Les nouvelles exigences et les nouvelles pressions fiscales

Les nouvelles exigences et les nouvelles pressions fiscales

Définitions

La banque privée

Les banques privées (private banking ou wealth management en anglais) offrent des services financiers haut de gamme et personnalisés, à une clientèle fortunée nationale ou internationale, afin de fructifier leur patrimoine. Ces établissements financiers se présentent sous différentes formes juridiques telles qu’ :
 une raison individuelle ;
 une société en nom collectif ;
 une société anonyme ;
 une société en commandite ;
 une société en commandite par actions.
L’appellation « banquier privé » est un terme déposé par la loi fédérale sur les banques et les caisses d’épargnes (LB) en 19341 . Le banquier privé a une responsabilité illimitée et répond donc de sa fortune personnelle. Fin 2015, il existe 266 banques en Suisse, dont 7 avec une appellation de « banque privée »

Le gérant de fortune et le gérant de fortune indépendant

Le gérant de fortune

Le gestionnaire de fortune ou le gestionnaire de patrimoine a pour rôle de conseiller le client sur la gestion de ses actifs pour le compte d’une banque. Afin de diriger le client vers les bons investissements, le gérant étudie les attentes de son client, ses avoirs, son profil risque, son expérience et d’autres facteurs importants. Les dépôts de ce dernier sont directement déposés sur le compte de la banque qui emploie le gérant. Ce métier est au centre des activités des établissements bancaires en Suisse.

Le gérant de fortune indépendant

Le gestionnaire de fortune indépendant (GFI) ou le gestionnaire externe n’a pas de statut bancaire. Il gère et investit, à son compte, le patrimoine de son client et le conseille financièrement. Le gérant est lié par un contrat de mandat avec son client. Il y a donc une obligation de moyens et non de résultats.

Passé lointain

Les banques et les banquiers ne sont pas nés hier. En effet, en Suisse et en Europe, l’histoire bancaire remonte au temps où les hommes ont commencé à éprouver un besoin de financement. Afin de comprendre comment la gestion de fortune a pris de l’importance au fil des années et comment la place financière suisse est devenue l’un des acteurs principaux en 250 ans, je me suis penchée sur son histoire économique.

La naissance des banques

En Europe, l’activité bancaire vit le jour au XIIe siècle. À cette époque, toutes les banques étaient des sociétés de commerce. L’essor des foires de Genève, à la fin du XIIIe siècle, a attiré plusieurs financiers étrangers et particulièrement des Italiens (Florentins, Vénétiens et Génois). La lettre de change, apparue au XIVe siècle, était utilisée pour effectuer des opérations de paiements et de change. Durant cette période, le crédit commercial s’est développé et les premiers banquiers sont apparus. Ces derniers transféraient les fonds en percevant un profit sur le bénéfice de change. Le protestantisme de certains cantons (Genève, Zurich et Bâle) a amplifié l’économie bancaire. En effet, à Genève, Jean Calvin, réformateur important du XVIe siècle, a interprété de manière libérale la condamnation du prêt à intérêt et de l’usure instaurée par Aristote. À partir de 1504, Bâle accepte des dépôts et des prêts contre intérêts et, en 1574, elle commence la pratique de la gestion de fortune. L’activité d’une banque privée, comme nous la connaissons aujourd’hui, remonte au XVIIIe siècle. L’appellation « privée » est due au fait que ces premières banques étaient détenues par des familles. Aujourd’hui, la plupart des banques privées ont changé leur forme juridique et sont devenues des sociétés anonymes.

Les facteurs clés de la Suisse

La neutralité et l’emplacement

La neutralité de la Suisse, reconnue en 1815 par le Congrès de Vienne, et l’État fédéral moderne, fondé en 1848, ont créé une forte industrie de la gestion de patrimoine. Par ailleurs, la situation géographique de la Suisse, ses différentes frontières avec plusieurs grands pays, les divers cols alpins et l’accès au Rhin ont fait de ce petit pays un leader de l’économie bancaire.

La stabilité de la Suisse

Durant le XXe siècle, l’Europe a connu plusieurs tragédies telles que les deux guerres mondiales, la Guerre Froide, divers crashs financiers et la volatilité de plusieurs devises européennes. L’instabilité du Vieux Continent a incité les personnes à placer leur fortune dans un pays économiquement et politiquement stable tel que la Suisse. Par ailleurs, le franc suisse était déjà, à cette époque, considéré comme valeur refuge.

