Les optiques sub-lambda et l’imagerie infrarouge

Les systèmes d’imagerie infrarouge se scindent en plusieurs types de détecteurs en fonction des applications : les détecteurs refroidis, très sensibles mais coûteux et encombrants du fait de la présence d’un système de refoidissement (cryostat), et les détecteurs non refroidis ou thermiques qui fonctionnent à température ambiante, qui sont moins coûteux mais avec une plus faible sensibilité. Les détecteurs thermiques sont destinés à des applications à fort volume et faible coût (domotique, sécurité, véhicule autonome…), les détecteurs refroidis sont quant à eux destinés aux applications où la sensibilité est le facteur déterminant (défense, spatial…). Dans les deux cas, les systèmes optiques associés à ces détecteurs sont complexes et coûteux. En effet les systèmes d’imagerie infrarouge font appel à des lentilles qui peuvent être fortement ouvertes et complexes à fabriquer, et qui sont réalisées par des procédés unitaires (moulage, polissage) et avec des matériaux coûteux. Le budget optique des systèmes infrarouge constitue ainsi une part importante du budget total, et la tendance actuelle est à la réduction du pas pixel et à l’augmentation du format des détecteurs ce qui a des conséquences directes sur la complexité, la taille et le coût des systèmes optiques pour l’infrarouge. En effet l’augmentation de la résolution d’un système optique passe d’une part par l’utilisation de lentilles de meilleure qualité, souvent asphériques et coûteuses à fabriquer, et d’autre part par l’ajout de nouveaux dioptres dans le système optique ce qui impacte le coût et l’encombrement du système final.

Les optiques sub-lambda et l’imagerie infrarouge

L’imagerie infrarouge non refroidi

Les détecteurs infrarouge non refroidis ou thermiques reposent tous sur la mesure de l’élévation de la température d’un élément sensible produit par l’absorption d’un rayonnement infrarouge. Le marché de l’infrarouge thermique est en forte croissance. Le nombre d’applications ainsi que les volumes de détecteurs augmentent chaque année : en 2017 le nombre de détecteurs thermiques vendus a augmenté de 30% pour atteindre 1.3 million d’unités. Les applications de surveillance et sécurité ont une part importante dans les applications thermiques : vision nocturne, pompiers, détection de personnes par exemple. Du côté des applications civiles, l’imagerie thermique est utile pour la thermographie des bâtiments afin de visualiser les pertes thermiques, mais aussi dans le milieu de l’industrie pour détecter des défauts à travers des points chauds par exemple. Enfin un marché en devenir est celui de l’automobile : en effet les fonctions d’assistance à la conduite seront de plus en plus importantes et notamment en vue de la mise en circulation de véhicules autonomes. Pour toutes ces applications, le faible coût et l’encombrement réduit des détecteurs thermiques sont un atout essentiel. Plusieurs technologies de détection infrarouge non refroidi existent :
— Les détecteurs pyroélectriques : ils sont constitués de deux électrodes entre lesquelles on place un matériau pyroélectrique. Un matériau absorbant est placé au dessus de cet empilement. Le matériau absorbant s’échauffe en présence d’un flux infrarouge et va induire une différence de température entre les électrodes, ce qui va avoir pour effet la création d’une différence de potentiel dans le matériau pyroélectrique. La mesure de cette différence de potentiel donne accès au flux infrarouge mais elle n’apparaît que pour des variations temporelles. Ce type de détecteur présente une faible sensibilité à température ambiante.
— Les détecteurs Cantilever reposent sur une modification des paramètres mécaniques d’une structure due à l’absorption d’un rayonnement infrarouge. La modification de ces paramètres mécaniques va permettre une détection du flux via une conversion en un signal électrique (éloignement entre deux électrodes par exemple).
— Les détecteurs thermo-électriques ou thermopiles exploitent l’effet Seebeck, c’est à dire l’apparition d’une différence de potentiel entre deux matériaux à deux températures différentes.
— Le dernier type de détecteur thermique que nous citerons est le détecteur bolométrique. C’est un détecteur résistif, dont nous allons détailler le fonctionement par la suite car il s’agit de la technologie la plus largement répandue et performante en infrarouge non refroidi. L’application principale de cette thèse visera des systèmes infrarouge faisant appel à ce type de détecteur.

