LES NECROLYSES EPIDERMIQUES TOXIQUES

LA STRUCTURE NORMALE DE LA PEAU

                 La peau recouvre la totalité de la surface corporelle. Elle constitue ainsi une barrière protectrice et une zone d’échange par rapport au milieu extérieur. La pigmentation cutanée protège des rayons ultraviolets et détermine la pigmentation raciale physiologique. Au point de vue histologique, la peau présente trois parties distinctes mais solidement unies. De l’extérieur vers l’intérieur : elle est constituée par l’épiderme, le derme et l’hypoderme. Elle forme avec ses annexes le tégument.
A-L’épiderme : Cette partie, la plus superficielle, est constituée d’un épithélium (tissu formé de cellules juxtaposées) comprenant différents types de cellules. Les kératinocytes synthétisent une variété de protéine protectrice appelée kératine .Les mélanocytes sécrètent la mélanine, pigment faisant bronzer la peau et la protège des effets pervers des rayons de soleil. Les cellules de Langerhans interviennent dans les mécanismes immunitaires.
B- Le derme : C’est la partie intermédiaire qui est un tissu conjonctif (jouant un rôle de nutrition et de soutien), formé de cellules appelées fibroblastes, de fibres collagènes et de fibres élastiques. Le derme contient les vaisseaux sanguins et les nerfs de la peau. Une fine couche cutanée d’une structure complexe, appelée jonction dermoépidermique, sépare l’épiderme du derme et assure la cohésion et les échanges entre ces deux tissus.
C- L’hypoderme : Il constitue la partie la plus profonde, défini par une variété de tissu conjonctif et de tissu adipeux. Il est formé de cellules riches en graisse, les adipocytes, réunies en lobules et séparées par des cloisonnements conjonctifs.
D- Les annexes : Ils comprennent les phanères (ongles, poils et cheveux) très riches en kératine. Les glandes sudoripares ou sudorales sécrètent la sueur. Les glandes sébacées sécrètent le sébum, lequel forme un film protecteur à la surface de la peau.

MECANISMES IMMUNOLOGIQUES DES REACTIONS CUTANEES AUX MEDICAMENTS

               Ces dernières années, de nombreux travaux se sont intéressés aux mécanismes immuno-allergiques des toxidermies. En particulier, les analyses histologiques et immunohistologiques des lésions cutanées ainsi que les études des clones et des lignées lymphocytaires, issues de lésions cutanées, ont permis de montrer que les lymphocytes T spécifiques des médicaments sont un facteur clé dans la plupart des éruptions médicamenteuses. Leurs capacités fonctionnelles, en particulier la production de cytokines et leurs propriétés cytotoxiques, semblent jouer un rôle prépondérant dans la survenue de différentes formes de toxidermies(12)(13).

Les liaisons non covalentes des médicaments aux molécules du CMH

                 Chez les humains, il n’y a pas beaucoup d’argument pour affirmer que les métabolites réactifs sont les principaux antigènes entrant dans les réactions aux médicaments (18)(19) Au contraire, plus de 90 % des clones T spécifiques des médicaments, issus des lymphocytes du sang de patients qui ont eu une réaction cutanée aux sulfamides, réagissent uniquement au sulfaméthoxazole et pas aux métabolites oxydés. (20) De plus, il a été montré que certains médicaments « non réactifs », étaient capables de se fixer de façon non covalente aux molécules du CMH, sur les cellules présentatrices d’antigène, induisant ainsi une réaction lymphocytaire T (21).

ARGUMENTS INDIRECTS EN FAVEUR D’UN MECANISME IMMUNOALLERGIQUE DES REACTIONS CUTANEES AUX MEDICAMENTS

              Il existe de nombreux arguments cliniques qui plaident en faveur d’une origine immuno-allergique des réactions cutanées aux médicaments. De nombreuses publications rapportent des patchs tests et des tests de transformation lymphocytaire positifs avec les médicaments responsables (27) Dans la plupart des éruptions maculopapuleuses, il est souvent impossible de distinguer la peau lésée de la peau saine : l’infiltrat est peu abondant et il existe peu de kératinocytes apoptotiques. Dans le SSJ et dans le SL, l’importance de l’apoptose kératinocytaire contraste avec la pauvreté de l’infiltrat lymphocytaire (28). Dans tous les cas de toxidermies, l’infiltrat de cellules mononucléées est majoritairement composé de lymphocytes T. Les lymphocytes T CD4+ prédominent dans le derme péri-vasculaire alors que les lymphocytes T CD8+ prédominent dans l’épiderme. Les deux phénotypes lymphocytaires sont présents dans la jonction dermo-épidermique (29).

