Les pathogènes P. aeruginosa et Y. pestis

Les pathogènes P. aeruginosa et Y. pestis 

Pseudomonas aeruginosa

Description

P. aeruginosa ou bacille pyocyanique est une bactérie à gram négatif isolée par Carle Gessard en 1882 se présentant sous la forme de bâtonnets d’environ 1 µm de long. Son nom provient de la production d’un pigment, la pyocyanine, de couleur bleue en solution aqueuse à pH neutre ou basique (Lyczak et al., 2000).

Niche écologique

P. aeruginosa est un pathogène ubiquitaire qui est capable de survivre dans toutes sortes de niches écologiques et il est largement répandu dans notre environnement. Il colonise l’eau, les sols humides, les végétaux sous sa forme saprophyte ou encore le tube digestif de l’homme sous sa forme commensale. Son métabolisme est respiratoire, il utilise l’O2 comme accepteur final d’électrons. Son hôte naturel est l’homme mais il est aussi capable d’infecter une multitude d’autres organismes tels que les nématodes, les insectes et les plantes (Filloux and Vallet, 2003).

Le génome complet de la souche P. aeruginosa PAO1 est disponible depuis l’année 2000 (Stover et al., 2000). Il a apporté de nombreuses informations concernant l’évolution de cette bactérie pour s’adapter à ses nombreuses niches écologiques. En effet, sa taille est de 6,3 Mpb (contre 4,6 Mpb pour E. coli), avec un % C+G important de 66% et 5570 cadres de lecture prédits. Notamment, avec 8,4 % du total des gènes, c’est la bactérie qui présente le plus fort taux de gènes dévoués aux systèmes de régulation (senseurs environnementaux et facteurs de transcription). Ce système complexe de régulation pourrait expliquer comment cet organisme peut répondre à des variations importantes de son environnement de vie ainsi qu’à la régulation d’un arsenal important de facteurs de virulence. De plus, cette bactérie a développé un nombre très important de systèmes de transports membranaires (apport de nutriments), des pompes à efflux (résistance aux antibiotiques) et plusieurs systèmes de chimiotactisme (vie communautaire) (Stover et al., 2000).

Mode de vie

Cette bactérie présente deux modes de vie distincts : un planctonique où elle est mobile grâce à un flagelle et d’autres appendices comme les pili de type IV. Elle peut également, selon les conditions, se regrouper sous forme de biofilm où elle perd sa mobilité et adopte un mode de vie communautaire .

Les biofilms sont des organisations particulières se formant sur des surfaces inertes ou vivantes où ils sont très difficiles à éradiquer. Ils sont présents dans 65% des cas d’infection à P. aeruginosa chez l’homme et sous cette forme infectent de nombreux tissus comme les yeux, les oreilles, le tractus urogénital ainsi que les poumons (Filloux and Vallet, 2003 ; Chicurel, 2000). Un biofilm est constitué d’une population bactérienne (mixte ou unique) entourée d’une matrice d’exopolysaccharides, ou glycocalyx qui représente 85% de son volume total. Elle permet de renforcer sa structure et de la protéger (Filloux and Vallet, 2003 ; Chicurel, 2000 ; Kolter and Losick, 1998).

L’étape initiale consiste à l’attachement de bactéries planctoniques sur une surface. Cette étape fait intervenir le flagelle qui permet aux bactéries de se mouvoir jusqu’au point d’attache. L’adhérence stable sur la surface est réalisée par l’intermédiaire d’autres facteurs de virulence que sont les pili de type fimbriae et le pili de type IV. Le rassemblement de bactéries conduit à la formation de micro colonies au sein desquelles les cellules vont se différencier. Elles adoptent une structure particulière où les microcolonies sont assemblées et se forment autour de canaux fluidiques. Ceux-ci permettent d’une part d’acheminer l’oxygène et les nutriments au sein du biofilm et, d’autre part, de libérer les déchets toxiques dus au métabolisme bactérien. Une organisation en biofilm confère aux bactéries une résistance accrue aux antibiotiques (jusqu’à 1000 fois supérieure) et une protection contre les défenses immunitaires de l’hôte. Ces phénomènes n’ont pu être explicitement compris mais il est possible que cette résistance provienne du fait que la croissance et le métabolisme bactériens au sein du biofilm sont lents, rendant inefficaces les antibiotiques. De plus la présence de la matrice d’exopolysaccharides ralentit la pénétration des antibiotiques (Kolter and Losick, 1998 ; Chicurel, 2000 ; Filloux and Vallet, 2003).

