La vocation charpente généralement l’orientation vers l’exercice d’une profession de santé, vocation liée à des valeurs humanistes qui guideront au quotidien la pratique. Pourtant le pharmacien d’officine n’est couramment pas associé à cette image de soignant mais à celle d’un épicier nanti, loin des vertus de bienveillance, prévention et sécurité, inhérentes au métier de pharmacien. Se recentrer sur la pratique de la ‘médecine’ est essentiel pour le devenir de notre métier. Nos connaissances reconnues du médicament mais aussi nos connaissances ‘médicales’ ainsi que notre compréhension de l’architecture des services de santé sont une plus-value sur lesquelles il convient de s’appuyer. Aujourd’hui, les institutions de santé publique et les syndicats professionnels s’investissent dans ce sens. Les nouvelles missions confiées au pharmacien d’officine suite à la Loi HPST sont une véritable opportunité pour que la pharmacie d’officine reprenne sa place parmi les soignants aux côtés des médecins notamment. Il semble donc opportun d’investir ces nouvelles missions, de considérer leur place dans notre métier aussi bien que dans la coordination des soins. Leur mise en place peut paraitre compliqué tant elles sont pour la plupart chronophages nécessitant un véritable investissement de la part du pharmacien. Il s’agit donc bien d’un investissement d’avenir. Aussi, dans un premier temps, nous reprendrons les étapes historiques et législatives dont découle l’élaboration de ces missions qui seront ainsi précisées. Dans un second temps, nous présenterons l’enquête que nous avons effectué sur soixante pharmaciens d’officine d’une part, soixante-sept étudiants d’autre part, sur la pratique des nouvelles missions, l’objectif principal étant d’obtenir des réponses sur les freins à leur mise en route. Enfin, dans une troisième partie, nous proposerons quelques pistes pour une meilleure intégration des nouvelles missions tant au plan de l’officine qu’à celui de l’exercice coordonné .
Les origines du métier de Pharmacien
« Tout est poison et rien n’est sans poison ; la dose seule fait que quelque chose n’est pas un poison » ainsi s’exprimait Paracelse. « Le Pharmacien est le gardien des poisons ». Sur cette acception, le métier de pharmacien existe depuis des millénaires mais n’a eu de cesse d’évoluer. Il s’est façonné avec le temps, gagnant en responsabilités, donc en reconnaissance. Il est aujourd’hui codifié. Le terme «poisons » fait allusion aux remèdes utilisés, composés d’éléments d’origine végétale, animale ou minérale. Il rappelle le danger qu’il peut y avoir en consommant ces substances de façon inadaptée. Le rôle primordial du pharmacien est là : il faut le bon médicament pour le bon patient au bon moment.
Finalement, la Pharmacie est née avec la Médecine et plus les connaissances augmentent, au plus il y a un besoin de segmenter les deux métiers, de se spécialiser.
Revenons à l’histoire. A la préhistoire une pratique de la médecine dite instinctive nait de l’observation de la nature et des animaux. Parmi les premiers textes médicaux, ceux trouvés en Irak datant de 2600 ans av JC, font allusion à l’utilisation des plantes pour traiter des symptômes. Les papyrus d’Eber en Égypte datent de 1500 avant l’ère chrétienne. Citons par ailleurs les premières pharmacopées retrouvées en Inde et en Chine, pays précurseurs dans l’art de guérir. L’Antiquité mettra à l’honneur des savants tels que Hippocrate, Galien ou encore Dioscoride. A la différence des époques précédentes, où la Médecine est imprégnée par les croyances, Hippocrate est le premier médecin à se baser sur l’observation et le rationalisme. Quant à Galien, médecin et pharmacologue, il fut le premier à codifier les médicaments (remèdes simples, spécifiques ou combinés). Il est le fondateur de l’allopathie.
Durant le Moyen-Âge et jusqu’au XIXème siècle, le christianisme demeure influent et persuade certains que la foi, à elle-seule, peut guérir. En même temps, au XIIIème siècle, Frédéric II, empereur des Romains, sépare juridiquement les corporations des médecins de celle des apothicaires dans le Saint Empire. En France, ce nouveau statut d’apothicaire peine à se faire une place, gagnant dans un premier temps les grandes villes du sud comme Montpellier puis Avignon, Toulouse … La confusion entre le simple épicier et l’apothicaire, responsable de la préparation et de la vente des drogues, demeure. Il faudra attendre la déclaration royale de 1777 pour que la corporation des apothicaires de Paris devienne le Collège de Pharmacie, reconnaissant celle-ci comme un « art précieux à l’humanité ». Le monopole de la pharmacie est né. La Révolution Française déstabilise la reconnaissance naissante des pharmaciens. L’enseignement théorique et pratique devenu public, contrôlé par l’État, n’est autorisé que dans trois écoles : Montpellier, Paris et Strasbourg. Quatre matières sont enseignées : botanique, chimie, pharmacie et histoire naturelle du médicament. Ces écoles donneront naissance plus tard aux Facultés de Pharmacie. A la fin du siècle des lumières, ce métier est donc déjà réglementé et le rôle du pharmacien défini. Cependant, Bonaparte confèrera l’appellation « pharmacien » et promouvra le modèle individualiste de la profession, mettant fin aux corporations. Le monopole déstabilisé un temps, est réaffirmé. Les pharmaciens continuent de lutter contre le charlatanisme et surtout de faire des avancées dans le domaine des sciences pharmaceutiques. A ce titre, 1818 voit naitre le premier Codex, ancêtre de la Pharmacopée Française. Au XIXème siècle, en France, les premiers textes de loi apparaissent avec notamment l’interdiction de pratiquer illégalement la médecine ou la pharmacie et l’interdiction aux apothicaires d’exécuter des ordonnances relevant d’un exercice illégal de la médecine, sous peine d’amende (1). Ce n’est que plus récemment que les rôles du pharmacien ont été décrits explicitement par le Cespharm, Comité d’éducation sanitaire et sociale de la pharmacie française, créé par l’Ordre National des Pharmaciens (2) qui étaient auparavant centrés sur l’acte de dispensation et l’exécution de préparations magistrales.
Il s’agit de :
➤ Assurer la dispensation, le bon usage du médicament ainsi que la bonne compréhension du traitement par le patient.
➤ Participer aux projets de Santé Publique : informer, sensibiliser, promouvoir la prévention mais aussi le dépistage.
➤ Contribuer aux dispositifs de sécurité sanitaire (pharmacovigilance, matériovigilance, alertes sanitaires, retraits de lots).
➤ Coopérer avec les autres professionnels de santé pour assurer la continuité des soins.
➤ Transmettre ses connaissances et partager son expérience avec ses collègues et futurs confrères.
Le contexte réglementaire d’aujourd’hui
Si chaque profession répond à des engagements, responsabilités et devoirs, dans le domaine de la santé, il est nécessaire d’avoir un cadre juridique et des normes qui sont rassemblés dans les textes législatifs.
Le Code de Santé Publique (CSP)
Le Code de Santé Publique (CSP) est un texte législatif créé en 1953, révisé régulièrement depuis. La dernière version en vigueur dite « version consolidée » date à l’heure actuelle du 10/04/2020. Cet important ouvrage, disponible sur le site Legifrance, comporte deux grandes parties, l’une législative et l’autre réglementaire, encadrant le droit de la santé publique. (3) On retrouve ensuite 6 parties :
– Protection générale de la santé
– Santé sexuelle et reproductive, droits de la femme et protection de la santé de l’enfant, de l’adolescent et du jeune adulte
– Lutte contre les maladies et dépendances
– Professions de santé
– Produits de santé
– Établissements et services de santé .
En ce qui concerne la profession de pharmacien d’officine, les parties qui nous intéressent particulièrement sont :
➤ Dans la partie Législative
o Dans la 4ème partie « Professions de santé », le Livre II « Profession de la pharmacie et de la physique médicale » : concernant notamment le monopole des pharmaciens, les règle de l’exercice de la profession de Pharmacien, ou encore l’organisation de la profession.
o Dans la 5ème partie « Produits de santé » dans laquelle se trouvent, entre autres, les articles de lois sur les produits pharmaceutiques (Livre Ier), les dispositifs médicaux (Livre II), l’ANSM (Livre III), les sanctions pénales et financières (Livre IV).
