Les particularités linguistiques du français ivoirien

Particularités linguistique du français ivoirien

La Côte d’Ivoire est un pays plurilingue ou plusieurs dizaines de langues cohabitent. Les langues ivoiriennes sont estimées à une soixantaine par les linguistes et historiens spécialistes de la Côte d’Ivoire (Kouadio 2007 : 21). Parmi les différentes langues du pays, aucune n’est vraiment une langue dominante, ce qui profite au français, langue des colonisateurs. Cependant, malgré son statut de langue dominante, le français n’est pas resté intact, mais au contraire ce dernier a subi des influences des langues locales. Ces influences font que le français ivoirien est aussi particulier. Plusieurs études ont été menées sur les particularités du français tel qu’il est employé en Côte d’Ivoire. Cette partie se propose de décrire quelques caractéristiques du français ivoirien sur le plan phonologique, morphologique et sémantique, en se basant principalement sur l’article de Brou-Diallo (2008). Et presque toutes nos exemples seront tirés de cet article.

Intégration phonologique

Sur le plan phonologique, nous pouvons citer quelques traits et nous nous servirons essentiellement des exemples de Brou-Diallo (2008 : 20-21) et de Kouadio (2014 : 4 9) .

Le [ y ] devient [ i ]
Beaucoup des Ivoiriens ont tendance à utiliser le [i] au lieu de [y], par exemple,
Dir au lieu de dur,
Repiblique au lieu de république
Vehikile au lieu de véhicule

Le [ə] devient [e]
La délabialisation de voyelles françaises est une des choses qui caractérise le français ivoirien. Normalement, les voyelles antérieures du français sont labialisées, c’est-à-dire que les lèvres sont plus ou moins arrondies lorsqu’on les prononce. Lorsqu’elles sont délabialisées le locuteur n’arrondit pas les lèvres. Pour Brou-Diallo, (2008 : 21) le trait de la délabialisation des voyelles n’est pas perçu par un groupe de personnes particulier, mais plutôt par tous les Ivoiriens. « Ce trait n’est représentatif d’aucune classe sociale en particulier ». Cependant, Simard (1994 :31) ne partage pas le même avis : pour lui ce trait est « représentatif du parler des non-scolarisés ». Voici des exemples de Brou-Diallo (20) :
dévéloppement au lieu développement
prémier au lieu de premier
dangéreux au lieu de dangereux

Nasalisation de [a ]
Lorsque le [a ] est précédé ou suit d’une syllabe comprenant une voyelle nasale, il se produit une assimilation à distance et la nasalisation de /a / est exagérée. Par exemple, pour Brou-Diallo, (2008 : 20), les Ivoiriens diront :
Ambondonner pour abandonner
(selon Brou-Diallo, les journalistes font ce genre d’erreur très souvent)
En antendant pour en attend
Enfin de pour afin de .

Effacement du [ r ]
La chute du [r] fait la particularité du français ivoirien. Il y a un effacement de [r] « en fin de syllabe » et « en fin de mot et allongement vocalique » (Brou-Diallo : 20). Exemples :
Chaicher pour chercher (en fin de syllabe)
Paler pour parler (en fin de syllabe)
Touzou pour toujours (en fin de mot)
Sai pour sœur (en fin de mot)

Certains groupes consonantiques réduits
Parfois, certains phonèmes consonantiques sont omis ou réduits. Exemples (Brou-Diallo : 20) :
Zounalis au lieu de journaliste
Codivoir au lieu de Côte d’Ivoire
Katanté pour carte d’identité

Bien que l’auteur ne commente pas ces exemples, nous pouvons constater que dans Journaliste : les deux phonèmes consonantiques en fin de mot disparaissent. Côte d’Ivoire : il n’y a pas de phonème omis, mais par contre on voit sans doute une assimilation totale du [t] sonore devant le [d] sourd, ce qui donne une réduction à un seul [d]. Carte d’identité : ici un mot de 6 syllabes a été réduit à 3 syllabes et on peut remarquer les syllabes manquantes contiennent toutes une consonne occlusive alvéolaire soit sonore ([d]), soit sourde ([t]).

[ e ] ne s’élide pas devant les voyelles
En français ivoirien, on remarque que la voyelle e du que (conjonction de subordination) ne s’élide pas souvent devant la voyelle suivante. Prenant, les exemples de Kouadio (2014 : 9)
C’est vrai que il connait hein pour C’est vrai qu’il connait
Je veux que elle n’a qu’à venir pour Je veux qu’elle vienne

Nous remarquons ici que contrairement au point ci-dessous, le locuteur ivoirien ne réduit pas certains groupes mais il reproduit toutes les syllabes.

