Les outils mobilisés pour enquêter la perception du risque de submersion marine

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Les différents types de submersions marines

Il est possible de différencier trois types de submersions. La submersion par franchissement concerne les inondations provoquées par le déversement de paquets de mer (aussi appelé jets de rive comme dans la figure 0.1) qui franchissent l’ouvrage de protection ou le cordon littoral et inondent les terres basses situées en arrière (Mercier et al., 2013). Le jet de rive est généré par le déferlement des vagues les plus hautes (wave run up). La hauteur du run up est influencée par le profil topographique de la plage, l’énergie des vagues ainsi que le type d’ouvrage de protection (Cariolet, 2011). Le vent augmentera le run up s’il souffle de la mer vers la terre (Figure 0.1).
La submersion par débordement survient quand le niveau d’eau est supérieur à la hauteur de l’ouvrage de protection ou du cordon littoral (Cariolet 2011 ; Mercier et al., 2013). Le niveau d’eau est déterminé par la hauteur de la surcote liée aux vagues (wave set up) (Figure 0.1). Les submersions marines de secteurs abrités du vent, tels que les estuaires, se produisent généralement par débordement et non par franchissement. Le phénomène de débordement peut être amplifié par la morphologie de ces secteurs abrités qui concentrent la houle et favorisent l’élévation du plan d’eau en cas de présence de petits fonds (Cariolet, 2011). En secteur non abrité, la submersion marine peut être générée dans un premier temps par des franchissements auxquels s’ajoute un phénomène de débordement.
Une submersion marine peut être également provoquée par la rupture de l’ouvrage de protection ou du cordon dunaire suite à l’attaque des vagues de run up (Mercier et al., 2013) et à l’augmentation du niveau d’eau par le phénomène de set up. Se forme alors une brèche par laquelle l’eau s’engouffre. Les submersions par rupture sont extrêmement dangereuses, car de vastes zones peuvent être inondées et l’eau peut mettre un temps conséquent à s’évacuer par écoulement gravitaire (Mercier et al., 2013).

L’exposition aux submersions marines

Les submersions marines représentent un risque majeur compte tenu des pertes humaines, environnementales et économiques qu’elles peuvent entraîner, particulièrement dans les zones côtières densément peuplées (Small et Nicholls, 2003 ;  McGranahan et al., 2007). Le risque de submersion marine est susceptible d’augmenter (Nicholls et Cazenave, 2010) étant donné l’élévation attendue du niveau de la mer (Church et White, 2006 ; GIEC, 2014), l’évolution démographique en zone littorales (Nicholls, 2004 ; Lutz et Samir, 2010,) ainsi que la concentration des enjeux dans ces mêmes zones (Michael, 2007 ; Meur-Ferec et al., 2008). McGranahan et al. (2007) ont déterminé que les zones côtières de basse altitude (jusqu’à dix mètres) représentent à l’échelle du monde 2 % des terres et comptent 10 % de la population soit environ 600 millions de personnes.
Plusieurs exemples récents illustrent l’exposition croissante des zones basses côtières aux submersions marines. Le golfe du Bengale est la région du monde la plus exposée aux submersions marines provoquées par une activité cyclonique (Breilh et al., 2013).
En 2008, le cyclone Nargis a causé la mort de 130 000 personnes au Myanmar (Wolf, 2009). Le golfe du Mexique figure aussi parmi les régions les plus exposées aux submersions marines. En 2005, l’ouragan Katrina a fait plus de 1 500 morts et 84 milliards de dollars de dommages (Blake et al., 2007). Enfin, nous pouvons également citer la catastrophe par le typhon Haiyan qui a frappé les Philippines en 2013 entraînant la mort de 6000 personnes et des dommages estimés à 802 millions de dollars (Mori et al., 2014).
Les côtes des latitudes moyennes sont aussi impactées par des submersions marines induites par des tempêtes extra-tropicales. C’est le cas de la partie méridionale de la mer du Nord, particulièrement exposée aux submersions marines par sa configuration et sa bathymétrie (Walker et McGraw, 2010). En effet, l’environnement étroit et peu profond de cette zone se répercute sur les niveaux d’eau pendant les tempêtes. Quand un événement de tempête coïncide avec une faible pression atmosphérique et une marée montante, les vagues de tempêtes peuvent être très importantes. Ainsi, en 1492, 10 000 personnes ont trouvé la mort et soixante-douze villages ont été détruits aux Pays-Bas (Walker et McGraw, 2010). L’exposition des zones côtières néerlandaises, particulièrement importante compte tenu de la pression démographique et des conquêtes successives de terres sur la mer, a entraîné la mise en place de systèmes de défense colossaux à l’image du Plan Delta (Alcantara-Ayala et Goudie, 2010).
En France, la dernière inondation littorale majeure a été associée à la tempête Xynthia dans la nuit du 27 au 28 février 2010. Plus de 50 000 ha de terres ont été inondés et 55 villes ont été touchées sur la côte atlantique. Au cours de cet événement tragique, 47 personnes ont perdu la vie dont 41 par noyade (Kolen et al., 2010 ; Vinet et al., 2012 ; Breilh et al., 2014 ; Chadenas et al., 2014 ; Creach, 2015 ; Chaumillon et al., 2017). Les inondations ont généré des dommages évalués à 2,5 milliards d’euros (Lumbroso et al., 2011 ; Creach et al., 2015). En 2017, les territoires d’outre-mer des Antilles ont connu plusieurs cyclones et dépressions tropicales. Irma, un des cyclones majeurs de cette saison cyclonique, a provoqué des submersions marines à Saint Barthélemy et Saint Martin le 6 septembre.

