LES NOUVELLES POLITIQUES CRIMINELLES FACE A L‘AVENEMENT DE LA CRIMINALITE IMMATERIELLE

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L’implantation des filières internationales de la drogue dure en Afrique de l’Ouest.

Depuis le milieu des années 2000, au regard des quantités de drogue saisies, l‘Afrique de l‘Ouest, est considérée par certains experts comme étant une zone de transit importante de la cocaïne d‘origine latino-américaine. Alors qu‘entre 1998 et 2003, les saisies moyennes pour l‘ensemble du continent s‘élevaient, selon l‘ONUDC (Organisation des Nations unies contre la drogue et le crime), à 0,6 tonne par an, l‘année 2004 marque une inflexion majeure, avec une multiplication par cinq des saisies (3,6 tonnes).
Leur point culminant est atteint en 2007 avec près de 6 tonnes156. Les statistiques de l‘ONUDC font état de 2,5 millions de consommateurs en Afrique de l‘Ouest et Centrale dont plus de la majorité en Afrique de l‘Ouest. En février 2013, une quantité de 47 à 48 tonnes a été saisie, d‘une valeur estimée de 1,25 millions de dollars US, un montant qui dépasse les budgets nationaux alloués à la sécurité. En plus, deux (02) laboratoires de production de méthamphétines ont été détectés au Nigéria entre 2011 et 2012157. Ces saisies expliquent en partie l‘implantation des filières internationales de la drogue en Afrique de l‘Ouest. Cette implantation est facilitée par plusieurs facteurs parmi lesquelles le contournement des anciennes routes de la drogue, ce que l‘on appelle l‘effet ballon(1), la fragilité des structures étatiques(2) et le mode opératoire très sophistiqué des réseaux(3).

L’expansion du cannabis en Afrique de l’Ouest.

