Les oxalates de calcium, CaC2O4∙nH2O

La lithiase, du grec lithos signifiant pierre, est un mal ancestral. Les premiers cas avérés remontent à l’Egypte antique, certaines momies présentent en effet des reliquats de calcifications pathologiques [1]. Communément appelé calcul rénal, on peut relever à travers l’histoire de nombreux cas célèbres, et bien que désormais traitée efficacement médicalement, la lithiase a eu un impact important voire même surprenant sur plusieurs faits historiques. On peut citer par exemple le philosophe Epicure, qui d’après Hermarque (Lettres d’Hermarque), mourut de rétention urinaire causée par des calculs rénaux. Napoléon III quant à lui souffrait de lithiase vésicale, ce mal compromit grandement sa capacité à gouverner notamment lors de la guerre contre l’empire Prusse : il décède lors d’une tentative d’opération [2]. Un témoignage célèbre sur cette maladie nous vient de Montaigne, atteint de la gravelle (nom donné à l’époque à la lithiase urinaire). Il dépeint ses douleurs et symptômes dans ses nombreux essais : « L’opiniâtreté de mes pierres, spécialement en la verge, m’a parfois jeté en longues suppressions d’urine, de trois, de quatre jours : et si avant en la mort, que c’eût été folie d’espérer l’éviter, voire désirer, vu les cruels efforts que cet état m’apporte. » [3]. Il mourut à 59 ans probablement de cette maladie, après une dizaine d’années de douleurs et de tentatives de traitements. Ramsès II, Anne de Bretagne, Isaac Newton, Charles Darwin, Benjamin Franklin,… tous ces personnages ont en commun d’avoir souffert de lithiase au cours de leur vie. De nos jours, les progrès médicaux et scientifiques ont permis une avancée remarquable dans les traitements et diagnostics de la maladie. En France, 9,8 % de la population de plus de 45 ans a déjà vécu un épisode de lithiase urinaire. Il est intéressant de noter que la prévalence de la lithiase urinaire dépend de la classe socio-économique du patient. Dans la population à haut niveau socioéconomique, ayant des régimes alimentaires variés, bien souvent complétés par de nombreuses protéines animales et un cadre sanitaire sain, les calculs rénaux apparaissent assez tardivement (entre 30 et 60 ans). Dans des populations à niveau de vie plus faible, la lithiase se développe dès l’enfance, majoritairement chez l’homme à cause d’une hygiène de vie plus aléatoire et une diversité alimentaire pauvre (en céréales, végétaux…) [4]. Le traitement des lithiases urinaires est difficilement chiffrable. Cependant, il peut être estimé à environ 850 000 000 € si on se base sur les prédictions faites en Allemagne [5]. Cela en fait un problème majeur qui peut être évité par des actions de prévention et qui nécessite toujours plus de recherche exploratoire.

La lithogénèse prend place dans les reins, organes dédiés à la filtration du sang, permettant de rejeter les éléments non réabsorbés via l’urine. Le rein est un organe pair, d’environ 150 g et mesurant 12 cm de longueur, 6 de largeur et 3 d’épaisseur environ (chez l’homme).

Un calcul rénal correspond donc à une concrétion résultant de l’agglomération de cristaux associés à une matrice organique. La lithogénèse, c’est-a-dire l’ensemble des processus qui conduisent à la formation de calculs rénaux, peut être séparée en sept étapes principales [8] :
– La sursaturation des urines : ce premier processus définit les conditions initiales nécessaires pour permettre l’apparition des premiers cristaux. Dépendant du pH principalement, il correspond à la concentration des espèces ioniques susceptibles de précipiter.
– La germination cristalline : la précipitation initiale évolue lors de cette étape donnant naissance aux premières nanoparticules.
– La croissance des cristaux : cette étape correspond au grossissement des nanoparticules inorganiques d’une centaine de nanomètre à des tailles variant de 1 à 100 μm.
– L’agrégation des cristaux : rapidement les cristaux vont s’attirer et s’agréger ensemble. C’est lors de cette étape que les calculs peuvent être retenus dans les micro-canaux des reins.
– L’agglomération cristalline : du fait de la présence de macromolécules urinaires (comme la protéine de Tamm-Horsfall par exemple), d’autres cristaux vont venir s’agglomérer, participant à la croissance du calcul.
– La rétention des particules cristallisées : c’est durant cette étape que les calculs vont être bloqués dans les reins via quatre processus possibles : (i) l’adhésion à la surface de l’épithélium, (ii) la rétention du fait de la taille, (iii) l’accrochage direct par l’intermédiaire d’une autre phase inorganique ou de macromolécules et (iv) le blocage dans un repli ou une cavité.
– La croissance du calcul : il s’agit de la croissance du calcul directement dans le rein jusqu’à élimination par voie naturelle ou via une opération chirurgicale ou un traitement.

