Les pactes sur succession future

LA DEFINITION DU PACTE SUR SUCCESSION FUTURE ANTERIEURE A LA REFORME DU DROIT DES SUCCESSIONS

Le législateur s’est abstenu de définir clairement et précisément le pacte sur succession future, laissant le soin à la doctrine et la jurisprudence de s’en charger. En effet, le Code civil se contente de prohiber le pacte sur succession future au travers de différentes dispositions.

Etablir des conventions sur des droits ou des biens purement éventuels du patrimoine successoral du futur défunt paraissait immoral et contraire à l’ordre public. Ainsi l’article 1130, alinéa 2 du Code civil énonce cette prohibition de manière générale : « On ne peut renoncer à une succession non ouverte, même avec le consentement de celui de la succession duquel il s’agit sauf dans les cas prévus par la loi». Cette interdiction fut rappelée par les articles 791 du Code civil en matière de renonciation à succession, 1388, al. 1er du Code civil en matière de contrat de mariage et 1600 du Code civil en ce qui concerne les règles de vente, ce qui a permis à Henri DE PAGE de qualifier cette interdiction de « prohibition objective ».
La Cour de Cassation a comblé cette absence de définition et l’a livrée dans un arrêt du 10 novembre 1960: « Attendu que, pour qu’une convention ayant pour objet tel ou tel bien particulier constitue un pacte sur la succession future d’une des parties contractantes, il faut d’abord que ce bien soit considéré comme devant former un des éléments de sa succession actuellement non ouverte, ensuite que cette partie attribue à l’autre, dans sa succession, des droits purement éventuels sur ledit bien. ». Cette interprétation n’a jamais été remise en cause par la suite.

On relèvera que deux conditions dégagées par la doctrine semblent suffisantes pour former un pacte sur succession future.

Premièrement, si la doctrine estimait qu’il fallait nécessairement une convention pour avoir un pacte sur succession future, une partie de la doctrine estime que certains actes unilatéraux puissent également faire l’objet d’un pacte sur succession future.

LA NOUVELLE DISPOSITION GENERALE EN MATIERE DE PACTE SUR SUCCESSION FUTUTRE

Analyse du nouvel article 1100/1 du Code civil :Cette prohibition des pactes sur successions futures a été un des points majeurs revus lors de la réforme du droit des successions. Le législateur a souhaité répondre au besoin des citoyens de régler leur succession de leur vivant notamment via une convention avec leurs héritiers présomptifs, dans la transparence afin d’éviter un conflit familial après leur décès.
Le droit doit évoluer avec les changements de la société et avec l’importance croissante attribuée à l’autonomie des volontés18. L’exposé des motifs de la loi du 31 juillet 2017 mentionne : « La famille classique des parents mariés avec des enfants est de moins en moins la norme ». On assiste, aujourd’hui, à une réelle diversité et complexité dans la composition des familles (monoparentale, recomposée, cohabitants légaux, cohabitant de fait, divorcée,). On ajoute à cela que l’espérance de vie a augmenté depuis l’ère napoléonienne sur laquelle le modèle de notre droit successoral est fondée. Les enfants ont, souvent, un certain âge quand ils doivent hériter.

Pour ces différentes raisons, le législateur a passé en revue cette interdiction pour favoriser la demande d’autonomie des belges mais de façon encadrée par la sécurité juridique requise. Au vu de la multitude de situations familiales existantes, il fallait trouver une solution afin de limiter et prévenir les conflits familiaux en terme de successions.
Le pacte sur succession future fut appelé comme un atout majeur dans cette réforme pour prévenir des querelles familiales. Le principe de base en la matière reste, tout de même, l’interdiction des pactes sur succession future mais elle est, selon le législateur, clarifiée et assouplie en élargissant le nombre d’exceptions prévues par la loi. L’article 1130, alinéa 2 du Code civil a donc été abrogé laissant place au nouvel article 1100/1 du Code civil, la nouvelle disposition générale en la matière.

LES PACTES LICITES

Comme nous venons de le voir, un premier pacte est licite conformément à l’article 1100/1, §3 nouveau du Code civil à savoir les pactes à titre onéreux et particulier sur la succession d’une partie.
Mis à part cette possibilité, la nouvelle loi introduit désormais la possibilité de conclure deux types de pactes : d’une part un pacte global et d’autre part des pactes ponctuels.

