Les peintures antifouling à base de Cu et d’étain

Les peintures antifouling à base de Cu et d’étain

Tout substrat ou structure en immersion dans l’eau de mer représente un support pour la colonisation d’espèces sessiles mais aussi motiles (Schultz et al. 2011). La fixation des salissures (ou fouling) sur les coques de bateau s’organise dans un ordre défini. Dans un premier temps, les molécules organiques (polysaccharides, protéines …) sont rapidement accumulées sur la surface (Callow & Fletcher 1994; Abarzua & Jakubowski 1995). Dans la foulée, les bactéries et les diatomées unicellulaires prolifèrent et adhèrent sur ce nouveau substrat pour former un biofilm (Clare & Rittschof 1992). L’irrégularité du biofilm et sa grande richesse en nutriment permet l’adsorption de plus grosses particules et d’organismes tels que des spores d’algues, des protozoaires ou des cyprides de barnacle. Cette colonisation d’organismes plus complexes est la troisième étape du développement du biofouling. La phase finale correspond à la croissance de macroorganismes et à la fixation d’invertébrés marins ainsi que des algues (Callow & Fletcher 1994).

L’utilisation de protection efficace contre le développement de biosalissures à la surface des coques de bateau a toujours été une préoccupation pour les navigateurs. Les premiers navigateurs recouvraient leurs coques en bois de produits naturels tels que la cire ou le goudron (WHOI 1952; Callow 1990). Selon les mêmes sources, les Phéniciens et les Carthaginois semblent avoir été les premiers à utiliser le cuivre et le plomb afin de protéger leurs bateaux. Entre le 13ème et le 15ème siècle, le goudron fut très largement utilisé pour protéger les coques et mélangé parfois à de l’huile, de la résine ou du suif (WHOI 1952). La première utilisation de revêtement de cuivre authentifiée a été signalée sur le bateau de guerre anglais l’HMS Alarme en 1758. Son succès relatif a encouragé l’utilisation du cuivre sur d’autres bateaux (WHOI 1952). A partir de 1960, une technique de copolymère autopolissante révolutionnaire à base de tributylétain (TBT) a été utilisée (WHOI 1952). Le TBT devint très vite la molécule la plus utilisée car très efficace et peu coûteuse. Cette utilisation représentait dans les années 1980 près de 70% de la consommation mondiale d’étain (Brignon 2005). Au début des années 1980, plusieurs pays comme la France et le Royaume Uni ont commencé à réguler l’utilisation des TBT dans les peintures antifouling. Suite aux découvertes des dégâts causés par le TBT sur les huitres notamment (Alzieu et al. 1986; Alzieu et al. 1989; Gibbs & Bryan 1986) d’autres pays ont commencé à réguler les peintures. En 1998, Alzieu a estimé qu’une coque de bateau relarguait entre 1 et 10 µg de TBT/cm²/jour afin d’assurer une protection contre le biosalissures. Ceci correspond à 0.2-2 g/jour pour un petit bateau et jusqu’à 50-500 g/jour pour les bateaux de marchandises. En 1990, l’Organisation Maritime Internationale (OMI) des Nations Unis a adopté une résolution recommandant aux gouvernements d’adopter des mesures restrictives envers l’utilisation des TBT dans les peintures. Aussi, l’usage du TBT en tant que biocide fut interdit en 2008. Il est à noter qu’en 2008 le Sénat américain a donné son autorisation pour la ratification de la convention toutefois, en août 2009, le Congrès n’avait toujours pas permis cette ratification. Ainsi, l’utilisation de peintures antifouling au TBT aux Etats Unis n’est toujours pas considérée comme un délit (NPCA/FSCT 2009). En 2003, l’Union Européenne a interdit l’application extérieure de peintures au TBT pour tous les bateaux battant pavillon de l’Union à l’exception des bateaux militaires. Depuis 2008, les systèmes antisalissures susceptibles de libérer des organostanniques sont totalement proscrits, et il est obligatoire d’éliminer les revêtements des coques de bateaux contenant du TBT sauf s’ils sont recouverts d’un revêtement « barrière ».

