Les métaux sont de très bons conducteurs électriques mais absorbent la lumière, alors que les verres d’oxydes, qui sont transparents dans la région spectrale du visible, sont aussi de très bons isolants électriques. Il existe une famille de matériaux, appelés oxydes transparents conducteurs ou TCO (Transparent Conductive Oxides) qui ont la particularité de réunir ces deux propriétés antagonistes, à savoir une très grande transparence dans le visible couplée à une conductivité électrique satisfaisante.
Les premiers TCO ont été réalisés il y a plus d’un siècle. Mais ce n’est qu’à partir des années 1980 que la recherche sur ces matériaux s’est vraiment intensifiée, au point qu’ils sont maintenant intégrés dans des applications que nous utilisons quotidiennement. Le meilleur exemple est l’écran plat, dans lequel l’ITO (Indium Tin Oxide), qui est encore à ce jour le TCO le plus utilisé, entre la plupart du temps dans sa composition. Cependant, il est nécessaire de développer des TCO dont la production est viable dans le temps, et aussi dont les propriétés s’adaptent à des besoins spécifiques. L’oxyde de gallium ou Ga2O3 en fait partie. Ce matériau TCO prometteur a l’intérêt d’avoir des propriétés de transparence excellentes dans le domaine du visible et dans le proche ultraviolet. S’il est dopé avec les éléments chimiques appropriés, il pourrait donc se prêter à des applications qui mettent en œuvre l’émission dans le visible. C’est par exemple le cas des diodes blanches électroluminescentes. Dans le cadre de cette application, l’enjeu est également environnemental, puisqu’il s’agit de remplacer les moyens d’éclairage actuels, très énergivores, par des diodes qui le sont beaucoup moins.
Les oxydes transparents conducteurs ou TCO (Transparent Conductive Oxides)
Historique et atouts
Depuis quelques années, les nouvelles technologies ont connu un essor considérable. Capteurs à gaz, écrans plats de plus en plus larges et de mieux en mieux résolus, cellules solaires et e-gadgets en tous genres font désormais partie de notre quotidien. La plupart de ces produits font appel à des dispositifs électroniques devant répondre à des critères pointus. Les électrodes transparentes sont présentes dans la fabrication de ces dispositifs. Elles sont conçues à partir de couches minces de matériaux qui ont la particularité d’être à la fois bons conducteurs électriques et transparents dans un domaine spectral relativement large autour du visible. Un compromis doit donc s’établir entre ces deux propriétés contradictoires car en effet plus le domaine de transparence optique d’un matériau est étendu et plus la bande d’énergie interdite aux porteurs libres est large, affectant directement les propriétés électriques du matériau.
De telles caractéristiques définissent les oxydes transparents conducteurs, ou plus communément en anglais, les TCO (Transparent Conducting Oxides). Les premières études connues sur ces matériaux datent du début du siècle dernier avec Badeker qui en 1907 fabriqua un film mince de CdO à la fois transparent dans le domaine du visible et électriquement conducteur. Mais la recherche dans le domaine des TCO s’est vraiment intensifiée à partir des années 1980, avec notamment le développement des technologies à écrans plats et des capteurs photovoltaïques.
Les propriétés de l’ITO, In2O3:Sn ont été découvertes en 1954 par G. Rupprecht. Avec un gap de 3.5 eV et donc des propriétés de transparence dans le domaine du visible, et une résistivité électrique de l’ordre de 10⁻⁴ Ω.cm, remarquable pour un oxyde à large bande interdite, l’ITO est actuellement le TCO le plus utilisé dans l’industrie et continuera de l’être, au moins dans un futur proche. En effet, selon des études réalisées par Nanomarkets , le marché des TCO qui représentait en 2009 3,2 milliards de dollars en 2009, passera à 9,4 milliards de dollars en 2015 dont 90% pour l’ITO seul.
L’inconvénient majeur de l’ITO est lié à l’un de ses principaux constituants, l’indium. C’est un métal rare et non renouvelable, que l’on ne trouve principalement qu’en très faibles quantités dans les mines de zinc et de plomb. Ces 10 dernières années, la production massive d’écrans LCD et de cellules solaires a entraîné une forte augmentation de la consommation d’indium et son prix s’est envolé , passant de moins de 100 $ le kg en 2002 à plus de 1000 $ en 2005. Notons toutefois que son prix n’est pas stable puisqu’en mars 2011 il s’achetait à 675 $ le kg.
Pour subvenir à ces besoins en indium, des solutions de recyclage se mettent en place, mais elles restent polluantes pour l’environnement. Une autre solution consisterait à développer des matériaux alternatifs à l’ITO dont les propriétés et les applications possibles seraient au moins, égalées.
Dans ces perspectives, l’oxyde de zinc (ZnO) et ses dérivés font l’objet de nombreuses études. L’AZO (ZnO:Al) fait partie des meilleurs candidats pour remplacer l’ITO. Une autre tendance dans le domaine des TCO consiste à développer des matériaux de type p . La plupart des TCO sont en effet nativement des semi-conducteurs de type n, et les jonctions p-n de matériaux TCO sont nécessaires pour développer des dispositifs électroniques à base de TCO tels que les diodes, les transistors bipolaires, etc. Les TCO de type p sont développés depuis 1997 avec la découverte des propriétés de CuAlO2 par l’équipe de Hosono et al.. Depuis, d’autres TCO semi-conducteurs de type p sont connus : ZnO:Mg, ZnO:N, ZnO:In, ZbO:Sb, NiO, NiO:Li, SrCu2O2, et CuGaO2. Un autre objectif est de développer des TCO dont la gamme spectrale de transparence est étendue jusque dans le domaine de l’UV lointain (<300 nm). Nous reviendrons par la suite sur l’intérêt de ce type de TCO, et notamment sur leurs applications possibles. L’ITO et le ZnO ne sont pas des UV-TCO à cause de leur faible gap (~3 eV). Par contre, l’oxyde de gallium Ga2O3 avec un gap de presque 5 eV est le TCO qui aujourd’hui présente la plus large gamme de transparence. Cependant, c’est aussi une difficulté supplémentaire pour obtenir des valeurs acceptables de conductivité électrique. Ga2O3:Sn atteint néanmoins une résistivité électrique honorable de l’ordre de 10⁻² Ω.cm.
