Formation des nuages
Nuages dโeau liquide
Nuclรฉation. Dans lโatmosphรจre, les molรฉcules de vapeur dโeau peuvent se rassembler pour former une goutte dโeau liquide : il sโagit du phรฉnomรจne de nuclรฉation. On distingue 2 types de nuclรฉation : nuclรฉation homogรจne et nuclรฉation hรฉtรฉrogรจne. Nuclรฉation homogรจne. La nuclรฉation homogรจne forme des gouttes d’eau ยซ pure ยป, directement ร partir des molรฉcules dโeau. La formation dโune goutte dโeau ยซ pure ยป requiert des รฉnergies trรจs fortes, qui dรฉpendent notamment de la saturation en vapeur dโeau. Lโair doit รชtre sursaturรฉ de 300-400% (il doit y avoir 3 ou 4 fois plus d’humiditรฉ quโร 100% d’humiditรฉ relative, Houze, 1993). L’humiditรฉ relative doit รชtre supรฉrieure ร 400% pour que le taux de formation des gouttelettes soit significatif. Or, dans lโatmosphรจre, la sursaturation dรฉpasse rarement 1% pour la formation de nuages liquides. La nuclรฉation homogรจne ne joue donc qu’un rรดle minoritaire pour la formation des nuages dโeau liquide. Cโest la nuclรฉation hรฉtรฉrogรจne qui entre principalement en jeu pendant la formation de nuages. Nuclรฉation hรฉtรฉrogรจne. En nuclรฉation hรฉtรฉrogรจne, les molรฉcules de vapeur dโeau ne vont pas se collecter sur dโautres molรฉcules de vapeur dโeau mais sur la surface de particules dโaรฉrosols. Si la tension de surface entre lโeau et la surface de nuclรฉation est suffisamment faible, le noyau est dit โmouillableโ (wettable en anglais) et lโeau peut former une calotte sphรฉrique sur la surface de la particule : on dit que la particule est un noyau de condensation (CCN: Cloud Condensation Nucleus en anglais, Petters and Kreidenweis, 2008).
Condensation, รฉvaporation, prรฉcipitations. Une fois formรฉes, les gouttes dโeau en suspension peuvent rรฉtrรฉcir par รฉvaporation, ou continuer ร grossir par condensation et par coalescence. Plus une goutte dโeau grandit et plus elle est susceptible de tomber sous forme de prรฉcipitations.
Nuages dโeau solide
Particules de glace. Lorsque la tempรฉrature est plus froide que ~-38ยฐC, le nuage sera composรฉ uniquement de particules de glace. Entre 0ยฐC et ~-38ยฐC, le nuage sera composรฉ de particules de glace, de gouttelettes dโeau surfondue (eau qui demeure liquide ร une tempรฉrature infรฉrieure au point de fusion de la glace) et dโun mรฉlange des deux (phase mixte) (Matus and Lโecuyer, 2017). La formation des particules de glace dans les nuages est un peu plus complexe. Nuclรฉation homogรจne. La nuclรฉation homogรจne de la glace ร partir de la phase liquide est analogue ร la nuclรฉation des gouttes ร partir de la phase vapeur (Pruppacher et Klett, 1997). Nuclรฉation hรฉtรฉrogรจne. Il nโy a pas encore de thรฉorie permettant de prรฉvoir de maniรจre rigoureuse la formation des cristaux ร partir des aรฉrosols. Nรฉanmoins, on connaรฎt diffรฉrents processus de nuclรฉation des petits cristaux ร partir des aรฉrosols (figure 2.1) :
โ Nuclรฉation par dรฉposition : des embryons de cristaux se forment directement en phase glacรฉe ร la surface des aรฉrosols.
โ Nuclรฉation par immersion : un aรฉrosol prรฉsent dans une gouttelette peut favoriser sa congรฉlation ร des tempรฉratures plus chaudes que pour la congรฉlation homogรจne des gouttelettes.
โ Nuclรฉation par condensation : lโaรฉrosol se recouvre dโune pellicule dโeau liquide (formation dโune gouttelette) et la congรจle. (mรชme processus que la nuclรฉation par immersion, sauf que la gouttelette est formรฉe directement ร tempรฉrature nรฉgative)
โ Nuclรฉation par contact : une gouttelette surfondue entre en contact avec un aรฉrosol et congรจle immรฉdiatement.
La principale difficultรฉ pour la formation de cristaux de glaces repose sur le fait que les molรฉcules solides sont disposรฉes dans un rรฉseau cristallin trรจs ordonnรฉ. La particule dโaรฉrosol doit prรฉsenter une configuration cristallographique similaire ร celle de la glace (Figure 2.2) : la particule est appelรฉe noyau de glaciation ou de dรฉposition (ice nuclei en anglais).
Croissance des particules de glace. Une fois formรฉes, les particules de glace continuent ร grossir par dรฉposition (la vapeur dโeau se dรฉpose directement sur le noyau de glaciation), ou peuvent rรฉtrรฉcir par sublimation (les particules de glaces vont sโรฉvaporer au contact de lโair ambiant). Elles peuvent aussi grossir par agrรฉgation, c.-ร -d. que les particules de glace collectent dโautres particules de glace. Ce grossissement dรฉpend de la tempรฉrature (les surfaces des cristaux de glace deviennent collantes lorsque la tempรฉrature est supรฉrieure ร -5ยฐC) et du type de cristal (dรฉfini en fonction de sa forme, de la tempรฉrature et du taux dโhumiditรฉ de lโair). Les particules de glace peuvent aussi grossir en contact avec des gouttes dโeau surfondues, qui vont geler en contact de celles-ci, par givrage (ยซ riming ยป). Ce processus se produit dans les nuages en phase mixte oรน les particules de glace et les gouttelettes d’eau coexistent (Erfani and Mitchell, 2017).
