Contexte
La situation de lโenvironnement mondiale est actuellement alarmante. Les pressions anthropiques ont accรฉlรฉrรฉ sa dรฉgradation et dรฉclenchรฉ un processus de rรฉchauffement climatique mondial. Selon le Groupement dโExperts Intergouvernemental sur lโEvolution du Climat (GEIC, 2004), 49 milliards de tonnes de gaz ร effet de serre au total ont รฉtรฉ libรฉrรฉes. Selon leur projection, ces รฉmissions vont augmenter de 25 ร 90 % entre 2000 et 2030. Ces รฉmissions sont dues principalement au secteur de lโรฉnergie (25,9%), au secteur de lโindustrie (19,4%), au secteur de la foresterie (17,4%), au secteur de lโagriculture (13,5%) et au secteur des transports (13,1%) (Chenost C., Gardette Y-M., 2010, p.15). Le secteur de la foresterie est donc le troisiรจme secteur รฉmetteur de gaz ร effet de serre. Les pays en dรฉveloppement, dont Madagascar, sont les responsables de ces รฉmissions de gaz ร effet de serre par la foresterie. En effet, la population vivant ร proximitรฉ des forรชts, surexploite ces derniรจres par la culture itinรฉrante sur brรปlis, les feux de brousse, ou encore les dรฉcharges non contrรดlรฉes. Par ces pratiques, les forรชts libรจrent dans lโatmosphรจre les stocks de carbone quโelles ont sรฉquestrรฉs.
Par ailleurs, les รฉcosystรจmes forestiers peuvent รฉgalement contribuer ร lโattรฉnuation du rรฉchauffement climatique. En effet, le dioxyde de carbone, faisant partie des gaz ร effet de serre, est absorbรฉ et stockรฉ par les forรชts sous forme de biomasse dans les arbres et leurs racines par le phรฉnomรจne de photosynthรจse. Ainsi, au niveau mondial, les รฉcosystรจmes forestiers absorbent des quantitรฉs de carbone plus quโils nโen รฉmettent, prรจs de 2,6GtรฉqC par an contre 1,6GtรฉqC (ibid., p.17). Ces รฉcosystรจmes procurent aussi plusieurs services aux hommes ร lโexemple des services dโapprovisionnement (tels que la nourriture et la fibre), les services de rรฉgulation (comme la rรฉgulation des inondations et du climat), les services culturels (tels que les bรฉnรฉfices spirituels et rรฉcrรฉatifs) et les services de soutien (comme les cycles des รฉlรฉments nutritifs). Toutefois, ces รฉcosystรจmes doivent รชtre entretenus, restaurรฉs, protรฉgรฉs afin quโils puissent effectivement fournir ces services. Dโun cรดtรฉ, si la prรฉservation des รฉcosystรจmes est essentielle, elle fait face ร un problรจme fondamental qui est son financement. Dโun autre cรดtรฉ, si les instruments utilisรฉs pour la prรฉservation des รฉcosystรจmes ne correspondent pas aux attentes de la population pรฉriphรฉrique des zones de prรฉservation, cela nโaurait pour effet que de renforcer la dรฉgradation des ressources naturelles et le dรฉveloppement des activitรฉs illรฉgales.
Cโest dans ce contexte que le concept de Paiements pour Services Environnementaux (PSE) apparaรฎt a priori comme lโinstrument faisant lโobjet dโun compromis entre prรฉservation des รฉcosystรจmes et amรฉlioration des conditions de vie des populations riveraines. Le paiement pour services environnementaux est un instrument qui vise ร agir sur les comportements des agents dans un sens favorable ร lโenvironnement, et ce en misant sur leur adhรฉsion volontaire. Ces agents fournissent les services environnementaux, ils sont rรฉmunรฉrรฉs de ce fait par dโautres agents qui sont les bรฉnรฉficiaires de ces services environnementaux. Justement, le prรฉsent mรฉmoire traite particuliรจrement du projet de reboisement et de compensation carbone dans la commune rurale dโAnkotrofotsy, district de Miandrivazo, rรฉgion de Menabe. Cette zone est situรฉe ร 456 km au sud-ouest par rapport ร la capitale. Aprรจs avoir passรฉ par la RN 7, cette zone se trouve ร lโouest de la ville dโAntsirabe ร mi-chemin de la RN 34 entre Miandrivazo et Malaimbady. Cette zone rurale est caractรฉrisรฉe par un taux de pauvretรฉ de 66,3%, si lโon se base sur un seuil de pauvretรฉ de 2 $ par jour (rapport du PNUD sur le dรฉveloppement humain, 2006, p.2). Les moyens de subsistance locaux dรฉpendent principalement de lโagriculture et trรจs peu de sources de revenus alternatives sont possibles, conduisant ainsi la population ร surexploiter les forรชts restantes et ร les transformer en champ de culture.