Le secret bancaire

Après le crash de 1929, plusieurs pays ont durci leurs réglementations. En outre, la Suisse introduit, en 1934, le secret bancaire dans sa loi fédérale sur les banques et les caisses d’épargne (LB) à l’article 47. Cette mesure a été prise dans le but de protéger la sphère privée du client. Cependant de nombreux investisseurs étrangers en ont profité pour cacher leur argent en Suisse et ainsi échapper au contrôle fiscal de leur pays respectif.

L’importance du secteur financier en Suisse

Malgré l’éclatement de la bulle internet dans les années 2000 et la crise financière de 2008, le secteur financier est l’un des domaines qui a le plus performé en Suisse durant ces vingt dernières années. Aujourd’hui, le Global Financial Index, qui mesure la compétitivité des centres financiers dans le monde, a classé Zurich en 11ème position et Genève en 20ème position5 dans son classement. Fin mai 2016, CHF 6’424,16 milliards d’actifs sous gestion sont gérés par les banques suisses. Par ailleurs, la Suisse se classe leader mondial en tant que gestionnaire d’actifs transfrontaliers avec une part de marché de 25%. Le graphique de la page suivante montre que le secteur du private banking en Suisse représente 18,2% de la valeur ajoutée brute nominale du secteur financier.

Du présent au futur proche

Les atouts politiques, économiques et géographiques ont fait de la Suisse l’un des piliers dans la gestion de fortune mondiale. Pendant longtemps, la Suisse s’est reposée sur ses acquis, n’ayant pas vu venir les attaques des États-Unis, suivies de celles de l’Europe. Le réveil fut brutal pour les banquiers qui se sont vus retirer brusquement leur plus grande force, le secret bancaire. Ils ont dû s’adapter rapidement à ce changement. Une nouvelle époque est née pour les gestionnaires de fortune. L’aspect légal, que je vais détailler plus particulièrement dans cette section, a eu un énorme impact sur ce métier. Effectivement, plusieurs nouvelles législations internationales, mais aussi nationales, sont venues réglementer le marché dans un laps de temps très court. Les banques ont dû renforcer drastiquement leur service de compliance afin d’éviter de nouvelles attaques internationales. Par ailleurs, les décisions politiques de la Banque Nationale Suisse (BNS) et les changements politiques survenus dans les pays étrangers ont créé un climat d’incertitude chez les investisseurs. Concernant l’accès au marché européen, il reste indispensable pour les gestionnaires. Cependant les règles actuelles en matière de cross border sont strictes et limitent le démarchage des clients à l’étranger. Les conseillers sont aussi confrontés à une nouvelle forme de clientèle, plus exigeante et plus informée qu’auparavant. De plus, la nouvelle technologie s’attaque de plein fouet aux activités bancaires et tout particulièrement à la gestion de fortune grâce aux robo-advisors. Tous ces faits ont poussé les acteurs de ce secteur à changer leur manière de travailler. Ils doivent, dorénavant, prendre en compte tous ces aspects lors d’investissements et de rencontres avec le client.

Aujourd’hui, toutes les banques ont mis en place la loi FATCA. Les clients américains, désireux d’ouvrir un compte bancaire en Suisse, doivent signer un formulaire supplémentaire, ce qui rajoute des tâches administratives au gérant. Grâce à Rubik, le passé des déposants anglais et autrichiens a été supprimé. Toutefois, les antécédents des clients étrangers, qui font partie d’un des pays participants de l’EAR, demeurent encore condamnables. En Suisse, le haut niveau de qualification des gestionnaires, la capacité à traiter dans différentes devises, la diversification des produits financiers et les bonnes compétences techniques n’ont pas suffi aux banques pour conserver leurs clients. Les banques ont enregistré une perte de -1,3% des avoirs des déposants étrangers, en 201512 . Certains ont préféré déposer leur épargne dans leur pays d’origine, car ils subissaient l’introduction de la transparence fiscale en Suisse. Les gestionnaires ont alors élaboré de nouvelles solutions plus attractives pour garder leurs clients. Ils ont adapté leur service, en segmentant leur clientèle afin de leur offrir des services sur mesure ou des packages. Certains gérants se sont spécialisés sur un marché en particulier afin d’acquérir une expertise des lois fiscales du pays concerné. D’autres se sont associés à des fiscalistes dans le but d’offrir à leurs mandants un service complet au sein de la même infrastructure. Une autre approche est également pratiquée par les gérants de fortune. Celle-ci consiste en une assistance dans l’acquisition d’une nouvelle résidence en Suisse, afin que leurs clients étrangers puissent encore bénéficier du secret bancaire. Ces différentes approches ont pour mission d’attirer les clients vers l’excellence suisse et ainsi répondre, au mieux, à leurs attentes. Tous ces changements ont réorganisé la vie du déposant et celle du gestionnaire.

