L’Antiquité est marquée par le rôle central de la Méditerranée et donc des transports maritimes. La puissance des cités et états se mesurait notamment à celle de leur flotte de guerre permettant d’assurer la sécurisation des voies de communication maritime, par exemple pour l’acheminement du blé de la Mer noire vers la Grèce, ou de l’Egypte vers Rome. Le terme « thalassocratie » semble partagé par les historiens pour caractériser les empires de l’époque, notamment Athènes ou Carthage. Il existe de nombreux ouvrages relatifs aux navires antiques de combat, notamment les trières, leur mode de propusion et leurs éperons, bien que les épaves soient quasi inexistantes. Cette lacune a aiguisé la curiosité jusqu’à aujourd’hui. Les flottes anciennes disposaient également, pour accompagner les bateaux de guerre, de navires dits auxiliaires, parfois semblables aux navires de combat. Ils remplissaient un rôle fondamental, ce que nous tenterons d’expliquer dans le présent mémoire. Les navires auxiliaires n’ont jamais constitué en soi un sujet d’études pour les chercheurs. Il n’existe aucune étude globale sur les navires auxiliaires, mais une série d’articles ou des parties d’ouvrages qui portent sur un type de navire auxiliaire. C’est plutôt en consultant les études relatives aux navires de combat ou aux navires marchands que nous pouvons entrevoir les caractéristiques des navires à la frontière entre ces deux catégories souvent opposées par les auteurs anciens, ainsi que par les chercheurs : les navires « longs » ou asymétriques, dits de guerre, propulsés à la rame lors des combats ; les navires « ronds » ou symétriques, dits de commerce, principalement mus par leur voile. Les bâtiments auxiliaires ont néanmoins été cités, en tant que groupe spécifique, par les chercheurs, L. Casson et M. Reddé . Ce dernier reconnaît d’ailleurs que la gloire va aux bâtiments de ligne. Les chercheurs constatent que toute marine dispose, à côté de ses unités de combat, de navires de service, de transport, ou même de petits bâtiments de guerre annexes. M. Reddé cite, par exemple, plusieurs noms de navires auxiliaires, comme le phaselus, l’actuaria, l’hippago, le linter, les lusoriae, le musculus et la scapha. L. Casson évoque le lembos comme un navire auxiliaire. Lorsqu’il décrit certains bateaux de la mosaïque d’Althiburus, P.-M. Duval emploie également le terme de navires « auxiliaires ».
Les navires de combat et de leurs équipages
Les navires de combat
Les navires de combat peuvent être désignés par deux adjectifs : les naus makras/naues longas (navires longs) et les tachéiôn (navires rapides). Ils sont propulsés par des rames pour les manœuvres de combat, et à voile pour la navigation plus classique. Le plus connu et le plus emblématique des bateaux de guerre est la trière chez les Grecs et la trirème chez les Romains, à trois rangs de rameurs de chaque côté, sur trois niveaux. Ce mode de propulsion permettait de manœuvrer un navire avec éperon donc plus lourd, alors que ses prédécesseurs, la triacontère (30 rameurs) et la pentécontère (50 rameurs) n’en disposaient pas. Progressivement, apparaissent de nouvelles motivations : démonstration de puissance, changement des modalités de combat avec le développement de abordage et de l’artillerie, augmentation de la main d’œuvre disponible grâce à la conquête de l’Orient. Les trières sont dépassées et remplacées ou complétées dans les flottes de guerre, par des quinquérèmes à cinq rangs de rameurs de chaque côté, également sur trois niveaux (plusieurs rameurs par rame), voire par des navires beaucoup plus grands : jusqu’à 16 rangs, mais toujours sur trois niveaux. L’apogée de la course à taille se situe pendant la période hellénistique des diadoques, successeurs d’Alexandre le Grand.
Puis le contexte de l’Empire romain conduit à revenir à des proportions inférieures, car les besoins évoluent à nouveau. La domination romaine est en effet assez absolue sur mer sauf les pirates, contre lesquels la petite liburne est plus adaptée.
Aucune épave n’ayant été retrouvée et identifiée avec certitude comme un navire de combat, J. S. Morrison, J. F. Coates et B. Rankov ont reproduit une trière en taille réelle (44 tonnes, 36,80 m de long et 5,45 m de large), l’Olympias . Ils l’ont testée en tentant de se rapprocher des conditions de l’Antiquité. La compréhension du fonctionnement des trières s’est ainsi améliorée : leur coque, leur vitesse, leur gouvernail, la technique et le positionnement des rameurs, leur maniabilité, leur éperon… Seule la découverte d’une à deux épaves par H. Frost à Lilybée (Marsala), en Sicile, a permis de réaliser des parallèles avec les bateaux de guerre sur tous les aspects évoqués. Mais l’identification de ces épaves comme des navires de combat n’est pas acceptée par tous. Il pourrait même s’agir de navires auxiliaires selon P. Pomey. L’autre fait marquant de cette découverte est la fabrication industrielle, pointée par H. Frost qui a observé des marques peintes .
Les épaves fouillées par l’équipe d’H. Frost ont introduit le débat relatif à l’éperon, caractéristique du vaisseau de guerre, qui pourrait être « mobile », ce que nous expliciterons dans le chapitre relatif aux navires éclaireurs. En effet, certains navires de combat pouvaient être aussi des auxiliaires, comme le lembos ou l’actuaria, d’où des discussions entre chercheurs sur la présence d’un éperon sur ces navires. Un texte de César laisse en effet supposer cette possibilité d’ajouter un éperon à un actuaria, mais il n’y a pas d’autre source écrite à ce sujet :
Quod cum tardius fieret quam pericumul nostrorum flagitabat, qui sustinere impetum Octauii non poterant, nauibus actuariis quarum numerus erat satis magnus, magnitudo nequaquam satis iusta ad proeliandum, rostra imposuit. Mais comme les choses traînaient au-delà de ce qu’exigeait le péril des nôtres, qui ne pouvaient plus soutenir l’assaut d’Octavius, il fit poser des éperons à des navires légers (nauibus actuariis) qu’il avait en assez grand nombre, mais de dimensions insuffisantes pour combattre.
Les bateaux de guerre pratiquaient plutôt l’éperonnage puis ont évolué, avec l’accroissement de leur taille, vers le combat à distance (traits, balistes) et l’abordage. Les navires de guerre devaient être capables, dans ce cas, de transporter les machines et les combattants. Afin de nourrir les débats relatifs aux nombres de soldats transportés par les navires de guerre ou les navires auxiliaires, il convient de repréciser la composition de l’équipage et des passagers sur un navire de guerre ancien. Les interprétations sont diverses selon les auteurs anciens, les chercheurs, et les traducteurs philologues.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : Les transports de troupes
11. Les navires de combat et de leurs équipages
111. Les navires de combat
112. Les rameurs, les hommes d’équipage et les soldats
12. Historique des usages des transports de troupes
121. La Grèce classique : le développement des transports de troupes par mer
122. La course à la taille des navires de transports de troupes pendant les guerres hellénistiques
123. Des navires de charge classiques pour le transport de troupes pendant les guerres puniques et les guerres civiles romaines
124. La recherche de maintien de la pax romana privilégie le transport de troupes
125. Tableau récapitulatif des termes utilisés par les sources écrites anciennes
13. Les types de navires de transports de troupes
131. Les vaisseaux longs, transports de troupes
132. Les petits navires de transports
133. Les transports de troupes sur rivière : lusoriae, lintris
134. Les transports de troupes sur les navires habituels de charge
Conclusion du chapitre
Appendice : compléments relatifs aux transports de troupes
Appendice : les capacités des transports de troupes
Appendice : sources écrites anciennes relatives aux transports de troupes
Chapitre 2 : Les navires éclaireurs
21. Les usages des navires éclaireurs
211. La reconnaissance
212. Les autres usages des navires du même type
213. Les « encyclopédistes »
214. Tableau récapitulatif des termes utilisés par les auteurs anciens
215. La forme des navires éclaireurs : la mosaïque d’Althiburus
22. Les types de navires éclaireurs
221. Les débats transversaux aux navires éclaireurs : champ de vision et éperons
222. Les vaisseaux éclaireurs
Conclusion du chapitre
Appendice : sources écrites anciennes relatives aux navires éclaireurs
Conclusion générale
ANNEXES
Annexe 1 : Sources écrites anciennes
Annexe 2 : Sources imprimées
Annexe 3 : Etudes critiques
Annexe 4 : Table des illustrations
Annexe 5 : Table des matières
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