Les oxydes formateurs de réseaux

La compréhension et la description de l’organisation structurale des verres aux différentes échelles demeure l’un des grands défis de l’étude des systèmes vitreux. Au niveau atomique, la physique est dominée par les interactions quantiques qui dictent l’environnement chimique et la coordinence de chaque atome. Pour les verres de silice, par exemple, c’est l’échelle du tétraèdre SiO4. A des distances intermédiaires, comprises entre 2 et 10 Å, une autre forme d’organisation apparaît qui peut être observée dans des systèmes variés, allant des systèmes ioniques [8; 12], aux métaux [1; 14], en passant par les oxydes[7; 13]. Pour un système donné, cet ordre à moyenne distance présente des similitudes dans les phases vitreuses et les polymorphes cristallins, ce qui fait dire à Phil Salmon [11] que les structures cristallines peuvent servir de références pour la description de l’ordre à moyenne distance dans les verres  . Ainsi, l’étude des phases cristallines des systèmes vitrificateurs permet d’acquérir des données utiles à l’analyse de l’ordre à moyenne distance dans le verre.

Les oxydes formateurs de réseaux (SiO2, B2O3, P2O5, et GeO2) sont parmi les systèmes vitrificateurs les plus étudiés, et tirent leur nom du fait qu’ils forment des réseaux amorphes totalement polymérisés, où les métalloïdes sont reliés les uns aux autres par les oxygènes.

L’une des raisons pour lesquelles les oxydes formateurs de réseaux sont tant étudiés est leur grande capacité à vitrifier, ce qui en fait des candidats de choix pour l’étude des phénomènes vitreux. Au sein de cette famille de matériaux, le tri-oxyde de bore B2O3 fait figure d’exception. Tout d’abord, à pression ambiante et à partir du liquide, il est impossible de le faire cristalliser, ce que Uhlmann appelle « l’anomalie de cristallisation » [16]. Le seul moyen connu d’obtenir une structure cristalline de B2O3 est par refroidissement sous pression du liquide  . Ensuite, alors que les autres oxydes formateurs de réseaux ont un riche polymorphisme cristallin (voir par exemple les références [2], [9], [6] pour SiO2, GeO2 et P2O5 respectivement), B2O3 n’a que deux polymorphes connus, dont un à haute pression [15]. Enfin, l’ordre à moyenne distance dans le verre de B2O3 est très différent de celui du cristal [19]. Ferlat et. al. ont en effet confirmé, par des simulations numériques, qu’à pression ambiante, 75% des atomes de bore du verre appartenaient à des anneaux B3O6, appelés « anneaux boroxol » . Ces superstructures n’existent dans aucune des deux phases cristallines connues [4], ce qui résulte en une différence de densités de 30% entre le verre (ρV = 1.8 g.cm⁻³) et le cristal (ρC = 2.55 g.cm⁻³ ) [16]. A titre de comparaison, la densité de l’ α-cristobalite, un polymorphe de SiO2, est de 2.32 g.cm⁻³ alors que celle du verre est de 2.2 g.cm⁻³ [10], soit une différence de densité de seulement 5%.

En 2012, Ferlat et. al. [5] ont résolu ce paradoxe en prédisant l’existence d’un riche polymorphisme « caché » de B2O3. Sachant qu’à basse pression le bore est toujours en coordinence triple, ils se sont servis de la méthode de prédiction de structures développée par Winkler et. al. [17]. Cette méthode se fonde sur une décoration de réseaux triconnectés obtenus par la théorie des graphes, et a été notamment utilisée pour prédire 13 nouveaux polymorphes sp2 du carbone (c’est à dire où chaque atome de carbone est relié à trois autres). En remplaçant chaque atome de carbone par un triangle BO3, Ferlat et. al. obtiennent 13 polymorphes de B2O3, dont le polymorphe connu B2O3-I. Les 12 nouveaux polymorphes sont notés T0, T1, T2… T11 . Les anneaux boroxols étant des superstructures triangulaires, on peut également remplacer les atomes de carbone par des anneaux B3O6. On génère alors 13 polymorphes supplémentaires constitués à 100% d’anneaux. Parmi ces 13 structures, l’une d’entre elles correspond à la topologie du polymorphe connu B2O3-I, dans laquelle les triangles BO3 ont été remplacés par des anneaux boroxol B3O6. Nous notons ce polymorphe B2O3-I-b. Les 12 autres polymorphes formés par des anneaux boroxol sont notés T0-b, T1-b, T2-b… T11-b . Notons que parmi les 13 réseaux de Winkler et al. [17], deux contiennent des anneaux, ce qui se traduit par la présence de deux polymorphes (T8 et T10) constitués à 50% d’anneaux boroxol parmi les Ti . La structure de ces 26 polymorphes a ensuite été optimisée (par relaxation des forces et du tenseur de stress à T = 0 K et P = 0 Gpa) en utilisant la théorie de la fonctionnelle de la densité dans l’approximation du gradient généralisé (generalized gradient approximation).