Grâce aux directives MiFIR, les gérants de fortune des pays de l’Union Européenne disposent désormais du passeport européen octroyé par l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF). En d’autres termes, ils peuvent démarcher des clients en dehors de leur pays respectif sans qu’une succursale soit établie dans l’État étranger. Les directives MiFIR ont été adaptées dans le droit suisse grâce à la « LSFIN » afin de s’aligner sur le droit européen. Néanmoins, tant que la loi sur les services financiers ne sera pas entrée en vigueur, les gérants suisses ne sont pas autorisés à aller démarcher des clients sur les territoires étrangers.

À ce jour, si une banque veut exercer dans un État membre de l’Union Européenne, elle doit ouvrir une succursale dans le pays en question et respecter les lois en vigueur du pays. Ce procédé engendre des frais supplémentaires pour l’installation de l’infrastructure et le recrutement de la maind’œuvre ainsi qu’une perte des avoirs de la clientèle pour la banque, puisque leurs actifs ne sont pas comptabilisés en Suisse. Avantages et désavantages de la LSFin et la LEFin Les nouvelles lois suisses ont été élaborées dans le but de s’aligner sur les normes européennes et internationales et également afin de croître les parts de marché mondial et renforcer la compétitivité de la place financière helvétique.

Robo Advisors

Les robo-advisors découlent directement des start-ups des Fintechs. Ils ont vu le jour aux États Unis et envahissent peu à peu les marchés européen et suisse. Le robot conseille le client sur la manière de gérer sa fortune à l’aide de différents algorithmes. Ce dernier lui propose une allocation de son patrimoine en fonction de son profil risque, mais aussi de variables qu’il estime nécessaires à l’allocation des actifs. Le robot permet également de réduire le risque opérationnel et émotionnel. Ce nouvel acteur bouscule les démarches traditionnelles de l’investissement. En effet, les investissements proposés aux clients sont effectués sans intervention humaine. De plus, ces nouvelles plates-formes se tournent vers une clientèle moins fortunée. Betterment ou Wealth Front, leaders américains, sont deux start-ups qui se sont lancées dans le secteur de la gestion de fortune complètement automatisée. En juillet 2016, Betterment a annoncé détenir près de cinq milliards de dollars sous gestion. Selon l’étude « les experts financiers suisses sont convaincus par la Fintech » effectuée par CFA Institue le 13 mai 2016, environ 80% des interrogés pensent que le roboadvisor est la technologie qui va avoir le plus gros impact à long terme sur le secteur financier. Sur la figure qui suit, nous pouvons constater que le secteur de l’asset management est le plus affecté par cette nouvelle technologie.

Effets politiques

Cross border

Afin de préserver la compétitivité de la place financière suisse, il est primordial que les gérants puissent avoir accès aux marchés européens. Actuellement, comme mentionné dans le point 3.1.5, les exigences MiFID, les gestionnaires suisses ne disposent pas du passeport européen et ne peuvent donc pas faire du démarchage marketing à l’étranger. La législation en vigueur les autorise seulement à remettre leur carte de visite au client potentiel et attendre patiemment que ce dernier se rende par sa propre volonté en Suisse afin d’ouvrir une relation d’affaire. Il y a clairement un désavantage compétitif entre les institutions.

