Les oxydes pérovskites ABO3
Les oxydes complexes de structure pérovskite ont suscité beaucoup d’intérêt et ils font l’objet d’une étude approfondie depuis plus de 50 ans. Tout a commencé en 1839 par la découverte du minéral pérovskite CaTiO3 par le géologue Gustav Rose. Ce dernier a nommé cette classe de matériaux en l’honneur du minéralogiste russe L.A. Von Perovski (1792-1856). La formule chimique de la pérovskite est de type ABO3 composée de deux types de cation A, B et l’oxygène comme étant anion. Le cation A est localisé au sommet des arêtes et en coordination cuboctaèdrique avec douze ions O2- tandis que le cation B est en coordination octaédrique avec six ions O2-. L’intérêt de cette famille de matériaux réside dans la variété de combinaisons des cations A et B de tel sorte que les propriétés intrinsèques du matériau dépendent de la nature cationique et également la taille de ces éléments. Cette diversité de taille de ces derniers induit une distorsion ou une rotation des octaèdres BO6 conduisant à un abaissement de la symétrie par rapport à la symétrie cubique et ainsi donner différentes structures dites hettotypes [43], [44].
Cette distorsion des octaèdres entraîne une déviation de la structure idéale cubique Pm3m vers une structure orthorhombique, tétragonale ou monoclinique etc.…
Ainsi, le site octaédrique reste le centre d’intérêt dans les oxydes pérovskite du type ABO3, de tel sorte que le dopage mais aussi la liaison cationique B-O-B (distance et angle) influent fortement sur les propriétés physiques. Ainsi différents degrés de liberté peuvent être utilisés afin de contrôler les propriétés électroniques soit par dopage ou bien par substitution cationique et donc de pression chimique.
Une alternative à cette pression chimique est de déposer les pérovskites ABO3 sous forme de couches minces sur des différents substrats oxydes adaptés structuralement. La croissance epitaxiale des oxydes complexes peut être réalisée à l’aide de différentes techniques comme : (i) l’ablation laser pulsé (PLD) (que l’on va utiliser durant cette thèse) (ii) l’épitaxie par jet moléculaire (MBE) (iii) l’épitaxie en phase vapeur aux organométalliques (MOCVD)… De plus, la synthèse d’un matériau sous forme de couche mince conduit à l’apparition de propriétés physiques qui peuvent être différentes de celles des matériaux à l’état massif grâce à l’effet de la contrainte épitaxiale exercée par le substrat.
Choix du substrat
Le substrat reste un choix judicieux dans le domaine des couches minces. La croissance des couches de haute qualité cristalline nécessite certaines conditions afin d’être réalisée comme : (i) la compatibilité structurale entre la couche et le substrat, (ii) un faible désaccord de maille.
Suivant les cations composants les pérovskites ABO3, le paramètre de maille peut être varié entre 3.7 à 4 Å [47]. en tenant compte du paramètre de maille, différentes combinaisons film/substrat sont possibles. Durant ce travail de thèse, il apparait que le substrat SrTiO3 est le meilleur candidat adapté structuralement à nos matériaux (SVO, LVO et LFO). D’autres substrats pourront être utilisés comme La0.1Sr0.82 Al0.59 Ta0.41O3 (LSAT)et LaAlO3 (LAO) afin d’étudier l’effet de la contrainte imposée par les substrats sur les propriétés de la couche.
