Les différentes catégories de faute
D’après le code civil, la classification des fautes n’est pas nécessaire car toute faute, si légère ou si grave soit-elle oblige pareillement son auteur à réparer le préjudice entier qui en découle. Or, cette disposition du code civil est contraire à l’équité car la classification présente un intérêt du fait que la gravité de la faute a une influence sur la validité de la clause de non- responsabilité. Puisque les textes n’ont rien prévu, cela laisse alors le champ libre aux doctrines qui, jouent leur rôle supplétif. Au premier abord, les doctrines ne sont pas de même avis parce que chacune d’elles a sa propre classification. Mais en fait, elles se sont basées sur une même idée. La faute est classée selon sa gravité et cela du fait du comportement et de l’intention de l’auteur. Dans le droit ancien, c’était la hiérarchie tripartite des fautes qui a été mise en place. Et celle-ci était devenue la doctrine courante. La faute lourde33 est classée au plus haut degré. Il y a ensuite, la faute légère34 qui est appréciée selon le soin qu’un bon père de famille apporterait à ses affaires (in abstracto), ou selon le soin que le débiteur apporte à ses propres affaires (in concreto). Il y a enfin, la faute très légère35 qui n’aurait pu être évitée que par une personne très attentive. Cette classification était abandonnée parce qu’elle est basée sur le principe que la responsabilité variait selon le type de faute commise par le défaillant. C’est ainsi qu’une nouvelle hiérarchie s’est recréée, au travers de la jurisprudence et des textes particuliers. Certaines doctrines classent la faute en quatre catégories même s’il y a une certaine nuance supplémentaire entre elles, à savoir la faute volontaire, la faute lourde, la faute simple et la faute légère. La faute volontaire est encore divisée en deux : la faute intentionnelle qui se traduit par la volonté de causer le dommage et la faute dolosive37. La faute est qualifiée de dolosive tant que son auteur a intentionnellement méconnu son obligation et cela même s’il n’a pas la volonté de causer des préjudices à l’autre partie. D’après la règle traditionnelle « Malitiis non est indulgendum », le débiteur coupable de dol est toujours responsable envers le créancier. Quant à la faute lourde, elle est nommée par certains auteurs39 faute grave. D’après la jurisprudence « Confiant au dol, elle manifeste l’inaptitude de son auteur à assumer la mission dont il s’est chargé »40. Cela suppose la volonté du dit auteur à accepter la mission alors même qu’il ne possède pas la compétence y afférent. Le débiteur est alors de mauvaise foi. Certains textes spéciaux parlent de la faute inexcusable (Droit des accidents de travail, accidents de circulation…). A propos de la faute simple, qui est appelée également faute ordinaire, elle est la base du droit commun. Elle n’est ni spécialement grave ni légère. C’est elle qui est présumée dans les obligations de résultat à chaque fois que le débiteur ne peut pas s’exonérer par la force majeure. Et enfin, la faute légère qui est le fruit d’une simple imprudence ou négligence. Elle est peu grave. La question qui se pose est de savoir si le cas du mandataire suit cette classification du droit commun
Les différents types de fautes du mandataire
Le mandataire en tant que représentant du mandant, a l’obligation d’exécuter les missions que ce dernier lui a confiées. Il est donc considéré comme débiteur du mandant. L’article 1992 al.1er du C. civ. stipule que « Le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il a commises dans sa gestion ». Dans le rapport entre le mandant et le mandataire, on peut énumérer quelques agissements du mandataire qui peuvent être déterminés comme fautes de celui-ci d’après les jurisprudences et qui peuvent alors engager sa responsabilité. La classification de la faute qui est déjà mentionnée dans le cadre du droit commun apparaît également en matière de mandat. Le dol est la faute classée au plus haut degré. C’est ainsi que le mandataire est responsable du fait qu’en tant qu’organisateur du club automobiliste, il s’engage à obtenir pour les personnes adhérentes une assurance contre les accidents avec un assureur qu’il a choisi lui même. Mais ce dernier devient insolvable. Sa responsabilité est alors engagée parce qu’il n’a pas confié l’intérêt de ses mandants à des compagnies qui offrent