En suivant cette logique de formation, on obtient un nanocomposite, mélange complexe de phase(s) minérale(s) et de protéines ou autres molécules organiques (nous parlerons de matrice organique dans la suite du manuscrit). En ce qui concerne la composition de la phase minérale des calculs rénaux, elle est très dépendante du régime alimentaire et donc très différente d’un patient à l’autre. Néanmoins, il est possible de dresser un tableau des composants majoritaires de ces calculs.

Les oxalates de calcium, CaC2O4∙nH2O 

Les oxalates de calcium, de formule CaC2O4∙nH2O avec n = 0, 1, 2, 3, sont largement décrits comme étant les principales composantes inorganiques des calcifications pathologiques. Dans le corps humain, ces phases cristallines sont issues de la précipitation des ions oxalates avec des cations Ca2+ du fait notamment de la sursaturation de ces espèces ioniques ou d’un changement « brutal » de pH. Celle-ci se déroule presque exclusivement au niveau des reins, majoritairement dans les tubules collecteurs et le bassinet et donne naissance à ce que nous appelons couramment les calculs rénaux .

Dans des conditions physiologiques, les oxalates sont partiellement absorbés à partir des aliments tels que le cacao, le thé, les épinards, les baies, etc. (oxalates exogènes) dans le système gastro-intestinal (GIT), et en grande partie produits via le métabolisme hépatique (oxalates endogènes). Les oxalates exogènes représentent une faible partie (de 10 à 15 %) de la quantité totale présente dans le corps, la majorité d’entre eux étant éliminée par les bactéries intestinales en tant que source d’énergie ou dans les fèces. Les oxalates produits directement dans le corps sont, quant à eux, partiellement éliminés par le foie mais restent prédominants (90 à 95 %) par rapport aux oxalates exogènes. Les reins restent les organes privilégiés permettant d’éliminer les oxalates de l’organisme ; environ 90 % sont filtrés dans ces derniers alors que le reste est traité par l’intestin.

Le calcium est quant à lui un élément extrêmement présent dans le corps humain : le tissu osseux en contient près de 99%, tandis que 1% restant se situe dans les espaces intra- et extracellulaires. Environ 50% du calcium sérique est sous forme ionisé libre, tandis que 10 % sont liés à des bicarbonates, des citrates, des lactates et des phosphates. Les 40 % restants sont liés à des protéines plasmatiques (comme l’albumine). Contrairement aux oxalates, les aliments représentent la seule source de calcium pour l’organisme [2]. Chez l’homme, la quantité quotidienne de calcium filtrée par les glomérules rénaux est d’environ 10 grammes, tandis que la quantité excrétée via l’urine en 24 heures varie entre 100 et 300 mg. Cela signifie que 98-99 % du calcium filtré par le rein est réabsorbé dans l’organisme [2]. Le lien entre l’augmentation de l’excrétion urinaire du calcium et la néphrolithiase a été décrit pour la première fois dans les années trente. En effet, environ 50 % des patients affectés par des lithiases urinaires souffrent également d’hypercalciurie (4 mg/kg), par rapport à 2-5 % de la population en bonne santé.

La cristallurie (c’est-à-dire la présence de cristaux dans les urines) est caractérisée par un phénomène de sursaturation dans les reins. Cette dernière est donc défini par la quantité d’oxalate de calcium dissous dans l’urine primitive (avant réabsorption par les reins) et/ou l’urine [3].

Les différentes phases d’oxalates de calcium hydratés

Comme expliqué ci-dessus, les oxalates de calcium représentent la phase minérale majoritaire des calculs rénaux : ils peuvent exister sous plusieurs formes cristallines. Les deux phases prépondérantes rencontrées dans la lithiase urinaire sont la phase monohydratée CaC2O4∙H2O (appelée COM par la suite) et la phase dihydratée CaC2O4∙2H2O (COD). Une troisième phase cristalline peut être rencontrée, CaC2O4∙3H2O, appelée COT, mais elle est largement minoritaire au sein des calculs. Il existe d’autres phases d’oxalate de calcium, notamment la forme amorphe (notée ACO) qui suscite beaucoup d’intérêt dans le domaine biomédical de par sa probable apparition avant la cristallisation de COM/COD [4]. La forme anhydre, CaC2O4 (notée COAnh) est, quant à elle, beaucoup moins étudiée.

