Circulation océanique de surface et de subsurface
Le système de courants marins au niveau de l’équateur est composé d’un ensemble de courants zonaux en surface et en subsurface (Figure 3). Les courants sont nommés d’après les acronymes en français couramment utilisés. Par contre les masses d’eau sont nommées selon leurs acronymes en anglais car leurs équivalents en français sont rarement utilisés. Figure 3: Représentation schématique des principaux courants de surface et subsurface (Bourlès et al, 1999). En surface : CC (Courant Caribéen), CEN (Courant Equatorial Nord), CCEN (Contre Courant Equatorial Nord), GC (Courant de Guinée), CES (Courant Equatorial Sud), CB (Courant du Brésil); en subsurface: SCOB (Sous Courant Ouest Brésilien), CNB (Courant Nord Brésilien), SCEN (Sous Courant Equatorial Nord), SCE (Sous Courant Equatorial), SCES (Sous Courant Equatorial Sud). Le courant principal de surface dans l’Est de l’Atlantique tropical est le Courant Equatorial Sud (CES). Il est orienté d’est en ouest et s’étend de la surface à 100 m de profondeur environ. On le trouve entre 4°N et 15°–25°S selon la longitude et la période de l’année. Il alimente au large du Brésil deux principaux courants: le Courant du Brésil (CB) orienté vers le sud et le Courant Nord Brésilien (CNB) vers le nord. En été et automne boréal, une partie du CNB subit une rétroflexion le long des côtes de l’Amérique du sud entre 6° N et 8° N (Wilson et al, 1994) et crée ainsi le Contre Courant Equatorial Nord (CCEN) dirigé vers l’est. Dans l’Est de l’Atlantique tropical, le CCEN se prolonge en partie sous la forme du Courant de Guinée (CG). Ce dernier est très variable en intensité et en épaisseur selon les saisons. De juillet à mars, le CG est relativement faible et assez irrégulier. Il a une vitesse comprise entre 0,4 et 0,5 nœud (1 nœud = 0,5 m s-1) atteignant une profondeur de 10 à 15 m. Le mois d’octobre est une période de transition pendant laquelle le CG est quasi inexistant. D’avril à juillet, la couche superficielle d’eau chaude devient la plus épaisse et atteint 30 m puis diminue lorsque les remontées d’eaux froides de subsurface (ou upwellings) prennent naissance. Le CG subit des fluctuations analogues. Il s’épaissit notablement, sa limite inférieure pouvant atteindre la profondeur de 50 m en mai, et sa vitesse augmente et dépasse un nœud (0,5 ms-1). L’augmentation de vitesse vers le large est très nette. C’est donc à cette saison que le CG est le mieux établi et le plus stable (Lemasson et al, 1973a). Les principales masses d’eau de l’Atlantique tropical sont les Eaux Tropicales de Surface (ou Tropical Surface Water (TSW) en anglais), les Eaux Centrales (ou Central Water (CW) en anglais) et les Eaux Antarctiques Intermédiaires (ou Antarctic Intermediate Water (AAIW) en anglais). En se déplaçant vers le nord, ces masses d’eaux rencontrent les Eaux Profondes de l’Atlantique Nord (ou North Atlantic Deep Water (NADW) en anglais) en direction du sud entre 1200 et 4000 m de profondeur. Les TSW avec une température d’environ 27°C occupent la couche de mélange de l’Atlantique tropical (Stramma and Schott, 1999). La couche de mélange est définie comme la couche de surface de densité constante. Dans l’Est de l’Atlantique tropical, Elle est particulièrement peu profonde et son épaisseur varie entre 10 et 30 m (Peter et al, 2006).
