Les mycoplasmes des ruminants
Dรฉcouverte des mycoplasmesย
La pรฉripneumonie contagieuse bovine ou PPCB est une maladie grave, dont les premiรจres descriptions datent du 18รจme siรจcle (De-Haller 1773). Ce nโest quโร la fin du XIXรจme siรจcle, ร lโaide de milieux de culture appropriรฉs que Nocard et Roux rรฉussissent ร isoler et ร cultiver lโagent responsable de la PPCB (Nocard, Roux et al. 1898). Pour cela, ils utilisent une technique de culture originale, ils placent dans le pรฉritoine de lapins des sacs de collodion renfermant du bouillon de culture et un extrait de sรฉrositรฉ pรฉripneumonique. Ces mรชmes chercheurs rรฉussissent par la suite ร mettre au point un milieu supplรฉmentรฉ en sรฉrum, plus adaptรฉ ร la culture in vitro de lโagent de la PPCB et en obtiennent une culture pure.
En 1900, aprรจs une culture sur milieu gรฉlosรฉ, la morphologie de lโagent de la PPCB est enfin dรฉcrite (Dujardin-Beaumetz 1900, Bordet 1910). Une de ses caractรฉristiques est son ultrafiltrabilitรฉ, il nโest pas retenu sur des filtres en porcelaine de Chamberland retenant habituellement les autres bactรฉries. Ainsi, entre la premiรจre description, lโisolement et la mise en culture de la bactรฉrie responsable de lโinfection, 140 ans se sont รฉcoulรฉs. Depuis, les avancรฉes en microbiologie et en gรฉnรฉtique, ont permis de caractรฉriser plus avant lโagent de la PPCB, bactรฉrie sans paroi dotรฉe dโun petit gรฉnome. Son histoire et sa dรฉcouverte comme premier reprรฉsentant dโun genre qui ne sera dรฉcrit que plus tard ont fait que lโagent de la PPCB est devenu lโespรจce type du genre Mycoplasma. Le positionnement de lโagent de la PPCB, considรฉrรฉ au dรฉbut comme un virus car ultra-filtrable, dans la taxonomie des bactรฉries a รฉtรฉ trรจs compliquรฉ. Cette classification a longtemps รฉtรฉ basรฉe sur la comparaison de caractรฉristiques morphologiques (taille, colorationโฆ).
Or, au fil du temps, un grand nombre de bactรฉries de taille identique ร celle de lโagent de la PPCB et ne possรฉdant pas de paroi ont รฉtรฉ dรฉcouvertes, rรฉpertoriรฉes, puis classรฉes parmi les ยซ PleuroPneumonia Like Organisms ยป en raison de leur ressemblance ร lโagent de la PPCB (Edward 1954). De plus, en 1935, la forme L des bactรฉries est dรฉcrite, il sโagit de variants dรฉpourvus de paroi. Les mycoplasmes sont alors proposรฉs comme รฉtant des formes L cโest-ร -dire des formes ยซ dรฉgรฉnรฉrรฉes ยป issues de bactรฉries Gram + ayant perdu leur paroi (Klieneberger 1935, Klieneberger-Nobel 1960). Il faut attendre la fin des annรฉes 60 et lโhybridation ADN/ADN pour dรฉfinitivement diffรฉrencier les mycoplasmes des bactรฉries de forme L, dโune part et รฉtablir leur positionnement taxonomique au sein des procaryotes, dโautre part (McGee, Rogul et al. 1965, Rogul, McGee et al. 1965, Reich, Somerson et al. 1966). Lโordre des Mycoplasmatales est finalement dรฉfini en 1955, le genre Mycoplasma en est le genre type (Freundt 1955). Lโespรจce Mycoplasma mycoides, dont fait partie lโagent รฉtiologique de la PPCB, sera lโespรจce type du genre Mycoplasma. Puis la classe des Mollicutes est dรฉfinie en 1967 par le Comitรฉ International de bactรฉriologie (Edward 1967). Depuis lors, ce classement est en constante รฉvolution, affinรฉ par lโamรฉlioration des techniques dโanalyse gรฉnรฉtique.
