Les origines du bruit neutronique

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Un bref historique

L’étude du bruit neutronique n’est pas nouvelle et a été très florissante dans les années 1970 et 1980. Si elle a été quelque peu délaissée entre les années 1990 et le milieu des années 2000, la problématique revient petit à petit au premier plan. En voici un bref historique.
La naissance et les années fastes du bruit neutronique
L’origine du bruit neutronique puise sa source dans les expériences d’oscillations effectuées sur la pile au graphite de Clinton à Oak Ridge dans le Tennessee [120]. Cette pile est communément considérée comme le premier véritable réacteur nucléaire et a été construite après la pile de Fermi en 1943 par ce qui est connu aujourd’hui sous le nom de ORNL (Oak Ridge National Laboratory). Ces toutes premières expériences d’oscillations n’ont pas été menées dans le cadre d’un programme de diagnostic d’anomalies mais simplement pour déterminer des données nucléaires comme la section efficace d’absorption thermique. L’analyse théorique de ces expériences est développée dans l’un des articles fondateurs du bruit neutronique de Weinberg et Schweinler [155].
Quelques années plus tard, au tout début des années 1970, il fut constaté que les vibrations anormales des barres de commande survenant dans le réacteur à haut flux de ORNL (High Flux Isotope Reactor) pouvaient être détectées et identifiées grâce aux spectres des détecteurs placés à l’intérieur du cœur. Des problèmes d’obstruction de tuyaux avaient aussi pu être détectés grâce à la même technique dans le réacteur à sels fondus expérimental de ORNL (Molten Salt Reacteur Experiment) [57]. C’est ainsi qu’est véritablement né le concept de diagnostic et de surveillance des réacteurs nucléaires par l’étude du bruit neutronique : « These experiences show that noise analysis can be used for some types of reactor malfunction diagnoses and parameter measurements when other methods cannot be used either because of the environment (radiation or temperature) or a lack of space for sensors. » [57]. En guise d’illustration, la Fig. 1.1 présente l’un des tout premiers systèmes de diagnostic par l’étude du spectre d’une chambre d’ionisation mis en place dans le réacteur à haut flux HFIR.
À partir du début des années 1970, de très nombreuses études et analyses ont alors été menées comme celles sur le réacteur de puissance Palisades aux États-Unis (réacteur à eau pressurisée de 800 MW encore en fonctionnement dans le Michigan) concernant la détection des vibrations des supports de cuve [58], ou encore celles sur les vibra-tions des internes de cuve dans le réacteur à neutrons rapides Phénix [152]. Dès l’année 1974 se tient en Italie le premier symposium sur la surveillance et le diagnostic des réacteurs nucléaires connu sous le nom de SMORN pour « Symposium on Nuclear Reactor Surveillance and Diagnostic ». Ils seront 5 dans les années 1970 et 1980 (1974 en Italie, 1977 aux États-Unis, 1981 au Japon, 1984 en France et 1987 en Allemagne) puis seulement 3 dans les années 1990 et 2000 (1991 aux États-Unis, 1995 en France et enfin 2002 en Suède). Ces symposiums rassemblent de très nombreuses communications sur des thèmes liés aux techniques de surveillance et de diagnostic des composants du circuit primaire, allant du capteur aux techniques de traitement des informations recueillies.
L’expérience des réacteurs rapides français
L’industrie et la recherche nucléaire française se sont intéressées dès le début des années 1970 à cette problématique du bruit neutronique. Citons par exemple la note technique interne au CEA de 1972 sur l’expérience NABO détaillant des essais de détection d’ébullition dans Rapsodie par l’analyse spectrale d’un détecteur acoustique [28], ou encore une seconde note technique de 1974 qui pose les premières pierres d’un grand projet d’analyse et de surveillance des réacteurs rapides français Phénix et Superphénix [89]. De très nombreuses études ont ainsi été menées dans ces deux réacteurs pendant plus de 30 ans [21, 40, 91, 94, 95, 152]. Un premier système d’analyse de bruit en ligne, ANABELIX (ANalyse de Bruit En Ligne de PhénIX dont le concept est résumé en Fig. 1.2), a été mis en place sur Phénix dès 1982 [22] puis un second plus performant, ANABEL, pour Superphénix dès sa mise en service [90].
