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Elรฉments cliniques
Les tableaux cliniques sont trรจs variables, dโinstallation le plus souvent subaiguรซ mais pouvant รชtre dans certains cas aiguรซ ou chronique. Lโatteinte musculaire peut se manifester par des douleurs (myalgies) ou par une perte de force (fatigabilitรฉ ou dรฉficit musculaire), classiquement bilatรฉrale et symรฉtrique. Elle peut concerner les muscles des membres (prรฉdominant le plus souvent aux ceintures pelviennes et scapulaires) mais รฉgalement la musculature axiale (tรชte tombante, camptocormie), faciale, oropharyngรฉe ou oesophagienne (dysphagie, fausses-routes), cardiaque (cardiomyopathie) ou respiratoire (insuffisance respiratoire restrictive). Lโatteinte musculaire nโest pas toujours au premier plan, quโelle nโait pas de traduction clinique (myosite ยซ infraclinique ยป ou ยซ cliniquement amyopathique ยป) ou quโelle soit indรฉtectable par les examens complรฉmentaires disponibles (myosite ยซ amyopathique ยป)5.
Les MII sont des maladies systรฉmiques. Les signes extra-musculaires sont frรฉquents et variรฉs. Lโatteinte cutanรฉe a donnรฉ son nom au groupe des dermatomyosites, notamment du fait de signes pathognomoniques (รฉrythรจme liliacรฉ des paupiรจres, signe et papules de Gottron) ou trรจs รฉvocateurs (rash hรฉliotrope, signe du chรขle, signe du V, poรฏkilodermie du tronc, รฉrythรจme flagellรฉ centripรจte, dystrophie des cuticules, signe de la manucure). Dโautres manifestations dermatologiques sont possibles (calcinose, livedo, tรฉlangiectasies pรฉriungรฉales, alopรฉcie non cicatricielle). Cependant, ces signes ne sont pas toujours prรฉsents, y compris dans les dermatomyosites (dermatomyosite ยซ sine dermatitis ยป). Dโautres signes cutanรฉs orientent plus spรฉcifiquement vers le syndrome des anti-synthรฉtases comme les ยซ mains de mรฉcanicien ยป ou les ยซ pieds de randonneur ยป correspondant ร une hyperkรฉratose fissuraire palmoplantaire6.
En dehors des atteintes cutanรฉes, dโautres atteintes extra-musculaires peuvent survenir : pneumopathie interstitielle diffuse (PID), rhumatisme inflammatoire chronique, syndrome de Raynaud, hypertension artรฉrielle pulmonaire (HTAP), fiรจvre. Les diffรฉrentes atteintes peuvent survenir de maniรจre synchrone ou diffรฉrรฉe.
Cette variรฉtรฉ dโatteintes explique que ces pathologies reprรฉsentent un enjeu diagnostique et thรฉrapeutique pour de nombreux spรฉcialistes : dermatologues, neurologues, rhumatologues, pneumologues, internistes.
Elรฉments paracliniques
Plusieurs รฉlรฉments paracliniques viennent conforter ou infirmer par leur normalitรฉ le diagnostic de MII. Le dosage sanguin de la crรฉatine phosphokinase (CPK) peut retrouver une hyperCPKรฉmie, frรฉquente mais aspรฉcifique. Le suivi du taux de CPK est particuliรจrement utile au cours du suivi pour รฉvaluer lโactivitรฉ de lโatteinte musculaire. Dโautres marqueurs biologiques plus ou moins spรฉcifiques du muscle squelettique peuvent รชtre retrouvรฉs ร des taux augmentรฉs (aspartate aminotransfรฉrase, alanine aminotransfรฉrase, lactate dรฉshydrogรฉnase, aldolase)7.
Un รฉlectromyogramme (EMG) peut retrouver un syndrome myogรจne dont la triade caractรฉristique associe des potentiels dโunitรฉ motrice de courte durรฉe et de faible amplitude, une activitรฉ spontanรฉe avec fibrillations et des dรฉcharges rรฉpรฉtรฉes complexes.