Selon différents historiens, le cannabis est présent en Afrique de l‘Ouest depuis le XIIIème siècle, et les premiers contacts ont été noués avec les Arabes. Pour d‘autres, sa présence remonte, au plus tard, à la fin de la seconde guerre mondiale avec le retour des soldats ghanéens et nigérians des combats au sein de l‘armée britannique en Asie du Sud. Cependant, la région n‘a jamais été, jusqu‘au milieu des années 80, une zone de production et de consommation à grande échelle. Elle a été à cette époque une zone de transit. Elle est devenue au fil du temps un véritable lieu de production, de consommation, et de trafic. Ses circuits de diffusion épousent les contours de l‘arc des tensions ouest-africain.
L’Afrique de l’Ouest, une zone de production du cannabis.
Pour la production, les experts s‘intéressent à la culture de compensation et à la culture d‘intégration. La culture de cannabis apparaît dans deux contextes particuliers comme culture de compensation dans des régions fortement orientées vers des cultures de rentes et dans des zones où la dégradation des conditions écologiques a contribué à une réduction des surfaces cultivables. Les deux phénomènes sont parfois concomitants. Cette expansion de la culture de cannabis durant les décennies 1980 et 1990 constitue la réponse des agriculteurs africains à la détérioration du contexte général de l‘activité agricole.
Culture de compensation, le cannabis l‘est aussi dans des contextes de réduction des terres cultivables du fait de phénomènes climatiques ou écologiques adverses (sécheresse, salinisation ou forte érosion), mais également du fait de blocages fonciers enchérissant l‘accès à la terre, en particulier pour les jeunes générations. Il en est ainsi au Togo, en Côte d‘Ivoire et en Guinée-Conakry sur les fronts forestiers bloqués où, pour les jeunes agriculteurs, l‘accès à la terre est restreint. La valeur ajoutée de la production de cannabis rapportée à la superficie cultivée est telle qu‘elle permet des revenus importants sur des superficies réduites. Cette caractéristique permet donc d’accéder à une activité agricole sans disposer d‘un important capital foncier généralement requis.
En tant que culture de rente, le cannabis permet l‘intégration des régions dont l‘accès physique aux marchés est limité ou qui ne disposent pas de cultures de rente qui pourraient permettre leur intégration aux circuits marchands. Les territoires sur lesquels se développent les cultures illicites du cannabis, écrivait Alain LABROUSSE, « constituent des enjeux économiques ou géopolitiques de première importance. Si mafias et rébellions tirent le plus souvent des ressources considérables de ces activités, il arrive que certains gouvernements les tolèrent ou les encouragent, soit pour en tirer directement profit, soit pour bénéficier de l’aide internationale censée permettre de les combattre »188.
Les organisations tiennent ainsi leur pouvoir de leur capacité de centraliser la rente pour gérer sa redistribution. Cette centralisation leur donne un pouvoir de contrôle, d‘assujettissement et d‘allégeance sur les membres de l‘organisation, bénéficiaires internes et externes. Ils font tout pour que la violence règne dans les territoires d‘actions dans le but de remettre en cause le monopole de son exercice légitime par les Etats. Cette situation a des conséquences aux niveaux politico-économique, politico-stratégique et stratégico-économique telles que la corruption des fonctionnaires, l‘extorsion de fonds, l‘absence de monopole de l‘exercice de violence par les Etats, la présence de pouvoirs locaux armés, de milices, la création de zones non contrôlées et des guerres des mafias sur le marché illégal.
Ces conséquences sociopolitiques s‘expliquent par la présence de deux sortes d‘acteurs, les acteurs centraux et les acteurs périphériques. La filière réunit des branches fortement différenciées quant à leur organisation économique et sociale, aux acteurs impliqués, à leur rentabilité, et aux risques encourus par ces acteurs189. Elle possède deux secteurs qui se complètent. Le premier est le secteur de l‘oligarchie qui s‘occupe de la production et du transport en gros est le cœur de la filière et lui imprime sa marque. C‘est à ce niveau que les profits sont plus importants et que l‘effet des réinvestissements dans l‘économie légale se fait profondément sentir. Le second est concurrentiel. Il existe une compétition permanente entre les acteurs et les pouvoirs financiers dont les stratégiques paraissent relativement faibles. La compétition se développe au bout de la chaîne dans la culture par les paysans des feuilles et dans la petite distribution.
Ces deux maillons dépendent fortement de l‘oligopole et ce dernier organise le réseau, c’est-à-dire les échanges sociaux informels entre les ordres économiques, politiques et criminels. Pour parvenir à leurs fins, les criminels utilisent différentes méthodes comme la violence, la menace et la corruption des agents chargés de la lutte contre le trafic des stupéfiants dans le but de gérer stratégiquement la création et l‘appropriation des rentes légales et illégales. En plus de la production, l‘Afrique de l‘Ouest est aussi une zone de trafic et de consommation du cannabis.
L’Afrique de l’Ouest, une zone de trafic et de consommation du cannabis.
Le cannabis est la principale source du trafic inter et intra étatique. En effet, le cannabis est cultivé et produit dans la quasi-totalité des pays ouest-africains. En 2008, 390 tonnes d‘herbes de cannabis ont été saisies en Afrique de l‘Ouest et du Centre, dont 335 réalisées au Nigéria soit 6% des saisies mondiales190.Annuellement, les quantités de cannabis saisies sont sans commune mesure avec les autres types de drogue. L‘herbe de cannabis est la drogue la plus trafiquée à l‘intérieur de tous les Etats de l‘Afrique de l‘Ouest mais aussi entre les Etats. L‘essentiel des saisies de cannabis d‘origine ouest-africaine effectuées en Europe ont emprunté la voie maritime. Les circuits de distribution du cannabis en Afrique de l‘Ouest sont contrôlés par des groupuscules plus ou moins organisés selon l‘importance du trafic.
Depuis quelques années, le trafic de cannabis ainsi que les saisies effectuées sont marqués par une évolution stable en Afrique de l‘Ouest191. La production et la consommation du cannabis, moins documentés, touchent depuis plusieurs années la région. Il est la drogue la plus consommée dans tous les pays de la zone sauf le Burkina-Faso. Par exemple, au Sénégal, le cannabis récolté en Basse-Casamance, traverse ainsi la frontière des deux Guinées pour rejoindre le Mali méridional, d‘où certaines quantités sont expédiées vers le Burkina Faso et la Côte d‘Ivoire. Six cent quarante (640) tonnes d’herbe de cannabis ont été saisies en Afrique en 2009, soit 11 % des quantités saisies à l’échelle mondiale192. Toutefois, la menace ultime représentée par le trafic de drogue en Afrique de l‘Ouest réside dans les alliances possibles entre trafiquants et divers autres groupes criminels et terroristes, en vue d‘étendre leur influence.