toute garantie. Il a donc essayé de tromper ses mandants42. Et d’après la règle du droit commun, aucune clause de mandat ou du contrat d’assurance ne peut l’exonérer. C’est le cas également d’un mandataire acheteur, qui est responsable des vices de l’objet acheté s’il n’a pas su les apercevoir 43; ainsi que celui d’un mandataire chargé de payer un tiers et qui se dessaisit du prix sans s’assurer qu’il est versé au créancier inscrit et que les formalités de purge et de mainlevée d’inscription sont accomplies. Cela expose alors le mandant à payer une seconde fois . Le dol du mandataire peut aussi se concrétiser par l’abus de ce mandataire de sa mission et il ait conduit le mandant à des actes illicites dont ce dernier risque, en définitive d’être victime. La faute grave se trouve en second degré. Elle met en cause également la responsabilité du mandataire envers le mandant46. Pour cette jurisprudence, la cour de cassation a jugé qu’en signant en violation des ordres donnés, la lettre de soumission, en acceptant par avance la décision de l’administration des douanes, sans même prendre le soin de faire dresser le constat nécessaire à établir éventuellement qu’aucune infraction n’avait été commise, la société Danzas a outrepassé les limites de son mandat et commis des fautes graves dont elle doit seule supporter les conséquences.
La présomption de faute
En droit commun, pour la responsabilité contractuelle, le créancier n’est pas obligé de prouver la faute du débiteur mais il y a une présomption de faute à la charge de ce débiteur. Cette présomption consiste à déterminer que le fait pour le débiteur de ne pas avoir exécuté son obligation suppose sa faute. Elle vise le cas où il y aurait eu une inexécution complète de l’obligation. Cette présomption confirme la méthode de distinction de l’obligation de moyen ou de résultat pour prouver la faute. Pour le contrat de mandat, cette présomption est conçue en faveur du mandant dans le sens que dès qu’il y a inexécution d’obligation de la part du mandataire et que cela cause un préjudice au mandant, le dit mandataire est présumé en faute60. Cela veut dire que le mandataire n’a pas accompli la mission qu’on lui avait confiée. La question qui se pose alors c’est de savoir si cela présume la détermination de l’obligation du mandataire en une obligation de résultat. Concernant cette question, les décisions du tribunal ont suivi trois étapes. D’abord, la Cour de cassation a décidé que « hors le cas de force majeure, le mandataire est présumé en faute s’il n’exécutait pas ses obligations ». Par cette décision, l’obligation du mandataire était classée parmi les obligations de résultat. Après, par la décision de 1964, la Haute juridiction a jugé que « le mandataire salarié était tenu à une obligation générale de prudence et de diligence »62. Celle-ci s’est plutôt inclinée en faveur de l’obligation de moyen. A partir de 1989, la 1re ch. Civ. a repris la décision d’avant 1964 et a ajouté plus de précision. Elle a énoncé que « Si le mandataire est, sauf cas fortuit, présumé en faute du seul fait de l’inexécution de son mandat, cette présomption ne saurait être étendue à l’hypothèse d’une mauvaise exécution de ce dernier »63. C’est cette dernière décision qui est suivie jusqu’à maintenant. La jurisprudence a quand même apporté deux limites à ce propos. La première qui est absolue, est l’existence d’un cas fortuit. Elle est expressément prévue dans cette décision. Cela anéantit définitivement la présomption mais il faut que le mandataire apporte la preuve qu’il y a effectivement un cas fortuit. La deuxième limite est plutôt relative car elle dépend de l’analyse faite par les juges du fond. Ce sont eux seuls qui peuvent déterminer si la présomption trouve son application ou non, en apportant les explications sur les causes d’exonération. C’est la limitation de responsabilité du mandataire prévue dans le contrat. Enfin, cette jurisprudence a aussi précisé que la mauvaise exécution de la part du mandataire est différente de l’inexécution du mandat lui-même. Cela explique que la présomption ne s’étend pas sur la mauvaise exécution du mandat mais seulement sur l’inexécution de ce dernier65. La mauvaise exécution du mandat n’est pas alors suffisante pour engager automatiquement la responsabilité du mandataire. En invoquant la faute du mandataire, sur qui pèse la charge de la preuve ?
APPRECIATION DE LA RESPONSABILITE
Pour apprécier l’étendue de la responsabilité du mandataire, quelques auteurs ont choisi des éléments d’appréciation qui déterminent si la responsabilité est engagée plus, ou moins à la normale. Ces éléments sont au nombre de quatre à savoir: la gratuité ou non du contrat de mandat, la capacité personnelle du mandataire, le degré d’initiative que le mandant a laissé au mandataire et enfin le rapport personnel d’amitié ou de famille qui lie les parties. Nous allons prendre un par un ces quatre éléments. Pour la gratuité ou non du contrat de mandat, les auteurs ont conclu que si le mandat est exécuté à titre gratuit, le mandataire est moins responsable de ses actes. Mais depuis l’évolution des échanges commerciaux, le principe de la gratuité du mandat devient une exception car personne ne représente une autre qu’avec une contre partie. Pour le deuxième élément, il y a une atténuation de la responsabilité si le mandataire est un profane, dans le cas contraire, il y a aggravation de la responsabilité si le mandataire est un professionnel. Professionnel veut dire qu’il a l’habitude d’exercer l’activité et reçoit en contre partie une rémunération. Le degré d’initiative que le mandant avait laissé au mandataire est aussi invoqué par ces auteurs comme un élément d’appréciation. Si le mandataire a une large initiative pour accomplir sa mission, sa responsabilité est appréciée plus sévèrement. Mais s’il ne fait que suivre les instructions précises données par le mandant, il est libéré d’une partie de sa responsabilité. Enfin, RIPERT et PLANIOL prennent en compte le rapport personnel qui lie les parties. On peut prendre par exemple, le cas du mari qui donne un mandat à sa femme72. La responsabilité de la femme est appréciée avec plus d’indulgence .On peut déduire alors que la relation entre le mandant et le mandataire a un impact inévitable sur leur responsabilité. Si ces éléments sont utiles pour apprécier la responsabilité, comment peut-on limiter son étendue?
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : LES OBLIGATIONS ALLEGEES DU MANDANT
SOUS-PARTIE I : ALLEGEMENT DE L’OBLIGATION DU MANDANT VIS-A-VIS DU MANDATAIRE
Chapitre I Obligation allégée en raison du comportement fautif du mandataire
Section I Les Conditions de mise en œuvre de la responsabilité du mandataire
§ I. La faute
A. La notion de faute
1. Définition
2. Les différentes catégories de faute
B. Les fautes du mandataire
1. Les différents types de fautes du mandataire
2. La présomption de faute
3. La charge de la preuve
§ II. Le préjudice
§ III. Le lien de causalité
Section II La portée de la responsabilité du mandataire
§ I .Appréciation de la responsabilité
§ II. Etendue de la responsabilité du mandataire
Section III Implication de la responsabilité engagée du mandataire
§ I. Fondement
§ II. Les différentes formes de réparation
A. Les modes de réparation du droit commun
B. Les différentes formes de réparation propres au contrat de mandat
1. Réduction de salaire
2. Privation d’indemnité
Chapitre II Obligation allégée en raison du contenu du contrat
Section I Le fondement
Section II Les circonstances qui confirment le principe
§I .Les clauses contractuelles
A. En matière financière en général
B. En matière salariale
1. La clause proprement dite
2. Le pouvoir souverain des juges
C. En matière d’indemnisation
§ II. La renonciation du mandataire
Chapitre III Obligation allégée en raison du caractère professionnel du mandataire
Section I Les règles générales
Section II Les règles spécifiques pour chaque profession
§ I. Les agents immobiliers
§ II. Les agents de voyage
SOUS-PARTIE II ALLEGEMENT DE L’OBLIGATION DU MANDANT VIS-A-VIS DES TIERS
Chapitre I Les causes dépendantes du comportement du mandataire
Section I Le dépassement de pouvoir par le mandataire
