Les paléosols : des sols « fossiles »

Les paléosols : des sols « fossiles » 

Le terme « paléosol » a été proposé pour décrire un « un sol fossile, formé sur les paysages du Passé » (Ruhe, 1956). La science qui étudie les paléosols est la « paléopédologie », mot dérivé du terme « pédologie » qui désigne l’étude des sols actuels. Les paléosols sont souvent enfouis sous des dépôts sédimentaires ou volcaniques. Ils peuvent cependant être ré-exhumés par processus tectoniques ou d’érosion, mais ne sont, par définition, plus actifs à l’heure actuelle.

Ces paléosols, fréquents dans les couches géologiques du Quaternaire mais retrouvés jusque dans le Protérozoïque (Gay et Grandstaff, 1980 ; Retallack et al., 1984 ; Kimberley et Holland, 1992 ; Maynard, 1992 ; Retallack, 1992b ; Gall, 1994 ; Ohmoto, 1996 ; Gutzner & Beukes, 1998), sont les fruits d’une histoire complexe, qui ne peut être abordée qu’en se penchant sur leurs analogues actuels, leurs caractéristiques et surtout leur mode de formation et de préservation.

Caractéristiques et mode de formation des sols dans l’actuel

Définition d’un sol 

Différentes définitions du terme « sol » existent dans la littérature :
– En 1914, Hilgard évoque « un matériel plus ou moins dégradé et friable dans lequel les plantes peuvent s’enraciner, se nourrir, et croître ». Il s’agit d’une des nombreuses propositions qui définissent le sol comme un moyen de productionvégétale. C’est aussi la première proposition qui apparaît dans le glossaire de la Société Américaine de la Science du Sol (Soil Science Society of America, 2013, définition 1) sous ces termes : « matériel non consolidé minéral ou organique à la surface immédiate de la terre qui sert à la croissance des plantes ».
– Une définition moins centrée sur les problématiques agronomiques a ensuite été proposée par Jofpe (1936), membre de l’école russe de la science du sol, pionnière dans la pédologie : « Le sol est un corps naturel, différencié en plusieurs horizons de constituants minéraux ou organiques, généralement non consolidés, de profondeur variable, qui diffèrent du matériel d’origine de par leur morphologie, leur constitution et leurs propriétés physiques, leur composition et leurs propriétés chimiques, et leurs caractéristiques biologiques ».
– Aujourd’hui, la définition admise par les spécialistes est formulée ainsi : « matière minérale ou organique non consolidée à la surface de la terre ayant été soumise à des facteurs génétiques et environnementaux et montrant leurs effets » (Soil Science Society of America, 2013, définition 2). Cette définition peut se traduire par une relation relativement simple : les facteurs évoqués ci-avant,principalement environnementaux et climatiques, influencent les processus de pédogenèse, et les sols développent alors des caractéristiques liées aux types de processus mis en jeu (Krasilnikov, 2000 ; Targulian, 2005). Ces différents éléments sont abordés en détail dans les paragraphes suivants, en commençant par une présentation synthétique des sols et de leurs caractéristiques à travers la classification pédologique de référence (WRB, 2006).

Caractéristiques et classification des sols 

Horizons pédologiques
Un sol naît donc de l’altération d’un matériau, dit parental. Il diffère de celui-ci par de nombreuses caractéristiques physiques, chimiques, biologiques et morphologiques. La transition entre le sommet du profil d’altération et cette roche-mère est généralement progressive, et plusieurs niveaux parallèles à la surface, appelés horizons, peuvent alors être identifiés.

Trois horizons sont reconnus comme fondamentaux (WRB, 2006) :
– L’horizon A est le plus superficiel et contient la matière organique.
– L’horizon B est un horizon minéral qui diffère des autres horizons par sa structure et son altération. Il présente entre autres des oxydes de fer et un enrichissement en argiles, témoignant d’un degré d’altération supérieur à l’horizon C sous-jacent. C’est ici que s’accumulent les produits de lixiviation et de lessivage.
– L’horizon C correspond à la surface altérée du matériau d’origine.

