Définition
Conformément au Code de Santé Publique (2), toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Tout professionnel de santé est donc tenu de délivrer une information claire, précise et adaptée à chaque patient afin qu’il puisse participer et in fine, prendre en toute connaissance de cause les décisions sur les stratégies de soins qui le concernent. Il s’agit d’un droit fondamental du patient et d’un pilier de la relation soigné-soignant. De fait, c’est également un prérequis sine qua non à l’engagement du patient dans le contrat de soin le liant à son praticien. Cette obligation juridique et déontologique est également mentionnée au niveau international, dans la déclaration d’Helsinki (1964), amendée par la déclaration de Tokyo (1975). Elle est par ailleurs définie dans la convention européenne des droits de l’homme et de la biomédecine (1997) comme étant l’information reçue préalablement par un patient concernant le but et la nature d’une intervention ainsi que ses conséquences et risques. En France, cette obligation est définie de façon plus approfondie dans la loi du 4 mars 2002 (3) de la façon suivante : « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information doit porter sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposées, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences en cas de refus ». Bien que la forme de l’information délivrée puisse varier selon que le patient soit majeur, mineur, et capable, quelle que soit sa nature, il incombe donc au professionnel de santé de respecter cette obligation. Les trois seules situations dans lesquelles le chirurgien-dentiste n’y est pas tenu sont (2) :
1. Le patient n’est pas en capacité de recevoir une information ou d’exprimer son consentement car il est dans une situation d’urgence vitale. Ces conditions autorisent, logiquement, le praticien à tout de même réaliser l’acte de soin qu’il estime nécessaire.
2. Le patient n’est pas en capacité de recevoir une information ou d’exprimer son consentement mais il n’est pas dans une situation d’urgence vitale. Le praticien ne peut dans ce cadre réaliser l’acte de soin qu’après avoir délivré l’information et obtenu le consentement d’une personne responsable légalement du patient (parents, tuteurs, etc).
3. Le patient a émis la volonté d’être tenu dans l’ignorance. Il refuse donc de recevoir toute information.
La notion de perte de chance
Il est important de distinguer la notion de perte de chance de la notion de préjudice. La perte de chance est évaluée, et chiffrée, par le « degré de probabilité », présentée sous la forme d’un pourcentage. Le préjudice du patient, quant à lui, est évalué en fonction de l’état réel de la victime. Seul le préjudice résultant de la perte de chance pourra alors être réparé. En cas de préjudice, le juge sera chargé d’évaluer si le fait du praticien a entrainé une perte de chance, et, le cas échéant, si cette perte de chance a participé au dommage final du patient.
OBLIGATION DE MOYENS
Définition Le Code de Déontologie dentaire (8) énonce dans l’article R4127-204 que le chirurgien-dentiste ne doit en aucun cas exercer sa profession dans des conditions susceptibles de compromettre la qualité des soins et des actes dispensés ainsi que la sécurité des patients. Il doit également veiller à ne pas effectuer des actes, donner des soins ou formuler des prescriptions dans les domaines qui dépassent sa compétence professionnelle. Pour cela, il doit prendre, et faire prendre par ses adjoints ou assistants, toutes les dispositions nécessaires. L’arrêt Mercier (9) définit pour la première fois cette notion pilier de la médecine en précisant que les soins prodigués ne doivent pas être quelconques, mais consciencieux, attentifs, et réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science. Ainsi, même si l’amélioration de l’état de santé du patient ne peut être une certitude, les chirurgiens-dentistes, tout comme l’ensemble des professionnels de santé, sont obligés déontologiquement, éthiquement, et juridiquement de mettre en œuvre tous les moyens conformes aux recommandations professionnelles dont ils disposent et/ou qui existent afin d’arriver à ce résultat : il s’agit de l’obligation de moyens. La loi, dite Kouchner, du 4 Mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé en France s’exprime au travers de l’obligation de proposer et de mettre en œuvre toutes « les thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées » (10). Cette obligation de moyens s’applique à tous les professionnels de la santé et à tous les actes médicaux.
Situation de mise en application de cette obligation Reprenons l’exemple du patient victime d’un défaut d’information, à qui le chirurgien-dentiste traitant a lésé le nerf mandibulaire inférieur en mettant un implant en place de 46. Supposons que ce chirurgien-dentiste n’a suivi aucune formation sur la réalisation de ce type d’acte. Le praticien a donc réalisé cette chirurgie dans des conditions susceptibles de compromettre la sécurité de son patient. Sa responsabilité sera donc également engagée pour la lésion nerveuse dont il est responsable car il n’a, dans ce cas, pas respecté son obligation de moyens.