PRESENTATION GENERALE ET CADRE THEORIQUE DE LA NOTION DE PSE
Le concept de Paiement pour Services Environnementaux (PSE) est actuellement inรฉluctable dans les politiques environnementales et de dรฉveloppement. Cependant, ce concept est assez rรฉcent, conduisant ainsi ร de nombreuses confusions, pouvant mรชme laisser croire que tout dispositif environnemental faisant lโobjet dโune transaction monรฉtaire serait un PSE. Justement le prรฉsent chapitre clarifie ce dรฉbat en dรฉlimitant prรฉcisรฉment en quoi le concept de PSE est-il spรฉcifique par rapport aux instruments environnementaux faisant aussi lโobjet dโun transfert monรฉtaire. Lโobjet de ce chapitre est aussi une revue de littรฉrature sur le concept de PSE, dont le ยซ thรฉorรจme de Coase ยป occupe une place importante du fait que le mรฉcanisme de PSE est lโapplication de ce fameux thรฉorรจme.
Prรฉsentation gรฉnรฉrale de la notion de PSE
De la notion de services รฉcosystรฉmiquesโฆ
Les dรฉfinitions de ยซ services รฉcosystรฉmiques ยป sont trรจs nombreuses selon les pays, les Organisations Non Gouvernementales (ONG) et ainsi que les auteurs qui sont axรฉs sur la protection de lโenvironnement. Mais cette notion a รฉtรฉ รฉvoquรฉe pour la premiรจre fois par Costanza R. et Daily G., ainsi :
Un des textes de rรฉfรฉrence pour dรฉfinir les services รฉcosystรฉmiques est celui de Costanza et al. en 1997. Ces auteurs ont dรฉfini les services รฉcosystรฉmiques comme suit :
โEcosystem goods (such as food) and services (such as waste elimination) represent the benefits human populations derive, directly or indirectly, from ecosystem functionsย ยป. (Costanza, 1997, p. 253) .
ยซย Ecosystem services are defined as the instrumental values of ecosystems as means to end of human well-beingย ยป. (ibid, p.253) .
Une autre dรฉfinition รฉvoque aussi clairement cette notion de services รฉcosystรฉmiques (Daily, 1997) comme รฉtant : ยซ les conditions et processus ร travers lesquels les รฉcosystรจmes naturels, et les espรจces qui les constituent, maintiennent et satisfont la vie humaine. Ils conservent la biodiversitรฉ et soutiennent la production de biens environnementaux, tels que les poissons de mer, le fourrage, le bois, les biocombustibles, les fibres naturelles, ainsi que divers produits industriels ou pharmaceutiques. La collecte et le commerce de ces biens reprรฉsentent une part importante et courante de lโรฉconomie. En dehors de la production de biens, les services รฉcosystรฉmiques assurent les fonctions de maintien de la vie actuelle, comme le nettoyage, le recyclage et le renouvellement ; de mรชme ils fournissent des bรฉnรฉfices esthรฉtiques et culturels inestimables ยป. (Daily, 1997, citรฉ par Randrianarison M.L., 2010, p.90) .
Selon le Millenium Ecosystem Assessment (2005) (MEA), les services รฉcosystรฉmiques sont ยซ les bรฉnรฉfices que les รฉcosystรจmes procurent aux hommesยป (MEA, 2005, p.8). Ces services se divisent en quatre types, notamment :
โย Les services de prรฉlรจvement ร lโexemple de la nourriture et lโeau
โ Les services de rรฉgulation telle la rรฉgulation des inondations, de la sรจcheresse, de la dรฉgradation des sols et des maladies
โ Les services dโauto-entretien comme la formation des sols, le dรฉveloppement du cycle nutritionnel
โ Les services culturels ร lโexemple des bรฉnรฉfices dโagrรฉment, dโordre spirituel, religieux et dโautres .
Ces dรฉfinitions parlent toutes de deux traits bien distincts quant aux services รฉcosystรฉmiques, dโune part ils sont des produits matรฉriels ou biens tangibles (eau, fibre, nourriture, etc.) et dโautre part ils sont des services immatรฉriels.
