On entend par navigation l’organisation d’un voyage par eau vers un point déterminé. Comme toute entreprise volontaire humaine, elle se définit par un objectif, une mobilisation de moyens en vue d’atteindre ce but, des modalités d’application de ces moyens et, enfin, un contrôle suivi du développement de cette action vers ce but. On définit l’objectif comme le port de destination. La mobilisation des moyens concerne le navire et surtout son mode de propulsion qui est dès le départ, soit l’aviron, la voile, l’action du courant ou encore une combinaison de ces moyens. Les modalités comprennent les techniques employées et aussi la route à suivre, car il y a interaction entre les moyens choisis et la route suivie. Le domaine se divise accessoirement entre navigation maritime ou fluviale, encore que les anciens ne distinguaient pas forcement les deux. En revanche, une distinction essentielle dans notre propos vise la finalité du voyage qui peut être une expédition guerrière, la pèche ou le transport de passagers et/ou de marchandises, le commerçant étant un voyageur qui accompagne ses marchandises. En ce qui nous concerne, nous ne nous intéressons qu’à la navigation de commerce.
Cette histoire est un parfait raccourci de la démarche technicienne. A partir de moyens entièrement sous l’influence directe des contraintes naturelles : la navigation à vue, le navigateur a essayé de s’en affranchir par des méthodes empiriques, l’estime qui lui a permis d’augmenter son domaine d’action, jusqu’au moment où cette méthode a atteint ses limites. Il était alors temps de faire appel à la recherche appliquée, et c’est le début de la navigation astronomique. Car, c’est, vers l’astronomie que le marin s’est tourné. L’intervention de cette science dans le domaine nautique constate l’existence de constantes, par exemple la hauteur de la polaire au dessus de l’horizontale, en un lieu. Cependant, dès que l’on change de lieu d’observation, cette constante change de valeur. Il faut donc considérer que l’observateur est placé sur notre planète et que cette place n’est pas indifférente en ce qui concerne l’aspect des objets observés. Le lieu d’observation fait partie du vaste monde. On doit donc intégrer le lieu d’observation dans cette science et on parle désormais de cosmographie. On admet par là que le lieu d’observation a une influence sur l’observation. De là à conclure que l’inverse est possible : c’est-à-dire que par la mesure des valeurs astronomiques, on peut en déduire la position de l’observateur sur son support terrestre, il n’y a qu’un pas, qui sera confirmé par l’expérience. Donc, désormais la cosmographie a des conséquences en géographie. L’homme se situait dans son milieu terrestre par des mesures terrestre prises sur le sol, c’est-à-dire, qu’il arpentait le sol en le mesurant par des pas ou au moyen de chaînes d’arpenteur ou de perches. Ces mesures étaient prises par rapport à des repères empruntés au paysage qui l’entourait. La cosmographie va ajouter désormais ses mesures propres : la latitude, par exemple. Donc de l’astronomie on arrive de proche en proche à des repères au niveau géographique. On peut même garder ces données en mémoire, en les reportant sur un support cartographique.
L’importance de la question délimite la période
La navigation ayant démarré dès la préhistoire, le début de la période historique de la navigation est donc conditionné par l’existence des premières sources. Les latins ont déjà laissé des traces explicites sur ce sujet qui délimiteront la limite post quem. Mais pour l’Histoire en général la période antique ne prend pas fin en 496, date officielle de la chute de l’empire romain. Cette date, qui est une affaire de fantassins, ne concerne en rien le domaine maritime. Venise n’est qu’un avatar d’Aquilea, de même Amalfi prend la place de sa voisine Puteoli, et c’est dans le Digeste de Justinien que les marins italiens du Moyen Age lisent le droit maritime.
En fait, ce sont les Normands, peu après l’an 1000, qui liquident les vestiges de l’Empire de Justinien en Italie du Sud et c’est en 1204 que les Vénitiens se sont désignés comme les successeurs officiels du domaine maritime colonial de l’Empire. Pour nous, donc, l’antiquité tardive fait partie intégrante de la période .
Par contre on s’arrêtera au moment où les premiers résultats concrets ont abouti. On peut dire que les grandes découvertes sont la consécration de la mise au point de ces techniques nouvelles, car elles ne doivent rien au hasard. Ces grandes découvertes marqueront donc la limite aval de la période. Elles sont au nombre de trois. La plus connue, c’est évidemment la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb en 1492. Elle fut précédée par la découverte de Terre Neuve vers 1480, par les gens de Bristol, dont on connaît peu de chose par la volonté même des découvreurs, soucieux de masquer leurs traces. Le voyage de Colomb précède de peu le voyage de Vasco de Gama en 1498.. Le voyage de Colomb est exceptionnel, en ce sens qu’il s’agit d’une découverte volontaire, mais seul l’objet découvert était totalement inattendu, étant donné que parti pour aller aux Indes, Christophe Colomb fut arrêté en chemin par un obstacle inattendu, l’Amérique. Il s’agit, maintenant, de définir les bornes aval de cette recherche. Pour la fin de la période nous ne prendrons pas 1492, mais plutôt, 1497, date de l’arrivée de Vasco de Gama aux Indes. Explicitons le choix de cette date précise. L’arrivée aux Indes est le résultat d’une recherche têtue qui a abouti à la mise au point de deux techniques successives : la hauteur de la polaire vers 1440 et la latitude par la méridienne de soleil vers 1470. Dans un autre ordre d’idées cette arrivée aux indes a eu un précédent, celle de l’arrivée des gréco-romains d’Egypte aux Indes au 1er siècle de notre ère. Cet évènement ne peut cependant être comparé avec le voyage de Vasco de Gama car à la différence de ce dernier il s’agissait d’un pur résultat de la méthode empirique. C’est pourquoi ces deux dates sont cependant marquantes et nous couvrirons donc l’époque qui va du 1er siècle à 1498.