L’imagerie bolométrique

Chaque pixel d’un détecteur bolométrique est un micro-bolomètre. Le micro-bolomètre se présente sous la forme d’une planche suspendue par deux bras .

Cette architecture poursuit deux objectifs :
— L’isolation thermique de la planche en minimisant la conduction thermique. Par ailleurs ce dispositif est packagé sous vide afin d’éviter la convection thermique. L’encapsulation sous vide des bolomètres peut se faire à l’échelle du plan focal entier, on parle alors de Wafer Level Packaging (WLP), mais elle peut aussi se faire individuellement sur chaque planche bolométrique, on parle dans ce cas de Pixel Level Packaging (PLP).
— Le deuxième intérêt de cette architecture suspendue est la création d’une cavité Fabry-Pérot sous la planche bolométrique. En déposant un matériau réfléchissant sous la membrane à une distance de λ/4 on crée une cavité quart d’onde qui permet de maximiser l’absorption du flux infrarouge par la planche bolométrique.

L’absorption du flux infrarouge entraîne un échauffement du bolomètre, ce qui a pour conséquence de modifier ses propriétés électriques. La technologie la plus répandue est celle de la thermistance c’est à dire que les variations de température de la planche bolométrique vont modifier la résistance électrique du bolomètre. Notons au passage qu’il existe d’autres technologies comme l’utilisation de transistors plutôt que de thermistances.

Les principaux bruits sont le bruit Johnson dû au bruit thermique qui fait fluctuer le courant, le bruit en 1/f dû à la recombinaison des porteurs de charges et le bruit de phonon dû aux fluctuations des échanges thermiques entre le détecteur et son environnement. Les autres paramètres importants sont :
— la capacité thermique Cth qui correspond à la capacité à stocker l’énergie thermique en J/K, elle est à minimiser
— la résistance thermique Rth en K/W qui est à maximiser et dépend surtout des bras de la planche bolométrique, de l’ordre de quelques dizaines à quelques centaines de MK/W
— la constante de temps thermique τth en seconde et qui correspond au temps de réponse donc à minimiser, de l’ordre de quelques ms à une dizaine de ms.

Le niveau de sensibilité d’un détecteur bolométrique se mesure comme étant la différence de température minimale détectable, c’est à dire équivalente au bruit, en Kelvin, notée NETD (Noise Equivalent Temperature Difference). Le NETD est typiquement de l’ordre quelques dizaines de mK[6].

Systèmes optiques associés 

Les matrices de micro-bolomètres actuellement commercialisées sont au pas pixel de 17µm voire 12µm, avec des plans focaux (FPA) de résolutions variées en fonction des applications, des matrices 80×80 aux formats VGA (640×480), XGA (1024×768) et jusqu’au format HD 1920×1200 au pas de 12µm réalisé par sierra-olympic c [7]. L’augmentation du format des détecteurs complexifie le système optique à associer. Par ailleurs la tendance est à la diminution du pas pixel, notamment pour des raisons de coût afin de fabriquer plus de matrices de bolomètres par wafer. Pour compenser cette diminution du pas pixel tout en préservant la sensibilité du détecteur il faut augmenter le flux reçu par unité de surface. Par ailleurs il faut s’assurer d’avoir une tache d’Airy de l’ordre de la taille d’un pixel.  Les aberrations peuvent être classées en deux catégories : les aberrations chromatiques dues à la dispersion des matériaux utilisés et les aberrations géométriques dues à la géométrie des optiques. La conception optique consiste à choisir et optimiser les différents paramètres associés aux lentilles d’un système optique (matériau, géométrie, diaphragmes) afin de minimiser les aberrations et satisfaire le cahier des charges (ouverture, champ de vue, encombrement, résolution…). Les aberrations chromatiques sont dues à la dispersion des matériaux utilisés dans les optiques, c’est à dire que l’indice de réfraction n varie avec la longueur d’onde. Etant donné la loi de Snell-Descartes qui décrit la réfraction de la lumière en fonction de l’angle d’incidence et des indices des deux milieux, l’angle de réfraction ne sera pas le même en fonction de la longueur d’onde pour un milieu dispersif.