A la notion de services environnementaux
Les services environnementaux ne constituent ainsi quโune partie des services รฉcosystรฉmiques selon une classification faite par la FAO (2007): ยซ le sous ensemble des services รฉcosystรฉmiques caractรฉrisรฉs par des externalitรฉs est dรฉsignรฉ sous le nom de ยซ services environnementaux ยป ยป. (FAO, 2007, p.7) .
Les services de rรฉgulation et les services culturels qui sont des services environnementaux, sont considรฉrรฉs comme des externalitรฉs, mais positives, ils font partie aussi des catรฉgories de biens quโon appelle des biens publics . De ce fait, ils ne peuvent faire lโobjet dโune appropriation.
Il y a quatre critรจres qui permettent de qualifier explicitement si un service dรฉterminรฉ peut รชtre qualifiรฉ de service environnemental (Aznar, 2002, p.87) :
โ le premier concerne le bien support sur lequel est produit le service environnemental : ce bien support fait partie de lโespace naturel ;
โ le deuxiรจme reprรฉsente lโacte technique, cโest-ร -dire la modification du bien support ;
โ le troisiรจme caractรฉrise le service comme un acte volontaire, cโest-ร -dire intentionnel ;
โ le dernier critรจre concerne la visรฉe collective du service. Le service environnemental est donc un bien public au sens รฉconomique du terme.
Dans les pays du sud, les PSE sont apparus essentiellement en Amรฉrique latine sur la base dโun constat dโรฉchec ou dโinefficacitรฉ des politiques traditionnelles centrรฉes sur la rรฉglementation des zones protรฉgรฉes. Souvent ร lโinitiative dโONG, les cas historiques se situent au Mexique, en Bolivie, au Pรฉrou, en Equateur, mais surtout au Costa Rica en 1997, oรน les PSE ont dโabord visรฉ la conservation et la prรฉservation des forรชts.
Ainsi, la loi du Costa Rica nยฐ 7575 de 1996 sur les forรชts, instituant lรฉgalement les paiements pour services environnementaux, a dรฉfini les services environnementaux comme รฉtant : ยซ les services fournis par les forรชts et les plantations forestiรจres, qui ont une incidence sur la protection et lโamรฉlioration de lโenvironnement. Sont reconnus ร ce titre : lโattรฉnuation des รฉmissions de gaz ร effet de serre (fixage, rรฉduction, sรฉquestration, stockage et absorption) ; la protection de lโeau pour exploitation urbaine, rurale ou hydroรฉlectrique ; la protection de la biodiversitรฉ en vue dโune exploitation durable et ร des fins scientifiques et pharmaceutiques ; lโรฉtude des ressources gรฉnรฉtiques et leur mise en valeur ; la prรฉservation des รฉcosystรจmes, des formes de vie et de la beautรฉ des paysages naturels pour le tourisme et ร des fins scientifiques. ยป .
La notion de service environnemental (SE) renvoie donc essentiellement aux usages qui peuvent รชtre faits de la nature et des ressources naturelles. Cette approche insiste donc sur lโutilitรฉ que lโรฉconomie et la sociรฉtรฉ retirent du fonctionnement dโรฉcosystรจmes prรฉservรฉs. Or, cette prรฉservation a un coรปt : il faut restaurer, entretenir, prรฉserver, ne pas dรฉgrader ces รฉcosystรจmes pour quโils soient fonctionnels. Dโoรน lโidรฉe quโil est nรฉcessaire de rรฉmunรฉrer ceux qui, par leurs pratiques, prรฉservent les SE. Le systรจme de paiements pour services environnementaux est donc nรฉ suite ร ce raisonnement.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
CHAPITRE I : PRESENTATION GENERALE ET CADRE THEORIQUE DE LA NOTION DE PSE
Section I : Prรฉsentation gรฉnรฉrale de la notion de PSE
Section II : Cadre Thรฉorique du PSE
CHAPITRE II : POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE ET PSE : PERSPECTIVE HISTORIQUE
Section I : De lโinefficacitรฉ des politiques traditionnellesโฆ
Section II : โฆA lโรฉmergence des PSE face au dรฉfi climatique
CHAPITRE III : ETUDE DE CAS DU REBOISEMENT ET DE LA COMPENSATION CARBONE A ANKOTROFOTSY
Section I : Prรฉsentation du milieu
Section II : Dispositifs mis en ลuvre par le promoteur du projet et ses objectifs
Section III : Bilan en termes de dรฉveloppement pour la localitรฉ
CONCLUSION