Limites géographiques
Reste maintenant à déterminer le cadre géographique. Etant donné que c’est par le biais de l’astronomie que la théorie s’est introduite dans la navigation, il faut se référer à la science arabe qui est passée directement dans la civilisation occidentale. Nous verrons que les navigateurs arabes ont fait de leur côté la même démarche que leurs collègues occidentaux et qu’ils les ont précédés dans le domaine de la navigation astronomique. Nous en profiterons d’ailleurs pour étudier les sources arabes qui sont nombreuses et de qualité et qui seront les bienvenues dans un domaine où elles sont plutôt rares. Nous ajouterons donc à la Méditerranée et à l’Atlantique l’océan Indien au domaine géographique de notre étude .
Manœuvre et Navigation
Une distinction qui peut être faite est celle entre manœuvre et navigation pure. En effet, les anciens faisaient la distinction entre ces deux spécialités. La manoeuvre étant le domaine du maître d‘équipage ou naute, qui s’occupait de la manœuvre et du réglage des voiles et des ancres sans compter la responsabilité physique du navire et de la cargaison. Par contre, le pilote était responsable de la navigation, c’est-à-dire de la route et de la localisation du navire, autrement dit du point. En effet, nous avons déjà insisté dès le début de l’introduction sur le fait que le navire voit ses évolutions dans l’espace limitées par ses possibilités. Il ne peut aller que dans le sens du vent. En ce qui concerne le marin, ses objectifs pourront donc être en contradiction avec ces possibilités, en ce sens qu’il aura besoin d’aller là où le vent ne le porte pas. Nous verrons qu’il faudra user de ruse et prendre des détours. Ceci définit les problèmes de manœuvre : comment user du vent pour faire aller le navire ? Mais ce faisant, il lui faut garder un œil sur la destination finale et, pour cela, savoir où il en est dans sa progression qui peut être tortueuse. Cela définit le problème du point. Pour nous, les deux volets sont indissociablement unis, bien que faisant appel à deux spécialistes distincts. En résumé, nous appelons navigation, au sens large, les moyens que nous donne la manœuvre du navire pour assurer une progression vers l’objectif désigné, dûment contrôlée par la navigation, dans son sens restreint d’art de la localisation. D’ailleurs, les anciens, s’ils faisaient le distinguo entre ces deux spécialités, les associaient nécessairement à bord de chaque navire. Tout navire comprenait obligatoirement deux spécialistes. D’un coté, le maître de manœuvre ou maître d’équipage qui faisait aller le navire en optimisant sa marche grâce aux réglages des voile, ce pourquoi il dirigeait l’équipage, nécessaire instrument pour faire aller le navire. Conjointement, un pilote ne s’occupait, lui et son aide, que de la position et était le maître de la route. Tous deux étaient sous l’autorité du capitaine, représentant de l’armateur qui veillait, quant à lui, au bon déroulement de l’expédition maritime qui, outre ces problèmes techniques à résoudre, devait lui assurer un succès commercial. Cette troïka est attestée à travers tous les nombreux textes juridiques anciens ou médiévaux tels que le Digeste ou bien dans les statuti italiens ou les Consulats de la mer catalans, sans exclusives géographiques puisque Ibn Majid nomme ces acteurs et définit leurs fonctions. Pour la petite histoire, étant lui même un pilote, il vivait une cohabitation difficile avec les maîtres d’équipage, mais dut s’en accommoder toute sa vie, car il resta toute sa vie tributaire de contrats au voyage avec les capitaines qui l’employaient. Cette différence de point de vue s’explique par une différence de culture découlant de la spécificité de ces deux métiers. En effet le maître est l’homme qui connaît le mieux le navire pour pouvoir en tirer le maximum, il est donc attaché à ce navire et son métier s’acquiert par une expérience sur le tas, dès son plus jeune age. Son savoir est essentiellement pratique et ne nécessite aucune culture générale. Le pilote, au contraire, est le spécialiste de la route, il reste sur cette route et passe de navire en navire au gré d’engagements successifs, son savoir-faire lui est transmis par un ancien, car il commence son apprentissage comme aidepilote, il lui faut une instruction de base pour exploiter les quelques rares documents dont il peut disposer, les périples par exemple. Le capitaine coordonne l’action de ces deux spécialistes. A la base c’est un commerçant, propriétaire du navire ou son fondé de pouvoir. Il doit avoir de sérieuses notions de droit pour conclure des contrats de transports avec ses clients ou ses bailleurs de fonds ou même son équipage. Il doit donc avoir une solide instruction ou à défaut se faire aider dans ce domaine par un scribe ou écrivain de bord qui s’occupe de mettre au clair les contrats et tient la comptabilité du navire. Bien entendu, il ne lui est pas interdit de cumuler cette charge avec l’exercice conjoint de l’une ou de l’autre deux fonctions subordonnées, ou encore de cumuler sous une même tête toutes ces compétences selon l’importance du navire.
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Table des matières
I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME