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Lโinjustice
Lโinjustice est dรฉfinie dans Le Grand Larousse comme caractรจre de quelquโun, de quelque chose qui est injuste : une sociรฉtรฉ fondรฉe sur lโinjustice ; actes ou dรฉcision contraires ร la justice : รชtre victime dโune injustice.
En effet, nous prรฉcisons que la justice et lโinjustice sont deux mots diamรฉtralement opposรฉs lโun ร lโautre, mais ces deux mots prรฉoccupent Platon dans sa philosophie. Voici la distinction que Platon nous a montrรฉe dans ses deux concepts : ยซ La justice, dis-je, ressemble donc ร lโhomme sage et bon et lโinjustice ร lโhomme mรฉchant et ignorant ยป2.
On peut dire par lร que Platon comme tout le monde aime la justice par rapport ร lโinjustice. Cโest lร dโailleurs le thรจme que nous allons dรฉvelopper, Platon considรจre lโinjustice comme fruit de lโignorance. Lโhomme injuste a le mรชme caractรจre que celui qui est ignorant. Ce dernier est mรฉchant et nuisible. Il est comme un sauvage car il possรจde les mรชmes caractรจres que lโanimal sauvage. Un animal est mรฉchant car il ne connaรฎt pas la sagesse. Surel plan de lโignorance, lโhomme est รฉgal ร un animal. Lโinjustice selon Platon est un vice. Quelquโun qui agit par rapport ร ses vices, il ne fait que ce quโil veut. Lโhomme injuste provoque dans la citรฉ la haine entre lui et les autres. Platon dit :ยซ Lโinjustice fait naรฎtre entre les hommes des dissensions, des haines et des รฉlitesโฆ ยป1.
Lโinjustice introduit des dรฉsaccords entre les hommes de la citรฉ. Sโil y a un dรฉsaccord rien ne va. Cโest pour cela que Platon ne cesse, dโune maniรจre ferme, de blรขmer lโinjustice. Cette derniรจre est aussi qualif iรฉe dโignorance. Lโhomme injuste qui correspond ร un ignorant, conduit son รขme vers diff รฉrentes sortes de maladies : mรฉchancetรฉ, vice, etc.
Nul nโest permis de faire lโinjustice ou de juger injustement. Cโest ce que les sophistes ont fait. Dans ce cas, Socrate dit : ยซ On ne doit donc pas non plus rรฉpondre ร lโinjustice par lโinjustice, puisquโil nโest jamais permis dโรชtrenjustei ยป2.
Ainsi, Platon a dรฉmontrรฉ que lโinjustice rรฉgnait dans la citรฉ athรฉnienne en prenant lโexemple de la condamnation ร mort de son maรฎtre Socrate. Nous rappelons que ce dernier nโรฉtait pas un philosophe de mรฉtier. Il nโรฉtait pas aussi comme les sophistes qui enseignent aux citoyens moyennaient finance. Nous prรฉcisons que dans cette pรฉriode, la citรฉ athรฉnienne avait commerรฉgime la dรฉmocratie. Socrate se promรจne en discutant avec les citoyens comme tout le monde le faisait, mais le rรฉgime en place voit mal ce caractรจre et il lโa condamnรฉ. Socrate รฉtait un citoyen simple et modeste. Evoquant cette origine modeste de Socrate. Emile TAKIDY รฉcrit : ยซ Il ne sโagit pas dโun professeur dans une classe de cours, mais dโun homme pauvre, sans souliers, sans manteau, sans chapeau, qui consacre tout son temps ร circuler dans la vill e, entre dans nโimporte quelle maison, interpelle les gens dans la rue : Arrรชte-toi un peu, oรน vas-tu ? Que cherches-tu ? Est-ce le vrai Bien ? ยป3.
Nous voyons ici que Socrate nโa commis aucune faute ni agit ร lโencontre de la loi ou du rรฉgime en place. Socrate entendait conscientiser les Athรฉniens de son รฉpoque. Malgrรฉ tout cela, les sophistes ont mal compris lร oรน Socrate voulait en venir. Dโoรน sa peine de mort. Faisant courageusemen t face ร cette condamnation, Socrate dรฉclare : ยซ Ma meilleur dรฉfense sera de nโavoir jamais commis aucune injustice dans ma vie. Au reste, si je suis condamnรฉ, je mourrai de bon grรขce ; car on ne craint pas la mort, quand on est pur de tout crime ยป1.
Faudrait-il rappeler ici que le dossier dโaccusation de Socrate รฉtait composรฉ de quelques points principaux ร savoir : la corruption de la jeunesse, lโimpiรฉtรฉ ร lโรฉgard des dieux Grecs, mรฉpris de la dรฉmocratie.
En fait, lโaccusation lancรฉe contre Socrate est une injustice dans la justice. Socrate a le mรชme droit comme les autres de sโexpri mer partout oรน il se trouve. Mais puisquโil a รฉtรฉ simple et sans autre protection que sa parole, il nโa pas รฉchappรฉ ร la condamnation. Le rรฉgime en place a dรฉcidรฉ de le supprimer pour libรฉrer lโinjustice. ร propos de cette dรฉcision Socrate dit : ยซ LโEtat nous a fait de lโinjustice, il a mal jugรฉnotre procรจs ยป2.
Concrรจtement, cette injustice รฉtait matรฉrialisรฉe par lโobligation pour Socrate de boire la ciguรซ. Et la ciguรซ รฉtait de deux catรฉgo ries : celle qui est mortelle et lโautre qui ne lโest pas. Mais le tribunal a dรฉcidรฉ de lui donner la premiรจre. Et selon le tribunal Socrate a commis une faute trรจs grave, cโest pour cela quโil est condamnรฉ ร mort. Nous sommes convaincus que cette peine de mort est la plus forte punition pour quelquโun qui est coupable.
Socrate a donc bu la ciguรซ pour libรฉrer son รขme. Il a acceptรฉ lโinjustice faite par les gouvernants puisquโil se sent innocent. Il sait trรจs bien quโil nโa rien fait du mal, mais il nโavait pas le choix. Dans cette perspective Socrate dit : ยซ [โฆ] quโil vaut mieux subir lโinjustice que de la commettreโฆ ยป3.
Assumant jusquโau bout son choix, Socrate annonce : ยซ Voici quโil est lโheure de nous quitter, moi vers la mort, vous vers la vie. Qui de vous ou de moi, sโen va vers la meilleure affaire ?
Cโest le secret de la divinitรฉ seule ! ยป
Selon lui la vie et la mort sont les mรชmes. Il ne v oit pas la diffรฉrence, partageant ainsi le mรชme point de vue quโEpicure. C โest pour cela que ce dernier a dit : ยซ si la mort est lร , il ne sera plus lร et vice versa ยป. A quoi bon avoir peur de quelque chose dโabsent ?
Dโautre part, signalons que cette รฉlimination de Socrate est une victoire du mensonge sur la vรฉritรฉ et de lโinjustice sur la justice. Cโest pourquoi Platon tente de trouver une autre forme de gouvernement qui respectera dโabord les citoyens de la citรฉ, puis qui respectera aussi la loi et la justice. Que chacun reste ร sa place sans empiรฉter sur affaires des autres.
En terme dรฉfinitif, cโest ce qui concerne lโinjustice et maintenant on va aborder le concept du dรฉsordre social qui est le dernier sous-titre du deuxiรจme chapitre de la premiรจre partie.
Le dรฉsordre social
Rappelons que Platon a pensรฉ ร une รฉducation profonde du citoyen, pour pouvoir sauvegarder la citรฉ de tout ce qui est nuisible ร lโhomme. En effet, comme on lโa briรจvement soulevรฉ dans lโintroduction, la citรฉathรฉnienne souffrait de deux maux, ร savoir du cรดtรฉ moral au sein de la sociรฉtรฉ, et delโautre celui de la politique dans le cadre de lโEtat souverain en place. Du cรดtรฉ moral au sein de la sociรฉtรฉ car le juste et le bien, รฉtant le fondement de la philosophie athรฉnienne, ne sont pas observรฉs. Et du cรดtรฉ politique de lโEtat souverain en place, il y alโabsence dโhommes dโEtat ร la fois compรฉtents et intรจgres. Ces deux calamitรฉs transforment la citรฉ en un lieu de malaise gรฉnรฉral pour les citoyens athรฉniens. Platonprendra ces problรจmes comme point dโappui ร sa thรฉorie pour trouver une solution efficace pour tous les citoyens de la citรฉ. Il comprend que les maux dont souffrent lโEtat et la sociรฉtรฉ ne sont curables quโau moyen dโune rรฉforme radicale de la sagesse et du cadre รฉtatique. Le philosophe prรฉcise : ยซ Pour Platon, en tout cas, le dรฉsordre(โฆ) porte at teinte ร la citรฉ. Il devient impossible ร celle-ci de vivre tranquille selon ses lois, quand les citoyens mรจnent une existence dโoisifs et sโadonnent ร la dรฉbauche ยป1.
Normalement tant quโun pays nโest pas stable, automatique rien ne marche. Nous remarquons aussi que les maux de la citรฉ basรฉs sur deux diffรฉrentes crises ne seront pas rรฉsolus sans changer dโabord les hommes. Ces derniers ne sont que les responsables de cet Etat. Nous prรฉcisons encore que ces responsables ne sont que les sophistes qui enseignent de citรฉ en citรฉ, et contre une somme dโargent en รฉchange dโun travail.
Or, ce nโest pas le cas de Socrate ni de Platon qui refusaient tout enseignement payant. La mรฉthode sophistique est comparative de ce quโon appelle actuellement la corruption. Et aussi, les sophistes mรฉlangent les affaires privรฉes et publiques. Tout cela nous renvoie ร un dรฉsordre.
Dโaprรจs tout ce quโon a parlรฉ dans la premiรจre partie, maintenant on va aborder la deuxiรจme partie de notre travail qui est la vision platonicienne du monde.
LA VISION PLATONICIENNE DU MONDE
LES ORIGINES DE LA VISION PLATONICIENNE DU MONDE SENSIBLE
Thalรจs de Milet et origine du monde
Le monde de la philosophie nโest pas un monde clos mais un monde ouvert ร notre interrogation, ร nos questions, ร notre avenir. Ceci est aussi vrai pour lโhistoire de la philosophie que pour la civilisation humaine dans son ensemble. Comprendre nโest pas seulement expliquer ; comprendre, cโest prendre avec soin ce passรฉ humain qui nous prรฉcรจde, qui nous faรงonne, qui nousfait vivre. En effet, retourner ร lโAntiquitรฉ grecque, cโest retourner ร la source de la philosophie, non pas seulement pour comprendre le passรฉ mais aussi et surtout pour nous ressourcer et atteindre son intรฉrioritรฉ afin que nous puissions saisir le sens des รฉvรจnements de notre philosophie. Le miracle de la philosophie franchit les limites de lโespace et du temps. Il chevauche dans un univers en extension ร mesure de lโengagement quโil a de capter les multiples messages lancรฉs par les hommes dโautrefois.
Thalรจs de Milet : ยซ (vers 625-vers545 avant Jรฉsus-Christ) est un philosophe prรฉsocratique ionien de lโรฉcole de Milet, considรฉrรฉ comme le premier des prรฉsocratiques et, en un sens, comme le pรจre de la philosophie. Les connaissances de Thalรจs touchaient tous les domaines. Il est lโauteur dโune thรฉorie ยซ physique ยป, mais aussi dโexplications astronomiques (il se rendit cรฉlรจbre en prรฉvoyant lโรฉclipse de -585), de dรฉcouvertes mathรฉmatiques (le fameux thรฉorรจme de Thalรจs), etc. La lรฉgende le prรฉsente comme objet des moqueries dโune servante, parce quโil serait tombรฉ dans un puits en observant les astres (premiรจre image du philosophe perdu dans les nuages). Cependant, on raconte aussi que cโest sa connaissance des astres qui lui permit de faire fortune. En effet, ayant prรฉvu grรขce ร ses รฉtudes mรฉtรฉorologiques une excellente rรฉcolte dโolives pour lโannรฉe suivante, il se serait assurรฉ le monopole sur toutes les passions ร huile de la rรฉgionโฆ ยป 1.
Ainsi, lโun des grands mรฉrites philosophiques de Thalรจs est dโรชtre le premier ร avoir mis au point une cosmologie oรน les explicatio ns naturelles se substituent aux explications mythologiques. Comme il est le premier vรฉritable philosophe, il affirme que le cosmos peut รชtre connu : ยซ Il emploie un modรจle et considรจre un รฉlรฉment fondamental ร la base de toute chose : lโeau. Selon lui, lโeau se transforme en terre comme lorsque le Nil se retire des terres en laissant de la boue et lโeau peut se transformer en air comme lorsquโelle est en รฉbullition. Le cosmos รฉtant un tout, ce tout doit possรฉder des caractรฉristiques dโunicitรฉ. Pour cela, il faut un รฉlรฉment fondamental. Sa faรงon de traiter les questions est le propre des philosophes ยป 2.
Selon Thalรจs, lโunivers est nรฉ ร partir dโune substance primordiale, lโeau. Cette eau par un processus physique engendre la terre, lโair, le feu. Ces deux derniers seraient lโexhalaison de lโeau et sโen nourrit :
ยซ Thalรจs voit la terre plate flottant sur lโeau avec une bulle dโair de forme hรฉmisphรฉrique au-dessus, puis une qualitรฉ infinie dโeau ailleurs dans le cosmos. Il explique avec ce modรจle les phรฉnomรจnes naturels sans le besoin dโintervention divine. Les tremblements de terre se comprennent mieux si lโon pense quโelle flotte ร la rรฉbellion des Titans enfermรฉs dans le Tatare sous terre ยป3.
Dโaprรจs Thalรจs, en effet, la terre flotte sur lโeau, ce qui fournit, entre autres, une explication ร des รฉvรจnements mystรฉrieux comme esl tremblements de terre : ceux-ci ne doivent plus รชtre prรฉsentรฉs comme rรฉsultant de lโhumeur des divinitรฉs. De mรชme, les mouvements des astres sont soumis ร des l ois de rรฉgularitรฉ qui nโont rien de divin, mรชme si, par ailleurs, une telle constata tion nโempรชche pas Thalรจs dโaffirmer que lโunivers est ยซ peuplรฉ de divinitรฉ ยป.4 Il a donc remplacรฉ lโexplication mythique de lโorigine de lโunivers par une explication physique. Il est mathรฉmaticien, gรฉomรจtre, astronome selon la tradition.
Malgrรฉ ses efforts sur lโorigine du monde, Platon a constatรฉ que ce monde dont parle Thalรจs rรฉside dans le sensible. Le monde sensible est selon Platon celui dans lequel nous vivons, effectue par le changement et la dรฉgradation. Il nโest que lโimitation du modรจle reprรฉsentรฉ par les formes, enquelque sorte sa copie ou le paraรฎtre. Dans ce monde sensible, lโhomme imagine dโailleurs une infinitรฉ de maniรจre de paraรฎtre, issue dโune multiplicitรฉ de sensations.Ce qui fait que ces sensations rendent toute chose incomprรฉhensible ร cause de son mouvement, de son changement, de son instabilitรฉ infinie.
En plus, le problรจme de la connaissance sensible du monde permet ร Platon de lutter contre le relativisme de Protagoras selon lequel ยซ lโhomme est la mesure de toute chose ยป. Ce relativisme anรฉantit, dรฉtruit la connaissance de lโhomme en la faisant dรฉpendre dโun รฉtat subjectif et empirique de lโindividu. On constate par lร quโici le monde sensible est mรฉpris. Cโest sous cet angle quโon voit la relativitรฉ des sensations. Ces derniรจres varient suivant lโindividu, dans lโapprรฉhension des choses. Socrate dit : ยซ Crois-tu quโil en soit ainsi des รชtres et que leur essence soit relative ร chaque individu, comme le disait Protago ras, quand il affirmait que lโhomme est la mesure de toute chose et que par consรฉquent tels ils me paraissent ร moi, tels ils sont pour moi, et que tels ils te paraissent ร toi, tels ils sont pour toi ; ou bien crois-tu quโils ont en eux-mรชmes et dans leurs essence quelque chose de permanent ? ยป1.
Prenons un exemple, une mรชme chaleur ou une fraรฎcheur ne donne pas les mรชmes impressions. Dans cette perspective, ce qui e st frais ou chaud pour certains ne le sera pas pour dโautres. Le monde sensible est un monde dโillusion qui emprisonne la vรฉritรฉ. Dans le mythe de la caverne, Platon dit quโil faut libรฉrer lโhomme du joug de la connaissance sensible qui lโaveugle.