D’autres horizons existent comme l’horizon R qui représente la roche-mère sous-jacente ou encore l’horizon G lié à une saturation en eau. Cependant, le premier appartient au profil d’altération mais pasau profil pédologique au sens propre, et le second n’est pas toujours présent. Ils ne sont donc pas reconnus comme fondamentaux (Duchaufour, 2001).

Classification pédologique
Les plus anciens systèmes de classification des sols sont nationaux, centrés sur les problématiques agronomiques propres à chaque Pays (Dokuchaev, 1879a ; Oudin, 1937 ; Ableiter, 1949 ; Stephens, 1954 ; Yaalon, 1959 ; Ivanova & Rozov, 1960 ; Gerasimov, 1962 ; Kanno, 1962 ; Pohlen, 1962 ; Muckenhausen, 1962 ; Aubert, 1963 ; Filipovski et al., 1964 ; Stepanov, 1964 ; Tavernier & Sys, 1965 ; Rozov & Ivanova, 1967 ; Avery, 1973 ; C.D.A., 1974 ; Commission de Genese, 1974 ; Conea, 1974 ; MacVicar, 1977), mais le développement des sciences du sol et des moyens de communication a rapidement soulevé la nécessité de créer une classification internationale (Segalen, 1977).

Plusieurs systèmes de classification ont été proposés (FAO-UNESCO, 1988; USDA, 1999 ; WRB, 2006 ; AFES, 2008). Parmi ceux-ci, le système de la World Reference Base for soil resources (WRB, 2006) est considéré comme la référence. La nouvelle édition du Référentiel Pédologique français, qui lui est postérieure, insiste d’ailleurs sur les besoins de rattacher les ordres et types de sols définis par les autres systèmes à ceux de la classification WRB (AFES, 2008). Le système de classification pédologique de la WRB a été créé en 1998, puis réactualisé par la FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations) réunie à Rome en 2006. Cette classification résulte d’un travail conjugué de la FAO, de l’IUSS(International Union of Soil Science) et de l’ISRIC (International Soil Reference and Information Center). Elle est basée sur des travaux antérieurs ayant contribué à rassembler les termes issus de différents systèmes développés précédemment de façonindépendante (FAO-UNESCO, 1988).

32 types de sols sont proposés. Ils sont regroupés dans 10 catégories selon la composition de leurs horizons diagnostiques, leurs propriétés, et les matériaux qu’ils contiennent, ce qui doit permettre de les reconnaître directement à partir des observations de terrain (WRB, 2006) :

