Les mythes de beauté
Enfance et construction genrée
Pour comprendre comment une adolescente conçoit son identité sexuée, dans notre société, en Occident, et développe ses conduites, il est important d’expliquer comment un adulte en devenir définit son identité et comment il est influencé par son sexe dès sa naissance. En effet, le processus de socialisation chez l’enfant se développe selon la différenciation des sexes, dans le sens où les comportements et représentations des pairs qui entourent l’enfant seront influencés inconsciemment par le sexe de l’enfant, déjà dès son plus jeune âge. Ainsi, la manière dont un enfant, ou dans une continuité logique, une adolescente, construira son identité et les modèles auxquels elle se réfère dépendra de l’environnement social, c’est-à-dire des opportunités offertes par leurs proches en prenant en compte le facteur genre. (Rouyer, 2008, p. 336)
Cette construction dépendra également des interactions entre l’adulte et l’enfant, qui sont influencées par le sexe de l’enfant, mais également des « modèles de rôles de sexe », ou en d’autres termes, les valeurs et rapports sociaux de sexe inculqués par la famille ou les principaux agents de socialisation de l’enfant (l’école, la famille, les médias,…). (Rouyer, 2008, p. 336) En effet, il a été montré que selon le sexe de l’enfant, les opportunités offertes étaient différentes, mais
également que les adultes communiquent de manières différentes selon que l’enfant est un garçon ou une fille.
Adolescence
Le concept de « l’adolescence » n’a pas toujours existé, puisqu’il est apparu seulement à partir du XIXème siècle. (Birraux, 2013, p. 7) Il représente le passage de l’enfance à l’âge adulte. L’adolescence est une période de transition durant laquelle l’adolescent·e est invité·e à faire des choix au niveau de sa personnalité, de son identité, de son métier, etc. (Cloutier & Drapeau, 2008)
Il est caractérisé par des modifications corporelles liées à la puberté, une recherche identitaire et relationnelle. Cette période induit plusieurs questions pour l’adolescent·e, par rapport à son corps, sa sexualité, sa personne et de nouveaux centres d’intérêts qui y sont liés. (Birraux, 2013, p. 34). La puberté et les changements corporels amènent l’adolescent·e à se questionner sur son corps et
sur son identité. En effet, en l’espace de quelques années seulement, « le corps se transforme, les pulsions sexuelles apparaissent, la façon de se percevoir et de comprendre les autres se modifie, une identité sociale différente prend forme à l’extérieure de la famille, etc. » (Cloutier & Drapeau, 2008, p. 2) Finalement, cette phase est caractérisée par une certaine ampleur, importance et proportion au niveau des changements opérés. En effet, l’évolution chez l’adolescent·e se caractérise sous plusieurs dimensions : identitaires, corporelles, sexuelles, cognitives et sociales. (Birraux, 2013)
Définitions de l’identité
La notion d’identité est centrale lorsque l’on s’intéresse à la phase de l’adolescence. De nouvelles questions et défis s’imposent à l’adolescent·e qui se cherche et cherche à connaître qui il ou elle est. Dans ce contexte, donner une définition du terme identité s’impose : c’est notamment « Le sentiment d’être un tout unifié et celui de vivre en continuité avec soi-même dans le temps […] ».
(Cloutier & Drapeau, 2008, p. 152) C’est le fait de se définir en tant qu’entité distincte, dans une certaine continuité et cohérence dans le temps. Erikson définit, dans une approche psychologique, l’identité individuelle de telle manière : « L’identité est un produit unique qui fait dès lors face à une crise qui ne peut être résolue que par de nouvelles identifications avec les pairs et des modèles extérieurs à la famille. » (Erikson, 1968, p.87, cité par Cloutier & Drapeau, 2008, p.152) Ainsi, il convient de différencier identité et identification. L’identification fait référence aux modèles auxquels l’enfant va s’assimiler et qui forge l’identité, en prenant en compte les différentes interactions vécus avec ces modèles d’identification.
Le développement de l’identité chez les adolescent·e·s va dépendre et se développer en fonction de trois composantes :
1) le sentiment d’ « unité », ou en d’autres termes, le sentiment de cohérence dans les actes menant à l’unicité d’un individu
2) Le sentiment de « continuité temporelle», qui implique de reconnaître un sens ou une trajectoire pour la personne dans les événements du passé, présent et avenir.
3) Les interactions avec les personnes importantes dans la vie et dans les choix de l’adolescent·e
(Cloutier & Drapeau, 2008, p. 153)
Les facettes de l’identité
Voici les 3 facettes de l’identité selon Marcia : subjective, comportementale, et structurale. (Marcia, 1989, 1993, cité par Cloutier & Drapeau, 2008, p. 153)
L’identité subjective correspond à la conscience d’être une entité unique et de se définir comme « une personne unifiée », malgré les différents rôles et facettes qu’il nous est admis de prendre selon les circonstances. Finalement, ces différents rôles que nous devons remplir renforcent cette unicité puisque l’adolescent·e apprend à se définir en tant que personne malgré les différentes situations auxquelles il·elle est confronté·e. (Cloutier & Drapeau, 2008, p. 153)
L’identité comportementale est définie comme une certaine continuité dans les actes posés. Ainsi, la personne est reconnue dans ses actions et identifiée par les autres par ce qu’elle fait et par ses activités. Dans le cas contraire, cela impliquerait une vision de la personne comme quelqu’un d’imprévisible, sans repère, en manque de stabilité.
L’identité structurale est le mode de fonctionnement de la personne mis en relation avec le milieu. Elle définit la capacité à adapter ses réponses à l’environnement.
Ainsi, l’identité se définit autant dans la manière de se définir et de se percevoir, que dans les actes que l’on pose et enfin dans la capacité d’adaptation au milieu, à l’environnement et à leurs exigences. (Cloutier & Drapeau, 2008, pp. 153-154)
Processus de socialisation à l’adolescence
L’adolescence, dans une perspective anthropologique, est considérée comme une période de transition des rôles sociaux, où l’adolescent·e apprend de nouveaux rôles et se voit attribuer de nouvelles responsabilités. En effet, l’adolescent· va jongler entre certains rôles d’enfants, qu’il·elle va conserver, et d’autres rôles d’adulte, qu’il·elle va devoir intégrer. Ce processus de socialisation, entraîné à l’adolescence, engage des tensions, liées aux modifications des rôles sociaux, et influencées notamment par les différents agents de socialisation (la famille, les amis, les professeurs, etc.), et par le contexte temporel et socioculturel. (Cloutier & Drapeau, 2008, p. 30)
L’adolescent·e est marqué par deux enjeux particuliers : le besoin d’appartenance à un groupe et le besoin d’être indépendant (Zazzo, 1982, cité par Metton, 2010,p. 101) C’est à la fois une recherche d’identification à un groupe de référence, et la recherche d’individualité. Appartenir à un groupe de pairs à une fonction de protection pour l’adolescent·e, même si cela implique des règles, normes et
exigences au sein du groupe. La « fidélité » fait partie de ces règles internes et contraint les adolescent·e·s à choisir un groupe et à s’y identifier. (Metton, 2010, p. 104) Les échanges en dehors de ce cercle sont donc bien limités, et sont plus restrictifs chez les groupes de sexe féminins, qui sont caractérisés comme plus exclusifs et restrictifs. Ensuite, l’échange avec les pairs de sexe opposé est difficile durant l’adolescence. L’observation, dans ce contexte, reste privilégiée.(Metton, 2010)
Médias sociaux
La définition des médias sociaux communément utilisée, proposée par Kaplan et Haenlein (Coutant & Stenger, 2012), est la suivante : « un groupe d’applications en ligne qui se fondent sur l’idéologie et la technologie du Web 2.0 et permettent la création et l’échange du contenu généré par les utilisateurs ». (Kaplan et Haenlein, 2010, cités par Coutant & Stenger, 2012, pp. 4-5) Le web 2.0 représente la nouvelle version du Web à laquelle on rajoute des fonctionnalités pour optimiser la communication et échanges d’informations. (Coutant & Stenger, 2012, pp. 5-6)
La définition du concept se base sur deux termes : « social », puisque c’est un espace de sociabilité, partage et communication, puis « médias » comme un «support de diffusion de l’information » (Coutant & Stenger, 2012, p. 10) L’intérêt des médias sociaux se trouve dans l’auto-gestion de son contenu par les utilisateurs et utilisatrices. C’est le principe « UGC » ou littéralement « User generated content ». (Coutant & Stenger, 2012, p. 12) Thomas Stenger utilise plus spécifiquement le terme de « médias socio numériques » pour qualifier une « co-construction intégrant dynamiques sociales et supports techniques. » (Stenger, 2015, p. 160) En effet, en utilisant le terme de médias sociaux, l’accent est mis uniquement sur l’aspect « social », ce qui induit un oubli d’une autre caractéristique fondamentale : le « numérique ».
