DE L’ILLUSOIRE
II-3. L’ÉTRANGE, UN UNIVERS FAMILIER
CHAPITRE III Le motif du leurre……un mode de représentance
III-l. L’ILLUSION, SIGNATURE DU DÉSIR
III-2. LA DEMANDE, SOULIGNAGE DU DÉSIR
in-3. LES SOUVENIRS, TATOUAGE DU DÉSIR
III-4. LES NARRATRICES ET LES PERSONNAGES, MAQUILLAGE DU SUJET
CHAPITRE IV Le regard et la voix……l’écho en miroir
iv-1. PERSONNAGES ET LECTEUR, LES DOUBLES DE L’AUTRE
iv-2. LA MARQUE INDÉLÉBILE DE L’INEFFABLE
IV-3. LA FICTION DE RÊVE, UNE ALLUSION POÉTIQUE AU DÉSIR DU SUJET
iv-4. LES LACS DE LA PAROLE, LIEUX DE L’ALIÉNATION SUBJECTIVE
TROISIÈME PARTIE Sur fond de rémanences ……un sujet qui se pose……et se repose
CHAPITRE 1 Je à l’œuvre dans l’œuvre……et sur l’œuvre
M . ÉCRITURE-LECTURE, UNE RENCONTRE AUTOGRAPHIQUE
1-2. L’INTRICATION RÉALITÉ ET FICTION, ASSISE DES IDENTIFICATIONS SUBJECTIVES
1-3. LA PAROLE D’ÉCRITURE, ESPACE DE LA CONJONCTION D’IDENTITÉ
CHAPITRE II L’autre en soi et l’autre de soi…… des multiples de Un
il-i. LE SUJET, VESTIGE DES APPARENCES
II-2. ENTRE L’ENDROIT ET L’ENVERS DE LA PAROLE, LE DÉSIR DE L’AUTRE
iï-3. DANS LE PLEIN DE LA PAROLE, LE CORPS RECOMPOSÉ
CHAPITRE III L’absence et le silence…… signifiants et signifiés de la perte
III-l. L’ABNÉGATION, UN APPEL À LA VOIX ET AU REGARD DE L’AUTRE
III-2. LA PAROLE DE L’AUTRE, UNE RÉPONSE INCOMPLÈTE AUX EXIGENCES DU DÉSIR
III-3. L’ABSENCE DE PAPIERS, UNE MÉTAPHORE DU SILENCE DE L’AUTRE
CHAPITRE IV Les réminiscences fictives……une métaphore filée de Pimmarcescible
IV-1. L’INTRICATION VOIX ET REGARD, TAIN DU DESIR
iv-2. LES COULOIRS DE MOTS, VOIE DU TRANSFERT
IV-3. LE FIN MOT DE LA FICTION, LIEU DE L’INEFFABLE
CONCLUSION 
Le sujet de l’écriture……poussière poussières d’étoile
UNE HISTOIRE INTRIQUÉE DANS LES LACS DES APPARENCES
LA FICTION, SUBSTRAT DU DÉSIR DANS L’ÉCRITURE
LA FRESQUE SCINTILLANTE DU JE
DE MÉTAPHORES EN MÉTONYMIES
L’IMMARCESCIBLE INEFFABLE
POST-SCRIPTUM.
INDEX
BIBLIOGRAPHIE
ASPHODÈLE

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