Les pêches fluvio-estuariennes

Les pêches fluvio-estuariennes

Nous définirons la pêche dans les eaux intérieures, par opposition à la pêche maritime, comme étant : « tous les domaines de pêche situés hors des mers et océans, c’est-à-dire en deçà de la limite des continents, qu’il s’agisse de ruisseaux, de rivières, de fleuves, d’étangs, de lacs ou de lagunes, que les eaux y soient douces, saumâtres ou même franchement salées » (Vibert et Lager, 1961). Les estuaires et les deltas, i.e. la partie des fleuves soumise à la marée dynamique sont inclus implicitement. En suivant cette définition et en la complétant, nous les inclurons explicitement dans cette définition, qui rejoint celle de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) (Dill, 1990 ; FAO département des pêches, 1998). Nous préférerons l’expression « pêches dans les eaux intérieures » à celle de pêche continentale qui lui est synonyme, mais employée, en France, pour désigner les pêches sous réglementation fluviale qui ne comprennent qu’une partie des pêches des eaux intérieures (II.2.1). Au niveau mondial, ces pêches représentaient en 2001, 8,7 millions de tonnes soit 6,1 % de la production mondiale de la pêche et de l’aquaculture. L’Asie est le principal continent producteur dans ce domaine avec 5,8 millions de tonnes. Ces pêches sont une source primordiale de protéine animale pour un certain nombre de pays (FAO Inland Water Resources and Aquaculture Service. Fishery Resources Division, 2003). En Europe, ces pêcheries ne représentent que 0,3 millions de tonnes alors que les captures marines totalisent 13,6 millions de tonnes (FAO Fishery Information Data and Statistics Unit (FIDI), 2006).

Malgré ces niveaux de captures assez faible, comparativement à ceux des captures marines, les pêcheries dans les eaux intérieures ont une importance vivrière, patrimoniale et socio-économique de premier plan dans certains pays. Pour les pêches dans les eaux intérieures d’Europe, l’exemple les plus frappant vient de France avec la civelle (Anguilla anguilla), dont la pêche génère le chiffre d’affaires (74 millions d’euros en 1997) le plus élevé des pêcheries du golfe de Gascogne devant les pêcheries de sole, de merlu, d’anchois et de langoustine (Castelnaud, 2000). Ces pêcheries sont génératrices d’emplois. En Europe, 25 000 personnes tirent un revenu de la seule ressource anguille européenne (Anguilla anguilla) (Moriarty et Dekker, 1997). Les espèces amphihalines sont recherchées par plus de 1 400 professionnels et près de 14 000 pêcheurs nonprofessionnels en France en 1997 (Castelnaud, 2000). Ces pêches sont en général très ancrées dans l’économie et les traditions locales, car pratiquées de longue date comme en témoignent la célèbre sculpture de saumon découverte dans une grotte d’Eyzies-deTayac (abri du poisson – Dordogne), datée de 25 000 ans avant J.C., ou plus proche de nous, la description des pêcheries d’Aquitaine du XVIIIème siècle de Le Masson du Parc (1727). Leur pérennité est ainsi considérée dans certains pays comme d’un intérêt patrimonial (Dill, 1993).

Parmi les pêches des eaux intérieures, nous nous attacherons plus particulièrement aux pêches fluvio-estuariennes que nous définissons comme celles se pratiquant dans la partie aval des fleuves soumise à l’influence de la marée dynamique. Les espèces ciblées par ces pêches peuvent être soit des espèces résidentes des estuaires (par exemple la crevette blanche – Palaemon longirostris), soit des espèces d’origine marine ou fluviale venant séjourner temporairement dans l’estuaire (par exemple le maigre – Argyrosomus regius), soit des espèces amphihalines (par exemple la grande alose – Alosa alosa) qui utilisent l’estuaire comme un lieu de passage entre les habitats fluviaux et marins, comme une zone de croissance ou comme une zone de préparation physiologique de passage en eau douce ou salée, en fonction des stades biologiques considérés. De par la diversité des espèces ciblées (II.1), des techniques de pêche utilisées (III.1.1) et le cadre réglementaire (II.2.1), les résultats méthodologiques acquis sur ces pêches pourront être étendus à l’ensemble des pêches des eaux intérieures et sans doute également aux petites pêches côtières.