n1(λ).sin(θ1) = n2(λ).sin(θ2)

La conséquence de ce chromatisme est que les rayons de différentes longueurs d’ondes ne focaliseront pas aux mêmes points en sortie du système optique. Pour éviter le chromatisme il faut utiliser des matériaux non dispersifs quand cela est possible. Dans l’infrarouge les optiques peuvent être réalisées en silicium, germanium, qui sont des matériaux très peu dispersifs, ou encore en ZnSe, ZnS, GASIR ou AMTIR qui sont dispersifs. Ces matériaux présentent un haut indice de réfraction, ce qui se traduit par de fortes réflexions de Fresnel en l’absence de traitement anti-reflet. Quand on ne peut pas utiliser de matériaux non dispersifs, on peut concevoir des doublets ou triplets de lentilles dans différents matériaux et de différentes formes pour compenser les aberrations chromatiques. Dans certains cas l’utilisation d’optiques diffractives présentant un chromatisme inverse aux optiques réfractives est envisagé pour compenser le chromatisme .

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Table des matières

Introduction
1 Les optiques sub-lambda et l’imagerie infrarouge
1.1 Introduction
1.2 L’imagerie infrarouge non refroidi
1.2.1 L’imagerie bolométrique
1.2.2 Systèmes optiques associés
1.3 L’infrarouge refroidi
1.3.1 La photodiode en HgCdTe
1.3.2 Systèmes optiques associés
1.4 Les optiques sub-lambda : principe de fonctionnement et applications
1.4.1 Du réseau de diffraction à l’optique sub-lambda
1.4.2 Les applications des optiques sub-lambda
1.5 Optique de concentration en face arrière d’une APD
1.6 Conclusion
2 Les outils développés : simulation, fabrication et caractérisation d’optiques sub-lambda
2.1 Introduction
2.2 Architecture pressentie
2.3 Les outils de simulation des réseaux sub-lambda
2.4 Simulation d’un système optique intégrant une optique sub-lambda
2.4.1 Conception de réseaux sub-lambda en RCWA
2.4.2 Simulation d’un système optique réfractif et amélioration par une optique sub-lambda
2.4.3 Simulation d’un système réfractif+sub-lambda : de la loi de SnellDescartes généralisée à la Grid Phase Surface
2.4.4 Validation de l’approche par une comparaison à une optique réfractive, une simulation FDTD et un calcul analytique via la loi de Snell-Descartes généralisée
2.5 Procédés de fabrication de structures sub-lambda
2.5.1 Procédé de fabrication des premiers prototypes
2.5.2 Procédés de fabrication avancés
2.6 Banc de caractérisation optique
2.7 Conclusion
3 Prototypage de lames sub-lambda
3.1 Introduction
3.2 Prisme sub-lambda
3.3 Correction d’une aberration sphérique dans le LWIR
3.4 Prototype optimisé de correction d’une aberration sphérique
3.5 Domaine de validité de l’approche et perspectives d’applications
3.6 Conclusion
4 Perspectives d’utilisation des optiques sub-lambda
4.1 Introduction
4.2 Amélioration de la transmission
4.3 Diminution de la sensibilité angulaire
4.4 La méthode du spectre angulaire
4.5 Le chromatisme
4.6 Retour sur le cas d’une lentille sub-lambda
4.7 Conclusion
Conclusion

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