Le cas de l’assureur

L’assureur peut, quant à lui, se rendre sur le territoire européen afin de démarcher les clients. Cet acteur du secteur financier a plus de pouvoir qu’un simple gestionnaire de fortune puisque beaucoup de gros établissements d’assurances investissent dans des obligations d’État. Si le banquier est accompagné d’un assureur lorsqu’il se rend à l’étranger, il est protégé par l’effet umbrella (mot anglais signifiant parapluie). Autrement dit, il peut vendre ses prestations financières par le biais de l’assureur qui possède le passeport européen. Le gérant de patrimoine donne les documents nécessaires pour la conclusion d’un contrat de mandat à l’assureur au moment de franchir la frontière. L’assureur établit, par exemple, une assurance-vie pour son client. Cette assurance va permettre à ce dernier de différer ses impôts et ainsi bénéficier d’une réduction d’impôt lors d’un éventuel rachat de l’assurance-vie dans le futur

Le cas de Malte

Depuis quelques années, la croissance de l’industrie bancaire a été remarquable à Malte. Bruno L’Ecuyer, président de FinanceMalta, espère que ce petit pays devienne « une sorte de Genève Place Financière » Pendant longtemps, les Maltais ont essayé de créer un paradis fiscal en prenant exemple, entre autres, sur Jersey. Cependant leur envie de rejoindre l’Union Européenne allait à l’encontre de ces projets. Effectivement, le droit européen exige une transparence accrue en matière fiscale. Malte est entrée dans l’Union Européenne en 2004 et les banquiers maltais ont alors reçu le passeport européen. Cette ouverture sur le marché européen a attiré quelques banques étrangères, telles que HSBC, qui sont venues s’implanter sur le territoire. Pour continuer de croître, le secteur financier maltais doit former ou recruter plus de main-d’œuvre avec un savoir faire d’excellence. C’est pourquoi les autorités attribuent des rabais fiscaux et/ou accordent le passeport maltais aux riches étrangers et aux personnels hautement qualifiés. Le directeur de Swissquote, par exemple, avait songé à déménager à Malte afin de bénéficier du passeport européen, mais il s’est finalement rétracté. Ce cas n’est pas isolé puisque d’autres gestionnaires de fortune genevois réfléchissent également à changer leur domicile pour s’installer sur cette petite île.

Taux d’intérêt négatif

La BNS a instauré un taux d’intérêt négatif à -0,75%, en janvier 2015 20 après l’abandon du taux plancher EUR/CHF, cela afin de rendre les placements en CHF moins intéressants et ainsi diminuer l’attrait du franc suisse. Cette décision a été prise afin de relancer la croissance et l’inflation du pays. Jusqu’à ce jour, ce taux persiste, mais il ne devrait pas se maintenir dans le temps selon le rapport de SwissBanking « La gestion de fortune en pleine mutation » publié en novembre 2015. Effectivement, un retour à la croissance en Suisse et en Europe inciterait la BNS à relever les taux. Ce taux négatif a particulièrement affecté les banques de gestion de fortune. Toutefois, elles ne l’ont pas répercuté sur les dépôts des clients par peur de les perdre. D’après l’étude d’EY « Baromètre des banques d’EY 2016 », environ 75% des répondants estiment que cette décision a entrainé des mesures négatives sur leur établissement. Autrement dit, le taux d’intérêt négatif accentue la pression sur les marges déjà existantes. Étant donné que les taux d’intérêts sont négatifs, le rendement sur le marché des obligations d’État est d’autant plus faible, voir négatif. Par conséquent, les gestionnaires se sont dirigés vers d’autres marchés comme celui des actions ou des alternatifs dans le but d’obtenir des rendements plus élevés tout en bénéficiant d’une meilleure diversification du portefeuille. Le marché des placements immobiliers en Suisse, par exemple, a vu son attractivité se renforcer auprès des investisseurs depuis 2015, selon le sondage de KPMG « Swiss Real Estate Sentiment Index » (SRESI).

Brexit

L’acceptation du Brexit par les Anglais le 23 juin 2016 a un impact encore incertain sur le marché des capitaux. Cette votation a entrainé une incertitude générale sur les places financières européennes et particulièrement sur la place financière britannique. En ce qui concerne le marché des capitaux suisses, les acteurs ont remarqué un exode des actifs vers la Grande-Bretagne dès la fin du secret bancaire. Les banques suisses perdaient peu à peu de leur compétitivité à l’égard de Londres. La sortie de l’Angleterre de l’Union Européenne est prévue pour avril 2019 et les négociations sont actuellement en cours. L’UE et la Grande-Bretagne doivent rediscuter tous leurs accords.