Les biofilms peuvent être composés d’un ensemble de plusieurs espèces bactériennes différentes. Dans ce type de système, il est suggéré que la mixité des populations est en partie dépendante des nutriments disponibles et se met en place si une “chaîne alimentaire” peut être créée. Ces communautés favorisent le phénomène de transfert horizontal de gènes. Les communications entre les micro colonies d’espèces différentes se font via un système commun peu caractérisé, l’esperanto bactérien (Winans, 2002).

L’augmentation de la densité bactérienne lors de la formation des micro-colonies et la maturation en une organisation telle que les biofilms suggère une communication importante entre les cellules et des actions coordonnées. C’est le quorum sensing (QS) qui est le principal mode de régulation de la pathogénicité et de l’adaptation écologique de P. aeruginosa (Parsek and Greenberg, 2000). C’est un système de régulation global contrôlant directement ou indirectement l’expression d’au moins 400 gènes (Kirisits and Parsek, 2006). La communication bactérienne repose principalement sur des phéromones diffusibles, des N-acétyl homosérines lactones qui sont produites par chaque cellule et dont la concentration augmente donc en parallèle à la densité cellulaire. Lorsqu’une certaine concentration est atteinte, ces molécules se fixent spécifiquement à des régulateurs transcriptionnels qui vont alors activer la transcription des gènes régulés par ce système (Parsek and Greenberg, 2000 ; Le Berre et al., 2006). L’expression des facteurs de virulence, de facteurs sécrétés jouant un rôle dans la croissance cellulaire, de certains appendices de surface ayant un rôle dans la motilité, mais aussi des régulateurs globaux tels que les éléments du système à deux composants, sont ainsi régulés. Plusieurs systèmes de QS ont été mis en évidence chez P. aeruginosa (Parsek and Greenberg, 2000) ; (Le Berre et al., 2006). Leur rôle est essentiel à la formation des biofilms et ce à tous les stades de son développement. En effet, selon la densité cellulaire, le QS permet de contrôler la sécrétion de plusieurs facteurs nécessaires à l’attachement des bactéries puis à la formation des canaux fluidiques, à l’augmentation des capacités à capter les nutriments dans l’environnement et aussi à la sécrétion d’ADN dont le transfert entre les bactéries est augmenté au sein des biofilms (Kirisits and Parsek, 2006).

L’action du QS sur les systèmes à deux composants est aussi importante. En effet, la régulation engendrée par ces derniers joue aussi un rôle dans la capacité à former des biofilms. Elle est nécessaire pour que l’architecture de ces structures soit correcte et pour l’augmentation de la résistance aux antibiotiques (Parkins et al., 2001). Les facteurs régulés par les systèmes à deux composants ayant un rôle dans la formation de biofilms ne sont pas connus mais leur action ne touche pas le QS ni la motilité des bactéries ni la production d’alginates (Parkins et al., 2001).

Infections dues à Pseudomonas aeruginosa

P. aeruginosa est un pathogène qualifié d’opportuniste car malgré le fait qu’il soit présent dans notre environnement quotidien, il n’est capable d’infecter que les personnes dont le système immunitaire est affaibli (patients atteints du SIDA, de diabètes, de cancers, de la mucoviscidose, grands brûlés, patients hospitalisés en réanimation). Deux types d’infection se distinguent : les infections aiguës et chroniques (Lyczak et al., 2000).