– Sols à niveau organique épais : cette catégorie comprend uniquement les Histosols, à horizons composés de restes végétaux partiellement décomposés.
– Sols qui présentent des traces d’activités humaines : Cette catégorie regroupe les Technosols et les Anthrosols. Les premiers sont des sols contenant de nombreux artefacts ou recouverts de matériaux artificiels. Les seconds présentent des traces d’utilisation agricole intensive.
– Sols à système racinaire limité : Cryosols et Leptosols ont des systèmes racinaires réduits du fait d’une surface de type permafrost ou pierrier.
– Sols présentant des caractéristiques liées à l’eau : cette catégorie regroupe plusieurs types de sols : les Vertisols, qui présentent des traces de rétractation et de gonflements des argiles qui les composent ; les Fluvisols de plaine d’inondation, stratifiés ; les Solonetz, alcalins à agrégats argileux de formes prismatiques et à horizon de subsurface riche en sodium ; les Solonchaks, enrichis en sel ; et les Gleysols, qui présentent une réduction des oxydes de fer et de manganèse.
– Sols dont les caractéristiques principales sont liées au fer et à l’aluminium : Les Andosols sont des sols jeunes formés sur des roches volcaniques poreuses et présentent notamment des complexes argilohumiques. Les Podzols sont des sols acides à accumulation de fer, d’aluminium et de composés organiques en subsurface. Les Plinthosols, aussi appelés sols gris latéritiques, sont enrichis en fer. Les Nitisols sont des sols rouges à structure marquée et à argiles peu actives (peu sensibles au gonflement). Enfin, les Ferralsols présentent une forte accumulation de fer et d’aluminium sous forme de kaolinite et de sesquioxydes.
– Sols affectés par une stagnation d’eau : Les Stagnosols sont temporairement en contact d’une nappe et présentent des traces de réduction en surface sous forme de taches accompagnées parfois de concrétions et de blanchiment. Les Planosols sont des sols marqués par un changement abrupt de texture entre le haut et le bas du profil qui permet la stagnation des eaux en surface.
– Sols à forte accumulation de matière organique et riches en bases : Les Chernozems sont des sols sombres et fertiles dont la surface est riche en MO. Ils se distinguent des Phaeozems qui présentent un profil plus différencié et des Kanastozems qui sont colonisés par une végétation typique de climat plus sec.
– Sols à accumulation de substances moins solubles ou non salines : C’est dans cette catégorie que se trouvent les Calcisols, à accumulation significative de carbonate de calcium. Elle regroupe également les Gypsisols, à accumulation de gypse et les Durisols qui présentent des accumulations de silice.
– Sols à horizon(s) enrichi(s) en argiles : ce sont les Albeluvisols, sols acides à horizon de surface blanchi et à base irrégulière, à zébrures blanches partant vers le bas du profil ; les Alisols, acides à forte accumulation d’argiles très actives en base de profil ; les Acrisols, leurs analogues à argiles peu actives ; et les Luvisols et Lixisols, à fortes teneurs en bases cette fois, respectivement constitués d’argiles très actives et peu actives.
– Sols jeunes à profil peu ou pas développé : dans cette dernière catégorie se trouvent les Umbrisols, acides à horizon supérieur sombre enrichi en MO ; les Arenosols développés sur substrat sableux ; les Cambisols à horizonation modérée et les Regosols, très jeunes et sans développement significatif du profil.

A ces termes peuvent s’ajouter des préfixes ou suffixes témoignant d’une caractéristique secondaire importante. Il s’agit du second niveau de hiérarchisation de cette classification. Si ces qualificatifs ne sont pas applicables à tous les types de sols, certains se retrouvent dans plusieurs groupes différents. Un sol dont la caractéristique principale, par exemple, est la présence d’un horizon enrichi en carbonate de calcium précipité secondairement est appelé Calcisol. Si cet horizon est massif, pétro-calcique, on parle de Calcisol pétrique. Si du gypse est présentdans le profil pédologique, on parlera de Calcisol gypsique.Le terme luvique renvoie à un lessivage important des argiles depuis la surface, qui contribue à former un horizon argileux illuvial. Au total, les Calcisols peuvent être associés à 24 qualificatifs figurant parmi les179 utilisés dans cette classification .

Dynamique de la formation des sols, facteurs et processus 

La pédogenèse est un phénomène dynamique, qui peut, comme avancé précédemment, se décrire en termes de processus et de facteurs qui vont les influencer. Pour résumer ce phénomène, la formation d’un sol débute lorsqu’une roche ou un sédiment (horizon R)est mis en contact avec l’atmosphère, par érosion ou sédimentation . Ce matériau parental subitalors une altération physique gouvernée par l’eau (dont les précipitations sont la source principale), sesvariations d’états ou d’apports saisonniers, et les organismes qui vont coloniser ce substrat (profil C (-R)). Avec l’installation de la végétation, un horizon organique superficiel se met en place (profil A-C (-R)). L’eau chargée en CO2 qui s’infiltre dans le sol constitue l’agent chimique principal d’altération. Son acidité est également renforcée au contact des organismes et de la matière organique (incorporation de CO2, H+ , H3O+). Par entrainement physique des particules (lessivage), dissolution et transport des éléments les plus solubles (lixiviation) de la surface vers la profondeur, la différenciation physico-chimique du sol se poursuit et un horizon B (ou Bw) d’altération se forme progressivement (profil A-B-C (-R)). Celui-ci peut alors se différencier, avec par exemple une accumulation d’argiles (Bw) ou de carbonate de calcium (Bk) en casd’alternances de phases de sécheresse et de phases d’humidité.