La gestion du risque de submersion marine

En France, les mesures et outils de gestion du risque de submersion marine sont nombreux et présentent des objectifs différents. Certains sont dédiés à la préparation et à la gestion de crise comme les Plans Submersion rapide, d’autres à l’organisation des secours et à la gestion de crise à l’échelle départementale, il s’agit du dispositif ORSEC (Organisation de la Réponse de Sécurité Civile). Des outils servent à la prévention auprès des populations à l’échelle de la commune, il s’agit du DICRIM (Dossier d’Information Communal sur les Risques Majeurs) ou à l’échelle du département, à savoir le Dossier Départemental des Risques Majeurs. D’autres sont des outils d’identification tels que les cartographies TRI (pour Territoires à Risques importants d’Inondation) mises en place dans le cadre Stratégie Nationale de Gestion des Risques d’Inondation (SNGRI) (MEDDE, 2014b). Enfin, le Plans de Prévention des Risques Littoraux (PPRL) (MEDDE, 2014a) est un outil réglementaire dont l’objectif est la prise en compte le risque dans l’occupation du sol à l’échelle d’une ou plusieurs communes.
Il est considéré comme le principal outil de gestion des risques naturels en France.
La thèse mobilise deux types de cartographies de l’aléa submersion marine : les cartographies TRI et les cartes d’aléa présentes dans les PPRL. Ces deux types de zonages sont utilisés pour déterminer la stratégie d’échantillonnage des enquêtes (chapitre 2) mais également pour analyser les différences entre les perceptions des habitants et les estimations des experts (chapitre 4).

Les cartographies des Territoires à Risques importants d’Inondation (TRI)

La cartographie des Territoires à Risques Importants d’Inondation (TRI) s’inscrit dans le cadre de la Stratégie Nationale de Gestion des Risques d’Inondation (SNGRI) mise en place suite à la Directive Inondation nb 2007/60/CE (23/10/2007) adoptée par la Commission européenne relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation (MEDDE, 2014b). Les cartographies TRI ne constituent pas un substitut aux PPRL, mais le processus d’identification des TRI peut mener à la définition d’un PPRL.
L’identification des TRI se fait à l’échelle des districts hydrographiques. Elle prend en compte tous les risques d’inondation en incluant les submersions marines. Les Directions Régionales de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL) sont chargées d’animer et de mettre en oeuvre les objectifs définis par la Directive Inondation. Comme c’est le cas des PPRL, les cartographies TRI rassemblent des cartes d’aléas et des cartes d’enjeux. Les cartes d’aléas présentent plusieurs scénarios : fréquent, moyen, moyen intégrant le changement climatique et extrême. Le scénario moyen est comparable au scénario de référence des cartes d’aléas présentes
dans les Plan de Prévention des Risques Littoraux (MEDE, 2014a).

La prise en compte du risque dans l’occupation du sol : les Plans de

Prévention des Risques

En France, les principaux outils de gestion des risques naturels sont les Plans de Prévention des Risques Naturels (PPRN). Ils s’appliquent à tous les types de risques naturels et visent à organiser l’occupation des sols, dont l’urbanisation, en fonction des risques à l’échelle locale (Pottier et al., 2005 ; Chadenas et al., 2014 ; Perherin et al., 2012, 2016). Parmi ces plans, on compte des Plans de Prévention des Risques Littoraux (PPRL). Les PPRL s’appliquent au recul du trait de côte, à la migration dunaire et à la submersion marine. Ils ont pour objectifs d’interdire les nouvelles constructions dans des secteurs à risques, d’améliorer la pérennité des constructions soumises aux risques et de préserver les zones naturelles et agricoles (MEDDE, 2014a). Ces principes sont mis en application dans le zonage réglementaire, document final du processus d’élaboration du PPRL. Ce zonage réglementaire correspond à l’interaction des cartes d’aléas littoraux (submersion marine et érosion) avec une carte d’enjeux qui recensent les différents éléments d’un territoire dont l’exposition directe ou indirecte aux aléas les rend vulnérables. Le premier guide méthodologique de l’élaboration des PPRL a été publié en 1997 (MATE/METL, 1997). Il a montré des limites en matière de caractérisation de l’aléa submersion marine. Depuis 1997, la disponibilité des données et l’évolution des outils a permis une amélioration des méthodes de modélisation de l’aléa (Pérherin et al., 2012).
La tempête Xynthia a révélé le manque de mesures pour renforcer la production et la mise en place de plan à échelle locale, la résistance des populations à adopter les plans de prévention des risques, les manques en matière de maintenance des dispositifs et ouvrages de défense ainsi qu’une mauvaise compréhension des dispositifs d’alerte de la part des autorités locales et la population (Weichselgartner et Pigeon, 2015). Elle a aussi révélé des lacunes dans la compréhension et la modélisation du phénomène de submersion marine. Face à ce constat, la Direction Générale de la Prévention des Risques (DGPR) a commencé la révision du guide méthodologique de l’élaboration des PPRL. Ainsi, la circulaire du 27 juillet 2011 présente notamment les nouveaux éléments de caractérisation du phénomène de submersion marine. Les cartes d’aléas devront dorénavant intégrer une meilleure prise en compte des phénomènes naturels associés à la submersion marine. Elles devront également prendre en compte les ouvrages de protection et les cordons dunaires ainsi que leurs interactions avec les phénomènes de submersion marine. Les effets du changement climatique seront nécessairement intégrés dans les cartes d’aléas. Dans la première version du guide méthodologique, les PPRL ne comprenaient qu’une seule carte d’aléa correspondant au scénario de référence. La circulaire du 27 juillet 2011 impose la réalisation d’une deuxième carte correspondant à l’aléa à horizon 2100 qui intègre une élévation du niveau d’eau de 0,60 cm par rapport à l’aléa de référence. Enfin, elle préconise une méthode de caractérisation de l’aléa qui prend en compte le contexte hydraulique local (MEDDE, 2014). Comme le soulignent Pérherin et al., (2012, p.3), afin de résumer les modifications dans l’analyse du phénomène de submersion marine et la réalisation des cartes d’aléas, « les améliorations proposées vont toutes dans le sens d’un meilleur réalisme des hypothèses concernant les phénomènes littoraux ».
L’élaboration d’un PPRL s’articule autour de trois étapes qui intègrent des phases de concertation :
• 1ère étape : Études techniques (analyse du fonctionnement du littoral, caractérisation de l’aléa, analyse des enjeux)
– Consultation des communes
– Réunion publique
• 2ème étape : Élaboration du zonage et du règlement
– Réunion publique
– Enquête publique
• 3ème étape : Approbation par le∙a préfet∙e
D’un point de vue réglementaire les Plans de Prévention des Risques Littoraux n’ont pas vocation à prendre en compte la perception du risque par les habitants des communes concernées. Néanmoins, si la perception du risque par les habitants était comprise et prise en compte, l’application de la réglementation pourrait être plus efficace et la réglementation en elle-même mieux admise.

La perception du risque de submersion marine

Cadre théorique

Selon Slovic (1987, p.280), « studies of risk perception examine the judgments people make when they are asked to characterize and evaluate hazardous activities and technologies » (ce qu’il est possible de traduire par « les études de la perception du risque explorent les jugements que les individus font lorsqu’il leur est demandé de caractériser et d’évaluer des activités ou des technologies dangereuses »). Les individus évaluent le risque différemment en fonction de plusieurs facteurs individuels (Slovic, 1987 ; Cadet et Kouabénan, 2005). C’est particulièrement le cas pour les individus non experts, contrairement aux experts qui tendent à évaluer le risque selon des données objectives (Slovic et Peters 2006; Fleury-Bahi, 2010). Cependant, bien que les évaluations des experts visent une forme d’objectivité, elles demeurent incomplètes et parfois divergentes (Hellequin et al., 2013). Les différences de perception d’un aléa ou d’un risque entre les individus non experts et les individus experts peuvent s’expliquer par diverses raisons, y compris par des difficultés à évaluer la probabilité d’un aléa en raison d’un manque d’information (Botzen et al., 2009 ; Heitz and Shimabuku 2017) ou encore par manque de confiance envers les autorités (Goeldner-Gianella et al., 2017).

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1: Les communes littorales exposées au risque de submersion marine : comparaison de quatre sites d’étude en France
1.1. Barneville-Carteret
1.2. Saintes-Maries-de-la-Mer
1.3. Châtelaillon-Plage
1.4. Sainte-Anne
Chapitre 2: Enquêter la perception du risque de submersion marine : données et participants 
2.1. Les outils mobilisés pour enquêter la perception du risque de submersion marine
2.2. Participants et procédure d’enquête
Chapitre 3 Effet de l’optimisme spatial et du pessimisme temporel sur l’évaluation de l’exposition au risque de submersion marine
3.1. Objectifs et rappel des hypothèses
3.2. Méthode
3.3. Résultats
3.4. Discussion
Chapitre 4: Perception spatiale des zones exposées aux submersions marines : apport de la cartographie à l’enquête
4.1. Objectifs et rappel des hypothèses
4.2. Méthode
4.3. Résultats
4.4. Discussion
4.5. Perspectives d’exploitation du corpus de cartes de perception des zones exposées aux submersions marines
Chapitre 5: Perception de l’exposition du domicile au risque de submersion marine : déterminants spatiaux et individuels
5.1. Objectifs et rappel des hypothèses
5.2. Méthode
5.3. Résultats
5.4. Discussion
Conclusion générale
Annexe
Bibliographie
Table des figures
Table des tableaux
Table des matières

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