Lโรฉlรฉctroneuromyogramme (ENMG) permet รฉgalement dโรฉliminer une atteinte neurogรจne ou de la jonction neuro-musculaire.
Lโimagerie par rรฉsonnance magnรฉtique (IRM) musculaire est de plus en plus pratiquรฉe. Elle recherche des stigmates dโinflammation : prรฉsence dโoedรจme intramusculaire (hypersignal en sรฉquence STIR), prise de contraste aprรจs lโinjection de gadolinium. Elle peut รฉgalement mettre en รฉvidence une involution graisseuse (hypersignal en sรฉquence T1 au sein des masses musculaires), une sรฉlectivitรฉ de lโatteinte musculaire, des signes de fasciite. Elle peut รชtre utile au diagnostic pour guider la biopsie musculaire et, au cours du suivi, pour estimer lโactivitรฉ musculaire de la MII8,9. La biopsie musculaire a longtemps รฉtรฉ le gold standard pour le diagnostic positif et diffรฉrentiel ainsi que pour la classification des MII. Lโanalyse histologique retrouve des lรฉsions des fibres musculaires ainsi que des infiltrats inflammatoires de nature et de localisation variables10.
Nous reviendrons ultรฉrieurement sur le rรดle de plus en plus prรฉdominant des anticorps spรฉcifiques ou associรฉs au myosite au cours du bilan diagnostique.
Prise en charge
En dehors des myosites ร inclusion sporadiques (MIS) pour lesquelles aucun traitement pharmacologique nโa fait la preuve de son efficacitรฉ, la prise en charge thรฉrapeutique repose sur des traitements immunomodulateurs ou immunosuppresseurs. Une corticothรฉrapie est le plus souvent indiquรฉe. Dโautres molรฉcules peuvent รชtre introduites, ร visรฉe dโรฉpargne cortisonique ou pour les formes sรฉvรจres et rรฉfractaires11.
Lโexercice physique, notamment par une kinรฉsithรฉrapie musculaire active, est le plus souvent indiquรฉ12.
Facteurs pronostiques, association aux cancers
La survenue dโune MII augmente le risque de dรฉcรจs, notamment dans lโannรฉe qui suit le diagnostic de la MII avec une estimation de 9% de dรฉcรจs ร un an13. La prรฉsence dโun cancer est un facteur de risque de mortalitรฉ dans les MII14.
Les patients atteints de MII prรฉsentent en effet un surrisque de cancer, qui concerne 10 ร 30% des patients atteints de DM15. Les patients de sexe masculin de plus de 45 ans sont les plus ร risque16,17. La prรฉsence dโune atteinte pulmonaire ou articulaire pourrait protรฉger de ce surrisque18. Lโassociation au cancer est classiquement dรฉfinie comme la survenue dโun cancer dans les 3 ans (avant ou aprรจs) le diagnostic de la MII19. Cette association est dรฉmontrรฉe chez lโadulte mais pas chez lโenfant20. Diffรฉrents types de cancers sont dรฉcrits avec une prรฉdominance de carcinomes ovariens, gastriques, pancrรฉatiques, coliques, pulmonaires, de mรฉlanome et de lymphomes21โ23. Lโรฉvolution parfois parallรจle des deux pathologies ainsi que la guรฉrison de certaines MII aprรจs traitement dโun cancer synchrone soulรจvent la question dโune association de type paranรฉoplasique, bien que ce point soit dรฉbattu24.
Dโautres รฉvรฉnements pรฉjoratifs peuvent รฉmailler lโรฉvolution dโune MII : รฉvรฉnements veineux thrombo-emboliques25, infections opportunistes chez les patients les plus pharmacologiquement immunodรฉprimรฉs 26,27, ostรฉoporose28.
Hรฉtรฉrogรฉnรฉitรฉ et classification des MII
Objectif dโune classification
Les MII forment un groupe hรฉtรฉrogรจne avec des caractรฉristiques trรจs variables de lโensemble des facteurs prรฉcรฉdemment dรฉveloppรฉs : รฉpidรฉmiologie, atteinte musculaire et extramusculaire, donnรฉes paracliniques, rรฉponse au traitement, surrisque de cancer, mรฉcanismes physiopathologiques.