Une solidarité au niveau international.

Aujourd’hui, nous constatons le passage d‘une stratégie régionale à une stratégie globale des mouvements terroristes. Ce constat ouvre les perspectives de l‘internalisation du Jihadisme africain qui s‘offre de plus en plus de moyen notamment des alliés de taille. L‘idée des groupes terroristes est d‘instaurer un califat au niveau mondial. Ce califat peut prendre la forme d’une «confédération» ou d’une «fédération» d’Etats islamiques comme le montre l’extension de l’Etat islamique jusqu’à l’Afrique de l‘Ouest. Les jalons déjà posés se voient à travers la solidarité à l‘échelle internationale qui existe entre les mouvements. Celle-ci se comprend si l‘on s‘intéresse aux modes opératoires et aux idéologies.
Du point de vue du mode opératoire de nombreuses similitudes sont notées entre Boko Haram et le Daech (l‘Etat Islamique) notamment leurs visées, la sauvagerie des crimes et leur rapport avec les femmes et les enfants. Les massacres commis par Daech à l’encontre des communautés chrétiennes et yézidie en Irak et en Syrie ressemblent aux violences commises à l’encontre des chrétiens et des musulmans dans les Etats du nord du Nigeria où Boko Haram est implanté.
Sur le plan idéologique, les groupes ouest africains (Boko Haram, MUJAO, Aqmi) et le Daech souhaitent l‘instauration de la charia (la loi islamique) et d’un califat. Une annonce officielle du rapprochement entre Boko Haram et le Daech terroristes a été faite le 7 mars 2015336. Les jihadistes africains avaient adressé des messages de soutien à Abou Bakr el-Baghdadi, le chef de Daech, alors qu‘il annonçait la création d‘un califat. Et, depuis quelques temps, les méthodes de communication de Boko Haram et son mode d‘action sur le terrain avaient évolué, laissant deviner que le groupe nigérian était conseillé par l‘organisation Etat islamique.

le financement du terrorisme

Les groupes et leurs financiers utilisent plusieurs méthodes et techniques pour la collecte, le transfert et l‘utilisation de fonds. Nous citerons le soutien des organisations terroristes internationales aux groupes extrémistes africains qui leur ont prêtés allégeances, l‘usage par des terroristes et groupes terroristes de moyens à la fois licites et illicites pour collecter des fonds pour le maintien du personnel, le recrutement, l‘achat d‘outils et d‘équipement, la diffusion de propagandes, l‘exploitation de canaux formels et informels pour déplacer des fonds, l‘utilisation des Organisations Non-Gouvernementales (ONG) et œuvres caritatives comme circuits de financement du terrorisme. Mais avant d‘étudier ces méthodes et techniques de financement ou les typologies, nous allons scruter la notion de financement du terrorisme.

La notion de financement du terrorisme.