Des propositions d’améliorations avaient même été présentées dans l’objectif de mettre en place un troisième système pour Superphénix 2 [92] mais les problèmes de Superphénix et sa fermeture prématurée en 1997 ont mis un sérieux coup d’arrêt au projet de surveillance des réacteurs par le bruit neutronique mené par le CEA. Ce projet n’a pas pour autant totalement disparu comme en atteste l’immense base de données SARA qui regroupe l’enregistrement de nombreux détecteurs de Phénix de 2000 à 2010 et qui constitue une masse d’informations formidable pour continuer l’étude du bruit neutronique. Ces données n’ont cependant été que très peu exploitées jusqu’à présent [167, 168].
Un travail expérimental très important a donc été mené pendant de nombreuses années sur les rapides français. Citons [92] et [93] qui résument clairement l’expérience du bruit neutronique sur les rapides français jusqu’au milieu  des années 1980. Si, en France, la majorité de l’expérience sur le bruit neutronique nous vient des réacteurs rapides, plusieurs études ont tout de même été réalisées sur les réacteurs à eau pressurisée comme celles sur la centrale de Bugey 2 par exemple ou de Fessenheim [36, 37].
Un nouveau souffle depuis quelques années
Après l’engouement des années 1970 et 1980 pour le bruit neutronique et tous ses champs d’application pour la surveillance et le contrôle non destructif d’un cœur de réacteur nucléaire, le sujet est petit à petit passé au second plan jusqu’au milieu des années 2000. Depuis quelques années, un regain d’intérêt pour l’étude du bruit neutronique semble se manifester de plus en plus fortement.
Entre les années 1990 et 2010, l’étude du bruit neutronique n’a pas disparu, loin de là comme en atteste les multiples publications dans de grandes revues comme Annals of Nuclear Energy ou Progress in Nuclear Science (nous aurons l’occasion d’en citer tout au long de ce manuscrit). Mais malgré ces nombreuses communications, l’analyse du bruit n’est presque plus portée par les grands instituts de recherche (CEA, ORNL…) ou les grands industriels du secteur (EDF, Areva…) comme auparavant, mais semble être presque exclusivement portée par quelques instituts de recherche universitaires comme l’université de Chalmers en Suède, auquel nous devons un très grand nombre de travaux sur la théorie du bruit neutronique, ou, plus récemment, l’université de Sharif en Iran ou celles de Kyoto au Japon (nous en parlerons plus en détail en section 1.4.1). Néanmoins, un regain d’intérêt pour le sujet se manifeste depuis quelques années, comme le montre la thèse récente [167] sur le développement du diagnostic d’anomalies par le bruit neutronique dans les réacteurs rapides, fruit d’une collaboration de longue date entre l’université de Chalmers et le CEA (notamment le centre de Cadarache), et cette présente thèse. Ce regain d’intérêt peut être illustré par les récents problèmes de vibrations survenus dans certains types de pré-konvois 4 allemands et espagnols. En effet, l’industriel allemand E.ON a connu, il y a peu, des problèmes de vibrations anormales de ses nouveaux assemblages combustibles dans certains de ses pré-konvois [144]. Ces problèmes étaient tels qu’ils ont été obligés de baisser leur puissance nominale de 20MW thermique pour respecter les consignes de l’autorité de sûreté allemande. Cette baisse de puissance a évidemment un coût économique non négligeable et c’est pour anticiper et pallier ce type d’anomalies que E.ON a investi et continu d’investir dans l’étude du bruit neutronique malgré la fermeture programmée de ses centrales.
Les sources de bruit dans les réacteurs de puissance
La détection, l’analyse et la compréhension de l’origine du bruit neutronique via l’exploitation des signaux des détecteurs est un sujet très vaste et particulièrement complexe. Nous n’allons donner, dans cette section, que les grandes idées sur les méthodes de détection usuellement appliquées. Nous détaillerons en outre les principales sources de bruit connues dans les trois grandes filières que sont les réacteurs à eau pressurisée (REP), à eau bouillante (REB) et à neutrons rapides refroidis au sodium (RNR-Na).
Les outils de détection
La détection du bruit neutronique est essentiellement basée sur l’analyse des signaux des détecteurs de flux posi-tionnés à l’intérieur (« in-core ») ou à l’extérieur (« ex-core ») du cœur. Le type et le positionnement de ces détecteurs vont brièvement être détaillés dans cette section avant que nous nous penchions sur quelques outils propres au do-maine du traitement du signal. Nous terminerons cette section par un rapide focus sur les méthodes d’apprentissage potentiellement exploitables pour analyser en temps réel les signaux des détecteurs et mettre en place un diagnostic en ligne du bruit neutronique.
