Les mutations d’un paysage agraire

Les Géographies tropicales des années 50, Gourou (P), Sautter (G) et Pélissier (P), ont très tôt semé la rupture sur l’idée que les zones tropicales sont dans l’immobilisme, inadaptées aux modèles de développement économique; (voir bibliographies Sautter et Pélissier dans les tropiques: lieux et liens pages 11-21). En effet, depuis leurs investigations, ces modèles d’organisations spatiales, socio-économiques et politiques traditionnels sont perçus comme des supports de développement endogène pertinents. Ils permettent aux communautés locales d’assurer la souveraineté alimentaire et de mener une gouvernance des ressources naturelles (Enda prônât2015). Cependant, depuis des décennies, les changements climatiques ont provoqué la dégradation de l’environnement et des ressources naturelles. Ils engendrent notamment une insécurité alimentaire et une malnutrition. Au Sénégal, les Assises Nationales de 2011 précisaient que l’évolution de la production céréalière ne suit pas la courbe de la croissance démographique du pays. En guise d’exemple, sur 170 kg de céréales consommés par habitant, les importations avoisinent les 100 kg. De même sur les 434 millions de litres de lait consommés, seulement 213 millions sont produits au Sénégal.

Face à cette détérioration des systèmes de production, l’agro-écologie est de plus en plus prônée comme une réponse efficace pour concilier sécurité alimentaire, préservation des agrosystèmes et développement économique et social. Face à cette relance vers une révolution verte, les organisations des campagnes qui répondent plus à cette vocation, sont de plus en plus sous l’influence des villes, de la mondialisation et surtout les programmes d’aménagement des puissances publiques. Pourtier R (1987) souligne à cet effet que: « les indépendances ont par la force des choses hissés les problématiques de l’Etat au premier plan: ce mode, nouveau pour l’Afrique noire, d’organisation du territoire et d’encadrement des hommes est devenu littéralement incontournable ». Et il en résulte souvent des problèmes de conservation de la biodiversité, des crises énergétiques, de forte pression foncière; des transformations des activités et le mode de vie des populations locales.

Cette étude vise une meilleure compréhension de l’impact des grands projets du nouvel Aéroport Blaise Diagne (AIBD) et l’autoroute à péage dans les terroirs sérère Palor.

Présentation de la zone d’étude 

Le terroir Palor se situe à l’extrême ouest de la région de Thiès plus précisément dans la commune de Keur Moussa. Il se situe à 47 km de Dakar et seulement 14 km de Thiès. Cette entité est au cœur du schéma triangulaire Dakar-Thiès-Mbour (voir emplacement de l’AIBD). Elle contribuera aux recentrages et aux reflux des individus, des biens et services entre Dakar et le reste du pays en raison de sa position de carrefour stratégique.

La zone d’étude est limitée au Nord par la commune de Pout, au Sud par l’AIBD; à l’Est par la commune Fandéne et à l’ouest par les commune de Yéne Guedj et de Sébikotane. Le terroir Palor occupait une superficie de 170 km² (Dalton 1987 ). La réalisation de la RN2 et le chemin de fer constitue les premiers facteurs de séparation, en plus de l’émergence de la ville moyenne de Pout. L’implantation de l’aéroport international Blaise Diagne et l’autoroute à péage dans sa marge Sud amorce une nouvelle recomposition spatiale et socioéconomique du terroir Palor. Dans cette étude, il s’agira de mener des réflexions sur les points que sont:

➤ La présentation des équipements structurants
➤ La présentation des dynamiques environnementales
➤ L’évolution du paysage agraire
➤ L’appréhension des dynamiques foncières, des exploitations familiales et des transformations socioéconomiques.