Fusion. Enfin, les particules de glace peuvent se changer en eau liquide au contact de lโair ou de lโeau au-dessus de 0ยฐC: cโest la fusion (melting en anglais, Mason, 1955).
Classification des nuages
Diffรฉrents types de nuages sont observรฉs dans la troposphรจre. Ils sont classรฉs en 10 grandes types de nuages (Figure 2.3). Chaque type de nuages est lui-mรชme divisรฉ en sous-types de nuages suivant leur taille, leur composition, etc. Chaque type de nuage va jouer un rรดle plus ou moins important sur le climat et son รฉvolution via sa capacitรฉ prรฉcipitante, son impact radiatif (section 2.2.5), ses rรฉtroactions (section 2.3.5), sa gรฉnรฉralitรฉ et sa distribution gรฉographique.
Observations globales des nuagesย
Lโobservation spatiale des nuages ร l’รฉchelle globale commenรงa ร lโaide de capteurs passifs. Parmi les observations satellitaires ayant le plus contribuรฉ ร la connaissance des nuages ร lโรฉchelle globale, on peut citer MODIS (Moderate-Resolution Imaging Spectroradiometer), un radiomรจtre spectral embarquรฉ sur les satellites Terra et Aqua (Pagano et Durham, 1993). Les capteurs passifs permettent dโanalyser la distribution mondiale des nuages, leurs propriรฉtรฉs et leurs variations interannuelles et saisonniรจres (Figure 2.4). On peut donc รฉtudier le rรดle des nuages dans le climat ร partir des donnรฉes rรฉcoltรฉes. Il existe beaucoup de capteurs passifs, chacun avec ses forces et ses faiblesses. Rรฉconcilier les propriรฉtรฉs nuageuses issues de leurs mesures est un travail difficile (Stubenrauch et al., 2013).
Nuages et dynamique atmosphรฉrique dans les tropiques
Lโรฉnergie solaire excรฉdentaire reรงue par la Terre (Section 2.1.5) est en partie redistribuรฉe des tropiques vers les pรดles grรขce ร la circulation atmosphรฉrique tropicale, notamment grรขce aux cellules de Hadley (Hadley, 1735). Ce sont des circulations atmosphรฉriques composรฉes dโun mouvement ascendant (zones de convection au niveau de lโรฉquateur) et dโun mouvement descendant (zones de subsidence vers ยฑ30ยฐ de latitude). Dans les branches ascendantes des cellules de Hadley, l’air se dilate et se refroidit, condensant de la vapeur d’eau, ce qui forme des nuages รฉpais (par exemple de type cumulonimbus) provoquant des prรฉcipitations. Les prรฉcipitations sโorganisent le long de lโรฉquateur. Des zones sรจches existent aussi dans la langue froide รฉquatoriale (รฉquivalent ร la zone de subsidence du Pacifique รquatorial (PESZ), figure 2.5) ainsi que dans les rรฉgions subtropicales, ร l’exception des fortes pluies durant les รฉpisodes de mousson sur l’Asie du Sud et de l’Est pendant l’รฉtรฉ. Nous verrons plus loin (section 2.2.3) que de nombreuses รฉtudes montrent que des changements, dโici la fin du 21e siรจcle, dans la circulation atmosphรฉrique tropicale vont impacter le climat mondial dans le futur (par exemple Vecchi et Soden, 2006). Les Tropiques sont le moteur de la circulation atmosphรฉrique globale (Meehl et al., 1987) et il est essentiel de bien maรฎtriser lโรฉvolution de leur รฉquilibre radiatif et nuageux.
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Table des matiรจres
1 Introduction
2 Les nuages et le climat
2.1 Les nuages
2.2 Les nuages dans un climat en รฉvolution
2.3 Rรฉsumรฉ et questionnements scientifiques
3 Outils, observations et modรจles
3.1 Observations et rรฉanalyses
3.2 Modรจles de circulation gรฉnรฉrale et simulateurs
3.3 Conclusion
4 Dynamique atmosphรฉrique et propriรฉtรฉs des nuages opaques dans les Tropiques : climat actuel
4.1 Observations et rรฉanalyses
4.2 Modรจles CESM1 et IPSL-CM6
4.3 Origines possibles des diffรฉrences entre modรจles
4.4 Conclusions
5 Dynamique atmosphรฉrique et propriรฉtรฉs des nuages opaques dans les Tropiques : climat futur
5.1 Changements dans l’organisation gรฉographique des propriรฉtรฉs des nuages opaques et des rรฉgimes dynamiques
5.2 Changements des propriรฉtรฉs nuageuses opaques et de lโeffet radiatif des nuages par rรฉgime dynamique
5.3 Changements dans la distribution des propriรฉtรฉs des nuages opaques vs les rรฉgimes dynamiques
5.4 Changements dans la distribution de lโeffet radiatif des nuages
5.5 Origines dynamiques et thermodynamiques des changements des propriรฉtรฉs nuageuses opaques
5.6 Conclusions
6 Tendances des nuages opaques dans les Tropiques pendant le siรจcle prochain, et impact d’รฉvรฉnements climatiques naturels
6.1 Evolution des propriรฉtรฉs des nuages opaques pendant le 21e siรจcle
6.2 Impact de la variabilitรฉ naturelle : รฉvolutions des propriรฉtรฉs nuageuses opaques lors dโun รฉvรจnement El Niรฑo
6.3 Conclusions
7 Conclusions