Mesure du flux neutronique
L’instrumentation nucléaire permettant la mesure du flux neutronique et de la réactivité [75, 99] peut être classée en :
• une instrumentation permanente utilisée pour le pilotage et la surveillance en temps réel du cœur,
• une instrumentation d’essai périodique (tous les 45 jours par exemple) utilisée comme référence pour l’étalon-nage de l’instrumentation permanente et qui permet d’effectuer une mesure complète et précise de la distribution de puissance.
Ce sont donc les détecteurs de flux de l’instrumentation permanente qui sont préférentiellement utilisés pour la mesure du bruit neutronique. Le positionnement des détecteurs de l’instrumentation permanente diffère selon le type de réacteurs (voir Fig. 1.3 pour les réacteurs à eau et Fig. 1.4 pour un exemple sur Superphénix) :
• détecteurs ex-core latéraux pour les REP et sous la cuve pour les RNR-Na,
• détecteurs in-core pour les REB.
Le niveau de flux de neutrons étant très élevé dans le cœur d’un REP ( 1014 neutrons/cm2/s) et les conditions de fonctionnement particulièrement hostiles dans un cœur de RNR-Na 5, l’instrumentation permanente de ces types de réacteurs doit être externe au cœur afin d’éviter la dégradation prématurée des détecteurs, et l’instrumentation interne (les détecteurs in-core) ne peut être que momentanément utilisée. Cette dernière peut cependant être ponctuellement exploitée pour affiner les mesures de bruit. Citons par exemple [9] où une méthode de diagnostic des modes vibratoires de la cuve est développée en utilisant les détecteurs ex-core et in-core d’un REP (ces modes vibratoires seront détaillés en section 1.2.2).
Si la détection du bruit neutronique est en grande partie issue de l’analyse des signaux des détecteurs de flux, les méthodes de détection ne se limitent pas à la simple exploitation de ces derniers mais analysent et comparent aussi ces signaux avec ceux d’autres types de détecteurs comme les sonars ou les thermocouples. Comme nous le verrons concrètement en section 1.3, la détection d’une vibration peut, par exemple, être effectuée en exploitant à la fois des détecteurs de flux et des accéléromètres. Les techniques d’analyse du bruit neutronique ne se basent donc pas uniquement sur l’exploitation des détecteurs de flux mais sur tout un ensemble de types de détecteurs dont ceux concernant la mesure du flux ont, il est vrai, une importance toute particulière.
En temps normal de fonctionnement, les signaux des divers détecteurs sont expérimentalement exploitables entre environ 0,01 Hz et 100 Hz. Les mesures à très basses fréquences (< 0,01 Hz) sont en effet dominées par les bruits de fond du cœur et nécessitent de longues heures d’enregistrement en continu pour espérer pouvoir les exploiter. À très hautes fréquences (> 100 Hz), les mesures sont quant à elles noyées par le bruit de détection, parasite d’un point de vue physique. C’est pourquoi la connaissance des sources de bruit des différents types de réacteurs se limite à cette gamme de fréquences qui va grossièrement de 0,01 Hz à 100 Hz.
Profitons de ce paragraphe pour faire un petit aparté sur la modélisation numérique des réponses des détecteurs de flux. La détermination de la fonction de réponse d’un détecteur est particulièrement complexe (voire impossible en théorie de la diffusion lorsqu’il s’agit des détecteurs ex-core). Dans la pratique, seuls les résultats en théorie du transport et en particulier ceux issus de calculs Monte Carlo sont exploitables (notamment pour les détecteurs ex-core). Pour les calculs déterministes, il est courant d’approximer la fonction de réponse d’un détecteur de flux par le calcul d’un taux d’absorption ou plutôt d’un taux de détection proportionnel au flux neutronique déterminé à l’empla-cement du détecteur. Tout l’enjeu est de savoir correctement approximer la « section efficace de détection » employée pour modéliser cette fonction de réponse (mais aussi d’avoir des codes de transport déterministes capables de simuler suffisamment précisément un flux loin du cœur pour le cas des détecteurs ex-core). Dans les calculs Monte Carlo, il existe des méthodes plus précises basées par exemple sur l’emploi de fonctions de Green ou des cartes d’importance [153, 27]. Bien que directement lié à l’étude du bruit neutronique, ce présent manuscrit ne traite pas de cette problé-matique. Nous avons choisi de nous concentrer sur la modélisation et la résolution numérique des équations du bruit neutronique. À terme, il sera bien évidemment très important de creuser la question pour le cas particulier du bruit neutronique comme cela a déjà été initié dans [81, 82, 167].