Les espèces ciblées par les pêcheries fluvio-estuariennes

Beaucoup des espèces ciblées par les pêches fluvio-estuariennes, en plus de leur valeur socio-économique et culturelle (Castelnaud, 2000), sont considérées comme vulnérables et indicatrices de la qualité des habitats fréquentés. Toutes sont bien évidemment à conserver dans le cadre du maintien de la biodiversité. Les habitats estuariens jouent également un rôle clé dans le fonctionnement de certaines populations marine (fonction de nourricerie et/ou d’hivernage – Lobry, 2004). Parmi ces espèces on pourra citer le cas de la crevette blanche et des poissons amphihalins. La crevette blanche (Palaemon longirostris) est une des rares espèces effectuant l’ensemble de son cycle en milieu estuarien (II.1.4). Elle constitue une ressource trophique importante pour de nombreuses espèces (Lobry, 2004 ; Pasquaud, 2006). Elle est cependant soumise à de nombreuses pressions autres que celles occasionnées par les pêcheries fluvio-estuariennes, comme celles relevant des centrales nucléaires (Boigontier et Mounié, 1984) et plus généralement des prises d’eau en estuaire ou de l’apparition de compétiteurs potentiels tels que des crevettes invasives proches de cette espèce (Palaemon macrodactylus ; Béguer et al., 2007b ; Cuesta et al., 2004). Parmi les 14 espèces de poissons amphihalins d’Europe de l’Ouest (Béguer et al., 2007a), toutes sont ou ont été exploitées. C’est d’ailleurs le cas de beaucoup d’espèces amphihalines dans le monde (McDowall, 1988). En moyenne, les bassins versants d’Europe de l’Ouest ont perdu 14% de leur richesse spécifique en migrateurs amphihalins au cours du XXème siècle (Béguer, 2005). De plus, bon nombre d’entre elles sont actuellement vulnérables ou en voie d’extinction (ICES, 2005b ; OSPAR commission, 2004). Face à la dégradation des milieux des différents bassins versants, de nombreux programmes de restauration de la qualité des eaux et des écosystèmes ont été instaurés. Dans beaucoup de cas, c’est une espèce amphihaline qui a été choisie comme symbole de ces programmes (Beaulaton et al., 2006). A ce titre, des efforts ont été réalisés pour améliorer la connectivité, la protection des zones de reproduction ou de croissance ou encore augmenter les connaissances écologiques de ces espèces.

Problématique

Malgré l’importance et l’intérêt des espèces ciblées par les pêches fluvio-estuariennes, que nous venons d’expliquer brièvement, les données pertinentes sur l’évolution de l’abondance des espèces ciblées et sur l’importance réelle de ces pêcheries font cruellement défaut. Par exemple, parmi les 14 espèces amphihalines d’Europe de l’Ouest, 3 ne sont pas référencées dans la liste rouge internationale des espèces menacées (IUCN, 2006). Sur les 11 restantes, 4 (36%) ont un statut DD (Data Deficient), c’est-à-dire que les données sur l’abondance et / ou sur la distribution de ces espèces manquent. De plus, lorsqu’il existe des informations, comme pour l’anguille par exemple, celles-ci sont notoirement incomplètes (Dekker, 2003c). Ainsi, les données officielles de la FAO peuvent même sous-estimer grandement les captures totales d’anguilles européennes (Dekker, 2003b) ou de lamproies marines (Petromyzon marinus – ICES, 2003).

Dans ce contexte, il apparaît impératif de surveiller au moins les espèces ciblées au travers des pêcheries fluvio-estuariennes pour assurer une gestion durable de ces ressources dites renouvelables (ce qui ne veut pas dire qu’elles sont infinies ou qu’il n’y a pas de risque d’extinction). Il s’agit d’évaluer la pression exercée par les pêcheries et de suivre l’évolution de l’abondance des espèces. En France, il existe des systèmes de suivi statistique des pêches. Malheureusement ces systèmes sont déficients. Pour reprendre les mots de Bolopion et al. (2000) concernant les petites pêches côtières : « Force est de constater en effet que le système national des statistiques de pêche souffre de carences graves et qu’il ne répond pas totalement à ce que l’on pourrait attendre de lui. » .

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Table des matières

Chapitre I. Introduction
I.1. Les pêches fluvio-estuariennes
I.2. Les espèces ciblées par les pêcheries fluvio-estuariennes
I.3. Problématique
Chapitre II. Caractéristiques et particularités des pêches fluvio-estuariennes
II.1. Biologie des espèces étudiées
II.1.1. La grande alose (Alosa alosa, L. 1758)
II.1.2. La lamproie marine (Petromyzon marinus, L. 1758)
II.1.3. L’anguille européenne (Anguilla anguilla, L. 1758)
II.1.4. Les crevettes
II.1.5. Principales caractéristiques des espèces étudiées
II.2. Particularités des pêches fluvio-estuarienne
II.2.1. Réglementation et systèmes de suivi des captures obligatoires
II.2.2. Résultats des systèmes obligatoires
II.2.3. Identification des biais des systèmes obligatoires
II.3. Ce qu’il faut retenir
Chapitre III. Matériels et méthodes
III.1. Un système alternatif de suivi des captures : le système de suivi statistique des captures du Cemagref
III.1.1. Présentation de la zone d’étude
III.1.1.1. L’Estuaire
III.1.1.2. La Zone Mixte
III.1.2. Présentation de la pêche sur la Gironde
III.1.2.1. Espèces ciblées
III.1.2.2. Métiers de pêche pratiqués
III.1.2.3. Description des techniques de pêche
III.1.3. Présentation du système de suivi statistique des captures du Cemagref
III.1.4. Présentation des données disponibles
III.1.5. Ce qu’il faut retenir
III.2. Statistiques de capture – état de l’art et application aux pêches fluvio-estuariennes
III.2.1. Objectif socio-économique / Objectif biologique
III.2.1.1. Statistiques de capture à objectif socio-économique
III.2.1.2. Statistiques de capture à objectif biologique
III.2.2. Équation de base de l’halieutique
III.2.3. Conditions d’utilisation des CPUE
III.2.3.1. Couverture temporelle et spatiale
III.2.3.2. Définition de la capture
III.2.3.3. Définition de l’effort
III.2.3.4. Les notions d’espace, de temps et de système de pêche
III.2.3.5. Retour sur les notions d’effort nominal et d’effort effectif
III.2.3.6. La capturabilité
III.2.3.7. Particularités des pêches fluvio-estuariennes
III.2.4. Ce qu’il faut retenir
III.3. Le calcul des indicateurs halieutiques
III.3.1. Dénombrement des pêcheurs
III.3.1.1. Le système des licences de pêche en Gironde
III.3.1.2. Estimation du nombre de pêcheurs professionnels
III.3.2. Calcul de l’effort nominal
III.3.2.1. Les descripteurs d’effort nominal
III.3.2.2. L’unité d’effort nominal
III.3.2.3. Calcul de l’effort nominal
III.3.3. Estimation des captures et des efforts
III.3.3.1. La méthode « classique » – théorie
III.3.3.2. Efforts effectifs et captures – applications
III.3.3.3. Cas particuliers des captures accessoires
III.3.3.4. Série continue d’efforts effectifs et de captures
III.3.3.5. Données de capture provenant d’autres sources
III.3.4. Estimation des CPUE
III.3.4.1. La méthode classique
III.3.4.2. Les GLM – théorie
III.3.4.3. Les GLM – exemple simple
III.3.4.4. Les GLM – applications
III.3.4.5. Les GAM – théorie
III.3.4.6. Les GAM – applications
III.3.4.7. Les modèles en deux étapes / modèle delta gamma
III.3.4.8. Performance des modèles
III.3.4.9. Analyse des effets
III.3.5. Ce qu’il faut retenir
Chapitre IV. Conclusion

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