Maladie complexe, parasitaire transmise par des moustiques, le paludisme est la cinquième maladie infectieuse en termes de mortalité dans le monde après le sida, les maladies respiratoires aiguës, les maladies diarrhéiques et la tuberculose, et constitue aujourd’hui un véritable problème majeur de santé publique.
Actuellement, environ 40% de la population mondiale, habitants des pays les plus pauvres du monde pour la plupart, sont exposés au paludisme. La maladie était jadis plus étendue mais elle a été éliminée dans de nombreux pays tempérés au milieu du XXe siècle. Le paludisme tue plus de 650 000 personnes, en grande majorité en Afrique, mais aussi en Amérique latine, au Moyen-Orient, en Asie et en Océanie. Le Brésil réunit à présent près de la moitié des 2,7 millions de cas de paludisme en Amérique chaque année (1). Selon les estimations, 216 millions de cas de paludisme ont été recensés en 2010 dans les 106 pays et territoires d’endémie. On estime que 81% de ces cas et 91% des décès sont survenus dans la région africaine de l’OMS dont 86% des victimes étaient des enfants de moins de cinq ans (2). Le paludisme tue un enfant africain toutes les 30 secondes. De nombreux enfants qui survivent à un accès de paludisme grave, peuvent présenter des troubles de l’apprentissage ou une atteinte cérébrale. La femme enceinte et l’enfant à naître sont aussi particulièrement vulnérables face au paludisme, cause majeure de mortalité périnatale, de faible poids de naissance et d’anémie maternelle.
Dans de nombreuses régions du monde, les parasites sont devenus résistants à plusieurs médicaments antipaludéens.
Les principales mesures de lutte contre le paludisme prévoient:
– un traitement rapide et efficace par des associations médicamenteuses comportant de l’artémisinine,
– l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticide et,
– la pulvérisation d’insecticides à effet rémanent à l’intérieur des habitations pour lutter contre les moustiques vecteurs.
Selon le rapport de l’OMS, une résistance aux artémisinines est déjà apparue dans certaines zones à la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande. Bien que les combinaisons à base de dérivés d’artémisinines (ACT) soient actuellement efficaces à plus de 90% au niveau mondial, il est essentiel d’agir vite. Si ces traitements cessent d’être efficaces, de nombreux pays n’auront aucune solution de rechange. C’est à cette problématique que dans notre travail, nous allons nous efforcer à apporter des propositions de solutions en abordant dans une première partie les données actuelles sur le paludisme. Ensuite, nous aborderons dans une seconde partie les possibilités actuelles en cours d’évaluations des nouvelles cibles du paludisme.
Généralités sur le paludisme
DEFINITION
Le paludisme, également appelé malaria, est l’une des plus fréquentes et dangereuses maladies parasitaires tropicales. L’agent pathogène de la maladie est transmis par la piqûre du moustique : l’anophèle femelle. La transmission de cette maladie survient principalement entre le crépuscule et l’aube, en raison des habitudes d’alimentation nocturne du moustique. Il existe quatre agents pathogènes du paludisme, provoquant quatre formes différentes de maladie, le paludisme à plasmodium falciparum étant la forme la plus dangereuse. Si des épisodes cycliques de fièvre ou des symptômes grippaux graves surviennent après un voyage tropical ou subtropical, il faut suspecter le paludisme, jusqu’à preuve du contraire (3).
EPIDEMIOLOGIE
C’est en Afrique intertropicale où vivent 400 millions de personnes que la situation est à la fois la plus préoccupante et la plus difficile à préciser, et la mortalité y est également plus élevée. En dehors de l’Afrique, 70 % des cas mondiaux sont majoritairement observés dans des pays tels que : l’Inde, le Brésil, l’Afghanistan, le Viêt-Nam, la Colombie, les îles Salomon (2). Un élément est commun à toutes les régions du monde : les formes graves et compliquées à Plasmodium falciparum sont de plus en plus fréquentes, parallèlement à l’augmentation des chimiorésistances, à l’apparition de formes cliniques déroutantes, au retard diagnostique et thérapeutique qui en résulte. Le nombre annuel de cas importés dans les pays industrialisés serait stable en France, même si à côté la France enregistre le plus grand nombre de cas du fait de son passé commun avec l’Afrique (95% des cas importés), et en augmentation dans des pays comme l’Italie et l’Allemagne (4). Il est estimé à près de 10 000 cas chaque année et le chiffre réel pourrait atteindre 30 000 en raison d’une sous notification des cas dans les pays majoritairement touchés. L’altitude et la température ambiante sont des facteurs importants dans l’impaludation ou non dans une zone.