Le financement du terrorisme a été défini dans divers instruments internationaux de lutte contre le terrorisme et contre le financement du terrorisme (LFT). Selon la Convention de l‘ONU pour la suppression du Financement du Terrorisme, le financement du terrorisme est ainsi défini « Commet une infraction au sens de la présente convention toute personne, par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, illicitement et délibérément, fournit ou réunit des fonds, dans l‘intention de les voir utilisés, ou en sachant qu‘ils seront utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre :
-un acte qui constitue une infraction au regard ou selon la définition de l‘un des traités énumérés en annexe,
-tout acte destiné délibérément à blesser ou tuer un civil, ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque par sa nature, cet acte vise à intimider une population, un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir, ou à s‘abstenir d‘accomplir, un acte quelconque344. »
La Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI) définissent également le financement du terrorisme comme « l‘aide financière, de toute forme, au terrorisme ou à ceux qui encouragent, envisagent ou s‘engagent dans ce cadre345». De plus, le Groupe d‘Action Financière (GAFI) note qu‘il englobe le financement des actes terroristes et des terroristes et organisations terroristes346. A travers ces définitions, émergent des cadres qui fournissent une plus grande compréhension de la manière du financement du terrorisme.
Dans le contexte ouest africain, il est particulièrement important de noter les limites consistant à considérer le financement du terrorisme seulement en termes de « fonds » ou de transactions financières, étant donné l‘accès limité aux services financiers formels dans bien des pays de la région347. Le Centre Intégré d‘Évaluation des Menaces348 à la suite d‘une étude propose une définition plus large du financement du terrorisme et opère deux précisions. L‘étude considère que les objectifs et processus du financement du terrorisme et activités connexes sont fondamentalement différents de ceux du blanchiment; et, «l‘argent est seulement l‘un des instruments essentiellement interchangeables qu‘on peut changer » afin que les groupes terroristes obtiennent l‘utilisation finale des biens et autres ressources dont ils ont besoin. Ainsi, la notion de « financement » du terrorisme peut fournir un cadre plus approprié pour évaluer les activités économiques des acteurs terroristes349.
Le Centre Intégré d‘Évaluation des Menaces soutient également que le financement du terrorisme n‘est pas un processus linéaire. Le modèle se compose de plusieurs étapes à savoir l‘acquisition, l‘agrégation, la transmission à une organisation, la transmission une cellule et la conversion, ce qui couvre le processus de bout en bout tout en adaptant une gamme de variations. Le modèle fournit un cadre d‘analyse de toutes les méthodes et moyens la fois d‘origine licite et illicite utilisés par les organisations terroristes pour soutenir leurs opérations et infrastructures. Ces méthodes pourraient inclure le vol ou détournement d‘utilisation finale des biens et le rassemblement de dons ou fourniture directe d‘équipements aux cellules350.

Le financement du terrorisme par le système de transfert alternatif : le hawala.