La nécrolyse épidermique toxique (SL et SSJ)

             L’histologie montre une nécrose complète des cellules épidermiques avec un très discret infiltrat monocytaire dermique. Il y a des lymphocytes T CD8+ dans l’épiderme, à la jonction dermo-épidermique et dans le liquide de bulle (28). Il a été montré que ces lymphocytes T ont une cytotoxicité, spécifique du médicament, restreinte au CMH de classe I, contre les cellules autologues, en particulier les kératinocytes (43)(44). La cytotoxicité directe des lymphocytes T contre les kératinocytes est également induite par perforine/granzyme-B et par Fas/FasL. Il a été proposé que la surexpression de Fas/CD95 et de son ligand par les kératinocytes activés peut disséminer le processus (45). De fait, les kératinocytes sont relativement résistants à l’apoptose par Fas/CD95 (46) et la plupart des tentatives de blocage de la progression clinique du syndrome de Lyell qui ont utilisé le blocage de Fas par de fortes doses d’immunoglobulines humaines se sont avérées très décevantes.

GÈNES CONTRÔLANT LA RÉPONSE IMMUNE

                  Pour certains médicaments, la réponse immunitaire semble être initiée par une liaison entre médicament et molécules du complexe majeur d’histocompatibilité–CMH (23)(63)(64)(65). Cette liaison peut être covalente ou non covalente (66). Il est donc possible que le génotype du CMH gouverne la susceptibilité à développer une réponse immunitaire à un médicament. De nombreuses études ont suggéré l’existence d’associations entre réactions cutanées aux médicaments et phénotype du CMH, dans le SSJ, le SL, l’anaphylaxie et la PEAG. (67)(68). Ces études ont été corroborées par deux publications sur les liens entre le CMH et les réactions d’hypersensibilité à l’abacavir (69).