Effets économiques

Franc fort

L’économie et la politique stable de la Suisse ainsi que les incertitudes mondiales renforcent la monnaie du pays. Les investisseurs perçoivent la Suisse comme une place financière sûre et fiable. Cette appréciation affecte plusieurs secteurs économiques de la Suisse, dont le secteur bancaire qui travaille avec les pays étrangers. En effet, les banques ont le même fonctionnement qu’une entreprise exportatrice puisqu’elles paient leurs frais en devise suisse et reçoivent les recettes en monnaie étrangère. Les incertitudes mondiales, liées en particulier à l’élection du président Donald Trump, augmentent l’aversion au risque. Les investisseurs effectuent moins de transactions en bourse ce qui diminue les produits de commissions pour les banques. Selon l’étude de Swissbanking « Baromètre bancaire 2016 » publié en septembre 2016, les commissions ont baissé de -6% entre 2014 et 2015. Les actifs étrangers détenus en Suisse ont également baissé de -8,8% entre 2006 et 2015, ceci pouvant être expliqué par la force du franc suisse. En effet, les portefeuilles étrangers sont généralement libellés en dollars ou en euros. Cependant, les banques calculent ces actifs en devise suisse. Étant donné la perte de cours de l’EUR et de l’USD par rapport au CHF, les actifs étrangers gérés en Suisse baissent systématiquement. Le franc fort renforce la tendance à la consolidation des établissements financiers qui ne peuvent plus supporter ces nouvelles charges.

Effets sociaux

Nouvelle génération

Aujourd’hui, les gestionnaires de fortune sont confrontés à deux types de clientèles bien distinctes, les seniors, allant de 55 ans et plus, et les jeunes. Ces deux groupes ont des demandes et des envies différentes. La première catégorie a vécu dans un modèle traditionnel de la gestion de fortune avec une demande dominante pour le mandat discrétionnaire. Pour eux, le changement prend plus de temps à se mettre en place, dû à leur âge. Ils ne sont pas toujours ouverts aux changements technologiques et légaux que ce métier a connus ces dernières années. Le côté relationnel est très important pour eux. Leur demande principale est la conservation du patrimoine qu’ils ont fondé tout au long de leur carrière. La deuxième catégorie de clients est beaucoup plus exigeante du point de vue de la performance. Il se tourne vers le conseiller dans le but de fructifier la fortune qui provient, en général, d’un héritage. Pour eux, la performance arrive au premier plan et ils sont plus attentifs au benchmark, un indice référentiel. Grâce à toutes les informations disponibles sur internet, ils peuvent plus procéder à des comparaisons. En effet, aujourd’hui, la plupart des grandes banques publient leur offre et ont mis en place des fonds qui répliquent leur stratégie interne, ce qui facilite la comparaison. Cette génération veut également avoir une influence dans les choix de l’investissement et préfère donc le mandat advisory à l’égard du mandat discrétionnaire. Du point de vue des investissements, ils imposent différentes contraintes au gérant et ont des demandes spécifiques comme des actifs respectant certaines normes éthiques. Le client n’est plus là pour acheter un produit ficelé, il préfère le service sur mesure. Ils sont également beaucoup plus ouverts à la technologie et demandent non seulement des applications valides en tout temps, mais aussi des accès à leurs données, des investissements dans de nouvelles classes d’actifs et une participation plus active. Nous vivons dans une société où les gestionnaires sont confrontés à deux modèles de business. Ils vont devoir concilier les séniors et les jeunes. D’une part, l’ancienne génération reste fidèle à son gérant et demande encore une gestion traditionnelle de ses actifs. D’autre part, la nouvelles génération est adepte aux changements et au challenge et n’hésitera pas à changer de gérant si ses attentes ne sont pas parfaitement satisfaites

Hausse des fortunes privées dans le monde

Malgré un certain ralentissement des fortunes privées mondiales depuis 2015, le nombre de millionnaires a augmenté de +8%24 cette année. Les High Net Worth Individuals (HNWI), individus avec plus d’un million de fortune privée, sont passés de 13,6 millions à 14,6 millions, de 2013 à 2014 et la fortune mondiale s’élevait à 167’000 milliards d’USD en 201525.Cette augmentation peut s’expliquer par la reprise de la conjoncture dans les pays industrialisés, grâce à la politique féroce menée par les banques centrales pour relancer l’économie et à la performance des marchées des actions. La région d’Asie-Pacifique enregistre, quant à elle, la plus grosse augmentation. Selon le « Global Wealth Report 2016 », étude menée par le Crédit Suisse, les Ultra High Net Worth Individuals (UHNWI) des pays émergents, individus avec une fortune privée dépassant trente millions, représentent 18% au niveau mondial. En 2015, les actifs cumulés des riches fortunés de cette région ont surpassé ceux des États-Unis. En ce qui concerne la Suisse, elle se classe troisième sur le podium des pays avec le plus grand nombre de millionnaires selon l’enquête de Boston Consulting. La fortune par tête dépasse 500’000 USD avec une richesse cumulée de 3,5 milliards de dollars, ce qui correspond à 1,4% des actifs mondiaux.