Autrement dit, Platon ne priorise pas le monde sensible ร cause du changement, de la multiplicitรฉ incessante, qui sโy dรฉroulent parce quโil nโy a pas de science exacte, si celle-ci est en mouvement. Cโest dans cet angle que Platon dit : ยซ Les yeux soient douรฉs de la facultรฉ de voir, que celui qui possรจde cette facultรฉ sโefforce de sโen servir, etque les objets auxquels
il applique soient colorรฉs, sโil nโintervient pas un troisiรจme รฉlรฉment, destinรฉ prรฉcisรฉment ร cette fin, tu sais que la vuene percevra rien et que les couleurs seront invisibles ยป 1.
Platon nous prรฉcise que les yeux de lโhomme ne sont pas efficaces. Avec ces yeux inefficaces, lโhomme nโarrive pas ร trouver la vรฉritรฉ. Pour que lโhomme arrive ร dรฉterminer la vรฉritรฉ, il faut la participation de โidรฉel. Ainsi, grรขce ร lโidรฉe qui est dโailleurs invisible que lโhomme peut sโentretenir lui seul jusquโร percevoir ou contempler les vรฉritables des choses du monde intelligible. Pourtant, les choses du monde sensible sont multiples, diverses. Donc, toutes choses qui sont multiples ne sont que trompeuses selon la conception de Platon. Selon ce dernier, il nโexiste pas de vรฉritรฉ dans la multiplicitรฉ, la vรฉritรฉ est identique et unique.
Ensuite, le monde sensible est un monde de mensonge, car il nโest ni stable, ni fixe, il est toujours en devenir (justice et injustice, bon et mauvais). Il existe toute sorte de mensonges. A ce propos, Platon รฉcrit : ยซ Il en est de mรชme de la justice et de lโinjustice , du bon et du mauvais et de toutes les autres formes : chacune dโelles, prise en soi, est une ; mais du fait quโelles entrent en communautรฉ avec les actions, des corps, et entre elles apparaissent partout, et chacune semble multiple ยป 2.
Platon constate que, les sens que lโhomme possรจde, sont parmi les causes primordiales qui le conduisent ร la diversitรฉ de la multiplicitรฉ des choses sensibles. Dโailleurs, on appelle le monde terrestre, le monde sensible (le monde de la multiplicitรฉ), car ce dernier reprรฉsente diffรฉrentes sortes de sensations. Lโhomme que je vois aujourdโhui, ne sera pas le mรชme le lendema in. Il y a toujours une transposition qui surgit non seulement dans ses affaires, mais encore sur lui-mรชme. Cโest la raison pour laquelle Platon ne privilรฉgie pas le monde sensible, puisquโil est rempli de changements. Et cโest dans ce monde-lร que le mensonge et lโignorance rรฉsident. Voici en fait, ce que Platon dit : ยซ Les premiers, rรฉpondis-je, dont la curiositรฉ est toute dans les yeux et dans les oreilles, aiment les belles voix, les belles couleurs, les belles figures et tous les ouvrages oรน il entre que lque chose de semblable, mais leur intelligence est incapable de voire et dโaimer la nature du beau lui-mรชme ยป 1.
Enfin, lโhomme tente de juger les choses sensibles en utilisant son opinion. Elle est considรฉrรฉe comme une de nos facultรฉs dont la principale fonction est de nous rendre capables de juger les aspects des choses sensibles. Mais nโoubliรฉ pas que lโopinion a pour rรดle de juger les apparences, lesquelles sโidentifient ร lโimmรฉdiatetรฉ. Ainsi, lโopinion ne connaรฎt que lesmultiples apparences de la beautรฉ. Cโest dans ce sujet que Platon affirme : ยซ Ainsi ceux qui promรจnent leurs regards sur la multitude des belles choses, mais nโaperรงoivent pas le beau lui-mรชme et ne peuvent suivre celui qui le voudrait conduire ร cette contemplation, qui voient la multitude des choses justes sans avoir la justice mรชme et ainsi du reste, ceux-lร , dirons-nous, opinent sur tout mais ne connaissent rien des choses sur lesquelles ils opinent ยป 2.
A ce propos, il est ร signaler que lโopinion est la maniรจre de penser la plus rรฉpandue dans une sociรฉtรฉ. Elle est le fil de ce qui nous relie de ce que nous voyons ร ceux que nous pensons. Mais quand lโopinion ne concerne pas non plus lโignorance, lโinjustice ; alors elle sโapplique ร des objets bien dรฉterminรฉs.
Suite ร ce dialogue avec Thalรจs, nous abordons maintenant un autre auteur :
Hรฉraclite avec sa thรฉorie de mouvement.
Hรฉraclite dโรphรจse et la philosophie du mouvement
La pensรฉe dโHรฉraclite est une pensรฉe du devenir, duchangement et de la transformation. Il a vรฉcu ร Ephรจse en Ionie ยซ vers576-480 avant Jรฉsus-Christ. Probablement dโorigine aristocratique, il aurait รฉtรฉ contemporain de la chute des grandes citรฉs prospรจres dโAsie Mineure (Milet, Ephรจse) et de la poussรฉe perse vers la Grรจce, au dรฉbut des guerres mรฉdiques. De son ลuvre, il ne subsiste que quelques fragments ยป 1.
En effet, comme les philosophes de lโรฉcole de Milet (ร laquelle il est postรฉrieur), Hรฉraclite conรงoit un principe naturel unique pour la gรฉnรฉration des choses. La prรฉdilection de sa pensรฉe est dโรชtre gรฉnรฉrale avec des formes frappantes et concises. Il a fait du feu le principe primordial du rรฉel ; le fait quโil le nomme parfois de faรงon plus abstraite ยซ lโun ยป ou ยซ chose sage ยป. En vertu de ce principe, les choses et les รชtres sont sans cesse menacรฉs de disl ocation. Hรฉraclite pense que le feu est le principe primordial du rรฉel ; parce que le feu, ร ses yeux, possรจde les attributs de la matiรจre la plus subtile et la moins corporelle. Voici ce que le philosophe a dit : ยซ Ce monde-ci, proclame-t-il, a toujours รฉtรฉ et ilest et il sera un feu toujours vivant, sโalimentant avec mesure et sโรฉteignant avec mesure ยป2.
Ainsi, Hรฉraclite a connu la gloire ร la fin de VIรจme siรจcle avant Jรฉsus-Christ. Son traitรฉ De la nature est perdu ; il ne nous en reste que des fragments. Son รฉtude est un exposรฉ de physique, de politique et de thรฉologie. Son idรฉe centrale est celle de lโรฉcoulement, du devenir, du mouvement : ยซ Tout sโรฉcoule ยป . Cโest ce que lโon a appelรฉ le ยซ mobilisme universel ยป4. Hรฉraclite voyait que dans le mobilisme universel, le conflit des contraires est lโorigine et la substance mรชme de toutes choses. Or, dans la multiplicitรฉ mouvante la raison dรฉcouvre lโun et le permanent. Voici quelques prรฉcisions de George PASCAL : ยซ Il faut savoir que la guerre est universelle, que la justice est une lutte et que tout arrive ร lโexistence par la d iscorde et la nรฉcessitรฉ. [โฆ] Les contraires se mettent dโaccord, des sons va riรฉs rรฉsulte la plus belle harmonie et tout est engendrรฉ par la lutte ยป .
Selon Hรฉraclite, lโordre du monde rรฉsulte ainsi dโun รฉquilibre instable entre les contraires. Voici deux idรฉes qui semblent, dans cette philosophie, fondamentales : la guerre cโest-ร -dire lโรฉquilibre conflictuel des contraires, qui est au cลur du monde et lโinstabilitรฉ des choses. Dโoรน cette phrase dโHรฉraclite : ยซ On ne se baigne jamais deux fois dans le mรชme fleuve ยป2.
En plus, les choses sont en perpรฉtuel mouvement, cโest-ร -dire que ce que je suis maintenant, je ne le serai demain. Cโest dans cette perspective que Platon conteste cette thรฉorie. Comment monsieur A devient monsieur B le lendemain ? Pourtant Hรฉraclite voit que dans ce mouvement se repรจrent la naissance et la disparition des choses quโil appelle, ยซ le devenir cosmique ยปauquel on a affaire aussi bien au cosmos quโร la vie humaine, et mรชme ร la pe nsรฉe. Hรฉraclite explique aussi les tensions de lโรขme humaine et les conflits de la citรฉ, c’est-ร -dire quโil a une dรฉpendance entre le monde et lโhomme : ยซ Je fus aussi peut-รชtre le premier Philosophe ร proposer non seulement une thรฉorie du monde (cosmologie), mais aussi une thรฉorie de lโhomme (anthropologie) ยป3.
Cependant, le concept du devenir est ร concevoir dโune maniรจre dialectique, dans ce sens quโil est un changement dans la contradiction interne des choses. Ici les choses se prรฉsentent diffรฉremment ร chaque moment. Il est en mรชme temps fondement dynamique dโรฉquilibre entre le rรฉel dont les champs dโaction sont lโunivers et ses รฉlรฉments : lโair, la terre, lโeau et le feu.Cโest dans cette condition quโHรฉraclite dit : ยซ On ne peut pas descendre deux fois dans le mรชme f leuve ni toucher deux fois une substance pรฉrissable car elle se disperse et se rรฉunit de nouveau dans le mรชme รฉtat, par la promptitude et la rรฉalitรฉ de sa mรฉtamorphose : la matiรจre sans commencer ni finir en mรชme temps naรฎt et disparaรฎtยป.
Dans ce fragment 105, Hรฉraclite insiste sur lโimportance de la mรฉtamorphose universelle des รฉlรฉments du monde. Dโaprรจs la thรฉorie du devenir universel chez Hรฉraclite, aucune chose ne demeure identique ร elle-mรชme, mais est soumise ร un changement perpรฉtuel. Hรฉraclite dit ceci :
ยซ Le monde nโest un et commun que pour ceux qui sont รฉveillรฉs mais pendant le sommeil chacun possรจde un monde ร p art ยป2.
Si devenir, pour une chose, cโest passer dโun รฉtat ร un autre, alors, il faut non seulement que celle-ci, en devenant, devienne ce quโelle nโest pas encore c’est-ร -dire autre chose que ce quโelle est, mais encore quโelle devienne, c’est-ร -dire dโune certaine maniรจre quโelle se conserve. Voici cette doctrine : ยซ La pensรฉe dโHรฉraclite est lโextrรชme opposรฉe de lโรฉlรฉatisme. En effet, pour Parmรฉnide, lโunitรฉ de lโรชtre rend impossible la dรฉduction du devenir et de la multiplicitรฉ ; pour Hรฉraclite, au contraire lโรชtre est รฉternellement en devenir. Hรฉraclite nie ainsi lโรชtre parmรฉnidien. Les choses nโont pas de circonstance, et tous se meut sans cesse : nulle chose ne demeure ce quโelle est, et tout passe en son contraire ยป 3.
Nous constatons, que cโest ร partir du Vรจme siรจcle que se manifestait dans tout son รฉclat cette nouvelle civilisation dont la rรฉflexion philosophique apparut comme la configuration systรฉmatique. Les philosophes, comme Hรฉraclite, mรฉditaient sur lโunivers et sur lโhomme. Leur rรฉflexion nโรฉtai que des germes mais cette floraison donne encore ses reflets dans le dessein de lโhumanitรฉ qui ne cesse de porter un regard rรฉtrospectif pour dรฉcouvrir dans el lointain les rรจgles et les principes qui ont bรขti la civilisation grecque devenue patrim oine de toute lโhumanitรฉ. Cela veut dire que chaque philosophe contribue ร cette civilisation. Hรฉraclite a bien montrรฉ dans son ouvrage son apport : ยซ Voici maintenant comment ses thรฉories sont exposรฉes dans chaque partie de son livre. Le feu est lโรฉlรฉment et tout se fait par des transformations du feu, soit quโil se relie, soit quโil devienne plus dans(โฆ) il nโexplique rien trรจs clairement : ainsi dit-il que tout se fait par lโopposition des contraires, et que tout coule comme un fleuve. Lโunivers, selon lui, est limitรฉ, et il nโy a quโunmonde, qui a รฉtรฉ crรฉรฉ par le feu, et qui retournera au feu aprรจs certaines pรฉriodes, รฉternellement. Cโest le destin qui le veut ainsi ยป 1.
Entre contraires, il y a une lutte dans ce monde qui aboutit ร la crรฉation, cโest ce quโon appelle la guerre et la querelle ; lโautre aspect du feu qui aboutit ร lโembrassement, sโappelle la concorde ou la paix. Le mouvement du feu selon Hรฉraclite prend une double direction dans la crรฉation du monde : ยซ Le feu en se condensant devient liquide, lโeau en se condensant se change en terre, et voilร pour le mouvement vers le bas.
En sens inverse, dโautre part, la terre fond et se change en eau, et dโelle se forme tout le reste, car il rapporte presque tout ร lโรฉvaporation de la mer. Voilร donc comment se fait le mouvement vers le haut. Il y a donc des รฉvaporations venant de la terre et de la mer, dont les unes sont claires et pures, et les autres obscures. Le feu tire sa substance des premiรจres et lโeau des secondes. Quant ร lโair, il nโexplique pas la nature ยป 2.
Cette thรฉorie hรฉraclitienne sur la crรฉation du monde a eu par la suite beaucoup dโadeptes. Cโest le cas du roi Darius qui a soutenu lโidรฉe dโHรฉraclite. Selon lui, Hรฉraclite a bien expliquรฉ lโorigine du monde. Darius voit que lโexplication du monde par Hรฉraclite nโest pas seulement sensible, car les actions quโil รฉvoque sโexpliquent par un mouvement divin. Voici comment le roi Darius, fils dโHystaspis, salue Hรฉraclite dโEphรจse, le sage : ยซ Vous avez รฉcrit un livre de la nature difficile ร comprendre et ร expliquer. Si on explique mot ร mot, il semble contenir une รฉtude du monde, de lโunivers et des phรฉnomรจnes qui se produisent en lui, phรฉnomรจnes qui sโexpliquent par un mouvement divin. Mais la plupart des passages sont interrompus, si bien que ceux-lร mรชmes qui ont une parfaite connaissance du grec, sont dans le doute sur la vรฉritable et juste interprรฉtation de ce que vous avez รฉcritโฆ Car les Grecs, avec leur habitude de ne pas respecter suffisamment les philosophes, mรฉprisent les belles doctrines quโils leur enseignentโฆ ยป 1.
Ainsi, avant Socrate, la pensรฉe philosophique est encore mal assurรฉe. Elle tรขtonnait en sโattaquant ร des problรจmes trop vaste s eus รฉgard au dรฉveloppement et ร lโรฉtat de connaissance de lโรฉpoque. Mais elle futdรฉjร une pensรฉe qui se frayait un chemin ; bien que lโunion intime de la science et de la philosophie demeurรขt encore sa caractรฉristique fondamentale. Naturellement, lโhomme รฉtait portรฉ ร rรฉflรฉchir sur ce quโil aperรงut de lui, sur ses propres sentiments, sur le monde qui lโenserra, lโintrigua et quโil cherche gauchement une explication plutรดt que de se fier ร des puissances secrรจtes, ou ร des explications purement mythico-religieuses. Emboรฎtant le pas ร Darius, Hippolyte se fait lโexรฉgรจte du fragment 66: ยซ โฆle feu surgissant fera le tri et saisira toutes chosesโฆ ยป2.
Dans son exรฉgรจse Hippolyte aurait pris ce feu pour un grand incendie, ou lโenfer destinรฉ ร accomplir le jugement dernier puisque le feu de lโenfer consume les mรฉchants. Ici on a bien compris que le feu รฉvoquรฉ par Hippolyte dans sa citation est opposรฉ au feu dont parle Hรฉraclite. Les grecs avaient la coutume de brรปler des aromates dans les temples. On pense donc facilement quโHรฉraclite ait appris en grandissant ร lโombre des temples ร nommer le dieu dโaprรจs le parfum flottant dans le temple. Tout cela pousse Hรฉraclite ร dire : ยซ Le dieu est nuit et jour, hiver et รฉtรฉ, guerre etpaix, famine et abondance (tous les caractรจres, tel est le sens) ; mais il se change, tel un feu mรฉlangรฉ dโaromates, on le nomme ร la valeur de chacun ยป3.