§ I. La délimitation du pouvoir
§ II. Le sort de l’acte conclu
§ III. Les conséquences sur la situation du mandataire
A. Les modes de réparation
B. Les caractères de la réparation
Section II Traitement de l’affaire par le mandataire en son propre nom
§ I. Le fondement
§ II. Les conséquences
§ III. La réserve
Section III L’accomplissement d’un acte frauduleux entre le mandataire et le tiers contractant
§ I. Le fondement
§ II. Le désengagement du mandant
Section IV La responsabilité extracontractuelle du mandataire à l’égard des personnes étrangères au contrat
§I. Le fondement
§ II. Les conditions de mise en œuvre
§ III. L’engagement personnel du mandataire envers les tiers
Chapitre II La modification de la responsabilité par la volonté des parties
Section I La clause ducroire
Section II L’objet de la clause ducroire
Chapitre III Les causes dépendantes du caractère professionnel du mandataire
Section I L’agence immobilière
Section II L’agence de voyage
DEUXIEME PARTIE : LES OBLIGATIONS RENFORCEES DU MANDANT
SOUS-PARTIE I : RENFORCEMENT DES OBLIGATIONS DU MANDANT A L’EGARD DU MANDATAIRE
Chapitre I Obligations renforcées suite à volonté des parties
Section I La modification de la responsabilité par la volonté commune des parties : les clauses de responsabilité
§ I Le principe
§ II Les exceptions
Section II La modification de la responsabilité par la volonté unilatérale du mandant : la ratification
§ I La notion de ratification
§ II Les formes de ratification
§ III Les conditions de la ratification
§ IV Les effets de la ratification
Chapitre II Obligations renforcées suite à la faute du mandant
Section I Le fondement
Section II Les fautes du mandant
§ I Non exécution des obligations de la part du mandant
A. Non paiement du mandataire
1. Le principe général du contrat de mandat
2. L’impact de la non exécution de l’obligation de paiement par le mandant sur la situation du mandataire
B. Le non remboursement du mandataire
§ II La révocation abusive
A. Le principe de la révocation
B. La révocation abusive
§ III Le défaut de contrôle et de surveillance
§ IV Les autres fautes
Chapitre III Obligations renforcées suite à la prescription de la loi et du principe tiré de la jurisprudence
Section I Obligations renforcées à cause de la spécificité de certains actes
§ I Le fondement
§ II Les différents types d’acte
Section II L’engagement du mandant même après la fin du contrat
§ I Le principe
§ II L’exception
Chapitre IV Les causes résultant de la spécificité de certains contrats de mandat
Section I Le régime général des agents
Section II Le contrat de mandat avec un agent immobilier
§ I Exigence de certaines formalités
§ II La situation de l’agent immobilier
SOUS-PARTIE II LE RENFORCEMENT DES OBLIGATIONS DU MANDANT A L’EGARD DU TIERS CONTRACTANT
Chapitre I Obligations renforcées suite à l’accomplissement de l’acte par le mandataire
Section I Les fautes du mandataire
Section II Les conditions
Section III Ses effets sur la situation du mandant
Chapitre II Obligations renforcées suite à l’application de certaines règles du droit commun
Section I L’application de la théorie de la commission
§ I Les critères de qualification d’un préposé
§ II Le régime de la responsabilité du mandant
§ III Le recours du commettant
Section II L’action paulienne
§ I Le mécanisme
§ II Les conditions
§ III Les effets
Chapitre III Le renforcement indépendamment de la volonté du mandant
Section I La généralité
§ I La définition
§ II L’historique
§ III Les fondements
Section II Le régime juridique
§ I Les conditions de mise en œuvre
§ II La preuve
A Le sujet chargé d’apporter la preuve
B Les modes de preuve en matière de mandat apparent
Section III Les conséquences
§ I A l’égard du tiers contractant
§ II A l’égard du mandataire apparent
CONCLUSION
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