Quelques éléments de traitement du signal
L’étude du bruit neutronique étant basée sur l’analyse des signaux réels de divers détecteurs, nous allons, dans ce paragraphe, donner quelques outils propres au domaine du traitement du signal [12, 20, 39]. Il ne s’agit que de quelques outils simples mais fondamentaux, qui donnent une bonne idée de la manière dont nous pouvons exploiter l’information contenue dans les signaux des détecteurs. Nous verrons en section 1.3 comment concrètement ces outils sont utilisés pour détecter une anomalie comme par exemple une vibration d’une barre de commande.
Fonction de corrélation Soient deux signaux x(t) et y(t) réels et à énergie infinie. La fonction d’intercorrélation se définit par : T!+1 T Z+T
Cette fonction permet de mesurer la similitude entre ces deux signaux. Elle est en effet maximale lorsque les deux signaux ont exactement la même forme. Ainsi, si nous observons un pic de cette fonction en 1 par exemple, alors les deux signaux x(t) et y(t) sont, à un certain degré, corrélés entre eux avec un retard de 1. En outre, la fonction d’intercorrélation de deux signaux périodiques de périodes différentes est une fonction périodique dont la période est le plus petit commun multiple de ces deux périodes. Si le rapport de ces deux périodes est un nombre irrationnel, Cxy est nulle. Cette idée de calculer l’interdépendance entre deux signaux pris en deux temps différents suggère que nous pour-rions faire la même chose avec un seul signal x(t) en le comparant à lui-même avec un temps décalé. C’est ce qui est appelé la fonction d’autocorrélation qui se définit simplement par :
T!+1 T Z+T
Cette fonction d’autocorrélation, fonction paire pour les signaux réels et maximale en = 0, permet donc d’étudier la ressemblance d’un signal avec lui-même au cours du temps. Par conséquent, si le signal est périodique, la fonc-tion d’autocorrélation permettra de détecter cette périodicité 6. Si le signal n’est pas strictement périodique mais est seulement caractérisé par des événements répétés avec des fréquences caractéristiques (un morceau de musique par exemple), la fonction d’autocorrélation va être sensible à ces répétitions et va permettre d’identifier les périodicités cachées du signal. Cette fonction nous renseigne aussi sur le degré de persistance d’un signal. En effet, si le signal varie doucement en fonction du temps, alors Cxx sera non nulle pour de faibles retards et nulle pour des retards suf-fisamment grands pour que le signal ait perdu toute dépendance de sa valeur initiale. Au contraire, si le signal varie rapidement, Cxx s’annulera beaucoup plus rapidement puisque le signal retardé aura tendance à être très rapidement décorrélé de sa valeur initiale. La fonction d’autocorrélation permet donc de quantifier la mémoire du signal et donc du phénomène physique qui en est à l’origine. La durée de corrélation est une façon de caractériser cette mémoire et se définit comme étant la durée au bout de laquelle le signal a perdu la mémoire de sa valeur initiale.
Toutes ces propriétés sur les fonctions d’inter et d’auto-corrélations permettent entre autres de détecter un signal périodique noyé dans un bruit. En effet, soient un signal réel périodique x(t) et un bruit blanc b(t) indépendant de x(t) et sans mémoire. Posons s(t) la somme de ces deux signaux. Par distributivité de l’opérateur de corrélation, nous avons :
Css( ) = Cxx( ) + Cxb( ) + Cbx( ) + Cbb( ); 8 2 R: (1.3)
Les deux signaux x(t) et b(t) étant supposés indépendants, Cxb et Cbx sont nulles. De plus, par définition du bruit blanc, Cbb est nulle en dehors de 0. Ainsi, Css( ) = Cxx( ) pour tout 2 R . Ce type de méthode permet de détecter la présence d’un signal même lorsque ce dernier est faible devant le bruit.
Densité spectrale La densité spectrale de puissance (DSP), appelée « power spectral density » en anglais (PSD), est simplement définie comme étant la transformée de Fourier de la fonction d’inter ou d’auto-corrélation : Sxy(!) = Cxy(t)e i!tdt; 8! 2 R: (1.4)
La densité spectrale de puissance permet de représenter la distribution de l’énergie du signal sur l’axe des fréquences. Elle présente donc des pics en présence de périodicité pour un seul signal x(t) ou en présence de corrélations entre deux signaux x(t) et y(t). Sa phase, qui n’a de sens que si jSxy(!)j > 0, représente le déphasage entre x(t) et y(t).