La prise en charge

                 Concernant la prise en charge des patients, ils ont tous bénéficié de traitements étiologique, symptomatique et de prise en charge générale.Plutôt que d’avoir recours au traitement de soutien de spécialiste, nous cherchons à évaluer le traitement médical possible pour cette pathologie, sur la base d’un aperçu de la littérature et tout en se rappelant qu’il est obligatoire de suspendre l’administration de toute molécule suspecte.
•Le traitement étiologique consiste en une éviction de l’agent causal c’est-à-dire arrêt impératif du médicament incriminé. Par la même occasion, tous les autres médicaments non indispensables ont été supprimés. Une étude a démontré que dans les toxidermies graves l’arrêt précoce du médicament inducteur est un facteur d’amélioration du pronostic vital (86) Le traitement de NET dans des unités de brûlure a considérablement amélioré le pronostic et la survie des patients. Ces centres sont compétents pour procurer les soins appropriés : protection des surfaces cutanées et muqueuses impliquées, surveillance de l’équilibre électrolytique, remplacement liquidien, appui alimentaire, prévention et traitement de l’infection. En ce qui concerne ce dernier aspect, l’antibioprophylaxie n’est pas recommandée comme mesure courante en raison du risque de réactivité en travers avec la drogue impliquée et la possibilité d’infection de bactérie résistante. (12)(84)
•Le traitement symptomatique comprend des soins locaux cutanés, à type de lavage quotidien avec antiseptique, au décapage des lambeaux après une bonne dose d’analgésique. Aucun cicatrisant n’a été appliqué. Les mesures d’asepsie doivent être respectées au mieux. Deux de nos patients ont pu bénéficier de balnéothérapie. Les soins muqueux consistent en un lavage oculaire au sérum physiologique, rinçage buccal à l’eau bicarbonatée et application de « miel » sur les lèvres. Par ailleurs pour la prise en charge générale, on a eu recours à
– l’utilisation d’antihistaminique non sédatif en suspension buvable genre Cétirizine (XYZALL®)
– la polyvitaminothérapie injectable (CERNEVIT®) afin de remonter l’immunité tout en favorisant la régénération cutanéo-muqueuse.
•Cependant chez certains patients l’utilisation des corticostéroïdes reste controverse. Halebian et coll ont décrit une évolution dramatique chez les patients traités avec corticosteroides. Une mortalité accrue a été observée dans un contexte de sepsis. (102). Selon Kelemen et al., le taux de mortalité dans la NET n’est pas corrélé au degré de la surface affectée par le processus nécrotique, mais à la réduction de leucocytes sanguins, ou à l’administration de corticostéroïde plus de 48 h.(103) Cependant, des NET peuvent se produire chez les patients soumis à la thérapie au long cours de corticostéroïde. Une étude en Allemagne a prouvé que 5% des patients présentant une NET ont été sous thérapie stéroïde pendant au moins une semaine avant les manifestations cliniques. (104) Une corticothérapie a été pratiquée dans 5 cas dans notre étude, pendant 72h. Nécessité justifiée selon la pathologie et l’état général du patient malgré le controverse autour de cette thérapeutique. A vrai dire, il faut évaluer les bénéfices et les risques qu’encourt le patient avec l’utilisation des corticoïdes.
•La rééquilibration hydro-électrolytique et volémique, en s’aidant des examens paracliniques est un élément essentiel dans la prise en charge du malade atteint de NET. Le décollement cutané provoque des pertes d’électrolytes pouvant entrainer des désordres du milieu intérieur et une hypovolémie sévère. Dans les décollements cutanés majeurs, le recours à l’albumine 4% est une alternative pour compenser la perte de plasma dans les services de grands brulés recevant des NET majeurs (ce que nous ne disposons pas hélas). La plasmaphérèse est une autre alternative à l’albumine. Un certain nombre d’études confirment l’efficacité de la plasmapherèse dans le SL (105). Bien qu’elle soit une pratique chère exigeant un accès veineux, nous le considérons comme étant une méthode valide dans la thérapie de la NET qui permet d’obtenir le soulagement tôt de la douleur et la cessation rapide de la necrolyse. Le taux de mortalité dans les patients traités avec la plasmapherèse (< 10%) est comparable à celui des patients admis et traités aux centres de brûlure. Cependant nous ne devons pas oublier que le patient est exposé aux risques d’accidents transfusionnels.
•Face à un début de signe infectieux (fébricule ≥ 37°8), une antibiothérapie probabiliste à large spectre a été administrée dans 6 cas, afin de lutter contre la surinfection. D’autres études ont montré son importance(3)(75) . La surinfection est dans tous les cas une source de mortalité. (79)
•La perfusion d’Immunoglobuline préconisée par certains auteurs n’a pas été faite. D’abord cette thérapeutique n’est pas encore consensuelle et reste controversée (78) (106). Et elle n’est guère accessible à Madagascar. Dans les formes les plus graves, l’espoir suscité par l’administration de fortes doses d’immunoglobulines par voie intraveineuse n’a pas été confirmé. Les principales nouveautés dans ce domaine concernent la prévention dans des situations où le risque de réaction est élevé. Peu de cas d’utilisation des immunoglobulines intraveineuses (IVIG) a été rapporté dans la littérature. (106)
•D’autres thérapeutiques locales ont été pratiquées par certains auteurs, RAKOTOMANGA et col (3) et RANDRIAMANANTSOA A et al. (107), ont expérimenté l’utilisation bénéfique de feuilles de bananiers déposées au contact des lésions avec décollement, afin d’obtenir une guérison rapide sans tendance à la surinfection dans les cas de syndrome de Lyell (patient en décubitus dorsal). Les avancées récentes dans la compréhension physiopathologique des toxidermies médicamenteuses font espérer de nouveaux progrès dans la prévention de ces accidents encore trop fréquents. L’utilisation de la cyclosporine a été présentée dans le traitement de NET en 1986. Elle empêche les principales populations cellulaires impliquées dans la pathogénie de NET (les T-lymphocytes, les macrophages, les keratinocytes activés) d’interférer sur le métabolisme de TNF et possède une propriété d’anti-apoptosis. Nous savons que l’apoptose est le mécanisme qui cause la mort des keratinocytes dans les NET. (108). L’efficacité de la cyclosporine est due à sa capacité d’interrompre l’évolution de la maladie, permettant une re-épithélialisation précoce des surfaces cutanées affectées. (109)
•Les gammes thérapeutiques restent moins élargies à Madagascar. Beaucoup présentent encore des controverses dans le traitement des nécrolyses épidermiques toxiques médicamenteuses. Il semble que le taux de mortalité est nul même si aucune des études locales n’a relevé une statistique. Il nous semble important de soulever le suivi de la gravité de la maladie dans notre population d’étude et d’entrevoir un peu le score de suivi dans la limite du possible. Concernant la gravité de la maladie, le SCORTEN quoique non calculé conformément à la littérature (le dosage des bicarbonates faisant défaut) n’a pas dépassé les 4points. Ce qui est en faveur d’un bon pronostic. (82) Si tel est le taux de mortalité et la gravité possible de ces patients, ceci doit avoir une bonne répercussion sur la durée d’hospitalisation. En moyenne l’hospitalisation a duré environ 20 jours, avec des extrêmes de 5j et 40j. La grande majorité (65%) reste moins de 15 jours à l’hôpital. Malgré un score de prédiction en faveur d’un bon pronostic, il n’y a pas eu de répercussion sur un raccourcissement probable de la durée d’hospitalisation, la raison reste encore inconnue. La littérature rapporte que la durée moyenne d’hospitalisation est de 9,8 jours, les extrêmes étant de quatre heures à 29 jours. (110)
•Concernant les séquelles, l’absence de suivi à long terme ne nous a pas permis de voir les différentes invalidités fonctionnelles ou esthétiques. La séquelle oculaire est le plus souvent rapportée par la littérature(80)(81) Rejoignant l’étude de RAKOTOMANGA, (3) l’évolution fut favorable à 100%. Est-ce du fait que les patients sont vus tôt ? Ou malgré la tendance à croire que, vivant dans un pays en voie de développement, le peuple est forcément malnutri et donc immunodéprimé, il ne l’est pas ? Ou encore parce qu’aucun des patients n’a été sous polymédication et n’a pas subi la « synergie » des effets indésirables des médicaments ? Des études prospectives à grande échelle permettront d’apporter des réponses à ces questions.