Le hawala désigne un réseau informel de transfert de fonds d‘un lieu à un autre par le biais de courtiers appelés « les hawaladars », quels que soient la nature de la transaction ou les pays impliqués. Ce type d‘opération est engagé le plus souvent par des travailleurs qui ont émigré dans un pays développé et sert aussi à envoyer des fonds à partir d‘un pays en développement, même si le but du transfert est en général différent373.
Dans cette technique, la transaction initiale peut être un envoi de fonds d‘un client (CA) d‘un pays A ou un paiement résultant d‘une obligation antérieure effectué au profit d‘un client (CB) d‘un pays B. Un hawaladar du pays A (HA) reçoit de CA des fonds libellés dans la monnaie de ce pays et remet à CA un code d‘identification. Il donne alors instruction à son correspondant (HB) du pays B de verser un montant équivalent en monnail locale à un bénéficiaire désigné (CB), qui doit donner à son tour le code pour recevoir les fonds. HA peut se rémunérer en prenant une commission ou en jouant sur la marge d‘intermédiation. Après remise des fonds, HA a un engagement envers HB et le dénouement des positions peut se faire par règlement financier ou importation de biens et services. Les positions des deux parties peuvent aussi être transférées à d‘autres intermédiaires, qui reprennent et consolident les positions initiales et assurent un règlement global ou multilatéral.
Le règlement de l‘engagement contracté par HA vis-à-vis de HB suite à la transaction initiale peut se faire par l‘importation de biens ou par une «hawala en sens inverse». Cette dernière opération est souvent utilisée, dans les pays en développement, pour financer des investissements ou couvrir des dépenses de voyage, de santé ou d‘éducation. En cas de contrôle des changes dans le pays B, par exemple, le client (XB), qui souhaite transférer des fonds à l‘étranger pour régler des frais de scolarité, fournit de la monnaie locale son courtier HB et demande qu‘une somme équivalente soit remise à son fils (XA) dans le pays A. Les clients ne sont pas conscients du fait que la transaction est une hawala ou une hawala inverse. HB peut utiliser directement HA si XB a besoin de fonds dans le pays A, ou indirectement en lui demandant d‘utiliser un autre correspondant dans un autre pays où les fonds sont attendus. Une hawala en sens inverse n‘implique pas forcément que le règlement soit effectué par les mêmes hawaladars. Elle peut faire intervenir différents hawaladars et être liée à une autre transaction. Elle peut aussi être réglée par le biais d‘importations. HA peut ainsi régler sa dette en finançant des exportations vers le pays B, où HB sera l‘importateur ou l‘intermédiaire374.
Toutes les typologies de financement du terrorisme ainsi que la solidarité notée entre les groupes terroristes en Afrique de l‘Ouest montrent les moyens importants dont disposent les groupes terroristes. Les groupes terroristes exploitent les difficultés politiques, sociopolitiques et sécuritaires telles que la pauvreté, l‘instabilité politique et la faiblesse de la coopération interétatique pour mener lever, déplacer et distribuer les fonds.
Les terroristes et les organisations terroristes utilisent à la fois des moyens légitimes et illégitimes pour lever des fonds. Les fonds recueillis sont utilisés pour assurer l’entretien personnel des membres et de leurs familles, l’achat d’outils et d’équipements, le recrutement de nouveaux membres et la propagande pour attirer des sympathies et soutiens qui les aident à perpétrer des actes terroristes.
La prolifération des mouvements terroristes en Afrique de l‘ouest constitue un défi pour les Etats. Le phénomène a contraint l‘Union africaine à se doter d‘une large gamme d‘instruments juridiques et organisationnels pour adapter son architecture de défense et de sécurité à la nouvelle menace transfrontalière.
Malgré le danger que cette menace représente pour l‘Afrique, elle offre aussi aux États Africains une opportunité de coopérer en touchant à des domaines qui jusque-là relevaient de la souveraineté des États. Sous l‘impulsion de l‘Union Africaine, les efforts en matière de lutte contre le terrorisme se mutualisent, les cadres de coopération sécuritaire se multiplient mais l‘efficacité de toutes ces initiatives est amoindrie par l‘absence d‘un cadre stratégique qui oriente les actions et par les maux intrinsèques à l‘institution panafricaine.
Pour emprunter au vocabulaire sociologique, la menace terroriste en Afrique est un fait social. C‘est-à-dire, en l‘espèce, une sorte de pathologie à partir de laquelle on peut lire l‘ensemble des maux et faiblesses structurelles qui affectent le continent. Le terrorisme est sans conteste une unité d‘analyse pertinente pour saisir des contradictions en Afrique375.
L‘étude du titre I a permis de montrer que le phénomène de criminalité transfrontalière organisée est multiforme. Ce phénomène criminel nous plonge dans l‘espace et le temps, deux concepts au centre de la criminalité organisée communément définie comme un « ensemble de crimes et délits caractérisés par une préparation, minutieuse, avec multiples interventions, et dimension en général internationale »376. L‘Afrique de l‘ouest377 est un espace géographique qui fait face à des actes délictueux dont les auteurs et les répercussions vont au-delà des frontières étatiques.

LES RÉPONSES ÉTATIQUES ET SOCIÉTALES DE POLITIQUE CRIMINELLE.