(Stenger, 2015, p. 160) En assemblant ces deux termes, cela permet une définition plus complète des nouveaux supports d’échanges d’informations.
Il existe différentes pratiques accessibles englobées sous le nom de médias sociaux ou socio numériques. Elles ont un rôle important chez les adolescents, dans la construction de leur identité, et peuvent être considérées comme un moyen de socialisation influent. (Stenger, 2015, pp. 159-160)
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Table des matières
Choix de la thématique
Cadre théorique
1. Les modèles de genre
1.1. Enfance et construction genrée
1.2. Féminité
1.3. Femmes, corps et mythe de beauté
1.3.1. Les femmes et leurs corps
1.3.2. Les mythes de beauté
1.3.3. Adolescence et mythes de beauté
1.4. Femmes et médias
1.5. Conclusion
2. Adolescence
2.1. Adolescence et corps
2.1.1. Image corporelle à la puberté
2.1.1.1. Facteurs liés à l’image corporelle
2.2. Adolescence et construction identitaire
2.2.1. Définitions de l’identité
2.2.2. Les facettes de l’identité
2.2.3. Les rôles de l’identité individuelle
2.2.4. Les motivations identitaires
2.2.5. L’identité et ses statuts
2.2.6. Identité et contextes sociaux
2.3. Adolescence et genre
2.3.1. Identité de genre
2.3.2. Adolescence et catégories de genre
2.3.3. Adolescence et féminité
2.4. Adolescence et vie en institution
2.4.1. Les enjeux d’une vie en institution
2.4.2. Le placement féminin
3. Médias sociaux
3.1. Médias sociaux et adolescence
3.2. Les différents usages des médias sociaux
3.3. Médias sociaux et risques
4. Accompagnement
4.1. Accompagnement éducatif auprès d’adolescent·e·s et enjeux
4.2. Outils et modèles d’accompagnement
4.2.1. Outils relationnels et éducatifs
4.2.2. Modèles d’interventions
4.2.2.1. Approche centrée sur la personne.
4.2.2.2. L’empowerment
4.2.3. Lien avec l’utilisation des médias sociaux
4.3. Accompagnement sur les médias sociaux
5. Question de recherche, objectifs et hypothèses
5.1. Question de recherche
5.2. Objectifs
5.3. Hypothèses
6. Méthodologie de la recherche
6.1. Terrain de recherche
6.2. Echantillonnage
6.3. Technique de récolte de données .
6.4. Limites
7. Méthodologie d’analyse de données
7.1. Description des résultats et liens avec la théorie
7.1.1. L’intervention éducative auprès d’adolescentes
7.1.2. Le groupe, une composante identitaire fondamentale chez les adolescentes
7.1.3. Politique éducative en matière de médias sociaux
7.1.4. Questions de genre
7.2. Synthèse
7.2.1. Vérification des hypothèses
7.2.2. Réponses à la question de recherche
8. Nouvelle vision de la problématique
8.1. Nouveaux questionnements
8.2. Pistes d’action
8.3. Bilan
8.3.1. Personnel
8.3.2. Professionnel
8.3.3. Méthodologique
8.4. Conclusion finale
9. Bibliographie
10. Annexes
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