Malgré ces interdictions, le TBT, est responsable aujourd’hui encore d’une contamination persistante des sédiments en raison de leur faible degré de dégradation , suivant les conditions, qui peut s’avérer toxique pour les écosystèmes aquatiques.

Aujourd’hui, le cuivre sous sa forme CuO ou CuCNS (thiocyanate de cuivre) est redevenu la base des antifouling mais d’autres biocides sont venus compléter son action. C’est ainsi que le zinc pyrithione (C10H8N2O2S2Zn), le cuivre pyrithione (C10H8N2O2S2Cu), le SeaNine 211 (C11H17Cl2NOS) ou l’Irgarol 1051 (C11H19N5S) sont largement utilisés dans les formulations des nouveaux antifouling. Ces produits chimiques organiques sont utilisés alors que leurs comportements, leurs toxicités et leurs effets sur l’environnement aquatique sont relativement mal connus (Thomas & Brooks 2010).

Les effets sur les organismes du Cu et du TBT 

Il a été montré que la contamination métallique due aux peintures antifouling réduisait la biodiversité des écosystèmes marins (Johnston & Roberts 2009) et pouvait favoriser le développement d’espèces non indigènes plus tolérantes aux métaux que les espèces indigènes (McKenzie et al. 2011). C’est un point crucial dans les ports où la contamination est importante et où les espèces non indigènes peuvent être importées, attachées aux coques de bateaux. Une étude de Piola & Johnston (2007) a montré que les espèces non indigènes transportées sur les coques et qui avaient subi une forte pression de sélection liée à la présence de peinture antifouling à base de Cu étaient plus tolérantes aux métaux que les espèces indigènes. Des effets directs peuvent être observés sur les organismes aquatiques exposés aux contaminants via les eaux, les sédiments et la nourriture (Landrum & Robbins 1990; Forbes et al. 1998; Weston & Mayer 1998). Le Cu est un élément essentiel pour les organismes mais peut s’avérer toxique lorsque ses concentrations dépassent les simples besoins nutritionnels (Hall & Anderson 1999; RiveraDuarte & Rosen 2005). Pour de nombreuses espèces aquatiques, par exemple chez les mollusques, les crustacés, les poissons et les mammifères l’accumulation du cuivre est régulée (Chong & Wang 2001). Les entrées de cuivre se font préférentiellement sous forme ionique (Cu2+) par des protéines de transport membranaire (Sunda & Huntsman 1998). Les bivalves accumulent le cuivre principalement dans l’hépatopancreas, les gonades et les branchies (Adami et al. 2002). C’est au niveau des hépatocytes que le cuivre va provoquer le plus de dysfonctionnement voir des lyses chez les macroorganismes benthiques (Linde et al. 2005).

Plusieures études ont démontré la toxicité du Cu pour de nombreux organismes marins même à de faibles concentrations (Cid et al. 1995; Turner, Barrett, et al. 2009; Turner, Pollock, et al. 2009; Xie et al. 2005; Karlsson et al. 2010). Le Cu relargué à partir de particules de peinture antifouling à une concentration de 4 mg L-1 réduit l’activité photosynthétique de l’algue Ulva Lactuca (Turner, Barrett, et al. 2009; Turner, Pollock, et al. 2009). Une inhibition de la croissance des diatomées par le Cu a été observée à des concentrations extrêmement faibles (10⁻¹³ M) (Morel et al. 1978). Dans les sédiments, la diversité faunistique est réduite lorsque les concentrations en Cu dépassent 30 µg g-1 (Olsgard 1999; Piola & Johnston 2007). Le TBT est un composé organométallique. Dans l’eau la molécule est présente sous forme cationique (TBT+ ) ou sous forme d’une particule neutre (TBT-OH ou TBT-Cl) (Arnold et al. 1998; Laughlin et al. 1986). La molécule de TBT se dégrade dans l’environnement via des réactions photochimiques (dégradation aux UV…) ou liée à l’activité microbiologiques (déalkylation…) en dibutylétain (DBT), puis monobutylétain (MBT) et enfin en étain inorganique (Hoch 2001). Le temps de demi-vie du TBT dans l’eau de mer est de six jours à quelques mois (Stewart & de Mora 1990) tandis qu’il varie de un an à plusieurs décennies dans les sédiments (Stewart & de Mora 1990; Dowson et al. 1996) en lien avec les conditions du milieu. Le TBT est une molécule hydrophobe avec un coefficient octanol-eau (Kow) compris entre 5000 et 7000 (Laughlin et al. 1986). Les organismes peuvent donc bioconcentrer le TBT dans leurs tissus comme il a été démontré chez Daphnia magna ou Chironomus riparus (Fent & Looser 1995; Looser et al. 1998; Looser et al. 2000).