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Table des matières

Introduction
1 Les paléosols : présentation, mise en place, et utilisation dans les reconstructions paléoenvironnementales et paléoclimatiques
1.1 Les paléosols : des sols « fossiles »
1.2 Caractéristiques et mode de formation des sols dans l’actuel
1.2.1 Définition d’un sol
1.2.2 Caractéristiques et classification des sols
1.2.3 Dynamique de la formation des sols, facteurs et processus
1.3 Du sol au paléosol : développement, « fossilisation » et préservation, cas particulier des plaines alluviales
1.3.1 Modèles de pédogenèse en plaine d’inondation
1.3.2 Formation des paléosols et préservation
1.4 La classification spécifique aux paléosols
1.5 Méthodes d’étude des paléosols dans les reconstitutions paléoenvironnementales et paléoclimatiques : état de l’art
1.5.1 Méthodes descriptives
1.5.2 Méthodes analytiques
2 Cadre paléogéographique, tectonique, et passage en revue des données paléoclimatiques existantes pour l’Europe occidentale entre la fin de l’Oligocène et le Miocène inférieur
2.1 Contexte de l’étude
2.1.1 Cadre paléogéographique
2.1.2 Contexte tectono-sédimentaire
2.2 Contexte paléoclimatique : état de l’art
2.2.1 Evènements globaux
2.2.2 Paléoclimat à l’échelle de l’Europe occidentale
2.2.3 Synthèse
3 Apport de l’étude paléopédologique dans la reconstitution des paléoenvironnements du bassin de Digne-Valensole et de Loranca à l’Oligocène terminal-Miocène inférieur
3.1 Présentation des sections étudiées
3.1.1 Coupes de la série de Beynes-Châteauredon
3.1.2 Coupes du fan de Tórtola
3.2 Description des paléosols
3.2.1 Description physique
3.2.2 Profils géochimiques et minéralogiques
3.3 Apport des paléosols à la restitution de la dynamique sédimentaire
3.3.1 Evolution latérale des paléosols et dynamique environnementale à court terme
3.3.2 Variations verticales des paléosols et évolution des environnements de dépôt et d’altération à long terme au cours du temps
3.3.3 Stabilité sédimentaire et pédogénèse versus aggradation
4 Tests et développement de climofonctions spécifiques aux Calcisols formés sur des matériaux hétérogènes à partir de l’étude d’analogues actuels du Nord-Est de l’Espagne (Aragon, Catalogne)
4.1 Cadre de l’étude
4.1.1 Description des profils pédologiques
4.1.2 Données météorologiques
4.2 Tests des climofonctions basées sur la morphologie de l’horizon Bk
4.3 Développement de climofonctions basées sur la géochimie des éléments majeurs
4.3.1 Climofonction permettant d’estimer les MAP
4.3.2 Climofonction permettant d’estimer les MAT
5 Reconstitution du paléoclimat d’Europe occidentale entre le Chattien et le Burdigalien à partir de l’étude des paléosols des bassins de Digne-Valensole et de Loranca
5.1 Conditions paléoclimatiques de la région de Beynes-Châteauredon au Miocène inférieur
5.1.1 Approches qualitatives et semi-quantitatives
5.1.2 Quantification des paramètres paléoclimatiques
5.1.3 Synthèse et discussion
5.2 Conditions paléoclimatiques de la région de Huete entre le Chattien terminal et l’Aquitanien moyen
5.3 Paléoclimat d’Europe occidentale défini par les études paléopédologiques, synthèse
6 Apport de l’étude des paléosols des bassins de Digne-Valensole et de Loranca à la connaissance du paléoclimat de l’Europe occidentale à la limite Paléogène-Néogène, comparaison avec les données extrinsèques
6.1 Discussion à l’échelle du bassin de Loranca
6.2 Discussion à l’échelle de l’Europe occidentale
Conclusions générales & perspectives
Références bibliographiques
Annexes

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