La volontรฉ est ainsi nรฉe de vouloir agrรฉger les MII aux paramรจtres semblables dans des sous-types dโune classification prรฉcise afin de regrouper les patients dans des groupes homogรจnes de MII. Lโobjectif de cet effort est dโamรฉliorer la prise en charge des patients dans une dรฉmarche de mรฉdecine plus personnalisรฉe, de mieux comprendre les mรฉcanismes physiopathologiques ร lโoeuvre et de perfectionner le design des essais thรฉrapeutiques.
Difficultรฉs dโune classification des MII
La classification des MII fait toujours lโobjet de dรฉbats29 et la multiplicitรฉ des classifications reflรจte bien la difficultรฉ dโรฉtablir des groupes homogรจnes. Elle est rendue รฉvolutive par lโidentification de nouvelles entitรฉs nosologiques permises par les progrรจs de lโimmunologie, de lโimagerie et de lโhistologie.
En 1975, dans la classification des Dr Bohan et Peter รฉtaient dรฉcrites les dermatomyosites (DM) et les polymyosites (PM), selon la prรฉsence ou lโabsence de signe cutanรฉ. Bohan et Peter dรฉcrivaient dรฉjร รฉgalement les concepts de MII juvรฉniles, de MII associรฉes aux cancers ou aux connectivites. Cependant, leur classification ne tenait pas compte des formes sine myositis et sine dermatitis. La classification sโest vue enrichir par lโindividualisation de nouvelles entitรฉs : dโabord les myosites ร inclusion sporadiques (MIS) et les myosites associรฉes aux cancers (MAC). Puis les PM ont รฉtรฉ dรฉmembrรฉes : myopathies nรฉcrosantes auto-immunes (MNAI), myosite de chevauchement (MdC), syndrome des anti-synthรฉtases (SAS). Lโexistence mรชme dโauthentique du groupe des PM a ainsi รฉtรฉ remise en question. Sa prรฉvalence semble dรฉsormais bien plus faible que prรฉalablement estimรฉe. Ces entitรฉs se recoupent selon le systรจme de classification choisi. Le SAS est parfois intรฉgrรฉ aux MdC11. Les MAC constituent un sous-groupe des DM et des MNAI. Les DM cliniquement amyopathique (DMCA) sont un sous-groupe des DM.
Ces groupes dรฉfinissent des phรฉnotypes spรฉcifiques de MII sur les plans รฉpidรฉmiologique, de lโassociation aux cancers, du tableau clinico-biologique, de la rรฉponse au traitement, du pronostic et des mรฉcanismes physiopathologiques30 (Tableau 1).
Les autoanticorps spรฉcifiques des myosites (ASM)
Les autoanticorps spรฉcifiques des myosites (ASM) sont un de ces outils utiles pour classer les MII31.
Gรฉnรฉralitรฉs sur les ASM
On dรฉcrit traditionnellement deux types dโauto-anticorps retrouvรฉs chez les patients atteints de MII : les anticorps spรฉcifiques des myosites (ASM) et les anticorps associรฉs aux myosites (AAM). Les ASM sont exclusivement associรฉs aux MII, tandis quโon retrouve les AAM dans diffรฉrentes connectivites (sclรฉrodermie, syndrome de Sharp, syndrome de Gougerot-Sjรถgren, Lupus). Les ASM ciblent des antigรจnes intracellulaires ubiquitaires, impliquรฉs dans des processus cellulaires clefs comme la transcription de l’ADN, la synthรจse et la translocation protรฉique ou le mรฉtabolisme32.
Les premiers anticorps spรฉcifiques des myosites identifiรฉs sont les anticorps anti-Mi2, dรฉcrit en 1976 par Targoff et Reichlin33. Depuis, de nombreux auto-anticorps ont รฉtรฉ dรฉcrits comme ASM ou AAM dans des contextes trรจs variables : MII associรฉes aux cancers, MII associรฉes aux statines, pneumopathie interstitielle diffuse dโรฉtiologie indรฉterminรฉ, etcโฆ (Figure 2). Le terme dโASM est discutable car certains de ces auto-anticorps surviennent dans des contextes systรฉmiques sans atteinte du muscle squelettique, notamment dans le cadre du syndrome des anti-synthรฉtases (SAS).