Contraintes épitaxiales à l’interface film/substrat
Durant le dépôt du film sur le substrat, le film adapte sa structure et les distances atomiques à celle du substrat de telle sorte que le film est soumis à des contraintes mécaniques. Ainsi, les premières mailles atomiques du film déposé ont tendance à reproduire la même structure que le substrat. Ceci conduit à une distorsion ou/et à une rotation de l’octaèdre BO6. Ce désaccord du paramètre de maille entre le film et le substrat est donné par :
σ (%) = [(a substrat – a couche)/ a substrat] * 100 (équation I.2)
Ce facteur permet de déterminer le type de contrainte ainsi que son intensité induite par le substrat sur le film. Deux cas de figure se présentent :
(i) Dans le cas où a couche > a substrat, le film est en compression. En effet, les octaèdres BO6 s’adaptent afin de compenser la contrainte. Pour ceci les octaèdres peuvent soit subir une rotation ou modifier les longueurs B-O ou les deux à la fois. Cela a pour effet de modifier les angles B-OB avec une augmentation du paramètre hors du plan .
(ii) Si a couche < a substrat, le film subit une contrainte en tension dans le plan ce qui conduit à une compression du film le long de la direction c .
Enfin, les contraintes imposées par le substrat possèdent une épaisseur critique, où des dislocations apparaîtront afin de réduire cette contrainte épitaxiale. Ainsi à partir de cette épaisseur le film sera relaxé et reprendra son caractère proche du massif.
Interface film/substrat du point de vue électrique
En 2001, Herbert Kroemer titulaire du prix Nobel de physique a mentionné dans sa revue « Quasielectric fields and band offsets » [49] que l’interface est le «dispositif». Ainsi aux interfaces se produit des phénomènes nouveaux que l’on ne retrouve pas dans les matériaux massifs. Diverses études ont montré que le couplage de deux oxydes possédant des configurations électroniques différentes conduit à un transfert de charge à travers l’interface. En se basant sur cette idée, plusieurs études ont montré que l’obtention d’une interface conductrice entre deux isolants est possible. Dans ce contexte, le transfert de charge peut être interprété par trois mécanismes : (i) affinité électronique, (ii) différence de l’état de valence et (iii) différence de polarité.
Affinité électronique ou différence d’électronégativité
L’électronégativité dans les oxydes pérovskites de type AMO3 est définie par l’énergie fournie par un électron pour passer de l’état 2p de l’oxygène (O) vers l’état 3d relatif au métal de transition (M), autrement dit, l’écart énergétique séparant les états O-2p et M-3d. Prenons le cas d’une interface entre deux oxydes à base de métal de transition AMO3 et AM’O3. Ainsi, à l’interface AMO3/AM’O3, un plan atomique (AO) est le lien direct entre les deux métaux de transition M et M’ . Par conséquent, un transfert de charge peut avoir lieu entre M et M’ à travers l’interface suivant leur différentes électronégativités .
Une étude réalisée sur une hétérostructure composée d’un métal corrélé LaNiO3 (LNO) et un isolant de Mott LaTiO3 (LTO) a mis en évidence que le transfert de charge conduit à une redistribution électronique au niveau de l’interface LNO/LTO. Cette redistribution s’effectue à l’aide d’un transfert d’un électron localisé initialement sur l’orbital 3d1 du Ti vers l’orbital 3d7 du Ni. Cela conduit à une levée de dégénérescence des orbitales Ni-3d en deux niveaux t2g et teg et s’accompagne d’une ouverture d’un gap de Mott au sein de Ni. Finalement, LNO adopte un caractère isolant, contrairement à son caractère métallique à l’état massif, grâce au transfert électronique à travers l’interface LNO/LTO . Cette étude théorique a été confirmée par des mesures de résistivité réalisées sur le composé LNO et de l’hétérostructure LNO/LTO .