PROBLEMATIQUE

CONTEXTE

La concentration des activités industrielles, des services et des populations dans la partie Ouest du Sénégal engendre des déséquilibres et des disfonctionnements territoriaux remarquables. En effet, l’aéroport international de Léopold Sédar Senghor, le port de Dakar de rangs internationaux, les infrastructures routières, les vastes frontières avec les pays limitrophes, l’ouverture importante sur l’océan atlantique (500 km de côte), le chemin de fer et les décisions politico-commerciales favorisent la montée en puissance de la capitale . Elle s’affirme très tôt comme le pôle principal de l’armature urbaine naissante. Cependant, le développement des infrastructures et les équipements n’a pas suivi cette urbanisation galopante. Il se pose alors des problèmes environnementaux dont la gestion des déchets solides, des inondations, de l’assainissement, des installations anarchiques, des problèmes d’accès aux logements et aux services urbains de façon générale.( Alors, pour des besoins de désencombrement, le gouvernement du Sénégal a entrepris depuis 2000 de vastes programmes visant à améliorer le niveau de service global de communication avec la construction d’infrastructure de transport de nouvelle génération dont le nouvel aéroport international Blaise Diagne de Diass et l’autoroute à péage entre Dakar -Thiès- Mbour. Ces aménagements ont pour objet le désengorgement de la capitale, l’amélioration du cadre de vie des populations et de faire du Sénégal un hub sous régional de transport aérien de premier plan (Rapport APIX 2011). En contrepartie, ils s’accompagnent souvent de la dégradation de l’environnement des lieux d’accueil (la destruction des formations végétales, l’érosion des sols, la baisse de la productivité agricole, la perturbation des chemins de ruissellement et des plans d’eau, la pollution de l’air etc.). Sur le plan social, des impacts liés à l’expropriation des terres pour cause d’utilité publique entrainent des pertes de biens et des déplacements involontaires. Ce phénomène engendre aussi pour la plupart des cas des conflits sociaux entre communauté résident et les porteurs de projets (Coulibaly O 2008). La dégradation des zones de culture et de pâturage, les « séparations » entre les communautés villageoises provoquent l’amertume des peuples autochtones dont le sort préoccupe de plus en plus les Nations unis. La Déclaration des Droits des Autochtones des Nations Unis de 2007, dans son Article 26.1, stipule que : « les peuples autochtones ont le droit aux terres, territoires et ressources qu’ils possèdent et occupent traditionnellement ou qu’ils ont utilisés ou acquis ».

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
I. PROBLEMATIQUE
1. Contexte
2. Justification
3. CADRE INSTITUTIONNEL
4. Cadre opératoire
II. METHODOLOGIE
1. La recherche documentaire
2. Revue de la littérature
3. Discussion des concepts
4. La collecte des données sur le terrain
4-1. Echantillonnage
4-2. Enquête quantitative
4-3. Enquête qualitative
4-4. Observation de terrain
4-5. Analyse et traitement des données
5. Les difficultés rencontrées
PARTIE A: EVOLUTION DU PAYSAGE AGRAIRE
CHAPITRE 1 : PRÉSENTATION GÉNÉRALE
1-1.Historique du Pays Palor
1-2 Les équipements structurants
1-2-1. AIBD, ZESI, Site de recasement
1-2-1-1. AIBD (Aéroport International Blaise Diagne)
1-2-1-2. ZESI (Zone Economique Spéciale Industrielle)
1-2-1-3. Site de recasement
1-2-2 Autoroute à péage, le Train Express
1-2-2-1. Autoroute à péage
1-2-2-2. Le Train Express Régional
CHAPITRE 2 : PRÉSENTATION DES DYNAMIQUES ENVIRONNEMENTALES
2-1. Les impacts sur la topographie
2-2. Impacts des équipements sur le réseau hydrographique
2-3. Impacts des équipements sur la biodiversité
CHAPITRE 3 : DYNAMIQUE DU PAYSAGE AGRAIRE
3-1. Densification de l’espace et la modernisation de l’habitat des terroirs Palor 2015
3-1-1. Evolution de la population
3-1-2. Modernisation de l’habitat
3-1.3. Le parcellaire ou le maillage
3.1.4. Evolution des types de clôtures
3-3. Une réadaptation des systèmes de culture
3-3-1. La culture du mil et de l’arachide
3-3-3. L’association de culture
3-4. Les discontinuités agraires
3-4-2. Evolution des terres en friches
3-4-3. Des nouveaux réseaux en Pays Palor
3-4-4. Effets de coupure en Pays Palor
3-5. Evolution du paysage dans la partie sud du terroir Palor
Conclusion partielle
PARTIE B : DYNAMIQUES FONCIÈRES ET EXPLOITATIONS FAMILIALES
CHAPITRE 4. LA VALORISATION FONCIERE
4-1. Accès à la terre et le statut juridique en Pays Palor
4-2. Accès à la terre aux allochtones en terroir Palor
4-2-1. Spéculation foncière
4-2-2. « Accaparement des terres »
4-3. La manifestation des conflits fonciers
4-3-1. Des conflits d’ordre externe
4-3-2. Conflits d’ordre interne
CHAPITRE 5: EVOLUTION DES EXPLOITATIONS FAMILIALES
5-1. les surfaces agricoles qui s’amenuisent sous la pression des équipements structurants en Pays Palor
5-3. Morcellement des exploitations familiales en pays Palor
5-4. Evolution récente des exploitations familiales en milieu Palor
5-5. Baisse des rendements entre 2000 et 2015 en Pays Palor
Chapitre 6: La diversification des activités, et responsabilite societale des entreprises
6-1. Dynamiques socioéconomiques
6-1-1. L’agriculture
6-1-2. L’élevage
6-2.Des emplois temporaires et des fortunes
6-2-1. Emplois temporaires
6-2-2. Les mutations ont généré des fortunes: Impenses et indemnisations
6-2-3. Les mesures d’accompagnement
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE

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