Non seulement ces prédictions réconcilient B2O3 avec les autres oxydes formateurs de réseaux en lui attribuant un riche polymorphisme, mais elles permettent également de rendre compte des autres propriétés remarquables de l’oxyde de bore. En prédisant l’existence de cristaux composés d’anneaux boroxol à une densité proche de celle du verre, cette étude indique une similitude de l’ordre à moyenne distance entre le verre et ces cristaux. Par ailleurs, le fait que ces nouveaux polymorphes soient énergétiquement proches du cristal connu pourrait indiquer la présence d’une frustration énergétique du système expliquant l’anomalie de cristallisation.

L’étude menée par Ferlat et. al. est cependant limitée par la qualité des prédictions numériques. Il a en effet été démontré que l’approximation du gradient généralisé sousestimait les différences d’énergies entre les polymorphes de SiO2, et prédisait même une phase haute température (la α-cristobalite) comme étant le cristal de plus basse énergie [3]. De plus, les propriétés des cristaux prédits n’ont pas été étudiées, alors que certains d’entre eux présentent une structure poreuse et pourraient donc avoir des propriétés comparables à celles des zéolites. Le but de cette thèse est donc de compléter et d’approfondir les travaux effectués par Ferlat et. al., d’une part en affinant leurs prédictions par des méthodes ab initio plus complexes (théorie de la fonctionnelle de densité incluant les effets de van der Waals et Monte Carlo quantique), et d’autre part en étudiant les propriétés de ces nouveaux cristaux. Nous commencerons par présenter les méthodes ab initio que nous avons utilisées, puis nous comparerons leurs performances sur un cas où des références expérimentales existent, à savoir les polymorphes de SiO2. Une fois que nous aurons évalué la qualité de ces techniques sur ces systèmes, nous étudierons comment les prédictions de Ferlat et. al. se trouvent affectées par l’application de ces méthodes.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

1 Introduction
1.1 Références
2 Méthodes
2.1 Le problème électronique
2.2 Théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT)
2.2.1 Fondements de la DFT
2.2.2 Le problème de la corrélation : choix de la fonctionnelle
2.2.3 Vers une inclusion de la corrélation à longue portée
Correction empiriques : DFT-D
Fonctionnelles non locales : vdW-DFT
2.3 DFT et calcul de propriétés
2.3.1 Propriétés élastiques
2.3.2 Fréquences phononiques
2.4 Monte Carlo quantique
2.4.1 Intégration stochastique
2.4.2 Monte Carlo variationnel
2.4.3 Fonction d’onde et Optimisation
2.4.4 Monte Carlo diffusionnel
2.5 Traitement des systèmes étendus
2.5.1 En DFT
Fonctions de base
Pseudo-potentiels
Moyenne sur les points k
2.5.2 En QMC
Choix de la base
Pseudo-potentiels
Passage à la limite thermodynamique
2.6 Références
3 Polymorphisme de SiO2 par méthodes ab initio
3.1 Energies et densités
3.1.1 Résultats DFT-D et vdW-DFT
3.1.2 Résultats QMC
3.2 Équations d’état
3.3 Structures cristallines
3.3.1 Faujasite
3.3.2 Ferrierite
3.3.3 Cristobalite
3.3.4 Quartz
3.3.5 Coésite
3.3.6 Stishovite
3.4 Conclusion
3.5 Références
4 Polymorphisme de B2O3 et lien avec la structure vitreuse
4.1 Étude par théorie de la fonctionnelle de la densité
4.1.1 Étude des polymorphes connus : B2O3-I et B2O3-II
4.1.2 Propriétés électroniques
Données expérimentales
Sur la nature de la liaison B-O
PBE vs LDA
PBE vs rVV10
PBE vs DF2
4.1.3 Étude du polymorphisme basse densité
Énergies et densités
Corrélations entre structure et énergie
4.2 Étude par Monte Carlo quantique
4.2.1 B2O3-I
4.2.2 T10
4.3 Discussion
4.4 Lien avec le verre de B2O3
4.5 Conclusion
4.6 Références
5 Conclusion

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *