Les nanomatériaux : utilisation, réglementation et métrologie associée

Les nanomatériaux : utilisation, réglementation et métrologie associée

Origine et tonnage des nanomatériaux présents sur le marché mondial

De nos jours, de plus en plus de produits manufacturés contiennent des nanomatériaux (NMs). Depuis une dizaine d’années, les secteurs industriels intègrent de plus en plus de ces NMs dans leur processus de production ou dans les produits finis, que ce soit des nanomatériaux naturels ou manufacturés. L’objectif est de conférer de nouvelles propriétés aux produits finis. En effet, à l’échelle nanométrique, il existe de nombreux phénomènes physiques différents de ceux observés à l’échelle micro ou macroscopique. Ainsi, « l’effet nano » résulte principalement des effets de surface (associés à l’augmentation de la surface spécifique) et des effets quantiques. Ces effets influencent plusieurs propriétés physicochimiques, tels que la réactivité physico-chimique [1–3], les propriétés électroniques [4], les propriétés optiques [5], les propriétés magnétiques [6] et/ou les propriétés structurelles [7]. Les propriétés remarquables des nanomatériaux sont souvent dépendantes des propriétés dimensionnelles (taille, distribution en taille et forme).

Domaines d’applications

Plusieurs secteurs d’industrie et de développement sont concernés par cette révolution nano-technologique, à savoir le domaine de la santé, de l’alimentaire, du cosmétique, de l’électronique, textile et bien d’autres [8]. Ainsi les NMs métalliques (l’argent (Ag), le titane (Ti)), d’oxydes métalliques (le dioxyde de titane (TiO2), l’oxyde de zinc (ZnO) etc.), de silicates ou de carbonates rentrent dans la composition de plusieurs produits de soin, de produits cosmétiques ou alimentaires [9]. Les nanomatériaux semi-conducteurs ou métalliques avec leurs propriétés uniques (optiques, électriques et thermiques) et les nanotubes de carbone permettent, par exemple, le développement d’une nouvelle génération de matériaux électroniques et de nouveaux capteurs [10,11].

Les applications des NMs d’argent avec leur propriété bactéricide se retrouvent principalement dans le domaine de la parapharmacie avec le développement de pansements ou bien dans le cadre de technologies à haute valeur ajoutée tels que les textiles hautes performances, vêtement antibactérien etc. [12]. Les silicates sous forme de dioxyde de silicium (SiO2) sont également très répandus dans différents secteurs (cosmétique, alimentaire, polymères…). A titre d’exemple, le dioxyde de silicium est utilisé depuis des dizaines d’années comme antiagglomérants (E551 dans le secteur alimentaire, cf. Annexe 1) ou comme porteur d’arôme dans des produits sous forme de poudre [13]. Les NMs peuvent également être présents dans les matériaux d’emballage (nanoargile, nano Argent…), afin d’en améliorer différentes propriétés (antibactérienne, résistance aux UV, résistance mécanique etc.). L’oxyde de zinc sous sa forme nanométrique fait partie des filtres UV, comme le dioxyde de titane, largement utilisés en cosmétique [9]

Les dérivés carbonés tels que les nanotubes de carbone et le noir de carbone ainsi que les oxydes de fer sont considérablement présents dans l’électronique pour augmenter la résistance mécanique des matériaux .

Taux de production

Au regard de la littérature, notamment d’après le dernier rapport d’étude publié concernant les déclarations du registre R-Nano [16], les quantités de NMs déclarées à base de matériaux inorganiques (tels que les carbonates de calcium, les dioxydes de silicium, les dioxyde de titane) semblent majoritaires. Les NMs à base de carbone et de silicates sont les secondes familles les plus représentées. D’autres nanomatériaux non identifiés présentent tout de même un tonnage important équivalent à celui des silicates et des dérivés carbonés. Cette catégorie regroupe les céramiques, les polymères mais aussi les nano-argiles. Ces composés, notamment les argiles sont très complexes car ce sont des nanoparticules anisotropes et composés majoritairement de multiéléments ce qui rend très difficile leur caractérisation.

De nombreuses bases de données ont étudié les produits de consommation contenant des nanomatériaux. Les informations répertoriées sont plus ou moins détaillées et difficiles à évaluer. Selon Vance et al [17], 1814 produits dans 32 pays ont été classés en 2015 comme contenant des nanomatériaux. Cet inventaire, ou CPI (Consumer Product Inventory), créé en 2005 par le Woodrow Wilson International Center liste les produits contenant des nanomatériaux. Ces NMs ont été représentés par famille, on y trouve la proportion des métaux (dont les oxydes métalliques avec une majorité pour l’argent suivi du titane), les carbonates, les silicates et d’autres types avec également une grande partie de nanomatériaux non identifiés [17].

Une autre base de données, la « Nanodatabase », est disponible sur internet [9]. Cette dernière fait l’inventaire des produits commercialisés en Europe et contenant des nanomatériaux. Elle est mise à jour tous les ans et contient à ce jour 5169 produits [9].

Le dioxyde de titane et dioxyde de silicium font partie des nanomatériaux inorganiques les plus utilisés dans l’industrie pharmaceutique, cosmétique et alimentaire [16]. Le CeO2 est également largement utilisé et produit à l’échelle industrielle.

Exemple de nanomatériaux inorganiques

Le dioxyde de titane

Parmi les différents NMs utilisés à l’échelle industrielle, le dioxyde de titane (TiO2) est l’un des plus utilisé offrant de nombreuses applications [19,20]. En effet, le dioxyde de titane se retrouve dans la plupart des secteurs industriels tels que l’alimentaire en tant que colorant blanc (chewing-gum, confiserie, chocolaterie, bien qu’il ait été suspendu depuis de janvier 2020 en France), dans la peinture mais aussi dans la cosmétique (notamment comme agent anti-UV dans les crèmes solaires). Ce vif intérêt est dû d’une part au blanc éclatant et à sa résistance à la décoloration et d’autre part à sa capacité de bloquer les UV. Le dioxyde de titane fait partie des cinq substances nanométriques les plus produites (en tonnage), avec plus de 10 000 tonnes de TiO2 à l’état de nanoparticules déclarées dans le registre français R-Nano  pour l’année 2019 [16]. De plus, sur les 5169 produits commerciaux répertoriés dans la Nanodatabase [9], 145 produits contiennent du TiO2 sous forme nanoparticulaire. Le nombre de publications sur ce sujet a explosé ces dernières années [21–24], mais il manque toujours une stratégie appropriée pour la caractérisation systématique et quantitative des nanoparticules de TiO2.

Le titane est un élément naturel et très abondant dans la croute terrestre et existe sous plusieurs formes minérales, l’ilménite (FeTiO3), la pérovskite (CaTiO3) ou bien la titanite (CaTiSiO5). Le TiO2 manufacturé peut être obtenu via deux procédés majeurs [25][26]:
– Le procédé au chlorure
– Le procédé au sulfate .

Le TiO2 manufacturé peut se présenter sous 3 structures cristallines différentes : rutile, anatase et brookite, possédant chacune des propriétés caractéristiques. A titre d’exemple, l’indice de réfraction du TiO2 peut varier d’une phase cristalline à une autre (entre 2,48 et 2,70) [29]. La forme rutile et la phase la plus stable thermodynamiquement par rapport aux phases anatase et brookite qui sont métastables et finissent par se transformer en rutile à haute température (700°C – 900 °C) .

Par ailleurs, le TiO2 présente une activité photo-catalytique lorsqu’il est exposé à un rayonnement UV [33]. Ce processus de photo-catalyse est largement utilisé dans le traitement des eaux usées, la dépollution de l’air [34] ou encore les revêtements autonettoyants .