Dans cette perspective, Hรฉraclite dรฉmontre que le dieu se manifeste sous des formes opposรฉes ร lโexpรฉrience. Le dieu est toujours un et le mรชme, malgrรฉ la diversitรฉ de ses noms. En effet, ajoute Hรฉraclite, ce dieu est : ยซ Un feu sous un bouquet de parfums, un dieu sous u n bouquet de noms ยป 1.
Bref, selon Hรฉraclite, le feu sert ร expliquer les phรฉnomรจnes naturels, comme par exemple la lumiรจre du soleil qui existe grรขce ร une รฉvaporation brillante, claire et pure ; le feu, par opposition ร lโeau, est une รฉvaporation obscure. Par la suite les traducteurs dโHรฉraclite et certains philosophes ont assimilรฉ le feu dโHรฉraclite au Logos considรฉrรฉ par ces derniers comme la raison gouvernant le monde.
Du point de vue gnosรฉologique, le problรจme majeur soulevรฉ par la thรฉorie hรฉraclitienne du monde est celui de lโopposition entre la sensation et la connaissance objective, entre la vรฉritรฉ et lโopinion, le monde sensible รฉtant considรฉrรฉ comme source dโerreurs et dโillusions. Cโest par ce biais que Platon va sโattaquer ร la thรฉorie hรฉraclitienne quโil voit comme un ยซ monstre ร double tรชte ยป. Pour ce faire, Pythagore va servir dโinspirateur au fondateur de lโAcadรฉmie.
LES SOURCES PLATONICIENNES DU MONDE INTELLIGIBLE
La thรฉorie pythagoricienne de lโimmortalitรฉ deโรขmel
Aprรจs avoir vu les origines du monde sensible chez Platon, maintenant on va entamer les sources de sa thรฉorie sur le monde intelligible, entre autres Pythagore. Pythagore a vรฉcu ร Samos (582-500 avant Jรฉsus-Christ), en Asie Mineure. Il sโinstalle ร Creton (Italie du Sud) pour y fonder une communautรฉ ร la fois intellectuelle et religieuse ร caractรจre initiatique. Ainsi, avec les pythagoriciens, ce nโest plus du cรดtรฉ matiรจre que lโon se tourne, maison se met en quรชte des rรฉalitรฉs immatรฉrielles. Avec eux aussi, la philosophie sโengage dans la recherche de la sagesse. Une rรฉflexion รฉthique se prรฉcise. Voici letรฉmoignage de Proclus :
ยซ Lโรฉcole ionienne sโoccupe de la physique. [โฆ] Les philosophes dโItalie se sont principalement occupรฉs des choses qui sont les espรจces intelligibles. [โฆ] Disons que lโIonie est le symbol e de la nature, tandis que lโItalie est celui de lโessence intellectuelle ยป1.
A ce propos, et du point de vue de la pratique de la philosophie, faudrait-il rappeler que: ยซ Pythagore est peut-รชtre lโinventeur du mot ยซ philosophie ยป. Il enseigne que lโรขme, distincte du corps, est immorte lle et se rรฉincarne dans des existences sensibles successives. Cette thรจse influencera Platon (cf. le Phรฉdon) ยป .
Non seulement il employa un mot nouveau, mais il enseigna une doctrine originale. Il vint ร Philonthe oรน il sโentretient l onguement et doctement avec Lรฉon, le tyran de Philonthe, qui, admirant son esprit et son รฉloquence, lui demanda quel art lui plaisait le plus.
En revenant sur la thรจse de Pythagore relative ร lโimmortalitรฉ de lโรขme, Platon, lui aussi a embrassรฉ cette idรฉe. Dโabord lโimmortalitรฉ de lโรขme est avant tout une hypothรจse mรฉtaphysique, cโest-ร -dire au-delร du monde physique, qui concerne lโรขme et que soutient lโensemble des philosophes sp iritualistes depuis lโAntiquitรฉ. Partant dโune dรฉfinition, lโรขme est le principe susceptible dโanimer la matiรจre, cโest-ร -dire toutes les matiรจres qui ont besoin nรฉcessairement dโune vie pour se dรฉvelopper, ou mรชme changer en une autre forme.
Nous rappelons que les Egyptiens et les pythagoriciens croient en lโexistence de lโรขme. Platon nโa pas mรฉprisรฉ leur thรจse pour renforcer ses analyses quand il souligne que lโรขme est une partie de Dieu. Lorsque lโรขme est tombรฉe dans le corps, elle a oubliรฉ tous les savoirs. Cโest dans cette perspective que Platon dit : ยซ Lโรขme se souvient de ce quโelle a vu dans une vie antรฉrieure, avant dโรชtre tombรฉe dans le corps, alors que faisant partie du cortรจge de Dieu, il lui รฉtait donnรฉ de connaรฎtre directemen les essences immuables des choses ยป 1.
Dans cet angle, Platon voulait expliquer sa thรฉorie en sโappuyant sur le cรฉlรจbre mythe de la caverne. Ce mythe nโest pas une image mythique, il est la montรฉe de lโรขme vers lโintelligible. A lโaide de la connaissance mathรฉmatique, lโhomme est prรฉparรฉ ร la dialectique, laquelle est considรฉrรฉe comme la vraie science qui lui permet dโaccรฉder ร la vรฉritรฉ รฉternelle, cโest-ร -dire au monde intelligible. Cโest dans ce sens que Platon montre le rรดle prรฉparatoire de la science mathรฉmatique pour la formation des philosophes. Dโoรน cette affir mation : ยซ Les sciences qui relรจvent du pur raisonnement, lโarithmรฉtique, la gรฉomรฉtrie, lโastronomie, lโharmonie sont les plus propres ร nous familiariser avec le monde intelligible. Cโest alors quโintervient la dialectique ยป2.
Selon Platon, la dialectique reรงoit une valeur positive dans laquelle elle se dรฉfinit comme la dรฉmarche ascendante de lโesprit qui, par sa rรฉflexion rationnelle, sโรฉlรจve des apparences sensibles aux concepts de la science et parvient ร la contemplation des idรฉes mรฉtaphysiques suprรชmes qui sont les principes du monde intelligible. Voici ce que le philosophe dit : ยซ Quand donc, dit Socrate, lโรขme atteint-elle la vรฉ ritรฉ ? En effet, lorsquโelle entreprend dโรฉtudier une question avec lโaide du corps, elle est complรจtement abusรฉe par lui, cela est รฉvident.Tu dis vrai. Donc, si jamais la rรฉalitรฉ dโun รชtre apparaรฎt ร lโรขme, cโest รฉvidemment dans lโacte mรชme de la pensรฉe que cela a lieu ? Oui ยป 1.
Ainsi, comme lโรขme connaissait toutes les choses av ant de sโattacher au corps, il est certain que lโรขme habite dans un autr e endroit avant de venir dans le corps. En dโautres termes, Platon pensait que lโรขme a existรฉ avant de venir rejoindre le corps. Autrefois, elle รฉtait dans le monde des Idรฉes, monde invisible et divin. Cโest ร ce sujet que Platon dit : ยซ Lโargument que je viens de donner, et dโautres, nous oblige donc ร conclure que lโรขme est immortelle. Mais pour bien connaรฎtre sa vรฉritable nature nous ne devons pas la considรฉrer, comme nous faisons, dans lโรฉtat de dรฉgradation oรน la mettre son union avec le corps et dโautres misรจres ; il faut la contempler attentivement avec les yeux de lโesprit telle quโelle est quand elle est pure ยป2.
A lโissue de sa pรฉrรฉgrination ร travers un corps matรฉriel, lโรขme doit revenir ร sa source originelle. Et pour les philosophes spiritualistes, elle se rรฉincarne pour subir le chรขtiment de ses fautes lors dโune vie ant รฉrieure et pour passer un jugement. Cโest justement dans ce sens que Raymon Mody affirme : ยซ Selon Platon, peu aprรจs la mort, lโรขme est soumis e ร un jugement au cour duquel un personnage divin fait dรฉfiler devant elle toutes les actions bonnes ou mauvaises quโelle a accomplies durant son existence terrestre, elle oblige ร les affronte r de face ยป3.