Effet environnemental

Investissement durable et socialement responsable

L’aspect durable et social est de plus en plus demandé par les jeunes investisseurs. Dans le rapport de Capgemini « World Wealth Report 2015 », les spécialistes affirment que les jeunes fortunés (HNWI) ont une tendance à investir dans des entreprises qui respectent certaines normes éthiques. Certes, à ce jour, il y a un manque d’information pour ce type de placement, mais certains établissements ont déjà pris de l’avance afin de répondre aux nouvelles attentes des clients. Ils proposent certaines gammes de produits durables et sociales, créent des fonds sociaux et mettent en place des formations, en ce sens, pour leurs employés et coopérèrent avec des organisations non gouvernementales. Selon l’étude de Swissbanking « la gestion de fortune en pleine mutation », la Suisse a enregistré une hausse de 26%26, en 2014, sur les actifs financiers à caractère durable. Même si ces actifs ne représentent qu’une part infime des demandes par les investisseurs, la Suisse a créé, en 2014, le Forum Swiss Sustainable Finance (SSF). Le SSF propose des solutions d’investissements durables, améliore la transparence et diminue les risques. Selon le SSF, 4,5% des fonds en Suisse ont cet aspect durable. Outre l’aspect écologique, ce nouveau type d’investissement permet également aux investisseurs de diversifier leur portefeuille. Cependant, ces investissements durables et socialement responsables posent différents problèmes. En effet, ces produits ne sont pas encore standardisés et le coût de l’achat peut s’avérer relativement élevé. De plus, les investissements durables sont généralement des produits à long terme, donc moins liquides, ce qui freine certains investisseurs. Le manque de connaissances sur ces produits empêche également les gestionnaires de proposer ce type d’actifs à leurs clients.

Les faiblesses des gérants de fortune

Réciprocité souhaitée en matière de crossborder

Etant donné que la Suisse est un petit pays comparé aux autres grandes places financières, elle a un nombre limité de clients potentiels au sein de son territoire. Afin de croître, les gérants doivent aller démarcher des clients à l’étranger. Toutefois, comment est-ce possible quand l’accès aux marchés européens leur est interdit ? Ceci est le prochain défi majeur de la place financière suisse. À l’époque du secret bancaire, il était légitime que les gérants ne puissent pas accéder au marché européen puisqu’ils ne coopéraient en aucun cas avec les différentes autorités fiscales étrangères. Toutefois, à l’ère de la transparence, cette excuse ne suffit plus. Aujourd’hui, il est encore plus important pour les conseillers financiers d’aller démarcher des clients en dehors des frontières suisses. Selon Swissbanking, 40%29 des actifs sous gestion transfrontaliers appartiennent à des résidents européens. Ayant la possibilité de rendre visite aux clients domiciliés en Europe, le gestionnaire peut entretenir une meilleure relation avec ces derniers. L’objectif à court terme de l’Association Suisse des Banquiers (ASB) est d’obtenir un laissez-passer auprès de leurs principaux partenaires. Les discussions sont actuellement en cours avec la France et l’Italie afin de trouver un accord semblable à celui conclu avec l’Allemagne30. À plus long terme, l’ASB vise le passeport européen. Un futur accès aux marchés européens ouvrirait plusieurs horizons pour les gérants de fortune suisses.