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1 : Les nanomatériaux : utilisation, réglementation et métrologie associée
Table des matières
Table des Figures
Table des Tableaux
1. Origine et tonnage des nanomatériaux présents sur le marché mondial
1.1. Domaines d’applications
1.2. Taux de production
1.3. Exemple de nanomatériaux inorganiques
1.3.1. Le dioxyde de titane
1.3.2. Le dioxyde de silicium
1.3.3. Le dioxyde de cérium
2. Vocabulaires, définitions et réglementation sur les nanomatériaux
2.1. Vocabulaire normatif lié aux nanomatériaux
2.2. Des définitions hétérogènes selon les secteurs d’activités
2.2.1. La recommandation de définition des nanomatériaux de la commission européenne
2.2.2. Définition du règlement cosmétique
2.2.3. Définition du règlement INCO et NOVEL FOOD
2.2.4. Définition du règlement biocides
2.3. Examen de la législation et déclarations obligatoires concernant les nanomatériaux
2.3.1. En France : Le Registre R-Nano
2.3.2. En Europe : Le règlement REACH
3. La nanométrologie
3.1. Généralités
3.2. Le système international d’unités (SI)
3.3. Chaine de traçabilité pour les mesures dimensionnelles (échelle nanométrique)
4. Les différentes techniques de caractérisation dimensionnelles de nanomatériaux
5. Caractérisation dimensionnelles des nano-objets sous forme de matière première ou contenus dans les produits manufacturés
5.1. L’approche multi-techniques
5.2. Préparation d’échantillon
Références
Chapitre 2 : Sélection des échantillons et techniques de caractérisation utilisées dans cette étude
1. Sélection des échantillons
1.1. Les échantillons de référence
1.2. Les échantillons de synthèse
1.3. Les matières premières
1.4. Les échantillons extraits de produits finis (matrices complexes)
2. Techniques de caractérisation dimensionnelles utilisées et mesurandes associés
2.1. Microscope électronique à balayage (MEB)
2.1.1. Description de la technique
2.1.2. Zeiss Ultra Plus du LNE
2.1.3. Paramètres d’acquisition
2.1.4. Définition des mesurandes
2.1.5. Traitement des données
2.2. Diffusion des rayons-X aux petits angles (SAXS)
2.2.1. Description de la technique
2.2.2. Etalonnage
2.2.3. Préparation d’échantillons
2.2.4. Traitement des données
2.2.5. Définitions des mesurandes
2.3. Brunauer, Emmett et Teller (BET)
2.3.1. Principe, mesurande et mesure
2.3.2. Traitement des données
2.4. Diffusion dynamique de la lumière (DLS)
2.4.1. Principe de mesure
2.4.2. Définition du mesurande
2.4.3. Mesures et traitement des données
3. Techniques de caractérisations physico-chimiques
3.1. Evaluation de la charge de surface (zêtamétrie)
3.2. Evaluation de la structure cristalline (Diffraction des rayons X (DRX))
3.2.1. Principe et mesurandes
3.2.2. Mesures et traitement des données
3.3. Composition chimique élémentaire par Spectroscopie de rayons X à dispersion d’énergie (EDS, couplé au MEB)
3.3.1. Principe
3.3.2. Mesures et Traitement des données
3.4. Analyse élémentaire par Spectroscopie d’émission optique de plasma à couplage inductif (ICP-OES)
3.4.1. Principe
3.4.2. Mesures et traitement des données
3.5. Spectrométrie photoélectronique X (XPS)
3.5.1. Principe
3.5.2. Mesures et traitement des données
Références
Chapitre 3 : Les défis liés à la préparation des échantillons pour la mesure dimensionnelle des (nano)-objets par microscopie électronique à balayage
1. Echantillons sélectionnés
2. Préparation d’échantillon
2.1. Stabilité colloïdale par interaction électrostatique
2.2. Dépôt des particules sur substrat en silicium
3. Dépôt avec les paramètres classiques pour l’ultrasonication
4. Evaluation des paramètres d’ultrasonication avec un suivi DLS
4.1. Optimisation des conditions d’analyse pour la DLS
4.2. Impact de l’énergie de l’ultrasonication sur la taille des agglomérats
4.3. Influence des cycles lors du processus d’ultrasonication
4.4. Influence de la durée d’ultrasonication sur la taille des agglomérats
5. Mesure dimensionnelle par MEB des (nano)-particules après l’optimisation des paramètres d’ultrasonication
5.1. Dépôt et acquisition des images MEB
5.2. Mesure des distributions en taille en nombre
Conclusion
Références
Chapitre 4 : L’approche multi-techniques pour la mesure dimensionnelle des (nano)-particules de dioxyde de titane (TiO2)
1. Echantillons sélectionnés
2. Caractérisation physico-chimique des échantillons : Analyse élémentaire et identification des phases cristallines des poudres de TiO2
2.1. Evaluation de la pureté des échantillons et quantification de l’élément Ti par ICP-OES
2.2. Analyse de la composition chimique des échantillons par EDS
2.3. Analyse de la composition chimique en surface des particules par XPS
2.4. Analyse de la cristallinité des échantillons par DRX
3. Comparaison des grandeurs physiques des particules de TiO2 obtenus par MEB, SAXS et BET
3.1. Caractérisation dimensionnelle des particules de TiO2 par MEB
3.1.1. Diamètres équivalents mesurés par MEB (DSEM average area-eq)
3.1.2. Discussions sur les mesures dimensionnelles des particules de TiO2 obtenues par MEB
3.2. Caractérisation dimensionnelle des particules de TiO2 par SAXS
3.2.1. Protocole expérimental pour l’analyse SAXS et impact de la compacité sur l’intensité absolue
3.2.2. Surfaces spécifiques et diamètres équivalents obtenus par SAXS
3.3. Mesures BET et comparaison des surfaces spécifiques BET/SAXS
3.4. Comparaison des diamètres équivalents SAXS-BET/MEB
3.5. Impact de la polydispersité sur les diamètres équivalents obtenus par SAXS et MEB
4. Discussion sur l’influence des interactions inter-particulaires et de l’anisotropie sur les mesures SAXS-BET/MEB
Conclusion
Références
Annexe

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