Dans cette mรชme optique, Platon ajoute encore que q uand lโรขme sโengage dans la mรฉtempsychose, cโest-ร -dire lorsquโelle est sรฉparรฉe du corps, elle aspire ร retrouver son รฉtat initial. Il faut savoir encore que lโรขme est trรจs diffรฉrente du corps pรฉrissable. Ce qui fait que lโรขme sera toujours รฉternelle et immortelle. Cโest pour cela que Platon dit : ยซ Si tel est donc son รฉtat, elle se dirige vers ce qui lui ressemble, vers ce qui est invisible, ce qui est divin, immortel, sage, vers le lieu oรน lui est rรฉservรฉ de trouver le bonheur, loin dโerreur, de dรฉraison, de terreurs, de brutales amours, loin de tous les autres maux de lโespรจce humaine ; et, comme on le dit des initiรฉs, elle passe vรฉritablement dans la compagnie des dieux tout le reste de son temps ยป 1.
Vivre dans lโรฉternitรฉ en compagnie des dieux, telle est la destinรฉe de lโรขme : ยซ De mรชme lโรขme qui entre dans le corps et y apporte toujours la vie, ne recevra jamais le contraire de ce quโelle apporte, cโest-ร -dire lamort. Elle est donc immortelle et par suite indestructible ยป2.
En dโautres termes, et face au corps pรฉrissable quโelle commande, lโรขme jouit du privilรจge de lโรฉternitรฉ : ยซ โฆ Cโest lโรขme qui commande, le corps qui obรฉit. P ar lร , lโรขme ressemble au divin, qui est fait pour commander, et le corps ressemble ร ce qui est mortel et fait pour obรฉir. [โฆ] Si elle sโest bien dรฉtachรฉe du corps pendant la vie, on peut croire quโelle sโen ira vers ce qui est divin et passera son existence avec les dieux ยป3.
Cโest prรฉcisรฉment parce que lโรขme nโest pas matรฉrielle quโelle peut accรฉder au monde des Idรฉes ; dโoรน le dรฉsir de retrouver sa vraie demeure. En effet, รฉcrit Platon : ยซ Partie de lโรขme universelle, lโรขme humaine est c omme elle, non seulement immortelle, mais รฉternelle ยป4.
Accidentellement liรฉe au corps, la mort est donc pour lโรขme une dรฉlivrance, une occasion pour retrouver la source originelle : ยซ Alors on la verra infiniment plus belle et lโon d iscernera plus clairement la justice et lโinjustice, et toutes les choses dont nous venons de parler. Ce que nous avons dit lโรขme est vraie pa r rapport ร son รฉtat prรฉsent ยป1.
Telle est donc pour Platon la consรฉquence de la thรฉorie pythagoricienne relative ร la nature de lโรขme. Mais une autre sourc e servira aussi dโappui ร Platon : Parmรฉnide.
Lโimmobilisme universel de Parmรฉnide
Aprรจs avoir รฉtudiรฉ dans ses dรฉtails la thรฉorie pythagoricienne de lโimmortalitรฉ de lโรขme, on va maintenant terminer ce chapitre par lโimmobilisme universel de Parmรฉnide. Parmรฉnide a vรฉcu en Italie du Sud, ร Elรฉe, environ 540-450 avant Jรฉsus-Christ. Il est le reprรฉsentant le plus รฉminent des Elรฉates. Auteur dโun poรจme philosophique, De la nature, dont il reste quelques fragments, il a eu une influence importante sur Platon qui a intitulรฉ Parmรฉnide lโun de ses dialogues, dont le meneur de jeu nโest pas Socrate mais lโยซรฉtranger dโElรฉe ยป .
Ainsi, Parmรฉnide est lโadversaire dโHรฉraclite ; ilrejette le sensible et le devenir du cรดtรฉ du non-รชtre. Selon lui, lโรชtre est immuable , immobile et indivisible. Cโest dans ce sens que Platon รฉcrit : ยซ Seul lโรชtre est, et le non-รชtre nโest pas : tellest la double tautologie qui semble rรฉsumer la philosophie de Parmรฉnide (cf. Prรฉsocratique) ยป .
Il est ร prรฉciser que la philosophie de Parmรฉnide prรดne deux voies pour la recherche de la vรฉritรฉ. Son poรจme souligne dโabordlโopposition entre lโรชtre et le non-รชtre. Le premier, cโest-ร -dire lโรชtre est la voie d e la vรฉritรฉ tandis que le non-รชtre est le sentier qui ne conduit absolument ร rien, cโest-ร -dire nulle part. Voici ce que Parmรฉnide nous a dit ร propos de ce point : ยซ La premiรจre voie, lโรชtre est et il est impossiblequโil ne soit pas, est le chemin auquel il faut se fier car cโest le chemin de la vรฉritรฉ ; la seconde voie, lโรชtre nโest pas et le non-รชtre est รฉcessaire,n ce nโest quโun sentier, je te dis, oรน lโon ne trouve rien ร quoi se fier. Car on ne peut ni connaรฎtre ce qui nโest pas, cโest impossible, ni lโรฉnoncer en un discours ยป1.
Ainsi, la philosophie de Parmรฉnide conduit ce dernier ร affirmer en toute rigueur que lโรชtre peut รชtre pensรฉ, cโest-ร -dire ce qui nโest pas ne peut รฉvidemment exister ni en pensรฉe, ni en rรฉalitรฉ. Donc nous voyons par lร que le mouvement nโexiste pas, que lโรชtre est unique et quโil nโy a que de lโรชtre ; enfin, que rien ne naรฎt ni ne meurt. En somme, on voit bien que ce qui est ici sacrifiรฉ au nom de cette vรฉritรฉ tautologique de Parmรฉnide cโest le monde sensible, la diversitรฉ et le devenir. Pour Parmรฉnide, le monde sensible est du cรดtรฉ du non-รชtre ; la rรฉalitรฉ que nos sens nous prรฉsentent comme une donnรฉe รฉvidente est aussi du cรดtรฉ du non-รชtre. Et lโon voit tout aussi clairement quelle est la principale victime de ce monisme de lโรชtre immobile : cโest le mobilisme radical dโHรฉraclite. Avec cette dรฉmonstration, nous avons bien compris pourquoi Parmรฉnide sโoppose toujours au mobilisme dโHรฉraclite, et par consรฉquent nie la possibilitรฉ du mouvement, ou de la dualitรฉ.
Si Parmรฉnide affirme que lโรชtre est, cโest nier la diffรฉrence, cโest-ร -dire la possibilitรฉ que quelque chose dโautre que lโexistan par excellence puisse aussi exister. Signalons que Parmรฉnide nie aussi lโexistence du vide, car, pour lui, il ne peut รชtre que le non-รชtre. Il nโexiste pas et ne pe ut mรชme pas รชtre pensรฉ. Ainsi, lโรชtre est un et il nโy a que de lโรชtre. De cela, il dรฉcoule que lโรชtre est immobile, car pour que le mouvement soit possible, il aurait fallu aussi quโil y ait du vide. Or, Parmรฉnide affirme que le vide nโexiste pas, que lโรชtre est pl ein, inaltรฉrable, รฉternel, et enfin, que rien ne naรฎt de rien, ou, comme il lโรฉcrit aussi, ยซni rien ne naรฎt, ni rien ne meurt ยป. Et Parmรฉnide ajoute : ยซ Lโarrรชt en la matiรจre stipule simplement : il estabsolument ou il nโest pas ยป2.
Comme aucun mouvement nโest ici envisageable, lโรชtr e ne peut donc engendrer quoi que ce soit car pour quโil y ait de la gรฉnรฉration, il faut du mouvement. Ceux qui pensent autrement soutiennent en quelque sorte quโร partir de lโรชtre, ce qui nโest pas vient ร lโexistence. Lโรชtre, on conviendra de cela sans difficultรฉ, ne peut contenir du non-รชtre. Dans cette perspective, comme nt expliquer que le non-รชtre, cโest-ร -dire ce qui nโest pas encore nรฉ, puisse venir ร lโรชtre ? Cela est impossible, et pour Parmรฉnide, cโest impensable. Lโรชtre est totalement achevรฉ. Il nโa pas de partie, ne contient pas de vide, est plein et continu, immuable, immobile. Bref, tout ceci revient ร affirmer quโil nโy a pas de passage possible de lโรชtre au non-รชtre ; donc, pour Parmรฉnide la voie de lโรชtre est la seule voie vรฉritable ; lโรชtre ne pouvant provenir en rien du non-รชtre. Il est inengendrรฉ, impรฉrissable, complet, immobile et sans fin. Voici ce que Platon dit : ยซ Si donc la connaissance porte sur lโรชtre, et lโig norance, nรฉcessairement, sur le non-รชtre, il faut chercher, pour ce qui tient le milieu entre lโรชtre et le non-รชtre, quelque intermรฉ diaire entre la science et lโignorance, supposรฉ quโil existe quelque chose de tel ยป 1.