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : Etat de l’art
I. Les oxydes pérovskites ABO3
A. Choix du substrat
B. Contraintes épitaxiales à l’interface film/substrat
C. Interface film/substrat du point de vue électrique
1. Affinité électronique ou différence d’électronégativité
2. Différence de l’état de valence
3. Différence de polarité
II. Les Vanadates AVO3
A. Métaux fortement corrélés : Vanadate alcalinoterreux
1. Le vanadate de strontium SrVO3 sous forme massive
2. SrVO3 sous forme de films minces
3. Métaux fortement corrélés comme étant des oxydes conducteurs transparents (TCO)
B. Isolant de Mott : Vanadates ternaires à base de terre rare RVO3
1. LaVO3 sous forme massive
2. LaVO3 sous forme couches minces
III. Cellule solaire à base LaVO3
A. Etudes expérimentales
B. Etude théorique
IV. Ferrites à base de terre rare
A. LaFeO3 massif
B. LaFeO3 sous forme couche mince
V. Bibliographie
Chapitre 2 : Techniques expérimentales
I. Synthèse des couches minces
A. Principe de l’ablation laser pulsé
1. Ablation de la cible : interaction laser-matière
2. Formation du plasma
3. Dépôt sur le substrat : interaction plasma-substrat
B. Ablation laser pulsé PLD : Paramètres expérimentaux
II. Techniques de caractérisation structurales
A. Interaction rayonnement X- matière
B. Réseau réciproque
C. Configurations de mesures : scans dans le réseau réciproque
III. Caractérisation morphologique : Microscopie à force atomique (AFM)
IV. Caractérisation des propriétés électriques
A. Résistivité électrique
B. Magnétorésistance
C. Effet Hall
V. Caractérisation des propriétés optiques
A. Spectrophotomètre Perkin Elmer : Mesure de transmission et réflexion optique
B. Ellipsométrie
VI. Bibliographie
Chapitre 3 : Elaboration et caractérisation optoélectronique d’un oxyde transparent et conducteur déposé sous forme de couche mince
I. Elaboration et caractérisation des propriétés structurales
A. Conditions de dépôt du SrVO3 sur un substrat SrTiO3 par PLD
B. Caractérisation par diffraction des rayons X
II. Etude des propriétés du transport électrique
A. Mesure de la résistivité électrique
B. Densité n et mobilité µ des porteurs de charge
C. L’effet de la température de croissance sur les corrélations électroniques
III. Etude des propriétés optiques du SVO déposé sur STO
A. Caractérisation par spectrophotométrie en mode réflexion optique URA
B. Analyse par Ellipsométrie
1. Fréquence Plasma par ellipsométrie
2. Conductivité optique σoptique
IV. L’effet de la contrainte exercée par le substrat sur les propriétés optiques du SrVO3
A. Caractérisation par diffraction des rayons X
B. L’effet de la contrainte sur les propriétés de transport électrique
C. Caractérisation par spectrophotométrie en mode réflexion optique URA
V. Conclusions
VI. Bibliographie
Chapitre 4 : Hétérostructures LaVO3 / SrTiO3 : Etudes des propriétés optiques et de transport
I. Croissance et caractérisations structurales de l’hétérostructure LaVO3/SrTiO3
A. Synthèse et conditions de croissance du LaVO3 sur SrTiO3
B. L’effet de la température de croissance sur la qualité cristalline du LaVO3 déposé
C. L’effet de la pression partielle d’oxygène sur la qualité cristalline du LaVO3 déposé
D. L’effet des conditions de croissance sur l’état de surface du LVO
II. Etude des propriétés optiques des hétérostructures à base de LVO
A. L’effet des conditions de croissance sur les propriétés optiques LVO/STO
B. Influence de l’épaisseur des films de LVO sur les propriétés optiques
C. La variation de la bande interdite en fonction des conditions de croissance
III. Etude du transport électrique de l’hétérostructure LVO/STO
A. La variation du comportement électrique en fonction de la pression et la température de croissance
1. L’effet de la pression d’oxygène sur le comportement électrique du LVO/STO : Transition métal-isolant
2. L’effet de la température de croissance sur le comportement électrique du LVO/STO
B. Propriétés de transport électrique sous effet d’un champ magnétique
1. Mesure de la magnétorésistance à l’interface LVO/STO
2. Effet Hall : Densité et mobilité des porteurs de charges
IV. Conclusions
V. Bibliographie
Conclusion