L’extrême toxicité des OSn pour les communautés biotiques a été démontrée pour de nombreuses espèces in vivo et in vitro (Fent 1996). De nombreuses études écotoxicologiques montrent la contamination de plusieurs organismes quelles que soient leurs places dans le réseau trophique de l’écosystème aquatique (Alzieu 2000; Alzieu & Heral 1984; Bryan et al. 1989; Fent & Meier 1992; Fioramonti 1997; Matthiessen & Gibbs 1998; Silva et al. 2014). Les OSn deviennent toxiques pour certaines espèces à partir de concentrations comprises entre 1 et 10 ngSn L-1. Les gastropodes marins et les huitres sont les organismes les plus sensibles aux effets des OSn, tandis que les poissons peuvent supporter des concentrations jusqu’à 100 ng L-1 (Brignon 2005).

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Table des matières

Introduction générale
1. Contexte de l’étude et objectifs
2. Organisation du manuscrit
Chapitre I – Etude bibliographique
1. Contamination de la zone littorale
1.1 Historique
1.2 Les peintures antifouling à base de Cu et d’étain
1.3 Les effets sur les organismes du Cu et du TBT
2. Identification des sources d’éléments traces
2.1 Les isotopes stables pour le traçage des sources : cas du Pb, Zn et Cd
2.2 L’isotopie du Cu
2.3 L’utilisation des isotopes stables du Cu comme traceur de son origine dans l’environnement
3. La spéciation des métaux en solution-biodisponibilité/toxicité
3.1 Définition
3.2 Modélisation de la spéciation
3.3 Modélisation de la biodisponibilité/toxicité
3.4 Les approches opérationnelles de l’étude de la spéciation
3.5 La technique DGT
4. Cycle des ETM dans les sédiments
4.1 La mobilité diagénétique
4.2 Intégration des métaux et mobilité des éléments : resuspensions et dragages
4.3 Comportement des éléments sensibles au redox
Références
Chapitre II – Contamination des sédiments en métaux et organoétains avant dragage
Etat des lieux et historique de la contamination
Résumé de l’article
1. Introduction
2. Materials and methods
2.1 Site description
2.2 Sampling and sample preparation
2.3 Sediment analysis
3. Results
3.1 Main physicochemical characteristics of sediments
3.2 Trace elements (Cu, Zn, As, Hg, Pb) in the sediments
3.3 Organotin in sediments
4. Discussion
4.1 Sources of trace element contamination
4.2 History of trace element contamination
4.3 Ongoing TBT contamination
5. Conclusion
References
Chapitre III : Etude de la distribution des ETM et des organoétains dans l’eau interstitielle du sédiment
Partie A : Cycle des éléments traces métalliques dans l’eau interstitielle des sédiments d’un grand port de plaisance (Port-Camargue), utilisation d’une approche multi-traceurs
Résumé de l’article
1. Introduction
2. Materials and methods
2.1 Study site
2.2 Sample collection and treatment
2.3 Analysis
3. Results
3.1 Sediment physico-chemistry
3.2 Bottom marina water and porewater
4. Discussion
4.1 Redox zonation
4.2 Deep pore water advection
4.3 Cu and As cycling
5. Conclusion
Partie B : Répartition des composés de butylétain dans l’eau interstitielle de sédiments contaminés – Expériences in situ et en laboratoire dans des conditions oxiques et anoxiques
References
Conclusion générale

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