Oxalate de calcium monohydraté (COM) : whewellite 

Son nom étant relié à William Whewell, un scientifique britannique, la whewellite est l’oxalate le plus présent dans les calcifications pathologiques (environ 2/3 des oxalates de calcium [5]) : il est de ce fait le plus étudié actuellement. De formule chimique CaC2O4∙H2O, il cristallise dans le système cristallin monoclinique et a pour groupe d’espace le P21/c (Figure 1-2). Issue de calculs rénaux, de plantes ou de sédiments, la whewellite a suscité un intérêt scientifique dès sa découverte : ce n’est qu’un peu plus tard que les travaux réalisés ont été utilisés à des fins de diagnostic médical. En 1965 Arnott et coll. [6] proposent une structure fondée sur la diffraction des rayon X. Malgré un échantillon présentant des impuretés, les auteurs ont pu identifier la phase COM à partir d’un extrait de plante. Ils ont ensuite pu comparer leurs résultats avec ceux antérieurs de Pecora et coll. [7] effectués sur une concrétion septarienne de calcaire. Plus récemment, plusieurs travaux intéressants ont permis d’affiner la structure de COM : on peut citer les articles de Tazzoli et coll. [8], Hochrein et coll. [9] et Deganello et coll. [10], [11]. Ces derniers ont établi des structures de COM à différentes températures et montrent qu’il peut y avoir un changement réversible de groupe d’espace de P21/c à I2/m vers 328 K.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1: SYNTHESES ET CARACTERISATIONS DES MATERIAUX D’INTERET : OXALATES ET PHOSPHATES DE CALCIUM
1. Les oxalates de calcium, CaC2O4∙nH2O
a) Les différentes phases d’oxalates de calcium hydratés
b) Produits thermodynamiques et cinétiques
c) Synthèses mises en œuvre
d) Méthodes de caractérisation
2. Apatite et apatites substituées
a) Structures hexagonale et monoclinique
b) Substitutions et rôle des carbonates
c) Synthèses mises en œuvre
d) Méthodes de caractérisation
CHAPITRE 2: RESONANCE MAGNETIQUE NUCLEAIRE ET DYNAMIC NUCLEAR POLARIZATION
1. RMN à l’état solide : généralités
a) Interactions pour un spin I = ½
b) Noyaux quadripolaires : spécificités
2. Rotation à l’angle magique
a) Déplacement chimique et anisotropie de déplacement chimique (Chemical Shift Anisotropy CSA)
b) Interaction dipolaire directe D
c) Interaction quadripolaire
d) Ultra hauts champs magnétiques et ultra haute fréquence de rotation MAS
3. Séquences d’impulsions
a) High Power DECoupling (HPDEC)
b) Cross Polarization (CP)
c) HETeronuclear CORrelation (HETCOR) et Decoupling Using Mind-Boggling Optimization (DUMBO)
d) Saturation-récupération
4. Dynamic Nuclear Polarization (DNP)
a) Bref historique
b) Eléments de théorie
c) Tendances actuelles de la DNP MAS
d) Méthodologie et préparation des échantillons
e) Avantages et inconvénients de l’expérience DNP
5. Calculs ab initio de paramètres RMN
a) Théorie de la fonctionnelle de la densité
b) Les différentes approximations
c) Ondes planes et approximation des pseudopotentiels
d) Déplacement chimique : approche GIPAW (Gauge Including Projector Augmented Wave)
CHAPITRE 3: RMN ET DNP MULTINUCLEAIRE APPLIQUEES AUX COMPOSES SYNTHETIQUES : OXALATES DE CALCIUM HYDRATES ET HYDROXYAPATITE
1. Autour des oxalates de calcium hydratés
a) Caractérisation par RMN des phases d’oxalates de calcium hydratés
b) Effets de la température et de la pression sur les spectres RMN de COM, COD et COT
2. Autour de l’hydroxyapatite (HAp) et des HAp substituées
a) Approche par RMN 1H, 31P et 13C MAS/CP MAS en phase solide
b) Noyaux quadripolaires : RMN 23Na et 43Ca MAS en phase solide
3. Augmentation de sensibilité par DNP MAS : mise en place des protocoles expérimentaux à partir de CHAp
a) Choix du solvant et du biradical (« DNP juice »)
b) Expériences 2D DNP CP MAS double et triple résonances
c) Expériences 2D 13C DNP CP MAS double et triple résonances en abondance naturelle
d) Expériences 2D 43Ca DNP CP MAS double et en abondance naturelle
4. Augmentation de sensibilité par DNP MAS : oxalates de calcium hydratés synthétiques, CaC2O4·nH2O
a) Recherche d’un couple {solvant/biradical} compatible avec les phases COM, COD et COT
b) Interprétation des cartes 2D 1 H → 13C DNP HETCOR CP MAS : cas du COM
5. Conclusion
CONCLUSION

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