Les ASM comme รฉlรฉment diagnostique
Des autoanticorps ont รฉtรฉ dรฉcrits chez 60 ร 70% des patients atteints de MII, adultes comme pรฉdiatriques20,31. Les pratiques รฉvoluent et la prรฉsence dโun ASM associรฉ ร une prรฉsentation clinique compatible fait parfois surseoir ร la biopsie musculaire.
Les ASM comme outil de prรฉcision
Les ASM peuvent รชtre utilisรฉs seuls ou en complรฉment des donnรฉes cliniques ou histologiques pour classer les MII dans des sous-groupes de phรฉnotype homogรจne dans une optique de prise en charge personnalisรฉe35. Ils permettent notamment de prรฉciser le surrisque de cancer ou dโatteinte pulmonaire interstitielle, qui sont deux facteurs contribuant ร la mortalitรฉ dans les MII36. Ainsi les anticorps anti-TIF1ฮณ sโassocient dans plus de 50% des cas (jusquโร 100% dans certaines sรฉries) ร un cancer. Lโanticorps anti-NXP2 et les MNAI sรฉronรฉgatives sโassocient รฉgalement ร un surrisque significatif de cancer37,38. Les anticorps anti-MDA5 sont associรฉs ร une atteinte pulmonaire interstitielle sรฉvรจre nรฉcessitant une prise en charge aggressive39. Les ASM peuvent avoir fonction de biomarqueurs prรฉdictifs puisquโils permettent รฉgalement de prรฉdire la rรฉponse au traitement40.
Les ASM corrรจlent avec le type de la myopathie (DM, SAS, MNAI). Ainsi, pour les plus frรฉquents compte-t-on : les anti-Mi2, anti-TIF1ฮณ, anti-NXP2, anti-SAE1/2 et anti-MDA5 spรฉcifiques des DM (ASM-DM) ; les anti-JO1, anti-PL7, anti-PL12, anti-EJ et anti-OJ spรฉcifiques des SAS (ASM-SAS) ; les anti-HMGCR et anti-SRP spรฉcifiques des MNAI (ASM-MNAI).
De plus, au sein mรชme de chaque groupe, ils prรฉcisent dโavantage les phรฉnotypes clinique, pronostique et histologique (Tableau 2)41,42.
Les ASM comme piste physiopathologique
Plusieurs exemples suggรจrent que lโidentification des ASM permette dโavancer dans lโexploration des facteurs gรฉnรฉtiques ou des triggers environnementaux et oncogรฉniques associรฉs ร lโapparition des MII. Certains ASM sโassocient ร des polymorphismes HLA, partagรฉes ou spรฉcifiques de groupes ethniques diffรฉrents34,49.
Les anticorps anti-TIF1ฮณ sont associรฉs ร un surrisque important de cancer. Les tumeurs de patients atteints de MII ร anticorps anti-TIF1ฮณ prรฉsentent un nombre plus important de mutation et de perte dโhรฉtรฉrozygotie dans les gรจnes de TIF1, associรฉs ร une surexpression de la protรฉine TIF1 dans la tumeur, le muscle et la peau. Ces donnรฉes suggรจrent un lien direct entre la protรฉine TIF1, le cancer et la MII50, comme cela avait pu รชtre dรฉmontrรฉ pour les sclรฉrodermies paranรฉoplasiques ร anticorps anti-ARN polymรฉrase III51.
Au-delร dโรชtre des biomarqueurs des MII, le caractรจre pathogรจne des ASM est incertain. Cette propriรฉtรฉ a รฉtรฉ suggรฉrรฉe par des corrรฉlations entre le taux des anticorps et lโactivitรฉ de la maladie ou la rรฉponse au traitement, dans les MNAI, les SAS et les DM52โ56. Dans une รฉtude murine, le transfert passif dโIgG de patients atteints de MNAI ainsi que lโimmunisation active avec des protรฉines recombinantes dรฉclenchaient la pathologie chez les souris57.