La politique criminelle383 évoque une chaîne non-linéaire de réactions fondamentales à la déviance et à l‘infraction (réponse étatique ou réponse sociétale à l‘infraction/réponse étatique ou réponse sociétale à la déviance)384pouvant se décliner différemment. La réponse étatique à l‘infraction peut prendre la forme d‘un dispositif de droit pénal, de droit pénal spécial, de droit civil ou de droit administratif.
La politique criminelle évoque dès lors le cadre de la réponse publique à la criminalité. C‘est le principe de la réponse (intervention étatique ou initiatives sociétales), la sélection du type de la réponse (droit pénal, droit administratif, droit civil, médiation, légitime défense…), et ses modalités d‘expression, c‘est-à-dire la nature de ses relations aux autres instances du système politique et social (parlement, exécutif…). C‘est dire que face à une criminalité qui se mondialise, avec comme dénominateur commun la structuration en bande ou réseau, il faut non seulement adapter les réponses étatiques mais également adopter des réponses sociétales. Les Etats doivent donc aménager des mécanismes permettant l‘intervention de la société civile à plusieurs niveaux (famille, groupes professionnels…) de participer à la lutte contre la criminalité surtout dans le domaine de la prévention.
La réponse étatique à l‘infraction peut être la répression mais également la prévention des menaces. La réponse sociétale peut prendre la forme préventive au cas d‘autodéfense de la victime qui met en place des dispositifs de sécurité385.Nous verrons l‘adaptation des réponses étatiques (Chapitre I) et l‘adoption de réponses sociétales (Chapitre II).

L’élaboration de mécanismes de répression en droit pénal de fond.

Face à la propension rapide de la criminalité transfrontalière organisée, les Etats doivent intégrer dans leur législation des dispositions permettant de réprimer les agissements des criminels. Ainsi, les techniques de l‘incrimination doivent être élargies d‘une part (A) et les techniques de mise en œuvre des incriminations aménagées d‘autre part (B) par la consécration de la responsabilité des personnes morales et la diversification des sanctions pénales.

L’élargissement des techniques de l’incrimination.

Le concept de criminalité organisé apparaît sous des formes diverses. On peut distinguer deux cas de figure, celui où l‘infraction est tentée ou consommée et celui où l‘acte se résume en simples actes préparatoires. L‘élargissement des techniques de l‘incrimination permet non seulement de sanctionner les criminels mais également de prévenir d‘éventuelles activités criminelles. Nous allons voir l‘incrimination des infractions déjà consommées (1) et des actes préparatoires (2).

L’incrimination des infractions déjà consommées.

En matière de criminalité organisée, une infraction est dite consommée ou à résultat lorsqu‘elle porte atteinte d‘une manière effective aux valeurs sociales comme la vie ou le patrimoine. L‘incrimination des infractions consommée est prévue dans la convention de Palerme de 2000, ratifiée par le Sénégal389. Elle est constituée si certaines conditions sont réunies. Elle doit être commise par plusieurs personnes (a) et avoir des ramifications qui dépassent les frontières des Etats concernés (b).

Une infraction commise par plusieurs auteurs.