6. Notons que pour les signaux périodiques, la fonction d’autocorrélation conserve l’information sur la fréquence mais pas sur la phase [39].
Dans la pratique, il est plus facile de calculer la fonction d’inter ou d’auto-corrélation en passant par le calcul de la densité spectrale.
Précisons qu’en anglais, la densité spectrale de puissance de la fonction d’autocorrélation est appelée « auto power spectral density » (APSD) et « cross power spectral density » (CPSD) pour la fonction d’intercorrélation.
Fonction de cohérence spectrale Pour quantifier le degré de cohérence de deux signaux x(t) et y(t), c’est la fonc-tion de cohérence spectrale qui est calculée dans la pratique. Cette fonction est définie par :
Sxy(!);8! 2 R:
Cohxy(!) = pSxx(!)Syy(!) (1.5)
Cette fonction de cohérence permet de quantifier le degré de dépendance linéaire et de corrélation entre les densités spectrales de x(t) et y(t). Les propriétés générales de cette fonction sont les suivantes :
• le module de Cohxy est compris entre 0 et 1. Si jCohxy(!)j = 0, x(t) et y(t) sont totalement décorrélés en !, et si jCohxy(!)j = 1, x(t) et y(t) sont totalement corrélés en !.
• la phase de Cohxy n’a de sens et n’est significative que lorsque jCohxy(!)j > 0 (autrement dit, la cohérence entre les deux signaux ne doit pas être négligeable). Elle représente le déphasage entre x(t) et y(t) à la fréquence !.
L’étude de la fonction de cohérence ne permet cependant pas de déterminer un lien de causalité entre les deux signaux mais simplement de dire si oui ou non ils ont tendance à fluctuer en même temps. Deux signaux peuvent donc avoir un fort degré de cohérence mais n’avoir en réalité aucune relation de causalité directe entre eux. Ils peuvent, par exemple, être influencés par un troisième signal z(t). C’est l’étude de la fonction de cohérence partielle qui peut permettre de lever le doute sur l’existence d’un lien de causalité entre x(t) et y(t). La fonction de cohérence partielle de x(t) et y(t) conditionnée par un troisième signal z(t) est définie par :
Cohxy=zPart Cohxy(!)  Cohxz(!)Cohyz(!) ;8! 2 R: (1.6)
(!) = p(1 j Cohxz(!)j2)(1 j Cohyz(!)j2)
Cette fonction va permettre d’éliminer l’influence de z(t) et de mesurer le degré de cohérence directe entre x(t) et y(t). Ainsi, si la variable z(t) a bien une influence sur x(t) et y(t) alors CohPartxy est négligeable et la cohérence ordinaire entre x(t) et y(t) n’était que factice. Un exemple concret d’un tel problème est clairement illustré dans [78].

Automatisation du diagnostic

Afin de pouvoir diagnostiquer et détecter en temps réel les anomalies survenant lors du fonctionnement des ré-acteurs, il est indispensable de disposer à terme de méthodes d’automatisation du diagnostic rapides et efficaces permettant d’alerter en temps réel les opérateurs. Il existe de nombreuses méthodes qui pourraient être adaptées à l’automatisation du diagnostic en ligne. Citons par exemple le krigeage [106], les réseaux de neurones [51] ou encore la méthode du filtre de Kalman [147].
Dans le domaine du bruit neutronique en particulier, c’est l’automatisation par réseaux de neurones qui a été le plus étudiée et le plus analysée [2, 62, 122, 127, 151]. Les réseaux de neurones sont une méthode de méta-modélisation dont le fonctionnement s’inspire des neurones biologiques et qui s’est largement développée dans les années 1980. Comme le détaille [51], « un neurone est une fonction algébrique non linéaire, paramétrée, à valeurs bornées ». Généralement c’est la fonction sigmoïde (fonction monotone croissante et bornée) qui est utilisée. Le réseau de neurones non bouclé à couches (voir Fig. 1.5) « réalise une fonction algébrique de ses entrées, par composition des fonctions réalisées par chacun des neurones ».