Lโรฉtude de la fonction des autoantigรจnes cibles permet รฉgalement de dรฉgager des hypothรจses physiopathologiques. 3-hydroxy-3-mรฉthylglutaryl-coenzyme-A reductase (HMGCR) est lโenzyme limitante de la voie mรฉvalonate utile ร la biosynthรจse du cholestรฉrol. Cโest la cible des molรฉcules de la famille des statines et son expression augmente dans le muscle squelettique aprรจs une exposition ร un traitement par statines pouvant expliquer lโapparition de MNAI avec anticorps anti-HMGCR chez ces patients58.
Lโรฉtude de la distribution des autoantigรจnes cibles est รฉgalement une piste de recherche. Ainsi lโexpression de Mi2 dans les kรฉratinocytes est rรฉgulรฉe ร la hausse par le rayonnement ultraviolet. Cette donnรฉe concorde avec la corrรฉlation entre lโintensitรฉ dโirradiation en ultraviolet selon la zone gรฉographique et la prรฉvalence de DM ร anticorps anti-Mi2, ainsi quโavec la saisonnalitรฉ observรฉe de ce type de DM59.
Mรฉthodes dโidentification des ASM
Lโimmunoprรฉcipitation, mรฉthode de rรฉfรฉrence
Lโimmunoprรฉcipitation (IP) de protรฉines radiomarquรฉes est basรฉe sur la formation en solution de complexes antigรจne-anticorps. Les autoantigรจnes sont extraits de lignรฉes cellulaires. La prรฉsence des anticorps est recherchรฉe dans le sรฉrum du patient. Aprรจs sรฉparation sur un gel de polyacrylamide, la prรฉcipitation des protรฉines est visualisรฉe par autoradiographie. LโIP permet la dรฉtection de presque tous les ASM connus ร ce jour.
Historiquement, les associations entre les diffรฉrents ASM et les groupes de MII ont รฉtรฉ รฉtablies par ce type de technique dโimmunoprรฉcipitation. LโIP est ainsi devenue la mรฉthode de rรฉfรฉrence avec les meilleures donnรฉes de sensibilitรฉ et de spรฉcificitรฉ. Elle est parfois considรฉrรฉe comme un gold-standard60. Cependant lโIP comme mรฉthode de recherche des ASM ne fait pas lโobjet dโun consensus international ni dโun protocole standardisรฉ. Par exemple, il nโy a pas de contrรดle positif unanimement validรฉ61.
Par ailleurs, cette technique souffre de nombreux dรฉfauts. Elle est complexe et chronophage. Elle nรฉcessite dโimportantes quantitรฉs dโantigรจnes et la manipulation de radioisotopes. Sa sensibilitรฉ est รฉgalement questionnรฉe62. Ainsi, peut-elle รชtre mise en dรฉfaut, comme pour la dรฉtection dโanticorps anti-JO1. Elle nโest disponible que dans un nombre limitรฉ de laboratoires de recherche. Ces รฉlรฉments la rendent peu compatible avec une utilisation en routine63. Dโautres mรฉthodes ont ainsi รฉtรฉ dรฉveloppรฉes.
IFI sur cellule HEp-2, une information pertinente
Lโimmunofluorescence indirecte (IFI) sur cellule HEp-2 est utilisรฉe en routine pour la recherche dโanticorps anti-nuclรฉaires. Cโest la mรฉthode de dรฉpistage principale de nombreuses maladies auto-immunes. Elle permet รฉgalement le dรฉpistage de nombreux ASM/AAM quโils soient nuclรฉaires ou cytoplasmiques63. Lโaspect de la fluorescence est souvent รฉvocateur dโune spรฉcificitรฉ de lโanticorps. Cependant, cette mรฉthode manque de sensibilitรฉ pour la dรฉtection des ASM notamment du fait dโun signal rendu faible par le bas niveau dโexpression de lโantigรจne, la faible affinitรฉ de lโanticorps et la dilution du sรฉrum pratiquรฉe. Cโest notamment le cas des anticorps associรฉs aux SAS mal dรฉtectรฉs par cette technique32,64. Par ailleurs, il ne peut รชtre plus quโun test de dรฉpistage, puisquโil ne peut pas identifier avec certitude la spรฉcificitรฉ de lโanticorps.