LE PACTE GLOBAL

L’instauration de « ce pacte familial » est un point majeur de la réforme attendue par le citoyen et une des mesures les plus révolutionnaires de la loi du 31 juillet 2017. Elle est, en effet, inconnue en droit français, suisse et allemand alors que les législations étrangères ont contribué à alimenter les débats en Belgique pour arriver à cette réforme en question.
Dans leur traité de 1949, Henri DE PAGE et René DEKKERS s’interrogeaient sur la question de savoir si les pactes sur succession future étaient réellement dangereux et immoraux et sur l’opportunité d’autoriser certains pactes familiaux. En effet, dans certaines familles, des pactes successoraux « d’honneur » étaient établis sous seing privé par un père ou une mère qui espéraient son exécution après leur mort63. Ces pactes étaient bien-sûr illicites mais montrent bien un certain besoin du citoyen. L’enquête de la Fondation Roi Baudouin de 2016, mentionnée dans les documents parlementaires, a rapporté que 86% des Belges souhaitaient davantage de liberté en matière successorale. Ce rapport avance, d’ailleurs, que le pacte sur succession future pourrait être un bon moyen pour planifier sa succession avec pour objectif d’empêcher que l’engagement pris dans le pacte soit remis en question par la suite et de prévenir des conflits familiaux et contestation ultérieure. Le législateur a répondu au besoin du citoyen d’arranger sa succession de son vivant en toute transparence en instaurant ce nouveau mécanisme dans le droit belge via le nouvel article 1100/7 du Code civil.

LES PACTES PONCTUELS

Outre le pacte global, la réforme du droit des successions lève exceptionnellement l’interdiction des pactes successoraux par les pactes successoraux ponctuels qui sont principalement :
Pactes ponctuels relatifs à la réduction :Premièrement, l’article 918, nouveau, du Code civil qui a été totalement remodelé et repensé par le législateur, prévoit une renonciation anticipée à l’action en réduction des héritiers réservataires à l’égard d’une donation consentie par le futur défunt. L’article 918, ancien du Code civil fut un outil assez utile dans la planification familiale puisqu’il permettait des arrangements familiaux où les héritiers réservataires pouvaient renoncer anticipativement à leur réserve mais dans un champ d’application limité (notamment la possibilité uniquement pour les donations à charge de rente viagère, à fond perdu ou avec réserve d’usufruit mais à l’exclusion par exemple des donations en pleine propriété, mais aussi que le fait que le donataire devait être un héritier présomptif au jour du décès) dont la constitutionnalité a même posé des interrogations.

L’article 918 du Code civil était déjà considéré comme un pacte autorisé à l’époque, mais il semblait souhaitable que le législateur le reformule afin de mettre fin aux difficultés et aux questions incessantes que l’article suscitait. Une des motivations de ce nouvel article est de protéger la transmission sans risque de bien à un héritier dans une situation particulière(par exemple avec un handicap, en difficulté financière ou encore plus apte à gérer certains biens). Le nouvel article permet donc de façon générale et explicite de renoncer anticipativement à l’action en réduction d’une donation déterminée. Le champ d’application controversé a été revu. Il s’applique d’une part, uniquement aux aliénations à titre gratuit mais d’autre part, pour toutes les donations consenties par le futur défunt peu importe la donation et peu importe le bénéficiaire.
Pactes ponctuels relatifs au rapport :Une fois encore, la réforme a permis de trancher une controverse doctrinale concernant la question de savoir si oui ou non il peut être prévu une modification des modalités de rapport dans une convention de don. Pour Henri DE PAGE, « rien de ce qui touchait au rapport n’est d’ordre public ». Selon ces propos, il était possible pour le donateur d’imposer à son successible un rapport en nature alors que la loi prévoyait un rapport en moins prenant ou inversement mais aussi de laisser le choix au successible. Johan VERSTRAETE considérait lui, au contraire, qu’une convention ne pouvait modifier les règles prévues par la loi sous peine d’aboutir à un pacte sur succession future prohibé.

L’article 1100/1, § 1 du nouveau Code civil que nous avons déjà analysé tranche la controverse antérieure en prévoyant qu’aucun acte de donation ne pourra déroger aux règles légales du rapport sauf les exceptions légales prévues dans le Code civil. Trois exceptions de pactes ponctuels concernant le rapport peuvent être conclues soit dans l’acte de donation soit dans une convention postérieure entre les héritiers présomptifs, le donateur et le donataire. Ces pactes devront comme pour les pactes globaux respecter le formalisme prévu à l’article 1100/5.

EFFETS COMMUNS À TOUS LES PACTES AUTORISÉS

Certains effets sont propres aux différents pactes (global ou ponctuel) mais ils existent des effets communs à tous les pactes successoraux autorisés (1100/4, nouveau du Code civil).