Les infections aiguës conduisent à des cas de septicémie sévère notamment chez les grands brûlés, très susceptibles à l’infection par cette bactérie. D’autres traumatismes tels que des interventions chirurgicales, les intubations endotrachéales et les cathéters urinaires à l’origine de la formation de plaies dans les muqueuses entraînent une sensibilité à cette bactérie. Les appareils hospitaliers sont des sources de contamination et conduisent à des infections aiguës des poumons, du système digestif, ainsi que des voies urinaires (Lyczak et al., 2000 ; Berthelot et al., 2005). Un autre type d’infection aiguë comprend la kératite (inflammation de la cornée), l’ulcère de la cornée et l’infection du globe oculaire. Leur origine est une blessure dans la cornée qui sert à la bactérie pour atteindre les couches profondes de l’œil ou la présence de lentilles de contact contaminées qui lui permettent d’adhérer fortement aux cellules de la cornée (Lyczak et al., 2000). P. aeruginosa est aussi responsable d’infections pulmonaires chroniques chez les patients atteints de mucoviscidose et représente leur principale cause de mortalité. Au niveau de l’épithélium respiratoire de ces patients, la bactérie adopte un phénotype mucoïde conduisant à la formation de biofilms qui leur confère une résistance accrue aux antibiotiques et, une fois l’infection installée, elle reste difficile à traiter (Lyczak et al., 2000). La persistance de l’infection conduit à l’accumulation de lésions pulmonaires et à une augmentation de la mortalité.

Ce pathogène est aussi responsable de maladies nosocomiales. Toutes les pathologies décrites ci-dessus se contractent souvent en milieu hospitalier (Berthelot et al., 2005). Les contaminations à P. aeruginosa sont assez fréquentes via les appareil médicaux mais il existe aussi un risque de transmission aux patients par manuportage des bactéries ou par infection par des souches endémiques. Ainsi, P. aeruginosa est la troisième bactérie responsable de maladies nosocomiales déclarées en France et représente 10% des cas d’incidence selon le rapport de l’Institut de Veille Sanitaire (Enquête nationale de prévalence des infections nosocomiales, juin 2006).