Mรฉthode de dรฉtection de routine
Dโautres mรฉthodes permettant la dรฉtection simultanรฉe de multiples ASM sont dรฉsormais utilisรฉes en pratique courante42. Elles permettent รฉgalement dโapporter une information quantitative : ELISA, immunoblot, ALBIA et la derniรจre en date PMAT61. Les techniques dโimmunoblot sont les plus utilisรฉes en pratique clinique. Deux types dโimmunoblots sont actuellement commercialisรฉs : le line-blot (ou LIA : line immunoassay) et le DOT-blot (ou DIA : DOT immunoassay, communรฉment appelรฉ ยซ DOT-myosite ยป). LIA et DIA bรฉnรฉficient de la possibilitรฉ dโutiliser une lecture automatisรฉe de la colorimรฉtrie permettant une approche semi-quantitative. Les performances des immunoblots sont variables entre les kits commerciaux et selon lโASM considรฉrรฉ65, soulevant la nรฉcessitรฉ dโune standardisation entre les fabricants, ainsi que le dรฉveloppement de contrรดles qualitรฉs plus stricts afin dโintรฉgrer au mieux les ASM dans la pratique et la classification66.
Pour lโensemble de ces techniques lโoptimisation est difficile, notamment pour homogรฉnรฉiser les rรฉactifs, les temps dโincubation et les seuils de positivitรฉ entre les diffรฉrents anticorps. Par ailleurs, la comparaison des immunoblots – entre eux ou avec dโautres mรฉthodes telle lโIP, est rendue difficile par la raretรฉ des MII et de certains ASM, nรฉcessitant des cohortes de plusieurs milliers de patients62. Malgrรฉ ces rรฉserves, leur rapiditรฉ et leur facilitรฉ dโutilisation les ont rapidement introduits en pratique courante.
Le risque de ces nouvelles techniques possiblement plus sensibles est quโelles fournissent des rรฉsultats dโinterprรฉtation plus dรฉlicate et quโelles puissent petit ร petit rendre flou les contours quโavait dessinรฉs la caractรฉrisation des associations MII-ASM67.
La multipositivitรฉ des ASM
La multipositivitรฉ des auto-anticorps spรฉcifiques des myosites รฉtait historiquement trรจs rare (4 patients pour 3487 MII dans la mรฉtanalyse de Lega et al en 201468) mais des observations plus rรฉcentes, notamment depuis lโusage รฉtendu des immunoblots, suggรจrent que cette รฉventualitรฉ est devenue plus frรฉquente.
La multipositivitรฉ dโauto-anticorps : un concept venu dโailleurs
Dans dโautres maladies auto-immunes, la positivitรฉ de deux auto-anticorps diffรฉrents a dรฉjร fait lโobjet dโobservations. Nous allons en voir quelques exemples et en estimer les consรฉquences.
Vascularite ร anti-MBG
Les patients atteints de vascularite avec des anticorps dirigรฉs contre la membrane basale glomรฉrulaire (anti-MBG) associรฉs ร des anticorps anti-myรฉlopรฉroxydase (ANCA anti-MPO) prรฉsentent des caractรฉristiques des deux groupes. Ils ont un phรฉnotype clinique spรฉcifique avec un risque de rechute plus important que ceux avec une simple positivitรฉ anti-MBG69,70. Ainsi la double positivitรฉ peut conduire ร une surveillance plus accrue de la rechute.
Le SAPL
Chez les patients atteints du syndrome des anti-phospholipides, la prรฉsence de plusieurs anticorps anti-phospholipides est associรฉe ร une plus grande frรฉquence dโincidents thrombotiques, ร un risque de rechute plus important ainsi quโร un pronostic dรฉfavorable71,72. Ainsi la double positivitรฉ peut-elle conduire ร une indication thรฉrapeutique (anticoagulation dans cet exemple) plus forte.