MAINTIEN DE L’OPTION HEREDITAIRE (1100/4, §1ER)

La conclusion du pacte n’implique aucune acceptation anticipée de la succession du disposant par l’héritier présomptif, elle n’a pas d’effet sur l’option héréditaire du signataire.
Certains biens ou droits du disposant (notamment des biens non donnés) peuvent ne pas être compris dans le pacte et « la vocation héréditaire à leur égard demeure intacte ».
Concernant le contenu du pacte, l’article 1134 du Code civil à savoir le principe de la convention-loi s’applique. Les parties signataires ne peuvent, en principe, pas se rétracter sauf s’ils sont tous d’accord pour revenir sur le pacte et que cela ne porte pas atteinte aux droits acquis par des tiers (comme le pacte ponctuel de l’article 924, al. 4, nouveau, du Code civil). L’anéantissement sera sans effet sur les tiers.

OPPOSABILITE DU PACTE EN CAS DE SUBSTITUTION (1100/4, §2)

Le pacte s’impose aux héritiers venus par substitution c’est-à-dire par suite de décès, renonciation ou indignité de son auteur. Frédéric LALIERE estime que cette prise de position du législateur réside dans un objectif de maintien de sécurité juridique strictement fonctionnelle et trouve regrettable que le législateur n’ait pas argumenté juridiquement, dans les travaux préparatoires, ce choix.

REVOCATION DE LA RENONCIATION CONTENUE DANS LE PACTE (1100/4, §3)

La renonciation à des droits dans une succession non ouverte comprise dans un pacte sur succession future peut être révoquée, en cas d’ingratitude de la part du bénéficiaire dont les cas sont limitativement énumérés dans la disposition par analogie avec 955 du Code civil à une exception près :
si le bénéficiaire de la renonciation a attenté à la vie du renonçant ;
s’il s’est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves, même s’il n’a pas été condamné pénalement.

Cette révocation ne vaut qu’entre le bénéficiaire et le renonçant, elle a un effet relatif. Mis à part si le pacte prévoit un effet absolu à la révocation (1100/4, §3, al. 2, nouveau, Code civil), la renonciation continue de profiter aux autres héritiers.

DROIT TRANSITOIRE EN MATIÈRE DE PACTES SUCCESSORAUX

La rédaction du droit transitoire de l’ensemble de la réforme fut un dur labeur pour le législateur. Ce dernier fut balancé entre le désir d’offrir immédiatement les changements apportés par la loi aux citoyens et la conscience de la nécessité de garantir une sécurité juridique avec les opérations réalisées sous la loi ancienne dont les effets naîtront sous la loi nouvelle.La règle générale prévoit que la loi nouvelle s’appliquera pour les successions à partir du 1er septembre 2018 y compris les libéralités consenties avant cette date (article 66, §1er de la loi du 31 juillet 2017). La date du décès de la personne est la date à prendre en compte. Les nouvelles règles sur le pacte global et les pactes ponctuels seront immédiatement applicables dès l’entrée en vigueur.
Par dérogation, la validité quant au fond et à la forme des libéralités, des pactes successoraux et des déclarations est régie par la loi applicable au moment de leur réalisation (article 66, §2 de la loi du 31 juillet 2017). Le but est d’éviter que ces opérations valablement établies par la loi ancienne soient remises en cause par la loi nouvelle179 dans un souci de sécurité juridique.
Par conséquent, la réforme est sans impact sur les pactes autorisés avant la réforme. Par exemple, un pacte « Valkeniers » conclu avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi reste valable même s’il ne respecte pas les règles de forme prévu à l’article 1100/5 du nouveau Code civil . Par contre, un pacte non autorisé avant la réforme et établi avant celle-ci, pourrait à priori se voir valider s’il remplissait toutes les conditions de la loi nouvelle.

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Table des matières

Introduction
I. La définition du pacte sur succession future 
A.- La définition du pacte sur succession future antérieure à la réforme du droit des
successions
B.- La nouvelle disposition générale en matière de pacte sur succession future
1) Analyse du nouvel article 1100/1 du Code civil
2) Problèmes soulevés et commentaires
II. Les pactes licites
A.- Le pacte global
1) Introduction
2) Définition et parties au pacte
3) Objet
4) Effets
B.- Les pactes ponctuels
1) Pactes ponctuels relatifs à la réduction
2) Pactes ponctuels relatifs au rapport
C.- Pactes antérieurs à la réforme
III. Capacité
A.- Le mineur
B.- Le majeur visé par une mesure de protection
IV. Effets communs à tous les pactes autorisés
A.- Maintien de l’option héréditaire (1100/4, §1er)
B.- Opposabilité du pacte en cas de substitution (1100/4, §2)
C.- Révocation de la renonciation contenue dans le pacte (1100/4, §3)
V. Sanctions aux pactes non conformes au formalisme ou non autorisés
VI. Droit transitoire en matière de pactes successoraux
Conclusion
Bibliographie

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