Les marchés émergents

Les pays émergents sont les marchés de l’avenir. La Russie, l’Asie du Sud-Est, l’Afrique et le Moyen-Orient sont en ligne de mire. En effet, Crédit Suisse estime que les capitaux détenus par ces nouveaux riches devraient augmenter de plus de 160’000 milliards de dollars américains d’ici 2030. Malgré un ralentissement de la croissance dans ces pays, une nouvelle opportunité s’offre aux gestionnaires. Afin d’acquérir une nouvelle clientèle et d’accroître leur masse sous gestion, ils doivent mettre en avant le « made in Switzerland ». Effectivement, ces investisseurs ont un attrait particulier pour la stabilité économique, politique et monétaire que procure la Suisse. L’innovation est tout autant recherchée, surtout dans la région d’Asie-Pacifique où l’on est très demandeur de la technologie. D’après l’étude de « Capgemini/RBC Wealth Management » publiée en 2014, 82% des HNWI de cette région veulent entretenir une relation via le numérique avec son gérant. Afin de s’ouvrir à ces nouveaux marchés, le gérant doit procéder à une étude de marché pointilleuse. En effet, il s’agit également d’un investissement à long terme. La rentabilité recherchée sera atteinte seulement après le lancement des affaires. C’est pourquoi il est important pour le gérant de bien cibler le marché dans lequel il souhaite exercer.

Menaces

Maintien de la sphère privée

Dans un contexte macroéconomique où la transparence fiscale est devenue de plus en plus intrusive, pouvons-nous encore parler de la sphère privée ? Le secret bancaire fait partie de la culture suisse, même si les pressions internationales sont venues réglementer le secteur financier. Les Suisses sont fortement attachés à leur sphère privée. D’après l’étude réalisée par l’Association Suisse des Banquiers « Les questions bancaires actuelles 2017, opinions des citoyens suisses », publiée en février 2017, 87% des sondés pensent qu’il est fondamental de protéger les données bancaires. Pour la plupart d’entre eux, le maintien du secret bancaire est synonyme de protection de la sphère privée financière face aux entreprises et à l’État. Or, un premier pas a été fait en faveur de l’État fouineur. Le 25 septembre 2016, le peuple suisse a accepté la nouvelle loi fédérale sur le renseignement. Jusqu’à ce jour, le service de renseignement de la Confédération (SRC) avait des sources de recherche limitées. Autrement dit, seules les informations publiques se trouvant sur internet ou dans les journaux papiers et les renseignements communiqués par d’autres pays pouvaient être utilisées pour traquer les terroristes, les espions et les hackers. Grâce à l’acceptation de ce nouveau projet de loi, le SRC peut désormais espionner les envois postaux, les activités sur internet ou encore les conversations téléphoniques des particuliers, pour autant que le soupçon soit fondé.

La quête de l’innovation

La FINMA encourage l’innovation. Afin de poursuivre son objectif, elle a effectué des changements dans son ordonnance des banques (OB) qui a eu lieu le 1er août 2017. Depuis cette date, les Fintechs peuvent effectuer des appels d’offres publiques pour récolter de l’argent et plus de vingt dépôts différents peuvent être enregistrés, sous condition que le montant total ne dépasse pas un million de CHF. L’autorisation d’exercer de la FINMA ne sera plus indispensable pour ces démarches. Cette première avancée technologique place la Suisse en tête par rapport aux autres pays tels que l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne ou encore Singapour. En effet, dans ces pays, l’autorisation bancaire est toujours obligatoire pour ces appels d’offres publiques. Par ailleurs, une première Fintech vient de recevoir sa licence bancaire. Flynt Bank, start-up domiciliée à Zoug, permet aux grandes fortunes de gérer leurs actifs sur une même plateforme et ainsi avoir une vision globale de tout leur patrimoine. Ceci est un premier pas vers la révolution de la technologie du milieu bancaire.

L’aspect humain

Le contact humain est l’élément-clé de la création et de la préservation des relations d’affaire. Même si la technologie permet de répondre de manière plus efficace et rapide aux attentes des clients, chaque situation ne peut pas être résolue de façon identique. Une relation client-gérant se bâtit sur du long terme. Le gérant doit connaître les antécédents, les goûts et les objectifs d’avenir de son client afin de lui allouer les actifs adéquats à son profil. Plus le gérant est expérimenté, plus il aura la capacité de trouver les solutions pertinentes pour son client. Par ailleurs, chaque individu a un passé et une vision du risque différents. La dimension culturelle des clients est un point très important à prendre en compte. Un Chinois sera plus enclin à communiquer via le numérique tandis qu’un Suisse préférera un face-àface avec son gestionnaire autour d’un café. Pour construire une relation de confiance avec le client, le gérant doit lui accorder du temps. Son expérience lui permettra de mieux comprendre la problématique de chacun. Le métier de gestionnaire de fortune ne disparaîtra pas dans l’avenir puisque le côté relation humaine ne peut pas être remplacé. Cependant, les traditions et l’excellence du savoir-faire suisses doivent continuer de persister. Il est préférable de miser sur la qualité plutôt que sur la quantité.