➤ Dans la partie Réglementaire
o Dans la 1ère partie « Protection générale de la santé », se trouvent notamment des sections sur le dossier pharmaceutique et sur le dossier médical partagé (Livre I,Titre I), la politique de santé publique (Livre IV, Titre I), les administrations (Livre IV, Titre II), les ARS (Livre IV, Titre III)
o Partie 4 « Professions de santé », Livre II « Professions de la pharmacie et de la physique médicale
o Partie 5 « Produits de santé » .
La loi HPST
En juillet 2009, la Loi Hôpital-Patients-Santé-Territoire (HPST) est promulguée, portée à l’époque par Roselyne Bachelot, alors Ministre chargée de la Santé. Les 4 axes de la Loi HPST :
• La modernisation des établissements publics de santé (fonctionnement et organisation, qualité de la prise en charge et sécurité des soins, coopération, performance) ;
• L’amélioration de l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire ;
• La prévention et la santé publique ;
• L’organisation territoriale du système de santé : création des ARS, politique régionale de santé, ou encore systèmes d’information.
C’est cette même loi qui est à l’origine des nouvelles missions du pharmacien d’officine car elle prévoit, entre autres, de nouveaux devoirs et de nouveaux rôles pour chaque professionnel de santé dont le pharmacien d’officine. Le pharmacien est alors plus intégré que jamais au système de soin.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I – LE CONTEXTE
A. Les origines du métier de Pharmacien
B. Le contexte réglementaire d’aujourd’hui
1. Le Code de Santé Publique (CSP)
2. La loi HPST
3. La Loi de Financement de la Sécurité Sociale (LFSS)
4. La Convention Nationale organisant le rapport entre les pharmaciens titulaires d’officine et l’Assurance Maladie
5. Les décrets
C. L’organisation de la santé sur le territoire
1. Le système de santé en France
2. Le maillage territorial des officines
3. Les Maisons de Santé
4. Les pôles de santé
5. Les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé
6. Un seul outil : La Plateforme Territoriale d’Appui
D. Les Nouvelles Missions
1. Intervention pharmaceutique – le cœur du métier
2. La Dispensation adaptée
3. Éducation Thérapeutique du patient & Entretien pharmaceutique
4. Bilan Partagé de Médication (BPM)
5. Vaccination
6. Test Rapide d’Orientation Diagnostic (TROD)
7. Téléconsultation
8. Dispensation sous protocole
E. Des outils pour le pharmacien d’officine
1. Le dossier pharmaceutique (DP)
2. Le dossier médical partagé (DMP)
PARTIE II – ENQUETE SUR LA PRATIQUE DES NOUVELLES MISSIONS
A. Matériels & Méthode
1. Élaboration des questionnaires
2. Diffusion des questionnaires
3. Récupération des résultats
B. Résultats & Discussion
1. Présentation générale des résultats de l’enquête
2. Analyse catégorielle
C. Conclusion & Perspectives
1. Les nouvelles missions et leur essor
2. Le manque évident de moyens
3. La promotion souhaitable de l’exercice coordonné
4. DP & DMP
5. Des perspectives d’avenir
PARTIE III – PROPOSITION D’UN PLAN D’ACTION A L’ECHELLE DE L’ENTREPRISE
A. État des lieux de l’organisation
B. Des outils pour gagner en productivité
1. Les LADs
2. Amélipro, un service gratuit
3. DP & DMP
4. Le questionnaire Girerd
5. Des aides à la compréhension
6. A chaque pathologie son application
7. Mettre en lumière des traitements inadaptés
8. Médicament & insuffisance rénale
9. BiMédoc
10. Des bases de données
C. Un lieu propice de ‘consultation’
D. La formation de l’équipe
1. Se documenter
2. Formation continue et formation qualifiante
CONCLUSION
BIBLIOGRPAHIE
ANNEXES