Parmi les organismes engagés dans la lutte antipaludique, RBM (Roll Back Malaria) a su tirer la sonnette d’alarme au sujet de l’accroissement constant du nombre de décès dus au paludisme. RBM grâce à ses centaines de partenaires institutionnels venant des pays d’endémie palustre, des organisations multilatérales et des bailleurs de fonds, et d’autres secteurs, a vu son financement pour la lutte antipaludique multiplié par dix pour atteindre 1,5 milliard en 2010. Pour libérer le monde du paludisme elle a définie ses objectifs de 2011 selon le rapport de COLLECTION PROGRÈS ET IMPACT, numéro 7 de septembre 2011 comme suit :
– « Réduire pratiquement à zéro le nombre de décès dus au paludisme dans le monde d’ici fin 2015.
– Réduire de 75 % (par rapport à l’an 2000) le nombre de cas de paludisme dans le monde d’ici fin 2015.
– Éliminer le paludisme d’ici 2015 dans dix pays supplémentaires (par rapport à 2008) et dans la région Europe de l’OMS. » .
Avec comme cible : « atteindre l’accès et l’utilisation universels des mesures de prévention ; maintenir l’accès et l’utilisation universels des mesures de prévention ; accélérer le développement des systèmes de surveillance ; atteindre la couverture universelle en matière de prise en charge des cas dans le secteur public ; atteindre la couverture universelle en matière de prise en charge des cas dans le secteur privé ou d’orientation appropriée vers des services spécialisés ; atteindre la couverture universelle en matière de prise en charge communautaire des cas de paludisme. » Le rapport annuel de Roll Back Malaria du 12 septembre 2011 révèle par ailleurs que la mortalité a baissé au niveau mondial de 25% entre 2000 et 2010 et de 33% dans la Région africaine. Le nombre de décès en 2010 a été réévalué à 1 238 000, dont 1 133 000 en Afrique subsaharienne, 86% étant des enfants de moins de 5 ans.
L’exemple du Sénégal est démonstratif : les principales stratégies de lutte contre le paludisme au Sénégal ont été :
– l’introduction des ACT en 2006 et leur gratuité en 2010,
– l’introduction des TDR en 2007,
– la prise en charge à domicile des cas de paludisme en 2008,
– la large couverture en MILDA et la lutte antivectorielle par les aspersions intra-domiciliaires,
– le TPI gratuit par la sulfadoxine-pyriméthamine chez les femmes enceintes.
En 2009, le taux de morbidité est à 3,07% des cas confirmés, la mortalité à 4,41% (versus 29,72% en 2005). Le plan stratégique de lutte contre le paludisme établit (2011-2015) prévoit d’aboutir à la pré élimination du paludisme au Sénégal. Dans une publication soumise pour publication (Trape et al. Reaching Millenium Development Goal 4 – Sénégal) et trois communications en 2009 à la conférence MIM, il est montré que la morbidité, la mortalité et la prévalence du paludisme se sont effondrées au Sénégal depuis l’introduction des combinaisons thérapeutiques. L’analyse des données de la zone de Niakhar a également montré que cet effondrement a été accompagné d’une chute de la mortalité infanto-juvénile (198 pour mille en 2000, 55 pour mille en 2008) bien plus importante que celle de la seule mortalité attribuable au paludisme (15,0 pour mille en moyenne durant la période 1995-1999, 2,2 pour mille en 2008), ceci en l’absence de toute autre intervention spécifique, suggérant une responsabilité indirecte majeure du paludisme dans un grand nombre de décès chez l’enfant .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES SUR LE PALUDISME
1. DEFINITION
2. EPIDEMIOLOGIE
2.1 Agent pathogène
2.2 Le vecteur
2.3 Réservoir de parasite
2.4 Mode de contamination
2.5 Mise en évidence
2.6 Cycle évolutif