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Table des matières

INTRODUCTION
Première partie : REVUE DE LA LITTERATURE 
I- GENERALITES 
1-1. DEFINITIONS
1-2. LE SYSTEME IMMUNITAIRE
1-3. HISTO-PHYSIOLOGIE ET ANATOMO-PATHOLOGIE
1.3.1 La structure normale de la peau
1.3.2 Aspect anatomo-pathologique
A- Les lésions élémentaires primaires
B- Les lésions élémentaires secondaires
1.3.3 Mécanismes immunologiques des réactions cutanées aux médicaments
A- Réactions cutanées aux médicaments : comment les médicaments sont reconnus par le système immunitaire ?
B- Réactions immunologiques aux médicaments via les lymphocytes T spécifiques
II- DESCRIPTION CLINIQUE DE LA NECROLYSE EPIDERMIQUE
2.1 CLINIQUE
2.1.1 Type de description
2.1.1Forme clinique
2.2 DIAGNOSTIC
2.2.1 Diagnostic positif
2.2.2 Diagnostic différentiel
2.2.3 Diagnostic étiologique
2.2.4 Diagnostic de gravité
2.2.5 Diagnostic évolutif
2.3 PRISE EN CHARGE
2.3.1 But
2.3.2 Moyen
2.3.3 Indication
2.3.4 Surveillance
2.3.5 Pronostic
Deuxième partie : NOTRE ETUDE
1. CADRE D’ETUDE 
2. MATERIELS ET METHODES 
3. RESULTATS 
3.1 Données démographiques
3.2 Données cliniques
3.3 Données thérapeutiques et évolutives
Troisième partie : DISCUSSION ET SUGGESTIONS
I. DISCUSSION 
1.1 Epidémiologie
1.2 Sur le plan clinique
1.3 La prise en charge
II. SUGGESTIONS 
CONCLUSION
ANNEXE
BIBLIOGRAPHIE

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