Les dysthyroรฏdie
Chez les patients atteints de pathologie de la thyroรฏde, la double positivitรฉ des anticorps anti-thyroglobuline et anti-thyroรฏde peroxydase est frรฉquente et tรฉmoigne dโun surrisque de cancer papillaire de la thyroรฏde, notamment de stade avancรฉ73. Ainsi la double positivitรฉ peut conduire ร une surveillance plus rapprochรฉe du risque de cancer.
La sclรฉrodermie systรฉmique
Des patientes chez qui รฉtaient retrouvรฉs simultanรฉment des anticorps anti-centromรจres et des anticorps anti-topoisomรฉrases, prรฉsentaient un phรฉnotype mixte de sclรฉrodermie ainsi que les allรจles HLA de susceptibilitรฉ des deux auto-anticorps74.
La double positivitรฉ des ASM : une signification non connue pour une rรฉalitรฉ non estimรฉe
Les ASM sont pour la plupart considรฉrรฉs comme mutuellement hรฉtรฉroexclusifs75. Lโusage en pratique courante de tests diagnostiques multiples comme les immunoblots a fait รฉmerger des cas de multipositivitรฉ des ASM. Ces cas nโont jamais fait lโobjet dโune รฉtude spรฉcifique.
Lโassociation entre des ASM et des AAM est en revanche dรฉjร dรฉcrite. Par exemple, lโassociation entre ASM spรฉcifique du SAS et AAM de type anti-SSA 52 kDa a รฉtรฉ corrรฉlรฉe ร une myosite plus sรฉvรจre, une arthropathie et un risque augmentรฉ de cancer76.
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Table des matiรจres
1. Introduction
1.1 Les myopathies inflammatoires idiopathiques (MII)
1.1.1 Dรฉfinition et รฉpidรฉmiologie
1.1.2 Elรฉments cliniques
1.1.3 Elรฉments paracliniques
1.1.4 Prise en charge
1.1.5 Facteurs pronostiques, association aux cancers
1.2 Hรฉtรฉrogรฉnรฉitรฉ et classification des MII
1.2.1 Objectif dโune classification
1.2.2 Difficultรฉs dโune classification des MII
1.3 Les autoanticorps spรฉcifiques des myosites (ASM)
1.3.1 Gรฉnรฉralitรฉs sur les ASM
1.3.2 Apport des ASM
1.3.3 Mรฉthodes dโidentification des ASM
1.4 La multipositivitรฉ des ASM
1.4.1 La multipositivitรฉ dโauto-anticorps : un concept venu dโailleurs
1.4.2 La double positivitรฉ des ASM : une signification non connue pour une rรฉalitรฉ non estimรฉe
2. Objectif
3. Matรฉriel et Mรฉthodes
4. Rรฉsultats
4.1 Donnรฉes gรฉnรฉrales
4.1.1 Analyse des prescriptions
4.1.2 Analyse des rรฉsultats par patient
4.1.3 Analyse des rรฉsultats positifs
4.1.4 Analyse des rรฉsultats douteux
4.1.5 Analyse des DOT rรฉpรฉtรฉs
4.2 Patients multipositifs
4.2.1 Corrรฉlation des anticorps entre eux
4.2.2 Analyse des patients multipositifs
4.2.3 Comparaison des vrais et de faux positifs
4.2.4 DOT rรฉpรฉtรฉs chez les multipositifs
5 Discussion
5.1 : La multipositivitรฉ frรฉquente : une rรฉalitรฉ nouvelle
5.2 : La multipositivitรฉ : un haut taux de faux positifs
5.3 : Quelle conduite ร tenir devant une multipositivitรฉ ?
5.3.1 Comparaison ร lโIFI
5.3.2 Mise en perspective clinique
5.3.3 Autres suggestions
5.4 : La rรฉpรฉtition des DOT : une indication non reconnue, un intรฉrรชt incertain
5.5 : Limites et avantages de notre รฉtude
5.6 : Perspectives
Rรฉfรฉrences bibliographiques
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