Upwellings côtiers et équatorial
La région de l’Atlantique équatorial Est limitée par les longitudes10°W-10°E et les latitudes 10°N-10°S est soumise à des upwellings saisonniers. On distingue deux types d’upwelling dans cette province océanique. Un upwelling équatorial et deux upwellings côtiers. L’upwelling équatorial apparait légèrement au sud de l’équateur. Les deux upwellings côtiers apparaissent respectivement aux frontières nord et au sud –est du Golfe de Guinée. Les mécanismes proposés pour expliquer les upwellings sont liés à l’action du vent. Cette action peut être locale ou lointaine pour les upwellings équatorial et du sud -est. L’upwelling équatorial est localisé vers 1°S. Il fait son apparition à partir d’avril –mai où il est observé au sud de l’équateur suite à un renforcement des vents du sud (Voituriez, 1981a). Ces renforcements de vent du sud en été boréal, période pendant laquelle se manifeste la mousson africaine sur le continent peuvent expliquer la présence de la langue d’eau froide observée de juin jusqu’au début d’octobre au sud de l’équateur et aussi le renforcement du Courant de Guinée (CG) vers l’est (Wauthy, 1983). Il se crée alors un gradient nord –sud de température des eaux de surface (ou en anglais Sea Surface Temperature : SST ; cette abréviation sera utilisée dans la suite du texte) qui couvre la période de juin à décembre (Figure 5). Les valeurs élevées de la SST (>25°C) sont localisées de l’équateur à 6°N tandis que les SST relativement faibles (≤25°C) sont au sud de l’équateur (10°S-0°). Les SST climatologiques chutent et atteignent des valeurs de 23°C de juillet à août. En effet durant cette période l’upwelling s’intensifie et il se développe une langue d’eau froide depuis les côtes congolaises. Elle se propage vers l’ouest suivant l’équateur. Son ampleur entraîne la chute des SST. Après cette période, les eaux de surface océanique se réchauffent progressivement du nord vers le sud du bassin à la fin du mois de septembre. Cela est lié au retrait des upwellings côtier et équatorial. En l’absence d’upwelling, de janvier à mai, les SST climatologiques moyennes observées dans l’ensemble du bassin sont élevées et avoisinent 30°C. Le mécanisme principal proposé pour expliquer l’upwelling équatorial est la divergence d’Ekman. En effet, Philander et Pacanowski (1986) ont montré que le champ de vent le long de l’équateur détermine la réponse de la couche équatoriale de surface dans le Golfe de Guinée. Les alizés orientés vers l’ouest, deviennent intenses en juin –juillet et poussent les eaux de surface depuis le Golfe de Guinée vers le Brésil sous la forme d’un large courant : le Courant Equatorial Sud (CES). Toutefois, la force de Coriolis entraîne la déviation des masses d’eaux situées au nord vers le nord et celles situées au sud vers le sud (Grenier et Du Penhoat, 2001). Le courant a donc tendance à écarter les eaux de surface en deux branches de part et d’autre de l’équateur : c’est la divergence équatoriale d’Ekman. Les eaux de surface ainsi écartées sont remplacées mécaniquement par les eaux de subsurface beaucoup plus froides. La formation de la langue d’eau froide est le signal saisonnier dominant de la SST dans l’est de l’Atlantique équatorial. Des travaux réalisés à partir d’observations (Merle et al, 1980; Foltz et al, 2003) ou de la modélisation (Philander and Pacanowski 1986; Yu et al, 2006; Peter et al, 2006 ; Wade et al, 2010) indiquent que pendant la formation de la langue d’eau froide dans l’Atlantique tropical Est, le refroidissement principal est dû aux processus verticaux de subsurface (advection verticale, mélange, et entraînement), qui sont presque équilibrés par le réchauffement dû aux flux atmosphériques. Mais l’advection horizontale peut également apporter une contribution locale significative. Au large de l’équateur, la variabilité de SST est régie par des processus complètement différents, principalement par un forçage atmosphérique. Une étude de modélisation a une dimension du cycle diurne de l’Atlantique équatoriale aux bouées Pirata durant la campagne EGEE 3 (mai –juin 2006) a montré que la variabilité diurne de la SST est principalement due aux flux de chaleur solaire (Wade et al, 2010).