Liaison
Des liaisons qui n’existent pas en français standard apparaissent en français ivoirien. Exemple (Kouadio 2007 : 9) Les enfants qui (z) étaient venus Selon les termes de Labov l’hypercorrection est le « fait, pour un locuteur mis dans une situation de discours « surveillé » ou « recherché », d’outrepasser de façon non fautive mais révélatrice, certains usages linguistiques appartenant au style réputé correct et soigné » (1976 :193). C’est donc un marqueur sociolinguistique.

Intégration morphosyntaxique

Le français populaire ivoirien présente ses propres caractéristiques qui diffèrent progressivement du français dit standard ou de référence. Sur le plan morphosyntaxique, plusieurs faits méritent d’être nommés :

Les verbes transitifs et intransitifs
Avec les exemples d’Aboa (2012 : 10), nous remarquons que le français ivoirien ne suit pas forcement le français de l’Hexagone. En français ivoirien, certains verbes transitifs sont employés comme des verbes intransitifs et le transitif indirect en transitif direct.
Exemples (Aboa 2012 : 10)
Les femmes préparent
Il ne faut pas tromper ou mentir quelqu’un.

Dans ces deux phrases, nous remarquons que le verbe « préparer » qui est transitif est employé comme un verbe intransitif et les verbes «tromper » et « mentir » qui sont transitifs indirects deviennent transitifs directs.

Hésitation sur le pluriel
Lorsqu’un locuteur ivoirien hésite sur l’accord du pluriel pour un mot qui se termine en al, «le locuteur contourne les points litigieux en omettant le déterminant pluriel. Cette technique particulière permet d’évitement, du coup, d’avoir le générique en utilisant le singulier » (Kouadio 2007 : 8). Voici quelques exemples de ce dernier :

Les Français-là, ils ne nous connaissent pas hein ; Ø guerre mondiale ils ont fait deux fois là, c’est peti t→ Les Français ne nous connaissent pas. Les deux guerres mondiales qu’ils ont faites ne leur ont pas servi de leçon 

Dans Ø hôpital de Côte d’Ivoire, Ø sage femme fait quoi ?
Dans les hôpitaux de Côte d’Ivoire, que font les sages femmes ?

Disparition des catégories des genres
Les catégories des genres ne sont pas prises en considération. Parfois, certains locuteurs ivoiriens ne font pas la distinction entre les genres, c’est-à-dire si c’est un genre féminin ou un genre masculin. Nous pouvons parfois voir des noms féminins précédés d’articles masculins ou des noms masculins précédés par des articles féminins. En français populaire ivoirien, nous pouvons voir des mots comme : son maison, son famille, mon femme, mon fille, etc. Voici un exemple : Mon femme pati au village. Son maman est mort. (Brou-Diallo : 25-26) .

La catégorie de nombres non respectée
Comme dans la catégorie de genre, la catégorie de nombre n’est pas respectée non plus.
Mon zenfants sont malades. (Brou-Diallo, 2007 : 25).
Mon zamis sont vénis mé dit yako. (Brou-Diallo, 2007 : 25).
Ce qui est intéressant est que le locuteur fait une liaison qui aurait été correcte si l’article était au pluriel.

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Table des matières

1 Introduction
1.1. But
1.2. Délimitation et plan de l’étude
1.3. Méthode et Matériaux
1.4 Le statut du français
2. Cadre théorique et études antérieures
2.1 Les particularités linguistiques du français algérien
2. 1.1 Emprunts
2. 1.2 Intégration phonétique
2. 1.3 Intégration morphologique
2. 1.4 Intégration dérivationnelle
2. 1.5 Détermination
2. 1.6 Intégration sémantique
2.2 Les particularités linguistiques du français ivoirien
2.2.1 Intégration phonétique
2.2.2 Intégration morpholosyntaxique
2.2.3 Intégration sémantique
2.2.4 Intégration dérivationnelle
3. Analyse
3.1 Les particularités linguistiques des auteurs Khadra et Kourouma
3.2 Les particularités linguistiques dans Les agneaux du seigneur de Khadra
3.2.1 Intégration morphologique
3.2.2 Intégration dérivationnelle
3.2.3 Intégration sémantique
3.2.4 Intégration phonétique
3.2.5 Emprunts
3.2.6 Expressions
3.2.7 Calques
3.2.8 Intégration morpholosyntaxique
3.3 Les particularités linguistiques dans Les soleils des indépendances de Kouroum
3.3.1 Intégration dérivationnelle
3.3.2 Néologisme
3.3.3. Intégration sémantique
3.3.4 Emprunts
3.3.5 Proverbes et Expressions
3.3.6 Comparaison
3.3.7 Calques
3.3.8 Répétitions
3.3.9 Intégration morpholosyntaxique
4. Synthèse
4.1 Les convergences et divergences du français : Les agneaux du seigneur (ADN) et Les soleils des indépendances (SDI)
4.1.1 Les divergences des particularités des deux œuvres
4.1.2 Les convergences des particularités des deux œuvres
5. Conclusion
6. Références

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