Business modèle de l’avenir

Le business modèle des gestionnaires de fortune en Suisse est resté pendant de très longues années inchangé. Les gérants se focalisaient principalement sur la conservation du patrimoine et la sécurité des données financières de leurs clients. Cependant, la révolution du digital et l’abandon du secret bancaire ont radicalement changé l’exercice de ce métier. Les revenus des gestionnaires se sont effondrés ces dernières années. La démocratisation des plateformes de trading a fait chuter le prix des commissions. Les réglementations entrées en vigueur sur le marché ont rajouté des charges supplémentaires aux gérants. Ces nouvelles lois sont venues restreindre les pouvoirs d’actions du gestionnaire.

De plus, le métier n’a pas encore fini sa mutation et devrait s’attendre à davantage de règlementations d’ici 2020,d’après l’étude menée par EY« Baromètre bancaire 2017 ». Avec le secret bancaire, le gérant n’avait pas besoin d’être performant sur les marchés pour bâtir sa clientèle. Un rendement de 3 à 4% par an suffisait au client pour qu’il soit satisfait. Aujourd’hui, cette façon de pratiquer n’est plus envisageable pour rester concurrentiel face aux autres places financières. Cependant avec le climat économique actuel, les taux d’intérêts négatifs et le franc fort, il est compliqué de générer du rendement. Pour ne pas tomber en désuétude, le gérant de fortune ne peut pas conserver son business modèle actuel, qu’il avait longuement consolidé avec les années. Il doit se réinventer. Son objectif est de trouver de nouvelles sources de revenus tout en continuant d’accroître sa masse d’actifs sous gestion. La tarification des conseils peut être une solution envisageable, pour autant que le client comprenne cette nouvelle forme de taxation et l’accepte.

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Table des matières

1. Définitions 
1.1 La banque privée 
1.2 Le gérant de fortune et le gérant de fortune indépendant 
1.2.1 Le gérant de fortune 
1.2.2 Le gérant de fortune indépendant
2. Passé lointain
2.1 La naissance des banques 
2.2 Les facteurs clés de la Suisse
2.2.1 La neutralité et l’emplacement
2.2.2 La stabilité de la Suisse
2.2.3 Le secret bancaire
2.3 L’importance du secteur financier en Suisse
2.4 Les éléments déclencheurs
3. Du présent au futur proche
3.1 Effets légaux 
3.1.1 Les nouvelles exigences et les nouvelles pressions fiscales
3.1.2 Les changements récents survenus dans le métier 
3.1.3 Le rôle de la FINMA
3.1.4 GAFI
3.1.5 Nouvelles lois suisses
3.2 Effets technologiques 
3.2.1 Fintechs
3.2.2 Robo Advisors
3.3 Effets politiques
3.3.1 Cross border
3.3.2 Taux d’intérêt négatif
3.3.3 Brexit
3.4 Effets économiques
3.4.1 Franc fort
3.4.2 La pression sur les marges
3.5 Effets sociaux
3.5.1 Nouvelle génération
3.5.2 Hausse des fortunes privées dans le monde 
3.6 Effet environnemental 
3.6.1 Investissement durable et socialement responsable
4. Futur lointain
4.1 Les forces des gérants de fortune
4.1.1 Une main-d’œuvre d’excellence
4.1.2 Collaboration entre les gestionnaires de fortune indépendants
4.2 Les faiblesses des gérants de fortune 
4.2.1 Réciprocité souhaitée en matière de crossborder
4.3 Les opportunités
4.3.1 La compétitivité des places financières
4.3.2 Les marchés émergents
4.4 Menaces 
4.4.1 Maintien de la sphère privée
4.4.2 Cybercriminalité
4.5 Comment le gérant peut-il innover ?
4.5.1 Appui de la technologie
4.5.2 L’aspect humain
4.5.3 Élargissement des classes d’actifs 
4.6 Vers une gestion de fortune complètement fiscalisée
5. Business modèle de l’avenir

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