Processus Biologiques
Le principe des processus biogéochimiques à la surface des océans a été décrit avec plus de détail par Jacques and Tréguer (1986) et dans Lalli and Parsons (1993). Le phytoplancton sous l’effet de la lumière et en présence de nutriment et de CO2 se développe,produit de la matière organique par photosynthèse et respire (production primaire brute). Le phytoplancton est une espèce autotrophe car il produit lui-même sa matière organique. Il peut se développer jusqu’à l’épuisement total des nutriments présents dans la couche euphotique. Ceci entraîne une diminution du CO2 à la surface des océans. Une partie du phytoplancton est brouté par le zooplancton qui sera lui-même absorbé en partie par d’autres espèces animales. Le zooplancton est une espèce hétérotrophe par opposition au phytoplancton car il ne produit pas sa propre matière organique. Les nutriments sont ramenés dans la couche euphotique par des processus physiques (upwelling, turbulence) puis sont transformés en matière organique par le phytoplancton (production nouvelle). La somme de la production nouvelle et de la production régénérée est appelée la production primaire nette. Les processus physiques (mélanges verticaux) vont ramener nutriments et DIC dans la couche euphotique où ils pourront de nouveau être utilisés par la biologie marine.L’activité biologique via la photosynthèse utilise des nutriments dont les nitrates (NO3-). Elle modifie l’équilibre électrochimique entre les espèces (variation des charges négatives) en provoquant la baisse de la réserve alcaline des carbonates (mesure de la charge des ions carbonates et bicarbonates) et une légère diminution de TA. Par contre, la respiration va contrebalancer cet effet (l’alcalinité va augmenter) si bien qu’en bilan net il n’y a pas de variation d’alcalinité. Le principal effet de l’activité biologique est la diminution du DIC. Cela s’accompagne d’une baisse de l’abondance des ions bicarbonates, d’une augmentation des ions carbonates et, surtout, d’une diminution de la pression partielle du CO2 à la surface de l’océan. D’octobre à mars, les valeurs de chlorophylle sont inférieures à 0,2 µg L-1 (Figure 9). Au sud –est (embouchure du fleuve Congo) et dans la zone comprise entre 0-4°S et 10°W7,5°W des valeurs de chlorophylle supérieures à 0,2 µg L 1 sont observées. D’avril à juin, la zone océanique se scinde en deux parties. L’une localisée à l’ouest de 0°, est caractérisée par de faibles valeurs de chlorophylle (<0,2 µg L-1) et l’autre située à l’est de 0°, est marquée par des valeurs de chlorophylle proche de 0,4 µg L-1 . Cette tendance à une légère augmentation de la chlorophylle est due à l’avènement de l’upwelling côtier au sud -est du bassin. De juillet à septembre, la quasi-totalité du bassin océanique présente des concentrations de chlorophylle en moyenne proche de 0,4 µg L-1 en relation avec l’installation des upwellings côtier et équatorial. De plus dans l’embouchure du fleuve Congo et à 4°N, 2°W-0°, les valeurs maximales de chlorophylle observées sont en moyenne de 0,5 µg L-1.
Mesure de la température (SST)
Durant les campagnes EGEE, la mesure de la température a été effectuée directement après le prélèvement de l’eau de mer des bouteilles de Niskin. Une fois l’échantillon recueilli dans le flacon, le thermomètre est plongé dans l’eau de mer. L’erreur sur la mesure de la température est de ± 0,01°C. Durant le trajet du bateau une prise d’eau de mer de surface est effectuée. Les mesures de température et salinité de surface sont enregistrées en continu, à l’aide d’un thermosalinographe SEABIRD. Ces mesures sont validées avec les prélèvements effectués à la CTD. L’ensemble des techniques d’acquisition et de traitement des paramètres hydrologiques peut être consulté sur le site http://www.brest.ird.fr/pirata/pirata_cruises.php du programme PIRATA auquel étaient associées les campagnes EGEE.
Mesure de l’alcalinité totale (TA) et du carbone inorganique dissous (DIC)
Les échantillons d’eau de mer prélevés pour l’analyse de TA et du DIC se sont effectués à partir des bouteilles Niskin lors des stations hydrologiques. L’eau de mer est prélevée dans des flacons en verre de 250 mL après trois rinçages successifs. Pour stopper l’activité biologique, consommatrice de DIC, les échantillons sont empoisonnés avec une solution de chlorure mercurique (HgCl2). Au total 195 échantillons ont été prélevés, stockés et analysés sur la chaîne de mesure du LOCEAN de l’Université Pierre et Marie Curie (Figure 13). La technique repose sur la méthode potentiométrique d’Edmond (1970) qui consiste à doser l’eau de mer (base faible) par un titrant (acide fort) dans une cellule étanche à l’air à volume variable jusqu’à l’acidification du mélange. Le cœur du système est la cellule de dosage. Elle est maintenue à température constante par un circuit d’eau thermostatée circulant dans ses parois. Elle peut être connectée soit à un circuit d’air soit à un circuit de remplissage par l’eau de l’échantillon à doser, ou alors être complètement étanche.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 : CONTEXTE GENERAL DE L’ETUDE
1.1. Caractéristiques météorologiques et hydrologiques du Golfe de Guinée
1.1.1. Conditions météorologiques
1.1.2. Caractéristiques hydrologiques
1.1.2.1. Circulation océanique de surface et de subsurface
1.1.2.2. Upwellings côtiers et équatorial
1.1.2.3. Fleuves et rivières
1.2. Le cycle du carbone dans l’océan
1.2.1. Carbone inorganique dissous (DIC)
1.2.2. Alcalinité Totale (TA)
1.2.3. pH de l’eau de mer
1.3. Processus affectant la variabilité des paramètres de CO2 dans l’océan de surface
1.3.1. Processus physiques
1.3.2. Processus Biologiques
1.3.3. Distribution de ∆pCO2
CHAPITRE 2 : DONNEES ET METHODES
2.1. Méthodes de mesures
2.1.1.1 Mesure de la salinité (SSS)
2.1.1.2 Mesure de la température (SST)
2.1.2. Mesure de l’alcalinité totale (TA) et du carbone inorganique dissous (DIC)
2.1.3. Détermination de la fugacité du CO2 océanique (fCO2)
2.1.3.1. Mesure directe de fCO2
2.1.3.2. Calcul de fCO2 à partir de TA et DIC
2.1.4. Détermination du flux air-mer de CO2
2.1.5. Mesures Biologiques
2.2. Données complémentaires du carbone
2.3. Méthodes statistiques
2.3.1. Ecart-Type
2.3.2. Erreur quadratique moyenne
2.3.3. Biais moyen
2.3.4. Coefficient de détermination
CHAPITRE 3 : CONDITIONS HYDROLOGIQUES ET BIOGEOCHIMIQUES DURANT LES CAMPAGNES EGEE
3.1. Distribution des paramètres hydrologiques (Salinité et Température)
3.2. Distribution des paramètres biogéochimiques
3.2.1. Distribution des paramètres biologiques (sels nutritifs et fluorescence) en surface
3.2.1.1. Sels nutritifs
3.2.1.2. Fluorescence
3.2.1.3. Analyse des profils de fluorescence et de nitrates
3.2.2. Distribution des paramètres du carbone (TA et DIC)
3.2.2.1. Facteurs de variabilité des paramètres du carbone (TA et DIC)
3.3. Variabilité saisonnière des paramètres hydrologiques et du carbone
3.4. Variabilité interannuelle des paramètres hydrologiques et du carbone
3.4.1. Amplitude des variations interannuelles de l’upwelling équatorial
3.5. Distribution de fCO2 dans l’océan durant EGEE
CHAPITRE 4 : RELATIONS ENTRE LES PARAMETRES HYDROLOGIQUES ET LES PARAMETRES DU CARBONE DANS L’EST DE L’ATLANTIQUE TROPICAL
4. 1. Alcalinité et Salinité
4.1.1 Relation alcalinité et salinité
4.1.2. Validation de la relation TA-SSS
4.1.3. Cartes mensuelles (juin et septembre) d’alcalinité à partir des champs de salinité de surface
4.2. DIC-SSS-SST
4.2.1 Etablissement de la relation DIC-SSS-SST
4.2.2 Validation de la relation DIC-SSS-SST des campagnes EGEE
4.2.3. Variabilité temporelle du DIC dans l’Est de l’Atlantique tropical
4.3 Cartes mensuelles (juin et septembre) de DIC à partir de champs de SST et SSS
CHAPITRE 5 : FLUX AIR-MER DE CO2 DURANT LA PERIODE DE LA MOUSSON AFRICAINE
5.1. La fugacité de CO2 océanique (fCO2)
5.1.1. Calcul de la fCO2
5.1.2. Cartes de la fugacité de CO2 océanique en juin et septembre
5.3.3. Evolution temporelle de fCO2 dans l’océan (fCO2)
5.4. Variabilité du flux air-mer de CO2 lors des campagnes EGEE
5.5. Extrapolation du flux air –mer de CO2 sur toute l’année
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ACRONYMES
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