Les facteurs de virulence

Le séquençage de la souche PAO1 a mis en évidence la présence de nombreux facteurs de virulence codés sur le large génome de P. aeruginosa. La fonction exacte de tous n’est pas encore connue. Ils sont impliqués dans la survie de la bactérie dans différents environnements et ils interviennent au cours du processus d’infection (Kipnis et al., 2006) . En effet, ils ont un rôle dans le choix du mode de vie de la bactérie (mobilité, formation de biofilms), dans la reconnaissance et l’adhésion aux cellules infectées, dans le détournement des voies de signalisation eucaryotes conduisant à la mort cellulaire, dans l’inhibition des processus immunitaires de défense (phagocytose, clairance mucociliaire), dans la stimulation de la réponse inflammatoire entraînant la formation de lésions tissulaires. Il est possible de considérer comme facteur de virulence les systèmes généraux de régulation (systèmes à deux composants, QS) et spécifiques de certains des facteurs de virulence qui permettent de coordonner les différentes actions suivant le niveau d’avancement de l’infection.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 LES PATHOGÈNES P. AERUGINOSA ET Y. PESTIS
1. PSEUDOMONAS AERUGINOSA
1.1 Description
1.1.1 Niche écologique
1.1.2 Mode de vie
1.1.3 Infections dues à Pseudomonas aeruginosa
1.2 Les facteurs de virulence
1.2.1 Facteurs de virulence de surface
1.2.2 Facteurs de virulence sécrétés
1.2.3 Facteurs de virulence transloqués
1.3 Traitements et résistance aux antibiotiques
1.3.1 Traitements des infections à Pseudomonas aeruginosa
1.3.2 Résistance aux antibiotiques
1.4 Développement d’immunothérapies
2. YERSINIA PESTIS
2.1 Description
2.1.1 Mode de vie et cycle de transmission
2.1.2 Infections à Yersinia pestis
2.2 Les facteurs de virulence
2.2.1 Les facteurs de virulence codés par le plasmide pPst
2.2.2 Les facteurs de virulence codés par le plasmide pTox
2.2.3 Les effecteurs du système de sécrétion de type III
2.3 Traitement et résistance aux antibiotiques
2.3.1 Diagnostic
2.3.2 Traitements et résistances aux antibiotiques
2.3.3 Développement de vaccins
3. AUTRES PATHOGÈNES DE L’HOMME
4. CONCLUSION
CHAPITRE 2 LES SYSTÈMES DE SÉCRÉTION DES BACTÉRIES À GRAM NÉGATIF
1. LES SYSTÈMES SEC DÉPENDANTS
1.1 Le système général de sécrétion
1.2 Le système de sécrétion de type II (SST2)
1.3 Le système de sécrétion de type V (SST5)
1.4 Les voies chaperone/usher
2. LES SYSTÈMES SEC INDÉPENDANTS
2.1 Le système de sécrétion de type I (SST1)
2.2 Le système de sécrétion de type IV (SST4)
3. LE SYSTÈME DE SÉCRÉTION DE TYPE VI (SST6)
4. CONCLUSION SUR LES SYSTÈMES DE SÉCRÉTION
CHAPITRE 3 LE SYSTÈME DE SÉCRÉTION DE TYPE III (SST3)
1. ORIGINE ET ÉVOLUTIONS DU SST3
1.1 Le flagelle et le SST3
1.2 Conservation et variabilité du SST3
2. DESCRIPTION DE L’INJECTISOME
2.1 La base du SST3
2.1.1 Description de la structure
2.1.2 Assemblage du sécréton
2.1.3 L’ATPase
2.2 L’aiguille de sécrétion
2.2.1 Description générale de l’aiguille de sécrétion
2.2.2 Assemblage de l’aiguille chez S. flexneri
Structure du monomère de MxiH
Modèle d’assemblage du monomère en hélice de type III
2.2.3 Régulation de la taille de l’aiguille
Théorie de la règle moléculaire
Théorie de la polymérisation simultanée de la tige interne et de l’aiguille
3. LES CHAPERONES
3.1 Les chaperones de classe I
3.2 Les chaperones de classe II
3.3 Les chaperones de classe III
4. RÉGULATION DU SST3
4.1 Régulation globale des facteurs de virulence
4.2 Régulation spécifique : couplage sécrétion/synthèse
4.3 Rôle de l’aiguille dans la régulation de la sécrétion
CHAPITRE 4 LE TRANSLOCON DU SST3, LES ANTIGÈNES V DE P. AERUGINOSA ET DE Y. PESTIS
1. L’OPÉRON DE TRANSLOCATION
2. RÔLE DES TRANSLOCATEURS HYDROPHOBES
2.1 Formation de pores dans les cellules hôtes
Mise en évidence des pores par osmoprotection
Mise en évidence des pores par fuite de fluorochromes
Formation de pores sur des modèles membranaires (liposomes)
2.2 Caractéristiques du pore de translocation
3. LE TRANSLOCATEUR HYDROPHILE
3.1 Structure des translocateurs hydrophiles
Domaines structuraux : classement en différentes familles
Structures cristallographiques
3.2 Localisation du translocateur hydrophile
Formation d’un complexe au sommet de l’aiguille de sécrétion
Composition du complexe distal
Orientation du complexe et modélisation
3.3 Fonctions du translocateur hydrophile
Plateforme d’insertion d’un pore dans les membranes des cellules hôtes
Senseur du contact cellulaire
Régulation de la sécrétion des effecteurs
Rôle dans l’immunité
3.4 LcrV/PcrV, candidats vaccinaux
CHAPITRE 5 CADRE ET OBJECTIFS DU PROJET DE THÈSE
CHAPITRE 6 TECHNIQUES DE BIOLOGIE MOLÉCULAIRE
CONCLUSION

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