Cโest dans tous les caractรจres de lโรชtre parmรฉnidien que Platon a puisรฉ en partie sa thรฉorie des idรฉes du monde intelligible. Il parvint, non seulement ร crรฉer un systรจme qui assimile de maniรจre trรจs judicieuse unegrande partie de la philosophie prรฉsocratique ร partir des interrogations socratiques, mais aussi, ร construire une pensรฉe qui eut des rรฉpercussions comme aucune autre dans lโhistoire occidentale de lโesprit. Cโest pour cela que Jules LAGNEAU รฉcrit : ยซ le monde intelligible nโest pas une sorte de reproduction ou exemplaire, au sens propre, du monde sensible, mais ce monde vu par lโesprit ร travers lui-mรชme, cโest-ร -dire รฉclairรฉ ร la lumiรจre morale, prenant un sens et une rรฉalitรฉ supรฉrieure par lerapport oรน il est mis avec le Bien, conรงu, voulu et posรฉ comme le seul รชtre digne de ce nom, indรฉpendant, fondรฉ sur soi ยป.
La thรฉorie des Idรฉes chez Platon suppose un empire hypothรฉtique dโessences immuables, immatรฉrielles et รฉternelles, le monde des Idรฉes. Dโaprรจs Platon, les Idรฉes sont les archรฉtypes de la rรฉalitรฉ. Elles existent en gรฉnรฉral de maniรจre objective, puisquโelles existent indรฉpendamment de notre aptitude ร les connaรฎtre ou de notre mode de pensรฉe. Les idรฉes ne rรฉsultent donc pas dโune disposition particuliรจre de notre entendement, mais peuvent รชtr e connues par lui. Cโest dans cette perspective quโon peut qualifier la position de Platon comme un idรฉalisme objectif. Explicitant sa pensรฉe, Platon รฉcrit : ยซ Ces idรฉes dont nous parlons sont ร titre de modรจles, de paradigmes dans lโรฉternitรฉ de la nature ; quant aux objets, ils leur ressemblent et en sont des reproductions ; et cette participation que les autres objets ont aux idรฉes ne consiste en rien dโautre quโร รชtre fait ร leur image ยป 1.
Ainsi, les Idรฉes confรจrent donc aux choses leur intelligibilitรฉ, mais aussi leur stabilitรฉ puisque, pour les รชtres, elles constituen t leur fond de rรฉalitรฉ immuable. Sans elles, rien dโorganisรฉ nโexisterait. En fait, les Idรฉes sont les seules rรฉalitรฉs. Et pour Platon qui croit au monde des Idรฉes, ils dรฉvient enfin possible de juger de ce qui est moral et de ce qui ne lโest pas.
Autrement dit, le seul monde vรฉritable est celui de la permanence, donc le monde des idรฉes. Cโest dans ce monde que la rรฉalitรฉde lโรชtre est affective. Cโest cette unique condition qui permet ร la pensรฉe de saisir la vรฉritรฉ. De ce fait, elle apparaรฎt comme le seul monde favorable ร tout savoir, en dehors duquel celui-ci demeure impossible, et cโest la raison pour laquelle Platon dรฉclare : ยซ Le monde intelligible cโest celui qui dispense et procure la vรฉritรฉ et lโintelligence, et quโil faut le voir pour se conduire avec sagesse, soit dans la vie privรฉe, soit dans la vie publique ยป 2.
Dans cette perspective, Platon voudrait nous faire comprendre que la rรฉalitรฉ des choses se trouve uniquement dans lโIdรฉe. LโIdรฉeest la seule capable de nous faire dรฉvoiler la vรฉritรฉ. Ainsi, lโIdรฉe sโentretien avec lโintelligence et la rรฉalitรฉ des choses. Dโoรน cette affirmation : ยซ Cโest en vertu des idรฉes auxquelles elles correspondent que les choses sont ce quโelles sont, sont dรฉnommรฉes etdรฉfinies ; que les belles revรชtent le caractรจre de la Beautรฉ, les pieuses de la Piรฉtรฉ, les justes de la Justice, etc. ยป1.
Enfin, chez Platon, le fondement de toutes nos connaissances et de toutes nos actions vรฉritables se trouve dans lโIdรฉe, dont les plus รฉminentes restent celles du Bien, du Beau, du Vrai, lesquels sont lโobjet des sciences.
Faudrait-il rappeler que le point central de la philosophie de Platon est cette idรฉe du Bien. En effet, lโidรฉe platonicienne du bien dรฉpasse de trรจs loin la notion dโรฉthique, puisquโelle occupe une position clรฉ comme but et commencement de tout รชtre, aussi bien dans la thรฉorie de la connaissance quโen ontologie.
Cโest ร partir du Bien que dรฉcoulent les idรฉes dโรชtre et de valeur, et avec lui le monde tout entier, le Bien crรฉe lโordre, la mesure et lโunitรฉ du monde. Ainsi le Bien est prรฉsentรฉ comme le principe radical de toutes les idรฉes et se situe au-dessus dโelles. Lโidรฉe du bien est le chemin de la vรฉritรฉ .En effet, ยซ Ce qui communique la vรฉritรฉ aux objets connaissables et ร lโesprit la facultรฉ de connaรฎtre, tient pour assure que cโest lโidรฉe du Bien ยป 2.
Dโautre part, il convient de signaler que la connaissance se prรฉsente toujours comme une nรฉcessitรฉ vitale pour lโรชtre humain, car elle est la base de son existence. En effet, celle-ci demeure le bien suprรชme que lโho mme poursuit. Aussi, elle est la lumiรจre et donc son essence, une clartรฉ qui illumine son รชtre. Cโest pourquoi, chez Platon, la place du Bien ร lโintรฉrieur du pensable est comparรฉe au soleil dans le domaine du visible.
Cโest ici que la dialectique trouve exactement sa place. En effet, la dialectique de Platon est une mรฉthode dโexamen et de discussion qui permet dโaboutir ร la vรฉritรฉ. Bref, la dialectique est, pour Platon, la voie royale par laquelle, si les jeunes sโy conforment, suivant les lois, de ladite dialectique, rendra la citรฉ heureuse et organisรฉe. Ainsi, si la dialectique, moyen privilรฉgiรฉ pour lโรฉducation des jeunes, est alliรฉe ร la musique et ร la gymnastique, la citรฉ ne pourra quโen tirer profit ; ce qui donnera naissance ร la ยซ citรฉ juste ยป ou ยซ idรฉale ยป .
LA CITE IDEALE REVEE PAR PLATON
LโEDUCATION
La musique
Aprรจs la dรฉcadence de la citรฉ athรฉnienne, Platon apensรฉ reconstruire la citรฉ en se basant sur une รฉducation de tous les enfants athรฉniens. Cette รฉducation รฉtait basรฉe sur la musique et sur la gymnastique. La premiรจre qui est le titre de cette sous-partie consiste ร dรฉvelopper la mรฉmoire. La musique est une รฉtude qui nous ramรจne ร des mรฉlodies et des paroles. Les mรฉlodies et les paroles ne doivent pas se contredire. Car si les unes contredisent les autres, cela signifie quโon a perdu lโharmonie. La musique est donc composรฉe dโharmonie et de rythme. Il faut que lโharmonie et le rythme aboutissent ร la chorรฉe. Voici ce que Platon nous dit : ยซ Lโordre du mouvement sโappelait rythme, celui de la voix, quand le grave et lโaigu se mรชlent, portait le nom dโharmonie et lโensemble se nommait chorรฉe ยป1.