Classification des Mollicutesย
Les bactรฉries appartenant ร la classe des Mollicutes seront nommรฉes ยซ mollicutes ยป dans ce document. Le terme Mollicutes vient du latin et signifie ยซ peau souple ยป. Il fait rรฉfรฉrence ร une des caractรฉristiques majeures de cette classe qui est lโabsence de paroi. Les cellules de mollicutes sont dรฉlimitรฉes par leur membrane cytoplasmique. La classe des Mollicutes comprend de nombreuses bactรฉries, isolรฉes chez divers hรดtes ( les plantes, les insectes et les vertรฉbrรฉs, comme indiquรฉ dans le Tableau 1), quโil faut positionner dans la classification. La classification dโorganismes ou taxonomie permet de dรฉcrire des groupes dโorganismes distincts et de leur attribuer une nomenclature. La taxonomie des mollicutes a longtemps consistรฉ en une rรฉpartition dรฉpendante de leur habitat, de leur besoin en cholestรฉrol, du poids molรฉculaire de leur gรฉnome et de leurs propriรฉtรฉs antigรฉniques (Razin 1978). Ainsi la classe des Mollicutes est constituรฉe de 4 ordres bactรฉriens (Tableau 1) comprenant les Acholeplasmatales, les Anaeroplasmatales, les Entomoplasmatales et les Mycoplasmatales (Razin, Yogev et al. 1998).
Pรฉripneumonie contagieuse bovineย
La PPCB est la pathologie historique liรฉe aux mycoplasmes (Cf. section 1.1). Elle touche principalement les bovins mais son agent รฉtiologique, M. mycoides subsp. mycoides (Mmm) peut-รชtre exceptionnellement retrouvรฉ en portage asymptomatique chez les petits ruminants (caprins et ovins) (Perreau 1971). En France, la PPCB est classรฉe comme danger sanitaire de catรฉgorie 1 (Journal Officiel de la Rรฉpublique Franรงaise, arrรชtรฉ du 29 juillet 2013). La PPCB est la seule maladie bactรฉrienne rรฉglementรฉe et ร dรฉclaration obligatoire auprรจs de lโOrganisation Mondiale de la Santรฉ Animale (OIE) et pour laquelle il existe un statut sanitaire officiel ainsi que des programmes de lutte agrรฉรฉs. Les autres sont des maladies virales ou ร prion. La procรฉdure de reconnaissance officielle dโun statut sanitaire par lโOIE est une dรฉmarche volontaire des pays. Si un pays souhaite รชtre considรฉrรฉ comme indemne de la PPCB, il doit fournir annuellement des preuves suffisantes de lโabsence de la maladie sur son territoire. Cette reconnaissance de statut pour la PPCB est importante puisquโun pays dรฉclarรฉ indemne par lโOIE est รฉgalement reconnu par lโorganisation mondiale du commerce (www.oie.int). Plusieurs pays sont dรฉclarรฉs indemnes de la maladie par lโOIE. Cโest le cas des trois principaux producteurs de bovins, le Brรฉsil, lโInde et la Chine et en Europe de la France, de la Suisse et du Portugal ainsi que dโautres pays reprรฉsentรฉs en vert sur la Figure 3. Dโautres pays europรฉens sont certainement indemnes mais ne disposent pas dโun outil de surveillance suffisant pour sโen prรฉvaloir auprรจs de lโOIE ou ne souhaitent pas en faire la dรฉmarche.
Divers signes cliniques, tels quโun amaigrissement et des difficultรฉs respiratoires, permettent de suspecter la PPCB, bien que ces signes ne soient pas exclusifs ร cette maladie. A lโautopsie, elle est caractรฉrisรฉe par une pleuropneumonie aigรผe ou subaigรผe qui rรฉsulte dโune inflammation exsudative sรฉro-fibrineuse de la plรจvre et des poumons (Curasson 1936, Provost 1987). Elle est transmise par contact entre animaux malades ou porteurs asymptomatiques et animaux sensibles via la projection de goutelettes durant la toux. Diffรฉrentes formes de la maladie existent : aigรผe, subaigรผe et chronique. La forme aigรผe est divisรฉe en trois phases, la phase dโinvasion oรน les premiers signes cliniques apparaissent, la phase dโรฉtat oรน le poumon est hรฉpatisรฉ et la phase terminale รฉvoluant vers la mort, la chronicitรฉ ou la guรฉrison des animaux. La forme subaigรผe correspond ร des signes cliniques plus discrets. Il existe รฉgalement une forme chronique oรน lโagent de la PPCB peut survivre plusieurs mois dans des sรฉquestres pulmonaires. Durant la phase aigรผe, lโimpact de la maladie est directement mesurable contrairement ร la forme chronique dont le suivi sur le terrain est plus difficile.