2.6.1 Cycle du parasite chez l’anophèle
2.6.2 Cycle du parasite chez l’homme
3. SIGNES CLINIQUES
3.1 Le paludisme d’infestation ou le paludisme asymptomatique
3.2 Le paludisme maladie
3.2.1 Accès palustre simple
3.2.2 L’accès palustre grave
3.2.3 Autres formes
4. DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE DU PALUDISME
4.1 La goutte épaisse (G.E)
4.2 Le frottis sanguin (FS)
4.3 La détection des antigènes du paludisme par immunochromatographie : les tests de diagnostic rapide (TDR)
4.4 Autres examens complémentaires
5. LE TRAITEMENT
5.1 Historique des antipaludiques
5.2 Les schizonticides érythrocytaires
5.2.1 Schizonticides naturels
5.2.2 Les schizonticides de synthèse
5.2.3 Les Associations schizonticides
5.3 Les gamétocytocides hépatocytaires: les 8-aminoquinoléines
5.4 Les sporonticides
5.5 Les antibiotiques
5.5.1 Les quinolones
5.5.2 La rifampicine
5.5.3 Les inhibiteurs de la biosynthèse des protéines
5.5.4 Autres antibiotiques
5.6 Schémas de traitement de l’OMS en zone tropicale
5.6.1 Traitement des accès simples
5.6.2 Traitement du paludisme grave
5.7 Les vaccins
6 . CHIMIORESISTANCE
DEUXIEME PARTIE : LES NOUVELLES CIBLES DU PALUDISME
1. LES ANALOGUES DES 4-AMINOQUINOLEINES
1.2 Les analogues à chaînes latérales raccourcies
1.3 Les analogues à groupements aromatiques
1.3.1 l’isoquine et ses dérivés
1.3.2 Les dimères des 4amino-quinoléines et les tris-et Tetraquinoléines
1.3.3 La tebuquine
1.3.4 Les azacrines
1.3.5 Activité antipaludique des dérivés pyrrolizidinyl des 4-aminoquinoléines
1.3.6 Les associations
1.4 Les inverseurs de résistance à la chloroquine : les agents chimiosensibilisants
1.4.1 De la famille des phenothazines
1.4.2 De la famille des anthracenes
1.4.3 De la famille des pyrrolidines
1.4.4 De la famille des ferroquines
1.5 Autres analogues modifiés
1.5.1 Les analogues des amino4quinoléines de la famille des guanidines
1.5.2 Les analogues de l’amodiaquine
2. LES ANALOGUES 8-AMINOQUINOLEINES
3. LES ANALOGUES ANTIFOLATES : CONTOURNEMENT DE LA RESISTANCE AUX FOLATES
3.1. Chlorproguanil / dapsone (Lapdap /)
3.2 Dihydrotriazines basés sur la structure du cycloguanil : Les inhibiteurs de la DHFR
3.2 .1 l’analogue du cycloguanil WR99210 et ses dérivés
3.2 .2 Autres dihydrotriazines
3.3 Pyrimidines basé sur la structure de la pyriméthamine
3.4 Triméthoprime et ses dérivés
3.5 Les analogues diaminopyrimidines
3.6 Composés structurellement différents
3.7 Précurseurs méthotrexate
3.8 L’inhibition de l’absorption des folates : inverseurs de résistance
3.9 Inhibiteurs de la thymidylate synthase
4. LES COMPOSES OBTENUS A PARTIR DES PLANTES
4.1. Alcaloïdes
4.2. Terpenes
4.3. Xanthones
4.4 Chalcones
5. LES COMPOSES PEPTIDIQUES ET PEPTIDOMIMETIQUES ANTIPALUDIQUES
5.1 Inhibiteurs peptidomimétiques de la farnésyl transférase plasmodiale
5.2 Les inhibiteurs de protéase
5.2.1 Les inhibiteurs de la cystéine protéase (falcipaïne) plasmodiale
5.2.2 Les inhibiteurs de la protéase aspartique (plasmepsine)
5.2.3 Les inhibiteurs de la kinase dependante des cyclines : la pfmrk
5.2.4 Autres inhibiteurs de protéases
5.3 Les dermaseptines
5.4 Oligopeptides
6. LES NAPHTOQUINONES
7. COMPOSES D’AMMONIUM QUATERNAIRE : SELS MONO ET BISQUATERNAIRES
8. LES DIAMIDINES
9. PHENOTHIAZINES
10 LES INHIBITEURS DE L’ADOHCY HYDROLASE
11. LES INHIBITEURS DE L’ANHYDRASE CARBONIQUE (AC)
12. LES CHELATEURS DE FER
13. LES 1-ARYL-3,3-DIALKYLTRIAZENES
13.1 Synthèse des 1-aryl-3,3-dialkyltriazène
13.2 Résultats
14. LES 2-METHYL-6-UREIDO-4-QUINOLINAMIDES
14.1 La synthèse
14.2 Les études in vivo et études de docking
15. LE HGF ET SON RECEPTEUR C-MET, CIBLES POSSIBLES DE LA PROPHYLAXIE ANTIPALUDIQUE
CONCLUSION
REFERENCES