Pour Platon, cette รฉducation musicale doit รชtre rรฉservรฉe aux petits enfants avec des chants qui plaisaient ร ces derniers. Ce seront des chansons faciles ร apprendre et ร chanter. Dans cette perspective, leur รฉducation sera alors rรฉalisรฉe : ยซ Quand les enfants auront รฉtรฉ de bonne heure soumis ร la rรจgle dans leur jeu et que la musique aura fait entrer dans leur cลur lโamour de la loi dans toutes les circonstances de la vie, quโils ne cessent de garantir et quโils redressent tout ce qui a pu tomber de la vieille discipline ยป 2
Mais ici, il faut signaler que Platon invite les รฉducateurs ร choisir non seulement des chansons qui plaisent aux enfants, mais aussi qui parlent des belles choses. Cโest ร partir de ces chants que sโacquerra le sens de lโhonneur des citoyens. Ce quโon leur a appris dans leur enfance restera jusquโร lโรขge adulte. Autrement dit, cโest une telle รฉducation qui donnera naissance ร des dirigeants capables de bien gรฉrer la citรฉ. Ici apparaรฎt dรฉjร ne filigrane lโimage chรจre ร Platon, celle du ยซ philosophe-roi ยป ou du ยซ roi-philosophe ยป. En effet, le ยซ philosophe-roi ยป ou le ยซ roi-philosophe ยป est celui qui est : ยซ Capable de distinguer entre celle qui est de bonne qualitรฉ et celle qui est malsaine, capable par consรฉquent dโavoir opรฉrรฉ une sรฉlection entre celles qui sont ร la ressemblance dโune รขme bonne et celles qui sont ร la ressemblance dโune รขme dont lโ รฉtat est contraire ยป .
Dโautre part, il faut que les chants incitent aux bonnes actions, ร la pratique de la vertu. Dans ce sens, la musique et la gymnastique devront obรฉir aux lois รฉlaborรฉes par la citรฉ et auxquelles devront se soumettre les compositeurs. Dโoรน cette affirmation de Platon : ยซ Dรจs lors, lร oรน il existe ou existera dans lโave nir des lois heureusement รฉtablies en ce qui concerne lโรฉducation musicale et les jeux, estimerons-nous, loisible aux compositeurs, toutes les fois que, dans la composition, ils trouvent eux-mรชmes du char me ร un รฉlรฉment qui tient au rythme , ร lโair ou aux paroles de lโenseigner aussi dans les chลurs aux jeunes fils de bons citoyens ยป 2.
Ainsi, la musique sert ร former des hommes courageux. Ces derniers consistent ร protรฉger la citรฉ contre les ennemis. Cโest ce que Platon a consacrรฉ pour les futurs gardiens. Un gardien ne doit pas รชtre fa ible ; il ne doit rien craindre, mรชme la mort. Cโest ainsi que les textes ร faire apprendre aux jeunes doivent รชtre rigoureusement choisis. En cas de besoin, les vers et tout รฉcrit jugรฉ pernicieux pour la jeunesse doivent รชtre bannis de la citรฉ, y compr is les fables sur lโHadรจs (dieu des enfers). Et Platon de dรฉclarer : ยซ Nous effacerons par consรฉquent, repris-je, ร commencer par ces vers, toutes les assertions de ce genre ยป 1.
En effet, la grande affaire consiste ici ร savoir bien choisir ce quโil faudra faire apprendre aux jeunes afin de les habituer ร lโacquisition de bonnes habitudes et de rester dans le droit chemin. Dโoรน cette affirmation :
ยซ En toutes choses, la grande affaire est le commen cement, principalement et pour tout รชtre jeune et tendre, p arce que cโest ร ce moment quโon faรงonne et quโon enfonce le mieux lโempreinte dont on veut marquer un individu ยป 2.
Et le meilleur moyen pour y parvenir cโest le bon exemple car, ยซ Il nโy a pas aussi imitateur que lโhomme, surtout dans son enfance, [โฆ]. Et lโenfant est beaucoup plus apte ร singer que le singe le plus avancรฉ. Il imite en effet, les actes en rapport avec ses intรฉrรชts et ses dรฉsirs, par affection ou admiration ยป .
Selon Platon, les citoyens qui ont reรงu une bonne รฉducation musicale auront des รขmes vertueuses. Et comme ils sont ainsi, ils a uront de bonnes tรชtes pour la direction des affaires de lโรtat. Pour parvenir ร ce but, ยซ [โฆ], il faut quโils ne fassent et nโimpliquent ri en dโautre ; sโils imitent, que ce soient les qualitรฉs qui leur convient dโacquรฉrir dรจs lโenfance : le courage, la tempรฉrance, la saintetรฉ, la libรฉralitรฉ et les autres vertus du mรชme genreโฆ ยป 4.
En dโautres termes, la musique tient une place importante dans le systรจme รฉducatif platonicien. Signalons ici que si la musique favorise lโharmonie du corps, elle sโintรฉresse surtout ร lโรขme en entraรฎnant lโenfantau respect de la discipline. Cโest ainsi que Platon dรฉclare : ยซ Ce nโest pas, ร mon avis, le corps, si bien const ituรฉ quโil soit, qui par sa vertu rend propre lโรขme bonne, mais au c ontraire lโรขme qui lorsquโelle est bonne, donne au corps, par sa vertu propre, toute la perfection dont il est capable ยป 1.
Dโautre part, ร chaque sexe correspond un type de musique bien dรฉterminรฉ : il existe des chants rรฉservรฉs aux garรงons ; et dโautres pour les filles. Pour les filles les chants doivent leur donner le sens de la simplicitรฉ et pour les garรงons le sens de lโendurance et du courage, cโest pourquoi : ยซ Il conviendra aussi de sรฉparer les chants suivant quโils conviennent aux femmes ou aux hommes, en les distinguant par quelque caractรจre gรฉnรฉral ยป.
Il est ร prรฉciser que dans son systรจme รฉducatif, Platon a choisi la musique avant la gymnastique. La raison de ce choix a รฉtรฉ dictรฉe par lโinfluence que la musique exerce sur lโรขme. En effet, cโest avec la q ualitรฉ mรฉlodique de la musique que lโรขme se forme dans des conditions bonnes et ha rmonieuses : ยซ Lโรฉducation musicale est souveraine parce que le rythme et lโharmonie ont au plus haut point le pouvoir de pรฉnรฉtrer dans lโรขme et de la toucher fortement, apportant avec eux la grรขc e et la confรฉrant, si lโon a รฉtรฉ bien รฉlevรฉ, sinon le contraire. ยป.
Autrement dit, la musique dont Platon parle est formatrice. Cette musique forme la jeunesse de la citรฉ. Platon a pensรฉ ร lโรฉducation des enfants dโAthรจnes sans exception. Elle forme non pas seulement un bon esprit, mais aussi des รขmes vertueuses. Ainsi, cette propriรฉtรฉ particuliรจre dela musique pourrait รฉradiquer ou tout au moins rรฉduire รฉnormรฉment la dรฉlinquance juvรฉnile. Cette voie permettrait ainsi de trouver des bons gouvernants dans la citรฉ athรฉnienne car la musique dรฉveloppe le sens de lโordre et de lโharmonie chez les citoyens.
A cette discipline fondamentale quโest la musique sโajoute une autre discipline non moins fondamentale : la gymnastique. Ce sera le thรจme de notre prochaine sous-partie.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LE CONTEXTE POLITIQUE AU TEMPS DE PLATON
CHAPITRE I: LES DIFFERENTS REGIMES POLITIQUES
1.- La tyrannie
2. Lโoligarchie
3. La dรฉmocratie
CAPITRE II : LE SOPHISME DE PROTAGORAS
1. L’ignorance
2. L’injustice
3. Le dรฉsordre social
DEUXIENE PARTIE: LA VISION PLATONICIENNE DU MONDE
CHAPITRE I: LES ORIGINES DE LA VISION PLATONICIENNE DU MONDE SENSIBLE
1.- Thalรจs de Milet et origine du monde
2.-Hรฉraclite dโEphรจse et la philosophie du mouvement
CHAPITRE II : LES SOURCES PLATONICIENNES DU MONDE INTELLIGIBLE
1.-La thรฉorie pythagoricienne de lโimmortalitรฉ de lโรขme
2.-Lโimmobilisme universel de Parmรฉnide
TROISIEME PARTIE : LA CITE IDEALE REVEE PAR PLATON
CHAPITRE I: LโEDUCATION
1. La musique
2. La gymnastique
3- La musique et la gymnastique
CHAPITRE II : L’ORDRE SOCIAL
1. Le philosophe roi
2. Lโaristocratie
3.-La justice
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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