Propriétés électriques et optiques des TCO
Les TCO sont des semi-conducteurs à grand gap (supérieur à 3 eV pour qu’ils soient transparents dans le domaine du spectre visible au moins) dont la résistivité électrique est de l’ordre de 1×10⁻³ Ω.cm, voire inférieure . Les propriétés semi-conductrices des TCO sont dues soit à des lacunes en oxygène, soit à un dopage extrinsèque. Les TCO qui ne présentent pas ce type de défauts sont de très bons isolants, avec des valeurs de résistivité supérieures à 10¹⁰ Ω.cm. En effet, l’énergie thermique kT (où k est la constante de Boltzmann) vaut environ 25 meV à température ambiante, ce qui est insuffisant pour permettre aux électrons de la bande de valence de passer dans la bande de conduction.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 Etat de l’art
1.1. Les oxydes transparents conducteurs ou TCO (Transparent Conductive Oxides)
1.1.1. Historique et atouts
1.1.2. Propriétés électriques et optiques des TCO
1.1.3. Applications industrielles
1.2. Etat de l’art et intérêt de l’oxyde de gallium
1.2.1. Structures cristallographiques
1.2.2. Principales techniques de croissance
1.2.3. Propriétés électriques et singularité des propriétés optiques
1.2.4. L’oxyde de gallium comme matrice hôte de centres luminescents
1.3. Spectroscopie des Terres Rares
1.3.1. Intérêt des Terres rares
1.3.2. Cas du néodyme
1.3.3. Cas de l’europium
Chapitre 2 Techniques d’élaboration et de caractérisation des films minces
2.1. La pulvérisation magnétron radiofréquence
2.1.1. Intérêts de la fabrication des films par pulvérisation
2.1.2. Principe de la pulvérisation magnétron radiofréquence et description du bâti de dépôt utilisé
2.1.3. Paramètres de dépôt
2.2. Méthodologie d’élaboration des films
2.2.1. Nature et préparation des substrats
2.2.2. Traitement thermique des films minces
2.3. Techniques de caractérisation des films minces
2.3.1. Analyse de la composition chimique
2.3.2. Analyses structurales
2.3.3. Propriétés optiques
Chapitre 3 Etude et optimisation des propriétés des films minces d’oxyde de gallium non dopés
3.1. Analyses chimiques des films d’oxyde de gallium
3. 2. Evolution de la cinétique de dépôt Vd
3.2.1. Influence de la puissance radiofréquence PRF sur Vd
3.2.2. Influence de la pression d’argon PAr sur Vd
3.2.3. Influence de la température du substrat Ts
3.3. Influence du traitement thermique sur la structure de l’oxyde de gallium
3.3.1. Structure cristalline : identification de la phase monoclinique du Ga2O3
3.3.2. Propriétés optiques : étude de l’indice de réfraction n et du coefficient d’absorption
3.4. Conclusion
Chapitre 4 Films d’oxyde de gallium dopés aux terres rares (néodyme, europium)
4.1. Effet du dopage sur la matrice
4.1.1. Mesure de la quantité de terre rare incorporée
4.1.2. Cinétique de dépôt
4.1.3. Stœchiométrie
4.1.4. Propriétés optiques : indice de réfraction et coefficient d’absorption
4.1.5. Structure cristalline et texturation
4.2. Activité de photoluminescence des films d’oxyde de gallium dopés au néodyme
4.2.1. Etude de la procédure de recuit
4.2.2. Effet de la nature et de la pression des gaz du plasma
4.2.3. Effet de la puissance radiofréquence
4.2.4. Effet de la concentration en néodyme
4.2.5. Photoluminescence des films déposés sur saphir
4.2.6. Conclusion sur la photoluminescence des films d’oxyde de gallium dopés au néodyme
4.3. Films minces d’oxyde de gallium dopés à l’europium – Comparaison avec le dopage au néodyme
4.3.1. Effet de la concentration en Eu sur la photoluminescence
4.4. Conclusion
Chapitre 5 Etude des mécanismes d’excitation-émission des terres rares dans l’oxyde de gallium
5.1. Voies d’excitation des terres rares dans l’oxyde de gallium
5.2. Luminescence de la matrice β-Ga2O3
5.3. Etude de la luminescence des ions Nd3+ incorporés dans la matrice β-Ga2O3
5.3.1. Evolution de l’émission de PL des ions Nd3+ en fonction de rNd
5.3.2. Couplage matrice-ions Nd3+
5.4. Etude de la luminescence des ions Eu3+ dans -Ga2O3
5.4.1. Vérification du transfert d’énergie matrice-ions Eu3+
5.4.2. Etude des sites d’incorporation des ions Eu3+
5.5. Conclusion
Conclusion