Avant d’utiliser un réseau de neurones, il doit être entraîné. Cette étape nécessite une base de formation contenant plusieurs évaluations de la fonction de sortie f que l’on cherche à modéliser en fonction de la variable d’entrée x. La formation du réseau de neurones va consister à trouver les meilleurs poids synaptiques w pour retrouver la fonction
f en fonction de x. Pour le bruit neutronique, cette étape de formation est effectuée grâce à un très grand nombre de simulations réalisées en amont à l’aide de codes de bruit neutronique. Par exemple, pour entraîner un réseau de neurones à la détection d’une vibration d’une barre absorbante dans un réacteur de type VVER 7, les auteurs de [2] ont réalisé, avec leur code de bruit neutronique [1] (voir section 1.4.1), un très grand nombre de simulations de bruit neutronique (50 000). Pour chacune des simulations, l’amplitude d’absorption, la fréquence de vibration et la position de la barre ont été choisies aléatoirement générant ainsi les 50 000 sources de bruit différentes. Pour ce cas précis, les variables d’entrée du réseau de neurones sont le bruit neutronique obtenu à l’emplacement de chaque détecteur de flux et les variables de sortie sont l’amplitude d’absorption, la fréquence de vibration et la position de la barre.
L’un des enjeux de l’automatisation par réseau de neurones est donc de disposer de codes résolvant les équations du bruit neutronique de manière suffisamment précise et rapide afin de pouvoir effectuer rapidement un très grand nombre de simulations pour l’étape de formation. L’étude des méthodes d’automatisation du diagnostic est aussi une opportunité pour déterminer les emplacements et le nombre optimum des détecteurs de flux rendant la détection du bruit neutronique la plus performante possible.
Les principales sources de bruit des différentes filières
Chaque filière de réacteurs a des caractéristiques différentes (type d’assemblages, type de caloporteur et/ou de modérateur, spectre de fission, taille du système…) et ainsi des sources de perturbations différentes. Cette section a pour but de décrire brièvement les principales sources de bruit dans les réacteurs à eau pressurisée (REP), les réacteurs à eau bouillante (REB) et les réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium (RNR-Na). Le lecteur intéressé pourra se référer aux articles [72, 121] concernant les réacteurs à sels fondus par exemple, ou [102] concernant les réacteurs de type VVER. Les différents symposiums SMORN regroupent aussi de nombreuses communications sur presque tous les types de réacteurs. Nous avons choisi de ne détailler que le cas des trois filières qui bénéficient de la plus grande expertise en matière de bruit neutronique.
Ainsi, nous allons détailler dans cette section les spectres de bruit neutronique en temps de fonctionnement nominal pour ces trois types de réacteurs. Il est en effet très important de connaître le plus précisément possible l’allure et les caractéristiques de ces spectres correspondant au fonctionnement normal des réacteurs car c’est entre autres par comparaison avec ces spectres de références que nous pouvons détecter d’éventuelles anomalies.
Les réacteurs à eau pressurisée
Du fait de la pression du caloporteur (entre 150 et 160 bar) à l’intérieur du circuit primaire et de la structure mécanique interne des assemblages et des supports de cuve (voir Fig. 1.6), les principales sources de bruit neutronique dans un REP sont les vibrations de la cuve et des internes de cuve que ce soit les crayons combustibles, les assemblages ou les supports de cuve (« core support barrel ») 8. Chacun de ces éléments a une tenue mécanique et une fréquence de vibration qui lui sont propres et qui peuvent être déterminées grâce à des études de tenue sismique des internes de cuve [135].
La Figure 1.7 détaille la forme typique d’un spectre de bruit neutronique dans un REP. Nous constatons que, comparé aux REB où nous verrons que le bruit est majoritairement gouverné par les variations de densité du calopor-teur, le spectre d’un REP est caractérisé par différents pics de fréquences. Nous allons voir que ces fréquences sont caractéristiques des vibrations des différents éléments mécaniques du cœur.