De ce fait, en lโabsence de signes cliniques majeurs favorisant la dรฉtection de la maladie, celle-ci continue de se rรฉpandre dans le troupeau et de troupeaux en troupeaux lors de mouvements dโanimaux rendant son suivi et son รฉradication difficiles. Mรชme lorsque la maladie semble รฉradiquรฉe, des รฉpisodes de rรฉรฉmergence peuvent apparaitre comme ce fรปt le cas lors du dernier foyer Europรฉen (1980 ร 1999) (Regalla, Caporale et al. 1996). Au cours de cet รฉpisode les analyses molรฉculaires ont montrรฉ que les souches provenaient dโun mรชme ancรชtre commun, Europรฉen (Dupuy, Manso-Silvan et al. 2012). Afin de dรฉtecter une รฉventuelle rรฉรฉmergence de la PPCB ou pour participer au suivi de la propagation de la maladie dans les zones touchรฉes, des moyens de surveillance sont mis en place. Ils diffรจrent en fonction de la situation sur le territoire. Ainsi dans des zones indemnes et non touchรฉes, les moyens de surveillance consistent en un contrรดle des carcasses en abattoir afin de chercher des lรฉsions pulmonaires caractรฉristiques de la PPCB. En France, ces donnรฉes sont complรฉtรฉes par la surveillance des mycoplasmoses au travers du rรฉseau Vigimyc (Poumarat 2014). Tandis que dans des zones dรฉjร touchรฉes, le suivi consiste en un dรฉpistage de la prรฉsence de lโagent de la PPCB, Mmm principalement par la dรฉtection dโanticorps spรฉcifiques par le biais dโun sรฉrodiagnostic (ELISA de compรฉtition ou fixation du complรฉment) (www.oie.int).
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Table des matiรจres
Rรฉsumรฉ
Abstract
Remerciements
Abbrรฉviations
Liste des figures
Liste des Tableaux
Partie I : Introduction gรฉnรฉrale
1.Les mycoplasmes
2.Les mycoplasmes des ruminants et les pathologies associรฉes
3.Concepts actuels de la virulence des mycoplasmes
3.1. Adhรฉsion
3.2. Interaction avec le systรจme immunitaire: immunomodulation et รฉchappement
3.3. Le pouvoir cytotoxique
4.Le sรฉcrรฉtome des mycoplasmes
5.Contexte et objectifs de lโรฉtude
Partie II : La recherche dโactivitรฉ protรฉasique extracellulaire
1.Contexte et stratรฉgie de recherche
2.Abstract
3.Importance
4.Introduction
5.Materials and methods
6.Results
6.1. Protease activity of mollicutes found in ruminant lungs.
6.2. Assessment of extracellular proteolytic activity.
6.3. Extracellular caseinolytic activity in defined medium.
6.4. Identification of genes potentially coding for proteases in Mmc and Mycoplasma bovirhinis species and tandem mass spectrometry analysis.
6.5. Proteases located preferentially in the supernatant.
6.6. Identification of caseinolytic proteases by zymography.
6.7. Assessment of the extracellular protease activity of predicted S41 peptidases by analysis of mutant strains.
6.8. In silico analysis of serine protease CBW53985.1 (MLC_2570).
7.Discussion
8.Supplรฉmentary material
9.References
10.Rรฉsultats complรฉmentaires
10.1. Hypothรจse sur la cible de la protรฉase S41.
10.1.1. Activitรฉ hรฉmolytique
10.1.2. Dรฉgradation de la fibrine
10.1.3. Dissolution de la fibrine
11.Discussion
Partie III : La Production de vรฉsicules extracellulaires par le genre Mycoplasma.
Chapitre 1 : La vรฉsiculation chez les mycoplasmes, preuve de concept
1.Contexte et stratรฉgie de recherche
2.Introduction
3.Matรฉriel et mรฉthodes
4.Rรฉsultats
4.1. Analyses des protรฉines membranaires des vรฉsicules
4.2. Vรฉsiculation et phase de croissance
4.3. Mรฉthode de dรฉtection et de quantification relative des VEs
4.4. La production de vรฉsicules, mรฉcanisme actif ?
4.4.1. Choc thermique
4.4.2. Stress antibiotique
4.4.3. Stress pH
4.5. Observation de la formation de vรฉsicules
5.Discussion
Chapitre 2 : Amรฉlioration des conditions de production et purification des vรฉsicules.
1.Contexte et stratรฉgie de recherche
2.Introduction
3.Matรฉriel et Mรฉthodes
4.Rรฉsultats
4.1. Recherche de conditions permettant dโรฉviter la phase de dรฉclin pour la production de vรฉsicules
4.2. Que se passe-t-il en phase de dรฉclin ?
4.3. Purification
4.3.1. Purification sur gradient discontinu
4.3.2. Purification sur gradient continu
4.4. Utilisation du milieu OptiMEM
4.4.1. Production de vรฉsicules en milieu OptiMEM
4.4.2. Comparaison de la production de VEs entre le milieu m-PPLO et optiMEM
5.Discussion
5.1. La recherche de paramรจtres influenรงant la production de VEs
5.2. La recherche dโune approche de purification des VEs
Partie IV : Discussion gรฉnรฉrale
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