L‘infraction est constituée, aux termes de la convention de Palerme, que si elle est commise au moins par trois personnes. L‘objectif principal de la politique criminelle est le démantèlement des groupes criminels organisés » qui constituent un danger social par la prévention, les enquêtes et les poursuites.
L‘Etat du Sénégal a ratifié, le 19 septembre 2003 en vertu de la loi n° 2003-17 du 18 juillet 2003, d‘une part, la Convention des Nations-unies contre la criminalité transnationale organisée, d‘autre part, le Protocole visant à prévenir, réprimer, et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants et enfin, le Protocole additionnel contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, signés à Palerme, en Italie, en décembre 2000.
Le ―groupe criminel organisé‖, à la lumière de la convention de Palerme, désigne un groupe structuré de trois personnes ou plus existant depuis un certain temps et agissant de concert dans le but de commettre une ou plusieurs infractions. Il s‘agit d‘infractions graves pour lesquelles le dessein des criminels est d‘en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel390. L‘expression vise également la participation active d‘une personne ayant connaissance, soit du but et de l‘activité criminelle générale d‘un groupe criminel organisé, soit de son intention de commettre les infractions en question ou lorsque cette personne sait que sa participation contribuera à la réalisation du but criminel.
Le simple fait d‘organiser, de diriger, de faciliter, d‘encourager ou de favoriser au moyen d‘une aide ou de conseils la commission d‘une infraction grave impliquant un groupe criminel organisé est puni par la loi. La convention des nations-unies contre la criminalité organisée va plus loin en visant la connaissance, l‘intention, le but, la motivation ou l‘entente391.De même, les actes de conversion ou de transfert de biens, de dissimulation ou de déguisement de l‘origine illicite des biens ou d‘aide à toute personne impliquée dans la commission de l‘infraction principale ne sont pas sans conséquences juridiques.
Le facteur plural d‘agents pénaux, qui est familier au droit pénal, est matérialisé par la coaction et la complicité. Mais, la pluralité des agents est souvent exclue de la notion de crime organisé. Si on se fonde sur les codes pénaux des pays notamment celui du Sénégal, nous pouvons distinguer, par exemple, le vol commis par plusieurs personnes agissant en qualité d‘auteurs ou de complices de la criminalité organisée. La pluralité d‘auteurs peut être saisie par le droit à deux niveaux. L‘aggravation de l‘infraction consommée et le nombre de participants à l‘infraction. La convention de Palerme de 2000 fixe à trois éléments au moins. Une telle considération ne trouve pas toujours un avis favorable dans certains pays. Pour l‘infraction tentée ou consommée, les codes pénaux ont toujours considéré que les pénalités devraient être aggravées surtout en ce qui concerne les actes comme le complot et l‘association de malfaiteurs.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : LA NÉCESSAIRE ADAPTATION DES POLITIQUES CRIMINELLES FACE À L‘ÉVOLUTION DE LA CRIMINALITÉ TRANSFRONTALIÈRE ORGANISÉE LIÉE AU GRAND BANDITISME
TITRE I : LES MANIFESTATIONS DE LA CRIMINALITE TRANSFRONTALIERE CLASSIQUE ORGANISEE LIEE AU GRAND BANDITISME
CHAPITRE I : L‘ÉVOLUTION CROISSANTE DES TRAFICS ILLICITES
CHAPITRE II : L‘EXPANSION DU TERRORISME
TITRE II : LES RÉPONSES ÉTATIQUES ET SOCIÉTALES DE POLITIQUE CRIMINELLE
CHAPITRE I : L‘ADAPTATION DES RÉPONSES ÉTATIQUES FACE À LA CRIMINALITÉ TRANSFRONTALIÈRE ORGANISÉE
CHAPITRE II : LES DYNAMIQUES SOCIÉTALES DE LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ TRANSFRONTALIÈRE ORGANISÉE
DEUXIEME PARTIE : LES NOUVELLES POLITIQUES CRIMINELLES FACE A L‘AVENEMENT DE LA CRIMINALITE IMMATERIELLE
TITRE I : LE GLISSEMENT VERS UNE CYBERCRIMINALITÉ TRANSFRONTALIÈRE ORGANISÉE
CHAPITRE I : LA DIMENSION TRANSFRONTALIÈRE DE LA CYBERCRIMINALITÉ
CHAPITRE II : LA DIMENSION ORGANISÉE DE LA CYBERCRIMINALITÉ
TITRE II : L‘ADOPTION DE NOUVELLES POLITIQUES CRIMINELLES
CHAPITRE I : LA MISE EN PLACE DE POLITIQUES DE CYBER SECURITE
CHAPITRE II : L‘ADOPTION DE RÈGLES DE PROCÉDURES NOUVELLES
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE

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