Innocuité des matériels invasifs, dispositifs médicaux ou instruments utilisés
L’arrêt du 9 novembre 1999 (19) et l’arrêt rendu le 7 novembre 2000 (20) ont émis l’idée qu’un praticien était également tenu à une obligation de sécurité en ce qui concerne les matériels et matériaux utilisés pour l’exécution d’un contrat de soins. C’est donc notamment le cas, dans notre discipline, des matériels réutilisables ou aiguilles jetables entre autres, mais également des implants dentaires, matériaux de comblements osseux, etc. Cela fait état également du conditionnement, de l’état de fragilité et d’entretien des matériels réutilisables, du bon respect des normes stérilisation. Reprenons l’exemple d’une séance de chirurgie implantaire. Dans ce cadre, il est nécessaire d’utiliser, entre autres, une cassette contenant la séquence d’instruments de chirurgie nécessaires. Cette trousse implantaire doit avoir suivi au préalable un cycle de décontamination et de stérilisation, puis avoir été stockée à l’abri de températures extrêmes et de l’humidité. L’assistante doit avoir vérifié, entre autres, la conformité de la stérilisation aux les normes et bonnes pratiques de stérilisation, et, avant l’intervention, l’intégrité de l’extérieur de l’emballage stérile de cette trousse. En cas de doute sur la qualité de la stérilisation ou l’intégrité de l’empaquetage stérile, tous les instruments contenus dans ce sachet sont donc potentiellement non stériles et, de fait, inappropriés à la réalisation de ce type de soins, en toute sécurité pour le patient. Si le chirurgien décide quand même d’utiliser cette cassette, il manquera à son obligation de sécurité et exposera son patient à d’éventuels risques. En cas de préjudice pour le patient, sa responsabilité sera donc juridiquement engagée.
|
Table des matières
INTRODUCTION
I) OBLIGATION D’INFORMATION
I.1 Définition
I.2 Forme de l’information
I.2.1 Claire et complète
I.2.2 Appropriée
I.2.3 Loyale
I.3 Preuve de l’information
I.4 La notion de perte de chance
I.5 Le consentement libre et éclairé du patient
I.6 Situation de mise en application de cette obligation
II) OBLIGATION DE MOYENS
II.1 Définition
II.2 Situation de mise en application de cette obligation
III) OBLIGATION DE RÉSULTATS
III.1 Définition
III.2. Situation de mise en application de cette obligation
III.3 Cas particulier de l’infection nosocomiale
III.3.1 Cas d’une infection nosocomiale contractée au sein d’un établissement de santé public comme privé
III.3.2 Cas d’une infection nosocomiale faisant suite à l’intervention d’un praticien en cabinet libéral
IV) OBLIGATION DE SÉCURITÉ
IV.1 Définition
IV.2 Innocuité des médicaments ou produits administrés ou injectés
IV.3 Innocuité des matériels invasifs, dispositifs médicaux ou instruments utilisés
V) OBLIGATION DE SÉCURITÉ DE RÉSULTAT
V.1 Définition
V.2 Situation de mise en application de cette obligation
VI) L’ACCIDENT MEDICAL NON FAUTIF
VI.1 Définition
VI.2 Situation de mise en application de cette obligation
VII)LES COMMISSION DE CONCILIATION ET D’INDEMNISATION DES ACCIDENTS MÉDICAUX, DES AFFECTIONS IATROGÈNES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES (CCI)
VII.1. Composition des CCI
VII.2. Les missions des CCI
VII.2.1 Éviter le procès et favoriser la résolution des conflits par la conciliation
VII.2.2 Permettre l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux
VII.3. Place de la CCI dans le paysage du contentieux médical
VIII) LA PROBLEMATIQUE SPÉCIFIQUE DE L’OBLIGATION DE SECURITE DE RESULTAT
VIII.1 À propos d’un cas historique
VIII.1.1 État pathologique ayant conduit aux soins et traitements pratiqués. Nature et déroulement des soins prodigués
VIII.1.2 État de santé actuel du patient
VIII.1.3 État antérieur du patient aux soins prodigués
VIII.1.4 Doléances exprimées par la victime
VIII.1.5 Conformité aux règles de l’art et aux données acquises de la Science
VIII.1.6 Rapport d’expertise
VIII.2 Confrontation d’avis d’experts
VIII.2.1 Matériel et méthodes
VIII.2.2 Cas Clinique proposé
VIII.2.2.1 Synthèse diagnostique
VIII.2.2.2 Les faits
VIII.2.2.3 Mission d’expertise sur pièces
VIII.2.3 Résultats
VIII.2.3.1 Rapport d’expertise n°1
VIII.2.3.2 Rapport d’expertise n°2
VIII.2.3.3 Rapport d’expertise n°3
VIII.2.4 Discussion
VIII.2.4.1 Concernant les responsabilités engagées
VIII.2.4.2 Concernant la notion de consolidation
VIII.2.4.3 Concernant l’évaluation des préjudices
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Télécharger le rapport complet