Les principales sources de bruit dans les REP sont les suivantes [59, 78] :
• à très basses fréquences (< 0,01 Hz) : comme nous l’avons déjà évoqué, il est difficile d’avoir des résultats avec une bonne précision à si basses fréquences. Néanmoins, il est estimé que les bruits causés à très basses fréquences sont issus des fluctuations usuelles engendrées par les actions de contrôle de l’installation. Le bruit à très basses fréquences peut être considéré comme un simple bruit de fond ;
• à basses et moyennes fréquences (entre 0,01 et 1 Hz) : nous observons à ces fréquences une très bonne corré-lation entre les détecteurs de flux ex-core et les thermocouples. Ainsi, la source de bruit à basses et moyennes fréquences provient essentiellement des fluctuations de températures primaires du cœur ;
• à moyennes et hautes fréquences (entre 1 et 50 Hz) : c’est dans cette gamme de fréquences que nous observons la majorité des vibrations mécaniques :
? 1-10 Hz : bruit dominé par les vibrations des crayons combustibles (environ 1 Hz), des assemblages (quelques Hz) et par le premier mode vibratoire des supports de cuve 9 (appelé « beam mode » qui ap-paraît autour de 8 Hz, nous y reviendrons en section 1.3.1) ;
? 10-25 Hz : bruit dominé par les hauts modes vibratoires des assemblages, par le deuxième mode vibratoire des supports de cuve (appelé « shell mode » qui apparaît autour de 20 Hz) et par les vibrations des boucliers thermiques ;
? 25-50 Hz : bruit dominé par les vibrations induites par une propagation des turbulences engendrées par les pompes primaires. Ces vibrations correspondent entre autres à des vibrations verticales des internes de cuve et de la cuve elle-même [14, 15]. Une vibration des seconds supports de cuve 10 est aussi observée autour de 40 Hz.
• à hautes et très hautes fréquences (> 50 Hz) : le bruit à de telles fréquences n’est pas très bien connu et difficile à analyser du fait de sa faible amplitude et du bruit parasite de détection. Il semblerait que des hauts modes vibratoires de certains internes de cuve et de la cuve y soient possibles, notamment vers les 80 Hz.
Cette énumération n’est évidemment pas exhaustive et il peut exister d’autres types de sources mais celles que nous venons de lister sont les principales sources de bruit usuellement constatées dans les REP en temps de fonc-tionnement nominal. Comme nous l’avons évoqué précédemment, il est très important de bien connaître le spectre de référence d’un réacteur en temps normal car c’est par comparaison avec celui-ci que les opérateurs pourront détecter une éventuelle anomalie. Par exemple, si nous savons qu’en temps normal les assemblages de notre réacteur vibrent autour d’une fréquence de 5 Hz, si un pic de fréquence apparaît sur le spectre de plusieurs détecteurs de flux autour de 7 Hz et que celui autour de 5 Hz disparaît, nous pouvons supposer un décalage de la fréquence de vibration d’un ou de plusieurs assemblages et ainsi détecter une éventuelle anomalie sur ces derniers (mauvaises fixations, pression non uniforme…). C’est un exemple volontairement très simplifié mais il permet d’illustrer l’importance de la connaissance du spectre d’un réacteur en temps de fonctionnement nominal.

Les réacteurs à eau bouillante

Comme nous l’avons déjà rapidement évoqué, dans un REB, le bruit est majoritairement gouverné par les variations de densité et par l’ébullition du caloporteur. C’est ce qui explique la forme du spectre du bruit neutronique dans un REB schématisé par la Fig. 1.7(a). À cause de la génération de vapeur à l’intérieur même du cœur et du fort couplage entre la neutronique et la thermohydraulique, l’amplitude du bruit est toujours plus importante dans un REB que dans un REP. La Figure 1.8 rappelle la structure d’un cœur et d’un assemblage combustible de ce type de réacteurs à eau.
Les sources de bruit dans les REB ne sont pas aussi bien délimitées par plages de fréquences que ne le sont celles dans les REP. Nous pouvons néanmoins lister quelques sources de bruit majeures, notamment à partir de 1 Hz [59, 78, 120] :
• > 1 Hz : de manière générale, le bruit est majoritairement gouverné par les perturbations dues à la formation
de la vapeur et donc par les fluctuations de l’écoulement diphasique : une phase liquide en bas du cœur et une phase gazeuse en haut du cœur ;
• autour de 0,5 Hz : des oscillations locales dans les canaux peuvent apparaître à cause de la chute de pression en haut du cœur. Elles surviennent notamment lorsque les assemblages ne sont pas correctement fixés. Des oscillations globales peuvent aussi survenir du fait du coefficient de vide fortement négatif. Ces oscillations peuvent être de phase constante sur tout le cœur ou de phase opposée de part et d’autre du cœur ;
• 1-5 Hz : une vibration des barres de commande cruciformes (très nombreuses dans un REB) ou des tubes d’instrumentation contenant les détecteurs in-core peut être observée (environ 2 Hz) si le débit qui passe entre ces tubes et les quatre boîtiers contenant les crayons combustibles est trop important 11 (voir Fig. 1.9). Ces vibrations peuvent aller jusqu’à exciter la fréquence de résonance des canaux (environ 5 Hz) qui entourent la barre de commande ou le tube d’instrumentation.

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Table des matières

Introduction 
Contexte et objectifs
Organisation du manuscrit
1 Analyse et détection du bruit neutronique 
1.1 Les origines du bruit neutronique
1.1.1 Le bruit neutronique à bas flux et à haut flux
1.1.2 Un bref historique
1.2 Les sources de bruit dans les réacteurs de puissance
1.2.1 Les outils de détection
1.2.2 Les principales sources de bruit des différentes filières
1.3 Exemples de détection et d’analyse
1.3.1 Vibrations des supports de cuve d’un REP
1.3.2 Vitesse d’écoulement du caloporteur d’un REB
1.3.3 Vibrations des assemblages et d’une barre de commande d’un RNR-Na
1.4 Le bruit neutronique, un enjeu majeur pour la sûreté
1.4.1 Les simulateurs actuels de bruit neutronique
1.4.2 Les enjeux pour la sûreté des réacteurs d’aujourd’hui et de demain
1.5 Résumé du chapitre
2 Théorie et équations du bruit neutronique 
2.1 La théorie linéaire
2.1.1 Équation du transport
2.1.2 Approximation de la diffusion
2.1.3 Approximation adiabatique
2.2 Un nouvel état d’équilibre
2.2.1 En théorie linéaire
2.2.2 En théorie non linéaire
2.3 Résolution analytique
2.3.1 Approche directe par les fonctions de Green
2.3.2 Approche indirecte par les fonctions de Green adjointes
2.3.3 Approximations de la cinétique
2.4 Les composantes globales et locales
2.4.1 Analyse du bruit dans un coeur homogène
2.4.2 Analyse spectrale et décomposition du bruit
2.4.3 Propriétés générales des composantes globales et locales
2.5 Résumé du chapitre
3 Méthodes de résolution déterministe 
3.1 Implémentations numériques
3.1.1 Schéma numérique général
3.1.2 La maquette fil
3.1.3 Le code de transport APOLLO3r
3.2 Vérification & Validation
3.2.1 Systèmes à une dimension (maquette fil)
3.2.2 Systèmes à deux dimensions (APOLLO3r)
3.2.3 Systèmes à trois dimensions (APOLLO3r)
3.3 Études d’oscillations des sections efficaces
3.3.1 Coeur à une dimension (maquette fil)
3.3.2 Coeur à deux dimensions (APOLLO3r)
3.3.3 Coeur à trois dimensions (APOLLO3r)
3.4 Résumé du chapitre
4 Méthodes de résolution stochastique 
4.1 Méthodes avec et sans annihilation des poids
4.1.1 Rappel sur la méthode de la capture implicite
4.1.2 Méthode avec annihilation des poids (MCNP4C)
4.1.3 Nouvelle méthode sans annihilation des poids
4.2 Comparaison et analyse des deux méthodes Monte Carlo
4.2.1 Comparaison avec les méthodes déterministes
4.2.2 Influence de la capture implicite et du facteur
4.2.3 Des pistes d’amélioration et de réflexion
4.3 Résumé du chapitre
5 Modélisations et analyses d’une vibration mécanique 
5.1 Modélisations analytiques
5.1.1 Modèle de Feinberg-Galanin-Williams
5.1.2 Modèle =d
5.1.3 Les harmoniques de la source de bruit
5.2 Modélisation numérique d’une vibration périodique d’un volume fini
5.2.1 Modélisation générale
5.2.2 Modélisation adiabatique
5.3 Modélisation numérique d’une vibration périodique d’un Dirac
5.3.1 Modélisation générale
5.3.2 Modélisation adiabatique
5.4 Analyses et résultats
5.4.1 Vibration d’une barre absorbante (maquette fil)
5.4.2 Vibration d’un crayon combustible (maquette fil)
5.4.3 Vibration d’un assemblage combustible (APOLLO3r)
5.5 Résumé du chapitre
Bilan et perspectives
Publications
Références 
Annexes 
A L’alternative de Fredholm
B Fonction de transfert fondamentale à 6 groupes de précurseurs
C Quelques solutions analytiques
D Propagation axiale d’une perturbation dans un coeur à trois dimensions (APOLLO3r)
E Méthode de résolution stochastique testée à l’aide de MCNP5

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